N° 792
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2022
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le projet de
loi,
adopté par l'Assemblée nationale après
engagement de la procédure accélérée,
de
règlement
du
budget
et d'
approbation
des
comptes
de l'
année
2021
,
Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,
Sénateur
TOME I
Exposé général et examen des articles
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : |
10 , 16 et T.A. 2 |
Sénat : |
787 (2021-2022) |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
PREMIÈRE PARTIE
L'EXERCICE 2021 ET SON CONTEXTE
ÉCONOMIQUE
ET FINANCIER UNE NOUVELLE FOIS EXCEPTIONNEL
I. 2021, UNE ANNÉE DE RELANCE ÉCONOMIQUE TOUTEFOIS MARQUÉE PAR LA POURSUITE DE LA CRISE SANITAIRE, LE RETOUR DE L'INFLATION ET LA REMONTÉE DES TAUX D'INTÉRÊT
A. UNE REPRISE ÉCONOMIQUE AU RENDEZ-VOUS, SANS ÊTRE NÉCESSAIREMENT À LA HAUTEUR DE CELLE DE NOS PARTENAIRES EUROPÉENS
Malgré la persistance de la crise sanitaire, le maintien des mesures de restrictions puis l'accélération de l'inflation en fin d'année, l'année 2021 est marquée par un rebond important de l'activité économique (+ 6,8 % de croissance en volume).
Facilitée par la mise en oeuvre des mesures de soutien et de relance proposées par le Gouvernement et autorisées par le Parlement tout au long de la crise, cette performance économique doit être autant saluée que nuancée.
Certes l'activité est repartie à la hausse mais elle n'a pas retrouvé en 2021 son niveau d'avant-crise tandis que la comparaison avec nos partenaires européens montre que la France a moins bien réussi à préserver son niveau de production sur l'ensemble de la période 2020-2021.
En outre, lors de l'examen des textes financiers à la fin de l'année 2021, le Gouvernement a sous-estimé, en dépit des informations disponibles à date, le niveau de croissance attendu pour 2021 ce qui lui permet, aujourd'hui, de revendiquer des recettes publiques plus importantes que prévues.
1. Une reprise économique soutenue par la consommation
En 2021, le PIB s'établit à 2 500,9 milliards d'euros ce qui représente une croissance en valeur de 8,2 % par rapport à 2020 tandis qu'en volume - c'est-à-dire corrigé de la variation des prix - le PIB augmente de 6,8 % en 2021 après une contraction de 7,8 % en 2020 par rapport à 2019 en raison de la survenue de la crise sanitaire.
La croissance en volume en 2021 a principalement été portée par la consommation (4,5 points de PIB) dont le niveau n'avait toutefois pas encore rattrapé celui atteint avant la crise (- 0,5 point de PIB d'écart par rapport à 2019).
À l'inverse, si l'investissement contribue moins à la croissance en volume en 2021 (2,7 points de PIB) que la consommation, son niveau a dépassé celui observé avant la crise (+ 0,5 point des PIB par rapport à 2019).
Décomposition des facteurs de
contributions
à la croissance en volume
(en pourcentage pour le taux d'évolution - en point
de pourcentage pour les contributions)
Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux de l'INSEE pour l'année 2021
2. Des performances à nuancer en comparaison de nos partenaires
Comme l'indique le Gouvernement, au troisième trimestre 2021, le PIB est effectivement revenu au niveau constaté au quatrième trimestre 2019 .
Néanmoins, les performances économiques de la France sont moins satisfaisantes en 2021 lorsqu'on les compare au niveau européen, qu'on les analyse en tendance annuelle et que l'on s'intéresse à l'activité des branches.
En premier lieu, au troisième trimestre 2021, le PIB de la plupart des pays de l'Union européenne était revenu au-dessus du niveau constaté au quatrième trimestre 2019.
Certains États, à l'instar des Pays-Bas, de la Pologne, de la Roumanie ou de l'Irlande avaient même retrouvé leur niveau d'activité d'avant-crise dès le deuxième trimestre 2021.
Évolution du PIB trimestriel
dans l'Union
européenne
(PIB en volume - base 100 au
quatrième trimestre
2019)
Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux trimestriels d'Eurostat
En deuxième lieu, si le PIB trimestriel s'est redressé au quatrième trimestre, le PIB de l'ensemble de l'année 2021 est resté en-dessous de celui constaté en 2019, ce qui signifie que l'économie française n'a pas rattrapé son niveau d'avant crise en 2021.
Évolution du PIB de la France
(PIB en volume - en milliards d'euros 2014)
Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux de l'INSEE pour l'année 2021
En troisième lieu, en comparaison des autres économies de l'Union européenne, les performances de l'économie française sur la période 2020-2021 sont moins fortes.
Ainsi,
les pertes de PIB en volume constatées
par rapport à
l'année 2019 ont été plus
importantes en France en 2020 et 2021 qu'en moyenne dans l'Union
européenne
, ce qui la situe sur ce point dans le même
groupe de pays que l'Italie, le Portugal ou la Grèce.
Répartition des pays de l'Union européenne selon l'ampleur des pertes de PIB en volume en 2020 et 2021 par rapport à 2019
(Écarts en pourcentage au PIB en volume de l'année 2019)
Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux trimestriels d'Eurostat
Enfin,
le niveau d'activité des branches est
resté très hétérogène
en 2021, certains
secteurs continuant d'évoluer très en-deçà de leur
niveau constatés en 2019.
Tel est notamment le cas des secteurs de l'industrie et de l'agriculture (- 7 % par rapport à 2019) ou de l'hébergement et de la restauration (- 17 % par rapport à 2019).
En sens inverse, certains secteurs économiques sont revenus (commerce) ou ont largement dépassé leur niveau d'activité d'avant-crise au cours de l'année 2021 (information et communication et activités financières et d'assurance, notamment).
Valeur ajoutée des branches de l'économie française
(Valeur ajoutée en volume - base 100 en 2019)
Source : commission des finances du Sénat d'après les comptes nationaux de l'INSEE pour l'année 2021
3. Une prévision de croissance victime de nombreux aléas mais également sous-estimée en fin d'année
La prévision de croissance pour 2021 a fait l'objet de nombreuses révisions qu'expliquent aisément l'importance des aléas survenus au cours des deux dernières années. Il faut toutefois noter qu'au regard des informations dont il disposait à date, le Gouvernement l'a sous-estimée lors de l'examen des textes financiers à la fin de l'année 2021.
Au final, le PIB en volume constaté en 2021 est plus important que celui qui avait été envisagé par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances initiale (PLF) pour 2021.
Pour commencer, le PLF pour 2021 reposait sur une hypothèse de croissance de 8 % en 2021 mais, à cette période, le niveau du PIB pour 2020 demeurait incertain. En pratique, le PIB finalement constaté en 2020 se sera révélé plus important que celui estimé par le Gouvernement à l'occasion du PLF pour 2021.
Lors de la présentation du programme de
stabilité
pour les
années 2021 à 2027 et de
l'examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2021 en avril
2021,
le Gouvernement a révisé son hypothèse de
croissance pour 2021 de 8 % à 5 % ainsi que son estimation du
PIB pour 2020.
Tenant compte de la persistance de la crise sanitaire et des mesures de restrictions de nouveaux décidées à la fin de l'année 2020, le Gouvernement anticipait ainsi un recul de la consommation et de l'investissement par rapport à sa prévision initiale.
La bonne tenue de l'activité au
troisième et quatrième
trimestre 2021 a conduit le
Gouvernement a révisé à la hausse sa prévision de
croissance pour 2021
au cours de l'examen du PLF pour 2022 et du
second PLFR pour 2021 de 5 % à 6,25 %. Le scénario
retenu par le Gouvernement reposait notamment sur
une anticipation plus
favorable du niveau des investissements des entreprises.
Compte tenu du PIB observé au troisième trimestre 2021, cette prévision apparaissait excessivement prudente, comme le rapporteur général l'avait noté dans son rapport général, dans le tome I consacré au budget 2022 et son contexte économique et financier 1 ( * ) : « même si l'activité n'accélérait pas au quatrième trimestre, la croissance du PIB en volume en 2021 atteindrait 6,6 % ».
En raison des effets d'une croissance plus favorable qu'anticipée sur la prévision de recettes publiques, le rapporteur général avait invité le Gouvernement à réviser son scénario macroéconomique et à amender l'article liminaire du PLF pour 2022 et du second PLFR pour 2021.
Dans ce contexte et comme cela sera développé plus amplement infra ainsi qu'à l'occasion de son rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022, le rapporteur général observe que le surcroît de recettes publiques enregistré en 2021 et attendu pour 2022 s'explique en bonne partie par la sous-estimation manifeste de la croissance, en fin d'année 2021 .
Décomposition des évolutions entre les
différentes prévisions
de croissance pour 2020 et
2021
(en point de PIB, en volume constaté en 2020)
Source : calculs de la commission des finances d'après les documents budgétaires et les comptes nationaux de l'INSEE pour les années 2020 et 2021 |
* 1 Rapport général n° 163 (2021-2022) de M. Jean-François Husson, fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021