N° 792

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale a près engagement de la procédure accélérée,
de
règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2021 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME II

CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 11b

Écologie, développement et mobilité durables

(Programmes 203 « Infrastructures et services de transports », 205 « Affaires maritimes »
et 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État »)

Rapporteurs spéciaux : MM. Hervé MAUREY et Stéphane SAUTAREL

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

10 , 16 et T.A. 2

Sénat :

787 (2021-2022)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. La mise en place du dispositif d'aide exceptionnelle de 4,05 milliards d'euros destiné à soutenir SNCF Réseau dans le financement de la régénération du réseau ferroviaire complique la lisibilité de l'exécution des crédits du programme 203 « infrastructures et services de transport ».

2. Les crédits de fonds de concours constatés en 2021 sur le programme 203 ont augmenté significativement par rapport à 2019. Cette hausse provient notamment des versements effectués par l'AFITF dans le cadre du plan de relance.

3. Alors qu'elle devait rapporter 230 millions d'euros par an à l'agence, les rapporteurs spéciaux notent que, compte tenu de la crise du secteur aérien, « l'écocontribution » sur le transport aérien, n'a toujours pas rapporté le moindre euro à l'AFITF.

4. En conflit avec l'État au sujet de la taxe d'aménagement du territoire (TAT), les sociétés concessionnaires d'autoroute (SCA) ont refusé de payer la contribution de 60 millions d'euros qu'elles doivent à l'AFITF. Les rapporteurs spéciaux estiment que cette situation n'est pas tolérable et que le financement des infrastructures ne saurait faire les frais de ce contentieux entre l'État et les SCA.

5. Dans leur rapport portant sur le projet de loi de finances pour 2021, les rapporteurs spéciaux avaient souligné à quel point les prévisions de recettes de l'AFITF pour 2021 étaient irréalistes. Ils constatent que leurs craintes se sont malheureusement concrétisées puisque, sans les mesures exceptionnelles prises en fin d'année 2021, les recettes de l'agence auraient été inférieures de plus de 470 millions d'euros aux prévisions initiales.

6. Malgré les mesures exceptionnelles prises dans le cadre de la seconde LFR pour 2021, les ressources de l'AFITF constatées en 2021 ont été inférieures de plus de 220 millions d'euros à celles prévues au budget initial. Les rapporteurs considèrent que ce déficit de recettes récurent nuit gravement au financement des programmes d'investissements dans les infrastructures nationales.

7. Les rapporteurs spéciaux constatent que ce n'est qu'à la faveur des crédits complémentaires apportés par le plan de relance que la trajectoire d'investissements de la LOM a pu être respectée. Ils déplorent que, après pas moins de huit budgets rectificatifs, l'AFITF a dû revoir sensiblement à la baisse ses dépenses d'investissements au cours de l'année 2021.

8. Les rapporteurs spéciaux soulignent leurs vives préoccupations face à un modèle de financement des infrastructures ferroviaires dans l'impasse. Ils dénoncent les graves insuffisances des engagements de l'État pris dans le cadre du nouveau contrat de performance de SNCF Réseau signé en catimini au début du mois d'avril 2022. Ils appellent à une réforme ambitieuse du modèle de financement du réseau ferroviaire français.

9. Face à l'insuffisance des moyens consacrés à la régénération du réseau, les rapporteurs estiment qu'il est nécessaire de les compléter, à minima, de 1 milliard d'euros par an pendant dix ans. Dans le même temps, il convient de programmer et de financer les indispensables programmes de modernisation du réseau pour lesquels la France a déjà accumulé un retard confondant et dont le coût global pourrait avoisiner les 35 milliards d'euros.

10. Les rapporteurs spéciaux considèrent que la prorogation des aides à l'exploitation destinées aux opérateurs de fret ferroviaire était absolument indispensable à la relance du secteur. Ils notent qu'elle s'est révélée d'autant plus cruciale en raison de la flambée actuelle des prix de l'énergie. Ils soulignent que l'atteinte de l'objectif de doublement de la part modale ne pourra faire l'impasse sur des investissements de plus de 10 milliards d'euros d'ici 2030.

11. En raison de la crise, la SNCF n'a pas été en mesure de verser, comme le prévoit la réglementation, une part de ses bénéfices récurrents au fonds de concours dédié à financer la régénération des infrastructures. Les rapporteurs spéciaux considèrent que cette ressource, très sensible à la conjoncture, est une source de fragilité pour le financement de la régénération du réseau. Outre le fait que ce mécanisme induise des relations financières malvenues entre l'opérateur de transport historique et le gestionnaire d'infrastructure, il n'apparaît plus raisonnable de rendre les investissements ferroviaires dépendants de la rentabilité du TGV. Aussi, les rapporteurs spéciaux considèrent-ils qu'il est temps de remettre à plat en profondeur le modèle de financement du réseau.

12. Les rapporteurs spéciaux regrettent que la nouvelle convention d'exploitation des trains d'équilibre du territoire (TET), signée entre l'État et SNCF Voyageurs, ne prévoie aucun financement pour les nouvelles lignes de trains de nuit dont la réouverture prochaine a été annoncée par le Gouvernement. Ils estiment que, s'agissant des TET, il est « urgent que l'État passe des paroles aux actes ».

13. Le programme 205 « affaires maritimes » est marqué par une forte sous-consommation des crédits votés dans le cadre de la seconde LFR pour 2021 et consacrés à une aide exceptionnelle dédiée à la compagnie Brittany Ferries .

14. Si les rapporteurs spéciaux saluent le fait que l'État ait tenu son engagement de reprendre 35 milliards d'euros de la dette de SNCF Réseau, ils notent que l'effort consenti doit être relativisé puisqu'il n'est que la contrepartie du sous-investissement historique de l'État dans le réseau.

15. Ils considèrent par ailleurs que cette mesure n'est pas une condition suffisante pour assainir structurellement la situation financière du gestionnaire d'infrastructure. Ils appellent de leurs voeux à une réforme profonde du modèle économique du financement des infrastructures ferroviaires et à des efforts significatifs de performance de la part de SNCF Réseau.

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DES PROGRAMMES 203 « INFRASTRUCTURES ET SERVICES DE TRANSPORT », 205 « AFFAIRES MARITIMES » ET 355 « CHARGE DE LA DETTE DE SNCF RÉSEAU REPRISE PAR L'ÉTAT » EN 2021

1. L'exécution des crédits du programme 203 est affectée par le dispositif de soutien pluriannuel attribué à SNCF Réseau dans le cadre du plan de relance ferroviaire

Le programme 203 a connu une évolution de périmètre en 2021. En effet, jusqu'en 2020, les compensations versées par l'État à SNCF Voyageurs dans le cadre de l'exploitation des services de trains d'équilibre du territoire (TET) étaient portées par le compte d'affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » . Ce dernier ayant été supprimé par la loi de finances initiale pour 2021, les crédits qu'il portait sont désormais inscrits à l'action 44-06 « Financement du déficit d'exploitation des trains d'équilibre du territoire » de l'action 44 « Transports collectifs » du programme 203.

En loi de finances initiale (LFI) pour 2021, 3 919 millions d'euros d'autorisation d'engagement (AE) et 3 697 millions d'euros de crédits de paiement (CP) avaient été ouverts sur le programme 203 « Infrastructures et services de transport ». Principalement en provenance de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) 1 ( * ) , des crédits émanant de fonds de concours alimentent massivement le programme 203.

En tenant compte des crédits évaluatifs de fonds de concours et d'attributions de produits , la LFI prévoyait l'ouverture de 6 026 millions d'euros en AE et 5 848 millions d'euros en CP , en hausses respectives de 9,9 % et 2,3 % par rapport à 2020. L'augmentation significative des AE s'explique d'une part par l'intégration des dépenses du feu CAS « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » et d'autre part par la progression des crédits consacrés au domaine ferroviaire , en particulier l'instauration de 170 millions de crédits supplémentaires destinés à renforcer les aides à l'exploitation dédiées aux opérateurs de fret ferroviaire.

À ces crédits, il convient d'ajouter d'importants mouvements intervenus en cours d'exercice, notamment des reports de crédits massifs de 4,5 milliards d'euros en AE et de 4,4 milliards d'euros en CP. Ces reports exceptionnels s'expliquent principalement par le concours de 4,05 milliards d'euros , décidé dans le cadre du plan de relance ferroviaire et dédié à financer le programme de régénération du réseau . Ces crédits, votés en 2020, ont transité par la mission « Plan d'urgence » puis par le CAS « Participations financières de l'État » avant d'être versés à la SNCF qui les a elle-même reversés au fonds de concours dédié à financer la régénération du réseau ferroviaire qui abonde le programme 203.

Mécanisme budgétaire du concours financier exceptionnel
de 4,05 milliards d'euros apportés par l'État à SNCF Réseau

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Ces 4,05 milliards d'euros doivent être versés à SNCF Réseau de façon échelonnée sous forme de subventions d'investissement. Le premier versement, pour 1 645 millions d'euros, a été réalisé en février 2021. Un deuxième, pour 1 761 millions d'euros, doit être effectué en 2022 avant que le solde de 644 millions d'euros ne soit acquitté en 2023.

Calendrier prévisionnel de versements à SNCF Réseau
du concours exceptionnel de 4,05 milliards d'euros

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Aussi, ces 4,05 milliards d'euros de crédits de fond de concours ont-ils fait l'objet d'un report intégral sur l'exercice 2021 . Suite au versement de la première tranche en 2021, un nouveau report de 2 405 millions d'euros a été réalisé sur l'exercice 2022 . Enfin, le reliquat de 644 millions d'euros sera reporté sur la gestion budgétaire 2023.

Enfin, la loi n° 2021-1549 du 1 er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021 a conduit globalement à majorer les crédits ouverts sur le programme 203 à hauteur de 94,2 millions d'euros en AE et de 94,9 millions d'euros en CP à travers notamment des ouvertures de 100 millions d'euros au titre d'une compensation exceptionnelle des pertes de recettes de l'AFITF , de 22 millions d'euros consacrés au financement des terminaux du tunnel sous la Manche et de 8 millions d'euros destinés à compenser la baisse des recettes issues de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA). En contrepartie, les crédits mis en réserve 2 ( * ) ont été partiellement annulés à hauteur de 32 millions d'euros en AE et 31 millions d'euros en CP.

Au total, l'intégralité des crédits ouverts sur le programme 203 en 2021 s'est ainsi élevée à 12,7 milliards d'euros en AE et 10,6 milliards d'euros en CP , soit des montants trois fois supérieurs au crédits votés en LFI pour 2021. Ces pratiques peuvent interroger d'un point de vue de la lisibilité budgétaire et du respect du principe d'autorisation parlementaire .

Crédits de paiement ouverts en 2021 sur le programme 203

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2021, les crédits effectivement consommés ont représenté 8 070 millions d'euros en AE et 7 750 millions d'euros en CP , en augmentation de 22,8 % et de 31,2 %. Les crédits consommés avaient déjà significativement augmenté en 2020, si bien que, depuis 2019, les hausses représentent 49,0 % en AE et 48,4 % en CP.

La sous-consommation au regard de la totalité des crédits ouverts (63,3 % pour les AE et 73,4 % pour les CP) s'explique principalement par le dispositif mis en place dans le cadre du concours de 4,05 milliards d'euros qui sera versé progressivement à SNCF Réseau.

Mouvements de CP intervenus en gestion
pendant l'exercice 2021

(en millions d'euros)

Infrastructures et services de transport

LFI 2021

Reports entrants

LFR

Mouvements réglementaires

FDC / ADP

Total crédits ouverts

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

3 697

4 386

95

- 3

2 391

10 565

7 750

73,4 %

Avec retraitement de l'opération de recapitalisation de la SNCF

3 697

336

95

- 3

2 391

6 515

6 150

94,4 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des crédits du programme 203
entre 2020 et 2021

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Programme 203

Exéc. 2020

LFI 2021 y.c. FDC et ADP

Exéc. 2021

Écart exéc. 2021 / 2020

Écart exéc. 2021 / LFI 2021

Exéc. 2020

LFI 2021 y.c. FDC et ADP

Exéc. 2021

Écart exéc. 2021 / 2020

Écart exéc. 2021 / LFI 2021

01-Routes-développement

868,0

708,2

745,5

- 14,1 %

+ 5,3 %

625,2

721,3

791,5

+ 26,6 %

+ 9,7 %

04-Routes-entretien

866,8

834,8

916,2

+ 5,7 %

+ 9,8 %

802,1

856,0

871,5

+ 8,7 %

+ 1,8 %

41-Ferroviaire

3 604,6

2 904,0

4 629,1

+ 28,4 %

+ 59,4 %

3 460,2

2 915,0

4 587,4

+ 32,6 %

+ 57,4 %

42-Voies navigables

251,4

251,0

247,8

- 1,4 %

- 1,3 %

251,8

251,0

249,6

- 0,9 %

- 0,6 %

43-Ports

190,2

143,6

220,2

+ 15,8 %

+ 53,3 %

137,8

142,6

177,1

+ 28,5 %

+ 24,2 %

44-Transports collectifs

411,0

824,4

911,9

+ 121,9 %

+ 10,6 %

245,8

628,6

697,0

+ 183,6 %

+ 10,9 %

45-Transports combinés

34,9

202,7

190,3

+ 445,3 %

- 6,1 %

34,5

197,7

133,9

+ 288,2 %

- 32,3 %

47-Fonctions support

30,5

42,9

41,1

+ 34,8 %

- 4,2 %

30,0

42,9

40,7

+ 35,7 %

- 5,1 %

50-Transport routier

5,7

6,2

5,7

-

- 8,1 %

5,8

6,5

5,0

- 13,8 %

- 23,1 %

51-Sécurité ferroviaire

31,8

45,0

29,5

- 7,2 %

- 34,4 %

35,3

45,0

56,1

+ 58,9 %

+ 24,7 %

52-Transport aérien

24,4

62,9

32,3

+ 32,4 %

- 48,6 %

30,6

40,9

40,0

+ 30,7 %

- 2,2 %

53- Dotation exceptionnelle à l'AFITF

250,0

-

100,0

- 60 %

-

250,0

-

100,0

- 60 %

-

TOTAL

6 569,2

6 025,8

8 069,6

+ 22,8 %

+ 33,9 %

5 909,1

5 847,7

7 749,8

+ 31,2 %

+ 32,5 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évaluation des fonds de concours
et attributions de produits du programme 203 en 2021

(en millions d'euros)

Programme 203

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

01- Routes - développement

1 371,8

1 377,3

04- Routes - entretien

38,1

38,1

41- Ferroviaire

584,9

470,6

42- Voies navigables

3,0

3,0

43- Ports

152,2

71,4

44- Transports collectifs

808,6

376,2

45- Transports combinés

122,5

0,2

47- Fonctions support

3,4

3,1

50- Transport routier

0,6

0,9

51- Sécurité ferroviaire

45,0

50,0

52- Transport aérien

-

-

53- Dotation exceptionnelle à l'AFITF

-

-

TOTAL

3 269,7

2 390,7

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les fonds de concours affectés au programme 203 avaient augmenté de façon exceptionnelle en 2020 en raison des 4,05 milliards d'euros destinés à SNCF Réseau. En comparaison des montants constatés en 2019, les crédits de fonds de concours constatés en 2021 sont en augmentation de 39,8 % pour les AE et de 13,7 % pour les CP. Cette hausse s'explique notamment par les versements effectués par l'AFITF dans le cadre du plan de relance .

2. Le programme 205 est marqué par une forte sous-consommation de ses crédits dédiés à l'aide exceptionnelle aux ferries

155 millions d'euros d'AE et 159 millions d'euros de CP avaient été ouverts en LFI pour 2021 sur le programme 205. Largement abondés 3 ( * ) par les sommes votées à l'occasion de la quatrième LFR pour 2020, les reports de crédits sur le programme 205 se sont établis en 2021 au niveau exceptionnel de 29 millions d'euros . La seconde LFR pour 2021 a ouvert de nouveaux crédits à hauteur de 35,6 millions d'euros en AE et 34,4 millions d'euros en CP au titre de l'aide exceptionnelle en faveur de la société Brittany Ferries . La réserve de précaution du programme a quant à elle été entièrement levée afin de financer l'intégralité de cette aide exceptionnelle d'un montant total de 45 millions d'euros.

En 2021, le programme 205 a par ailleurs reçu des fonds de concours à hauteur de 8,9 millions d'euros au titre des remboursements de projets cofinancés par le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) et l'agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA). Comme au cours de l'exercice précédents, les attributions de produits ont représenté 2,9 millions d'euros essentiellement liées à la participation des collectivités locales ou des ports à l'entretien du balisage maritime effectué par les services des Phares et Balises.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2021

(en millions d'euros)

Affaires maritimes

LFI 2021

Reports entrants

LFR

Mouvements réglementaires

FDC / ADP

Total crédits ouverts

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

159

29

34

0

12

234

166

70,9 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le total des crédits ouverts sur le programme a ainsi atteint 230 millions d'euros en AE et 234 millions d'euros en CP , en hausse de respectivement 25,0 % et 23,8 % par rapport à 2020.

La consommation des crédits s'est quant à elle élevée à 167 millions d'euros pour les AE et 166 millions d'euros pour les CP , soit des taux de consommation de 72,6 % et de 70,9 % , des niveaux nettement inférieurs à ceux constatés en 2020 (de 83,9 % et de 84,6 %). La sous-consommation des crédits ouverts en 2021 est encore plus flagrante si on la compare à l'exercice 2019 au cours duquel les taux de consommation s'étaient établis à 99,2 % pour les AE et 97,3 % pour les CP. Elle s'explique essentiellement par la très faible exécution des crédits consacrés à l'aide exceptionnelle dédiée à la compagnie Brittany Ferries . Ces crédits ont été massivement reportés sur la gestion 2022.

Crédits de paiement ouverts en 2021 sur le programme 205

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des crédits du programme 205

(en milliers d'euros)

Exécution 2020

LFI 2021

Exécution 2021

Variation
exécution 2021 / 2020

Variation
LFI 2021 / exécution 2021

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01- Sécurité et sûreté maritimes

37 462

37 279

35 001

35 572

43 393

41 151

+15,8 %

+ 10,4 %

+ 24 %

+ 15,7 %

02- Gens de mer et enseignement maritime

25 876

25 927

26 960

26 658

24 953

25 061

- 3,6 %

- 3,3 %

- 7,4 %

- 6,4 %

03- Flotte de commerce

70 353

70 353

79 506

79 506

76 219

76 097

+ 8,3 %

+ 8,2 %

- 4,1 %

- 4,3 %

04- Action interministérielle de la mer

11 461

17 230

14 673

18 504

11 947

13 744

+ 4,2 %

- 20,2 %

- 18,6 %

- 25,7 %

05- Soutien au programme

9 298

9 118

7 367

7 460

10 451

9 551

+ 12,4 %

+ 4,8 %

+ 41,9 %

+ 28 %

Total programme 205

154 450

159 906

163 507

167 700

166 962

165 704

+ 8,1 %

+ 3,6 %

+ 2,1 %

- 1,2 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'augmentation des crédits de l'action 01 « Sécurité et sûreté maritimes » a notamment pour origine le solde d'un contentieux de 4,6 millions d'euros impliquant les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) 4 ( * ) ainsi que des opérations imprévues concernant le fonctionnement de l'armement des phares et balises. La hausse des crédits de l'action 03 « Flotte de commerce » s'explique quant à elle par les premiers versements de l'aide exceptionnelle (9,3 millions d'euros) destinée au secteur des ferries.

3. Le programme 355 couvre les charges d'intérêts liées à l'indispensable mais insuffisante reprise par l'État d'une partie de la dette de SNCF Réseau

Au 31 décembre 2018, la dette financière nette de SNCF Réseau s'élevait à 48,2 milliards d'euros. Cette dette, dont l'État était largement responsable, générait environ 1,5 milliard d'euros de frais financiers chaque année, rendant impossible toute perspective de redressement financier du gestionnaire d'infrastructure ferroviaire.

En 2018, en marge de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, l'État s'est engagé à reprendre 35 milliards d'euros de la dette de SNCF Réseau . La première partie de cette reprise était intervenue le 1 er janvier 2020, pour 25 milliards d'euros. Une nouvelle reprise de dette de 10 milliards d'euros, prévue par l'article 167 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, a eu lieu le 1 er janvier 2022.

Dans leur rapport de mars 2022 sur la situation et les perspectives financières de la SNCF 5 ( * ) , les rapporteurs spéciaux ont salué le fait que l'État ait tenu l'engagement pris en 2018. Ils soulignent que cette reprise était devenue indispensable pour espérer sortir la SNCF du marasme financier mais également compte-tenu des nouvelles obligations qui découlent de la transformation de SNCF Réseau en société anonyme (SA) le 1 er janvier 2020. Les rapporteurs spéciaux notent néanmoins que l'effort consenti par l'État doit être relativisé dans la mesure où celui-ci constitue la contrepartie de son sous-investissement historique dans le réseau ferroviaire.

Dans ce même rapport, les rapporteurs spéciaux estiment par ailleurs, qu'à ce stade, la reprise partielle de sa dette par l'État n'est pas une condition suffisante pour assainir structurellement la situation financière du gestionnaire d'infrastructure et pour conjurer la tendance lourde à l'augmentation la dette ferroviaire. Ils appellent ainsi de leurs voeux à une réforme profonde du modèle économique du financement des infrastructures ferroviaires qui doit passer tant par un engagement renouvelé de l'État que par des efforts significatifs de performance de la part de SNCF Réseau.

En 2021, le programme 355 a porté les crédits relatifs aux charges d'intérêt résultant de la reprise par l'État de la première tranche de 25 milliards d'euros de dette de SNCF Réseau. Après l'amortissement de 1,3 milliard d'euros en principal en 2021, la structure des engagements en cours début 2022 figure ci-après. Le taux d'intérêt moyen constaté en 2021 s'est établi à 1,8 %.

Ventilation par catégorie d'emprunts de la dette de SNCF Réseau reprise
par l'État (encours résiduels en milliards d'euros début 2022)

Emprunts à taux fixes
(Md €)

20,4

92,6 %

Emprunts à taux variables (Md €)

0,7

3,0 %

Emprunts indexés sur l'inflation (Md €)

1,0

4,4 %

Total

22,0

100 %

Source : rapport annuel de performances pour 2021

En 2021, le coût total pour l'État généré par la reprise de dette a atteint 2,0 milliards d'euros . Le remboursement en principal de la dette n'est pas considéré comme une dépense budgétaire mais comme une opération de trésorerie. La charge financière , portée par les crédits du programme 355 s'est quant-à-elle élevée à 689 millions d'euros en 2021 pour une évaluation de 692 millions d'euros en loi de finances initiale.


* 1 Et plus marginalement des collectivités locales.

* 2 Qui s'élevaient à 3,5 % de la dotation initiale en LFI soit 131 millions d'euros en AE et 130 millions d'euros en CP.

* 3 À hauteur de 25 millions d'euros.

* 4 L'affaire dite « Célacante ».

* 5 Comment remettre la SNCF sur rail ? Modèle économique de la SNCF et du système ferroviaire : il est grand temps d'agir, Rapport d'information n° 570 (2021-2022) de MM. Hervé MAUREY et Stéphane SAUTAREL, fait au nom de la commission des finances, 9 mars 2022.

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