II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des dispositifs d'aide au monde du sport importants mais qui présentent des limites

L'exécution du programme 219, « Sport » a été marquée par la mise en place du Pass'sport, la mise en oeuvre du dispositif de compensation des pertes de billetterie (repoussée de 2020 à 2021), et l'octroi d'une compensation du manque à gagner de la « Contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives » (taxe Buffet) à l'Agence nationale du sport.

Le Pass'sport a été mis en place par le décret n°2021-1171 du 10 septembre 2021 , et il se traduit par une aide à la prise d'une licence sportive de 50 euros pour la saison 2021-2022. Contrairement au Pass culture, le Pass'sport est un dispositif ciblé : il s'adresse aux enfants entre 6 à 17 ans, qui bénéficient alternativement de l'allocation de rentrée scolaire, de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, ou de l'allocation aux adultes handicapés 3 ( * ) . Le dispositif était initialement ouvert jusqu'au 31 novembre 2021, mais il a fait l'objet d'une prolongation jusqu'au 28 février 2022.

L'exécution du dispositif est nettement inférieure aux prévisions. Sur les 100 millions d'euros prévus, ont été consommés 65,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 45,8 millions d'euros en crédits de paiement . Ces dépenses correspondent à environ 1,1 million de jeunes touchés par le dispositif, ce qui est un résultat inférieur de 55 % à l'objectif de 2 millions de jeunes.

L'exécution du Pass'sport pâtît de l'urgence dans laquelle le dispositif a été mis en oeuvre . La Cour des comptes souligne ainsi, dans sa note d'exécution budgétaire de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » de mai 2022, les limites que présente le dispositif : « une communication et une mobilisation des familles et des associations fragiles, une dématérialisation via le CompteAsso mal maîtrisée, des processus de paiement trop lourds et trop complexes, passant par des tiers payeurs, des données de pilotage peu qualitatives, une absence d'articulation avec les dispositifs locaux ayant le même objet, une mobilisation variable des acteurs locaux . »

Le dispositif de compensation des pertes de billetterie représente l'une des conséquences les plus visibles de la crise sanitaire sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Les crédits prévus en 2020
(107 millions d'euros) n'ont toutefois pas été consommés, et par conséquent, le dispositif n'a pu être véritablement mis en oeuvre qu'en 2021 .

Ce dispositif concernait à l'origine les manifestations sportives qui se sont tenues durant la seconde moitié de l'année 2020. Le décret n° 2021-1108 du 23 août 2021 a prolongé le dispositif pour la période du 1 er janvier 2021 au 29 juin 2021.

Le coût total s'établit à 207 millions d'euros en AE et en CP . 100 millions d'euros ont été ouverts par décrets de transferts, et 107 millions proviennent d'un report de crédits de 2020. Ces sommes sont particulièrement importantes, et le rapporteur spécial regrette qu'elles n'aient pas pu faire l'objet d'un examen par le Parlement .

La défaillance de Médiapro a eu pour conséquence une diminution des droits de la ligue 1 de football estimée à 575 millions d'euros . Le manque à gagner pour l'Agence nationale du sport via la « Contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives » (taxe Buffet) est aujourd'hui évalué à 14,43 millions d'euros . Au regard de la situation, une compensation de 19,85 millions d'euros a été versé fin 2021 à l'Agence, et il est prévu que la dotation 2022 de l'ANS soit retranchée de 5,32 millions d'euros, pour prendre en compte le trop-perçu issu de la compensation . La Cour des comptes, dans sa note d'exécution budgétaire de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » de mai 2022, relève que « la direction des sports indique que le principe d'une compensation des pertes est retenu mais que le mécanisme précis est en cours de définition . »

Cette compensation montre les fragilités du financement de l'Agence nationale du sport. Elle est fortement dépendante des recettes des droits audiovisuels du football, qui sont soumis à des aléas significatifs de marché , comme la réduction du nombre de diffuseurs susceptibles de proposer une offre ou le dynamisme des championnats concurrents.

Le rapporteur spécial souligne le risque d'une systématisation de la compensation de la taxe Buffet en cas de recettes inférieures aux prévisions. La mise en place d'une compensation systématique reviendrait à transférer les risques financiers au budget de l'État. Or, les finances publiques n'ont pas vocation à supporter les aléas de la négociation des droits audiovisuels des retransmissions sportives .

2. La nécessité d'une clarification de la trajectoire budgétaire des politiques d'engagement de la jeunesse
a) Le service civique doit faire l'objet d'un soutien durable, à l'opposé d'une politique de « stop and go »

Après la crise sanitaire de 2020, les objectifs du service civique en 2021 étaient ambitieux : il s'agissait de permettre à 245 000 jeunes d'effectuer une mission de service civique . Pour l'atteindre, 363 millions d'euros ont été inscrits en loi de finances initiale au titre du plan de relance (programme 364, « Cohésion »), et 498,8 millions ont été ouverts dans le programme 163, « Jeunesse et vie associative », pour un total de 861,8 millions d'euros .

En 2021, environ 145 000 jeunes ont finalement effectué une mission de service civique, ce qui est bien inférieur à la cible retenue en loi de finances initiale . En conséquence, l'Agence du service civique s'est constituée une trésorerie d'un montant très élevé (288 millions d'euros), en augmentation par rapport à la fin 2020 (69,4 millions d'euros), qui était déjà exceptionnelle.

La participation inférieure aux prévisions s'explique en partie par la poursuite des mesures de restriction sanitaire. Cette explication n'est toutefois pas suffisante . En 2020, 131 120 jeunes ont effectué une mission de service civique, ce qui est un nombre relativement proche de celui de 2021, alors que pourtant les mesures de lutte contre la crise sanitaire étaient bien plus restrictives en 2020 .

Cette sous-exécution invite plus fondamentalement à se demander si le nombre de jeunes effectuant un service civique n'aurait pas atteint un « plafond », en l'état de l'organisation actuelle du dispositif .

Le nombre de missions agréées a atteint les 140 000, ce qui est un niveau inédit depuis le lancement du service civique, mais la gestion des missions ne peut pas être évaluée d'un point de vue seulement quantitatif : il est nécessaire dans le même temps de s'assurer de la qualité des missions, au risque sinon que le service civique se transforme en un traitement social du chômage des jeunes .

Le développement du service civique ne doit donc pas se faire uniquement par la création de nouvelles missions, mais aussi à travers un renforcement de l'accompagnement des jeunes et des organismes d'accueil, en s'appuyant sur une plus grande prévisibilité du budget accordé au service civique.

Pour ces raisons, la manière dont le service civique a été intégré au plan de relance est discutable. Le fonctionnement du service civique n'est pas adapté à une politique de « stop and go », mais doit faire l'objet d'un soutien durable .

b) La soutenabilité de la trajectoire budgétaire du service national universel n'est pas encore assurée

La crise sanitaire a bouleversé le calendrier initial du déploiement du Service national universel (SNU), qui visait à une généralisation pour l'ensemble d'une classe d'âge (800 000 jeunes) aux environs de 2023/2024. En effet, en 2020 aucun jeune n'a pu participer au séjour de cohésion 4 ( * ) , et l'objectif pour 2021 a été revu à 25 000 jeunes. La poursuite des mesures de restriction sanitaire a toutefois conduit à ce que seulement 15 000 jeunes participent au séjour de cohésion en 2021 .

L'exécution du SNU s'établit à 39,9 millions d'euros en 2021, ce qui est inférieur de 35 % à la programmation en loi de finances initiale (62,3 millions d'euros). Le coût par jeune (2 660 euros) est supérieur à celui prévu en loi de finances initiale (2 492 euros), mais il est cohérent au regard des coûts fixes du dispositif.

Le niveau global des dépenses consacrées au SNU en 2021 continue cependant de susciter des questions . La prévision de la loi de finances initiale pour 2020 était de 30 millions d'euros, pour une cible de 20 000 jeunes. Le coût par jeune estimé était donc de 1 500 euros, tandis que le coût par jeune effectif en 2021 est de 2 371 euros, pour le seul séjour de cohésion . La comparaison met en doute la sincérité de la prévision en 2020.

Plus généralement, la généralisation du dispositif à l'ensemble d'une classe d'âge, en faisant l'hypothèse d'un coût par jeune similaire à celui de 2021, aboutirait à un montant de 1,9 milliard d'euros, ce qui met en question sa soutenabilité budgétaire, et conduirait à une forte concentration des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

L'année 2021 est la première année où un nombre significatif de jeunes a pu effectuer le séjour de cohésion, ce qui permet de tirer un certain nombre d'enseignements. L'hébergement et la logistique ont été identifiés comme des enjeux majeurs et particulièrement complexes pour l'administration. En outre, les mesures de lutte contre la crise ont faussé en partie les estimations des coûts du SNU .

Par ailleurs, la Cour des comptes, dans sa note d'exécution budgétaire de 2021 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » relève que le SNU a connu des difficultés dans la gestion de ses personnels . La Cour note ainsi que : « au 8 septembre 2021, 27% d'entre eux n'avaient toujours pas été destinataires d'un versement partiel sous forme d'acomptes ou complet de leurs rémunérations . »

L'année 2022 est déterminante pour l'expérimentation du SNU . La cible retenue par la loi de finances initiale pour 2022 est celle de 55 000 jeunes effectuant le séjour de cohésion, ce qui suppose une organisation à grande échelle. Par ailleurs, contrairement à 2020 et 2021, les modalités d'organisation du Séjour de cohésion devraient être peu impactées par les mesures de restriction sanitaire, ce qui permettra d'avoir une meilleure vue d'ensemble des coûts du SNU.

3. Des interrogations qui persistent sur le calendrier de la réalisation des ouvrages olympiques

La Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo) a confirmé une nouvelle fois que la crise sanitaire n'aura pas causé de retard significatif dans la préparation des infrastructures prévues pour l'accueil des Olympiades de 2024.

Cependant, l'indicateur « Taux d'opérations ayant atteint un jalon essentiel dans le processus de livraison des ouvrages olympiques » montre que les réalisations sont inférieures aux objectifs de performance révisés en 2021 :

- 82,3 % des opérations devaient atteindre le jalon de notification du marché (marchés globaux) ou de validation de l'avant-projet détaillé, ce qui n'est finalement le cas que de 72,6 % des projets ;

- 51,6 % des opérations devaient avoir atteint le jalon de lancement des travaux. En exécution, 38,7 % des opérations ont atteint ce stade .

Le rapport annuel de performance précise que « ces chiffres ne traduisent toutefois aucun risque sur la capacité de l'établissement à livrer l'ensemble des ouvrages olympiques et paralympiques dans les délais requis. » Si tel est le cas, ces éléments témoignent néanmoins d'une maquette de performance inappropriée, ce qui nuit aux pouvoirs de contrôle du Parlement .

Pour répondre à certaines de ces difficultés, deux nouveaux indicateurs ont été introduits dans la loi de finances initiale pour 2022 , regroupés dans la catégorie « Nombre d'ouvrages financés par le programme 350 dont l'équilibre budgétaire est préservé ». Ils ont vocation à retracer :

- la part d'ouvrages financés ou cofinancés par le programme 350 n'ayant pas nécessité de financements additionnels de ce programme par rapport à la maquette ;

- parmi les ouvrages ayant nécessité un financement complémentaire du programme 350, le nombre d'ouvrages avec un dépassement allant au-delà de 10 % du financement envisagé initialement pour ce qui concerne la contribution du programme 350 à cet ouvrage.

La mise en place de ces nouveaux indicateurs devrait permettre de suivre de manière plus fine les risques budgétaires associés à la réalisation des ouvrages olympiques .

Lors du conseil d'administration du 13 juillet 2021, la Solidéo a actualisé sa maquette financière, ce qui la porte à 1 553 millions d'euros . La contribution de l'État a été portée à 1 043,9 millions d'euros, et celle des collectivités territoriales a 509 millions d'euros. En prenant en compte l'exécution en 2021, l'État a déjà versé 91,5 % des autorisations d'engagement et 44,8 % des crédits de paiement de l'enveloppe de 1 043,9 millions d'euros désormais prévus .

Maquette financière de la Solidéo au moment de l'actualisation de juillet 2021

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

2023-2025

Total

Financements de l'État

48,0

65,3

127,7

225,6

262,9

314,4

1 043,9

NB : jusqu'en 2020, il s'agit des sommes exécutées. À partir de 2021, il s'agit de prévisions.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

L'actualisation de la maquette financière a permis de prendre en compte la tension sur les prix des matières premières, qui a accompagné la reprise économique à la sortie de la crise sanitaire.

Toutefois, l'inflation des prix des matières premières a encore fortement progressé après juillet 2021, renchérissant mécaniquement les coûts de construction, ce qui pose la question de l'opportunité d'une nouvelle actualisation de la trajectoire budgétaire pluriannuelle de la Solidéo . Dans ce contexte, le risque de dérive budgétaire des jeux est réel.


* 3 Le décret n° 2021-1808 du 23 décembre 2021 étend le dispositif aux bénéficiaires de l'AAH jusqu'à 30 ans.

* 4 À l'exception de la Nouvelle-Calédonie.

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