CHAPITRE II
Dispositions
relatives à la sécurité d'approvisionnement
en
électricité
Article 15
Reprise temporaire
d'activité des salariés de centrales à charbon
Cet article propose que les salariés des centrales à charbon licenciés en raison de la fermeture de ces centrales puissent être de nouveau embauchés par leur entreprise, dans le cadre de contrats à durée déterminée ou de contrats de mission dérogatoires du droit commun, afin d'assurer la reprise temporaire de l'activité des centrales pour lutter contre les tensions d'approvisionnement en électricité.
La commission a adopté cet article modifié par deux amendements rédactionnels.
I - Le dispositif proposé
A. L'accompagnement des salariés licenciés en raison de la fermeture des centrales à charbon
À la suite de l'annonce du Président de la République, le 27 novembre 2018, de l'arrêt de l'exploitation des centrales électriques à charbon à l'horizon 2022, la loi du 8 novembre 2019 dite « énergie et climat 185 ( * ) » a instauré un dispositif permettant d'engager la fermeture de ces centrales par la possibilité de restreindre le fonctionnement des installations émettrices de gaz à effet de serre. 186 ( * )
? Des mesures d'accompagnement spécifique prévues pour les salariés affectés par la fermeture des centrales à charbon
Afin que les salariés de ces centrales puissent être accompagnés dans de bonnes conditions, l'article 12 de la loi « énergie et climat » a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour définir les modalités d' un accompagnement spécifique pour les salariés affectés par ces fermetures . L'ordonnance du 29 juillet 2020 187 ( * ) a prévu ces mesures d'accompagnement, qui s'ajoutent aux obligations de l'employeur découlant du droit du travail, telles que la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) 188 ( * ) .
Les bénéficiaires des mesures spécifiques sont les salariés des entreprises exploitant des centrales destinées à fermer et qui font l'objet d'un licenciement pour motif économique . La mise en oeuvre des mesures d'accompagnement est subordonnée à la validation ou à l'homologation d'un PSE . Ces mesures consistent principalement :
- à verser au salarié une allocation complémentaire à celle versée par l'employeur au titre du congé de reclassement 189 ( * ) , à la charge de l'État 190 ( * ) ;
- à octroyer au salarié qui n'a pas retrouvé d'emploi à l'expiration de son congé de reclassement un congé d'accompagnement spécifique pour le maintien dans l'emploi 191 ( * ) , d'une durée maximale de douze mois, voire dix-huit mois dans certaines conditions. Dans ce cadre, le salarié doit suivre des actions de formation et de validation des acquis de l'expérience et il bénéficie pendant cette période d'une allocation mensuelle versée par l'employeur et prise en charge par l'État. Le congé d'accompagnement spécifique peut comporter des périodes de travail durant lesquelles le congé, ainsi que le versement de l'allocation, sont suspendus. Ces périodes de travail sont effectuées pour le compte de tout employeur, à l'exception des particuliers, dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée.
Le code du travail 192 ( * ) prévoit que pendant la durée du congé de reclassement, le contrat de travail du salarié est suspendu et l'acceptation du congé de reclassement par le salarié emporte la rupture du contrat de travail au terme du congé. Jusqu'à la rupture effective du contrat de travail, les salariés en congé de reclassement demeurent comptabilisés au sein des effectifs de l'entreprise . Pour la durée du congé qui excède celle du préavis de licenciement, une allocation est versée au salarié. Son montant est au moins égal à 65 % de sa rémunération mensuelle brute moyenne des douze mois précédant la notification du licenciement et ne peut être inférieur à 85 % du Smic.
Pendant la période de congé de reclassement excédant le préavis, le salarié conserve la qualité d'assuré au sein du régime de sécurité sociale dont il relevait antérieurement. L'employeur doit en outre préciser dans le document qu'il adresse au salarié les avantages qu'il entend maintenir, notamment au titre des retraites complémentaires et des mutuelles.
En l'espèce, les salariés en congé de reclassement qui ont été licenciés du fait de la fermeture des centrales à charbon bénéficient du maintien :
- de la couverture prévoyance décès ;
- de la couverture complémentaire des frais de santé ;
- des prestations en nature et en espèces du régime de base et complémentaire d'assurance maladie des industries électriques et gazières (IEG) ;
- de la couverture sociale en cas d'accident du travail survenu dans le cadre des actions du congé de reclassement ;
- du tarif particulier du gaz et de l'électricité ainsi que des droits familiaux ;
- des dispositifs d'épargne salariale ;
- de la retraite supplémentaire ;
- de la médaille du travail 193 ( * ) .
En outre, le congé de reclassement est pris en compte comme une période d'activité ouvrant des droits à pension de retraite dans le régime des IEG. L'acquisition de droits à congés payés et la prise en compte de l'ancienneté dans l'entreprise ne sont toutefois pas ouvertes aux bénéficiaires du congé.
Les bénéficiaires du congé d'accompagnement spécifique régi par l'ordonnance du 29 juillet 2020 sont sous l e même statut que celui attaché au congé de reclassement .
? Les salariés concernés par cet accompagnement sont employés par l'entreprise Gazel Énergie
Quatre centrales à charbon encore en activité étaient concernées par la décision de fermeture intervenue en 2019 :
- deux centrales exploitées par EDF (Le Havre et Cordemais) ;
- deux centrales exploitées par Gazel Énergie (Saint-Avold, à l'arrêt depuis mars 2022, et Gardanne-Meyreuil, à l'arrêt depuis 2019).
L'entreprise EDF n'a pas mis en oeuvre de PSE et a engagé un processus de reclassement interne pour ses salariés affectés par la réduction de l'activité. La centrale exploitée par EDF située à Cordemais est toujours en activité et sera mobilisée pour assurer l'approvisionnement en électricité pour l'hiver 2022-2023.
L'entreprise Gazel Énergie a conclu un PSE en 2021 qui a prévu 212 suppressions d'emplois dont 98 sur le site de Gardanne, 87 sur celui de Saint-Avold et 27 au sein du siège de la société 194 ( * ) . Ces salariés sont donc concernés par les mesures d'accompagnement prévues par l'ordonnance du 29 juillet 2020.
? La reprise d'activité dans un cadre dérogatoire concernerait les salariés de Gazel Énergie qui accepteraient d'assurer le fonctionnement temporaire de la centrale de Saint-Avold
Pour faire face aux tensions d'approvisionnement à venir l'hiver prochain, le Gouvernement prévoit une reprise temporaire d'activité de centrales à charbon . En l'espèce, outre la centrale d'EDF située à Cordemais qui est toujours en activité, seule serait concernée par cette reprise la centrale de Gazel Énergie située à Saint-Avold.
L'entreprise Gazel Énergie ayant licencié ses salariés exerçant sur le site de Saint-Avold, elle doit engager de nouveaux recrutements pour assurer la reprise d'activité de la centrale. Compte tenu du droit applicable aux contrats de travail à durée déterminée et aux entreprises ayant engagé un plan de sauvegarde de l'emploi pour les salariés faisant l'objet d'un licenciement pour motif économique , le retour temporaire d'anciens salariés dans l'entreprise ainsi que le recrutement éventuel d'autres salariés ne peut s'effectuer que dans un cadre dérogatoire du droit commun.
Sur les 87 salariés de la centrale de Saint-Avold, 3 salariés ont quitté l'entreprise pendant la période de consultation du PSE. Le PSE concerne donc 84 salariés de la centrale. Parmi eux, certains ont bénéficié d'un reclassement interne ou ont fait le choix d'un départ à la retraite sans congé de reclassement. Le vivier des salariés de l'entreprise susceptible d'être concernés par une reprise temporaire d'activité est donc constitué de 69 salariés actuellement en congé de reclassement 195 ( * ) .
Le retour des salariés dans la centrale de Saint-Avold étant basé sur le volontariat, l'entreprise Gazel ?nergie a procédé au recensement des salariés qui accepteraient de revenir travailler au sein de la centrale. Pour inciter les salariés à la reprise temporaire de l'activité, l'entreprise leur a notamment proposé une prime exceptionnelle en complément du salaire.
Selon les informations transmises par Gazel Énergie au rapporteur, 56 salariés accepteraient de venir travailler sur le site de Saint-Avold . Parmi ces salariés, 49 seraient concernés par les dispositions du présent article qui vise les bénéficiaires du congé de reclassement ou du congé d'accompagnement spécifique, outre d'éventuels recrutements externes.
Salariés ou anciens salariés de Gazel Énergie qui accepteraient de venir travailler sur le site de Saint-Avold dans le cadre de la reprise temporaire d'activité
Statut |
Nombre de salariés |
Retraités qui acceptent de proroger leur préavis |
13 |
Retraitables |
20 |
Salariés encore sur le site de Saint-Avold pour les opérations de mise en sécurité et de démantèlement |
7 |
Salariés déjà reclassés dans les projets |
5 |
Salariés qui vont être reclassés dans les projets |
8 |
Salariés venant d'autres sites de Gazel Énergie |
3 |
Retraités de la centrale de Saint-Avold |
au moins 2 |
Total |
56 |
Source : Gazel Énergie.
L'entreprise envisage également de procéder au recrutement de personnel extérieur à l'entreprise en cas de besoin et de recourir à des prestataires.
B. Une reprise d'activité des salariés dans un cadre dérogatoire du droit commun, rendue nécessaire par les tensions d'approvisionnement en électricité
Afin d'assurer la reprise temporaire d'activité de la centrale de Saint-Avold, exploitée par une entreprise qui a conclu un PSE, un cadre dérogatoire du droit commun est nécessaire. Sans remettre en cause le licenciement des salariés et le PSE conclu par l'entreprise, il convient de donner à cet employeur une base légale pour qu'il puisse conclure des contrats à durée déterminée destinés à assurer la reprise temporaire de l'activité de sa centrale située en Moselle.
À cette fin, le présent article propose d'insérer un nouvel article dans l'ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d'accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon.
Il prévoit, au I de ce nouvel article, qu'en cas de reprise temporaire d'activité des centrales à charbon 196 ( * ) sur décision de l'autorité administrative 197 ( * ) pour faire face à une menace pesant sur la sécurité d'approvisionnement en électricité, les entreprises ayant mis un oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi dans le cadre de la fermeture de leurs centrales pourront, en complément de l'embauche de personnes dans le cadre de contrats à durée déterminée (CDD) ou de contrats de mission de droit commun , conclure ces contrats lorsqu'ils sont nécessaires à l'exploitation des centrales selon les conditions dérogatoires suivantes :
- Le contrat pourra être conclu avec les salariés qui ont été licenciés pour motif économique par l'entreprise et qui bénéficient des dispositifs d'accompagnement prévus par l'ordonnance. Pour ces salariés, leur congé de reclassement ou leur congé d'accompagnement spécifique sera suspendu pendant la durée du contrat. Le terme initial du congé de reclassement ou, lorsqu'il a débuté, du congé d'accompagnement spécifique sera reporté pour une durée égale à celle des périodes de travail effectuées ;
- Le contrat de travail à durée déterminée ou le contrat de mission pourra être conclu dans les six mois suivant le licenciement pour motif économique , notamment avec les salariés qui bénéficient des congés de reclassement ou d'accompagnement spécifique, alors que cette faculté est d'ordinaire interdite pour les postes concernés par le licenciement dans l'établissement au titre d'un accroissement temporaire de l'activité 198 ( * ) .
Le II de l'article créé prévoit que lorsqu'il sera conclu avec un salarié préalablement licencié par l'entreprise, le CDD ou le contrat de mission pourra durer jusqu'à trente-six mois , en tenant compte des renouvellements éventuels du contrat, alors que cette durée est de dix-huit mois dans le cas général, à défaut de convention ou d'accord de branche étendu fixant la durée totale du CDD 199 ( * ) . Cette durée doit permettre de couvrir les périodes de maintenance, de préparation à la reprise d'activité, d'exploitation puis de démantèlement de la centrale concernée.
Le III prévoit que le délai de carence qui doit s'écouler entre l'exécution de deux CDD ou contrats de mission 200 ( * ) sur un même poste ne sera pas applicable aux CDD et contrats de mission conclus dans le cadre de la reprise temporaire d'activité des centrales à charbon, sans que la durée totale des contrats qui ont été conclus au titre d'un même poste puisse excéder trente-six mois.
Son IV précise que les dispositions de l'article inséré dans l'ordonnance seront applicables aux CDD et contrats de mission conclus à compter du 1 er juillet 2022 , en vue de la reprise temporaire de l'activité des centrales, et jusqu'au 31 décembre 2023 . Cette application rétroactive est rendue nécessaire par le fait que des salariés ont déjà dû reprendre leur activité pour assurer des travaux de maintenance dans la centrale de Saint-Avold afin de préparer la disponibilité de l'installation pour l'hiver prochain. 201 ( * )
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
En commission, les députés ont adopté trois amendements de la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, procédant à des modifications rédactionnelles et à la correction d'erreurs de référence.
Les députés n'ont pas modifié le présent article lors de la discussion en séance publique.
L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.
III - La position de la commission
Face aux menaces pesant sur l'approvisionnement en électricité de la France dans les mois à venir, la reprise temporaire de l'activité de certaines centrales à charbon s'avère nécessaire pour assurer la souveraineté énergétique de notre pays. Il convient donc de donner aux exploitants concernés les moyens d'assurer cette reprise d'activité, alors qu'ils ont dû mettre en oeuvre la décision de fermer les centrales à charbon sur le fondement de la loi « énergie et climat ».
Si le présent article crée un cadre dérogatoire au droit du commun du travail, il apporte des garanties suffisantes pour protéger les salariés et l'employeur concernés . Il permet, d'une part, la continuité des mesures d'accompagnement des salariés prises dans le cadre du PSE et sur le fondement de l'ordonnance du 29 juillet 2020. D'autre part, il permet d'adapter le droit applicable aux CDD et aux contrats de mission aux besoins exceptionnels de l'employeur pour répondre à la nécessité d'assurer l'approvisionnement énergétique de notre pays, tout en garantissant une protection des salariés et leur accompagnement au terme de la reprise temporaire d'activité.
Après avoir entendu les services des ministères concernés par cette mesure, les représentants de Gazel Énergie et les organisations syndicales et patronales représentatives au niveau interprofessionnel, le rapporteur considère que le présent article ne pose pas de difficulté et offre un cadre juridique sécurisé et adapté à la situation.
À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté les amendements rédactionnels COM-183 et COM-184 .
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 15 bis
Mise à
disposition du gestionnaire du réseau de transport
d'électricité
des installations de production
ou de
stockage d'électricité de secours supérieures à 1
MW
L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des affaires économiques.
Lors de sa réunion, la commission des affaires économiques a adopté l'amendement COM-227 du rapporteur pour avis.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 15 ter
Mise à
disposition du gestionnaire du réseau de transport
d'électricité
des capacités d'effacements non
utilisées
ou vente sur les marchés de ces
capacités
par les opérateurs du mécanisme d'ajustement
ou d'effacement
L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des affaires économiques.
Lors de sa réunion, la commission des affaires économiques a adopté l'amendement COM-228 du rapporteur pour avis.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 16
Obligation de
compensation carbone
en cas de mobilisation accrue de centrales à
charbon
L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
Lors de sa réunion, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a adopté l'amendement COM-246 du rapporteur pour avis, modifié par le sous-amendement COM-13 de M. Ronan Dantec, ainsi que l'amendement COM-247 du rapporteur pour avis.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
* 185 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.
* 186 Art. L. 311-5-3 du code de l'énergie.
* 187 Ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d'accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon.
* 188 Art. L. 1233-61 du code du travail.
* 189 Art. L. 1233-71 du code du travail.
* 190 Articles 4 et 5 de l'ordonnance du 29 juillet 2020.
* 191 Articles 6 à 12 de l'ordonnance du 29 juillet 2020.
* 192 Articles L. 1233-71 à L. 1233-76 du code du travail.
* 193 Selon les informations transmises au rapporteur par la DGT, la DGEFP et la DGEC.
* 194 Selon les informations transmises au rapporteur par Gazel Énergie.
* 195 Selon les informations transmises au rapporteur par la DGT, la DGEFP et la DGEC.
* 196 Sont visées, par la mention du II de l'art. L. 311-5-3 du code de l'énergie, les « installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles situées sur le territoire métropolitain continental ».
* 197 Sur le fondement de l'article 16 du présent projet de loi.
* 198 En vertu des articles L. 1242-5 et L. 1251-9 du code du travail.
* 199 En application des articles L. 1242-8-1 et L. 1251-12-1 du code du travail.
* 200 En application des articles L. 1244-3 et L. 1251-36 du code du travail.
* 201 Selon les informations transmises au rapporteur par Gazel Énergie.