Rapport n° 762 (2021-2022) de M. Jean-Marc TODESCHINI , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 6 juillet 2022
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L'ESSENTIEL
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I. L'AUTORITÉ BANCAIRE EUROPÉENNE, UNE
INSTITUTION QUI DONNE DAVANTAGE DE VISIBILITÉ À LA PLACE
FINANCIÈRE PARISIENNE
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II. UN ACCORD DE FACTURE CLASSIQUE
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I. L'AUTORITÉ BANCAIRE EUROPÉENNE, UNE
INSTITUTION QUI DONNE DAVANTAGE DE VISIBILITÉ À LA PLACE
FINANCIÈRE PARISIENNE
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
N° 762
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juillet 2022
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l' approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et l' Autorité bancaire européenne relatif au siège de l' Autorité bancaire européenne et à ses privilèges et immunités sur le territoire français ,
Par M. Jean-Marc TODESCHINI,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Abdallah Hassani, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Bruno Sido, Rachid Temal, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard .
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : |
4868 , 5026 et T.A. 808 |
Sénat : |
525 et 763 (2021-2022) |
L'ESSENTIEL
Réunie le 6 juillet 2022, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Marc Todeschini sur le projet de loi n° 525 (2021-2022) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Autorité bancaire européenne relatif au siège de l'Autorité bancaire européenne et à ses privilèges et immunités sur le territoire français .
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité et sans modification, le projet de loi précité que l'Assemblée nationale avait adopté, en première lecture, le 17 février 2022.
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I. L'AUTORITÉ BANCAIRE EUROPÉENNE, UNE INSTITUTION QUI DONNE DAVANTAGE DE VISIBILITÉ À LA PLACE FINANCIÈRE PARISIENNE
A. UNE AGENCE DE L'UNION EUROPÉENNE NÉE DE LA CRISE FINANCIÈRE DE 2008
1. Sa genèse
La crise mondiale de 2007-2008 a mis en lumière de graves lacunes du système européen de surveillance financière. Pour pallier ces dysfonctionnements, le président de la Commission européenne a confié au Français Jacques de Larosière, en octobre 2008, la présidence d'un groupe de travail chargé de formuler des propositions pour renforcer le dispositif de supervision.
Sur la base de ce rapport, la Commission a présenté, en septembre 2009, ses propositions de réforme du cadre existant ; il est notamment envisagé de lui substituer un système européen de surveillance financière ( European System of Financial Supervision - ESFS) comprenant une autorité bancaire, une autorité des valeurs mobilières et une autorité des assurances et des pensions professionnelles.
À travers ses propositions, la Commission poursuivait plusieurs objectifs :
- mieux protéger les citoyens et rétablir ainsi leur confiance en notre système financier ;
- contribuer à l'élaboration d'un ensemble unique de règles ;
- résoudre les difficultés liées aux entreprises transfrontalières ;
- prévenir toute accumulation de risques de nature à menacer la stabilité du système financier.
Après un accord unanime des États membres, le Parlement européen a adopté, en septembre 2010, la nouvelle architecture de surveillance proposée par la Commission, entérinée quelques semaines plus tard par le Conseil Ecofin : trois autorités européennes de surveillance (AES) et un Comité européen du risque systémique (CERS) ont alors été mis en place, en remplacement des anciens comités de surveillance.
Instituée par le règlement (UE) n° 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 1 ( * ) , l'Autorité bancaire européenne (ABE, plus connue sous son acronyme anglais « EBA » - European Banking Authority ) est l'une de ces trois AES. Elle a remplacé, à compter du 1 er janvier 2011, le Comité européen des superviseurs bancaires (ou « CEBS » pour Committee of European Banking Supervisors ) dont elle a repris les missions et les compétences.
L'ABE est une autorité indépendante de l'Union européenne qui oeuvre à garantir un niveau de règlementation et de surveillance prudentielles efficace et cohérent dans l'ensemble du secteur bancaire européen. Bien qu'indépendante, l'ABE rend des comptes au Parlement européen, au Conseil de l'Union européenne et à la Commission européenne.
2. Ses missions
Le mandat de l'ABE lui confère trois missions :
- elle veille à la cohérence d'ensemble et à l'harmonisation de l'application des règles prudentielles au sein de l'Union européenne. À cette fin, l'ABE est compétente pour l'élaboration de textes de législation de niveau 2 - tels que des standards techniques - et d'orientation ( guidelines ), sur un périmètre large de sujets d'application (méthode de qualification des prêts non performants, mesure des risques bancaires liés au changement climatique, etc.) ;
- elle promeut la convergence des pratiques de supervision, en coordonnant l'action des autorités de supervision nationales dans l'enceinte du collège de superviseurs où les vingt-sept autorités nationales sont représentées. Dans ce cadre, l'agence intervient en qualité de médiatrice lorsque des autorités sont en désaccord sur le niveau d'exigence règlementaire ;
- elle effectue un travail de veille et d'analyse économiques sur la santé du secteur bancaire européen. À ce titre, l'ABE conduit des tests de résistance annuels ( stress tests ) visant à évaluer la résistance des plus grandes banques européennes à divers scénarios simulant un choc économique plus ou moins sévère.
L'ABE n'est en revanche pas compétente pour l'octroi d'agréments bancaires, de l'exercice des contrôles et de l'administration de sanctions, qui relèvent des prérogatives des autorités nationales 2 ( * ) . Par ailleurs, pour les États participant à l'union bancaire, c'est la Banque centrale européenne (BCE) qui assure la supervision microprudentielle des établissements bancaires, soit directement pour les plus significatifs d'entre eux, soit par l'intermédiaire des autorités nationales pour les autres, dans le cadre du mécanisme de surveillance unique.
3. Son organisation
La gouvernance de l'ABE est assurée par un collège de superviseurs qui décide des orientations politiques de l'agence, approuve la publication des travaux et définit sa politique budgétaire, et par un conseil de direction ( management board ) qui veille à la bonne exécution du mandat de l'ABE.
Le collège de superviseurs est composé du président de l'ABE, d'un représentant provenant de chacune des autorités nationales de supervision, et d'observateurs de la Commission européenne. Le conseil de direction de l'ABE est quant à lui composé du président de l'ABE et de six membres élus par le collège de superviseurs ; il est notamment responsable de la préparation du programme de travail et de la publication du rapport annuel de l'agence.
Deux autres comités spécialisés complètent cet organigramme : le comité de résolution, compétent sur la doctrine de l'ABE en matière de résolution bancaire, et le comité de lutte contre le blanchiment d'argent et la lutte contre le financement du terrorisme.
Le président de l'ABE, dont le mandat est d'une durée de cinq ans, est désigné par le collège de superviseurs, puis confirmé par le Parlement européen. Depuis 2019, ce poste est occupé par l'Espagnol José Manuel Campa. Le directeur exécutif de l'agence, nommé selon les mêmes modalités et pour la même durée, est, depuis 2020, le Français François-Louis Michaud, auparavant directeur général adjoint du Mécanisme de supervision unique (MSU).
Le budget de l'ABE s'élevait en 2021 à 49 millions d'euros, dont 30 millions d'euros provenant des dotations des autorités nationales de supervision (dont l'ACPR), et 19 millions d'euros de l'Union européenne.
B. LA SORTIE DU ROYAUME-UNI DE L'UNION EUROPÉENNE A CONSTITUÉ UNE OPPORTUNITÉ POUR LA PLACE DE PARIS
1. La perte du passeport financier a engendré une relocalisation de milliers d'emplois dans la capitale
En raison du Brexit, le Royaume-Uni a perdu l'équivalence en matière de services d'investissement (ESI) qui constitue le principal point d'accès au marché intérieur pour la vente de leurs produits et services. Cette équivalence permet à des entreprises d'investissement ou à des établissements de crédit de pays tiers, disposant des agréments adéquats dans leur pays d'origine, de fournir, depuis ce pays, les neufs services d'investissements reconnus par la réglementation MiFID2 3 ( * ) aux seuls clients professionnels de l'Union européenne.
Avant le Brexit, les nombreuses filiales d'entreprises d'investissement étrangères - notamment américaines et asiatiques - installées à Londres bénéficiaient sans restriction du passeport européen sur les services financiers. Le non-octroi de l'ESI au Royaume-Uni a été la principale raison de la relocalisation des services financiers dans l'Union européenne ; la Banque d'Angleterre estimait alors que 10 000 emplois du secteur étaient menacés. Certaines entreprises n'ont d'ailleurs pas attendu la sortie effective du Royaume-Uni de l'Union européenne pour déménager leurs bureaux, notamment à Paris, ce qui a renforcé la visibilité de notre place financière.
La France avait engagé une véritable stratégie pour attirer les entreprises relevant de l'écosystème financier de la City, et contrer ainsi les initiatives luxembourgeoises, allemandes et irlandaises destinées à séduire les gérants londoniens. À cet égard, le Parlement avait adopté, à la suite de l'annonce du Brexit, des mesures favorisant les installations dans l'Hexagone : allongement de 5 à 8 ans du régime spécifique des « impatriés », exonération de la tranche supérieure de la taxe sur les salaires, annulation de l'extension de la taxe sur les transactions financières aux opérations intraday 4 ( * ) , création d'un guichet unique « tax 4 business » pour faciliter les démarches, imposition des revenus des gestionnaires de fonds - dits de carried interest - au prélèvement forfaitaire unique de 30 % (contre 28 % au Royaume-Uni) à condition qu'ils s'installent en France et que leurs gains soient entièrement réalisés à l'étranger, etc.
Auditionné par le rapporteur, Paris Europlace , organisme en charge de la promotion et du développement de la place financière parisienne, évalue à 4 500 le nombre d'emplois directs relocalisés à Paris, destination préférée à Dublin (4 000) et à Francfort (3 000). D'après le cabinet EY, notre capitale aurait plutôt attiré 2 800 emplois, contre 1 800 pour Francfort et 1 200 pour Dublin. Quoi qu'il en soit, la France est la principale bénéficiaire des relocalisations de salariés de la finance, initialement évalués à 7 000 ; selon Paris Europlace , ce succès s'explique notamment par la qualité de la formation française dans ce domaine.
D'après le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le Brexit a permis à la place parisienne de se diversifier en attirant des institutions financières qui, auparavant, y étaient peu - voire pas - représentées, à l'instar des grandes banques d'investissements, ou des principaux gestionnaires d'actifs et intermédiaires anglo-saxons (courtiers, plateformes de négociation électroniques, etc.).
2. L'accueil du siège de l'ABE à Paris est une conséquence directe du Brexit
La décision du Royaume-Uni de quitter l'Union européenne, notifiée au Conseil européen le 29 mars 2017, a entraîné de facto le départ des agences européennes, dont l'ABE, de son territoire.
Le 20 novembre 2017, en marge de la session du Conseil des affaires générales, Paris a été choisie pour accueillir le siège de l'ABE, au tirage au sort face à Dublin, après trois tours de scrutin non concluants. L'autorité s'est donc installée dans le quartier de La Défense, en mars 2019, avec ses quelque 200 employés - dont une vingtaine de Français - qui avaient exprimé leur préférence pour un déménagement à Paris ou à Vienne.
Interrogé par le rapporteur sur les conditions d'accueil et d'installation du personnel dans la capitale, le directeur exécutif de l'ABE a indiqué qu'aucune difficulté particulière n'avait été rencontrée par ses collaborateurs en provenance du siège londonien, y compris en matière de scolarisation de leurs enfants.
L'installation de l'ABE dans la capitale renforce l'attractivité et l'image de la place parisienne en tant que centre financier international. La présence et le séjour de professionnels européens de la finance conforte Paris comme capitale financière de la zone euro, dans un contexte de forte concurrence des autres places européennes.
3. Ce déménagement permettra une meilleure coordination avec l'AEMF
Le déménagement de l'ABE à Paris permet une collaboration plus simple avec l'AEMF, elle aussi installée dans la capitale, dans l'objectif de maintenir une supervision adéquate des activités de marchés des entreprises du secteur bancaire, qu'il s'agisse des établissements de crédit ou des entreprises d'investissement : l'Autorité bancaire européenne définit les règles prudentielles, et l'Autorité européenne des marchés financiers les règles de conduite. Les synergies entre les deux autorités sont importantes pour la qualité et la cohérence de la régulation. En outre, les enjeux liés à la supervision des entreprises établies dans des pays tiers devront faire l'objet d'une coopération approfondie entre les deux autorités ; leur proximité géographique facilitera cette coordination.
En septembre 2009, la Commission avait proposé de remplacer la configuration de supervision existante par un système européen de surveillance financière intégré, comprenant les trois autorités européennes de surveillance. Sur le fond, la France est favorable à une plus grande convergence dans l'Union européenne en matière de supervision ainsi qu'à un renforcement des pouvoirs de l'AEMF, mais ne soutient pas réellement une fusion des deux agences. L'idée d'un régulateur unique pourrait être défendue pour des raisons de fond, indépendamment de l'accueil de l'ABE à Paris, pour renforcer la cohérence de la supervision entre l'échelon national et l'échelon européen.
II. UN ACCORD DE FACTURE CLASSIQUE
Cet accord s'inscrit dans une série d'accords de siège, au contenu similaire, conclus - ou en cours de négociation - entre la France et les agences décentralisées de l'Union européenne établies sur notre territoire (Autorité européenne des marchés financiers, Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer, Office communautaire des variétés végétales).
À la différence d'autres organisations internationales, l'absence d'accord de siège ne crée pas de difficulté de fonctionnement pour l'ABE. En effet, l'agence européenne et les membres de son personnel bénéficient d'une série de privilèges et immunités comparables à ceux ordinairement reconnus par accord de siège, en vertu du protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne (PPI) annexé au traité sur l'Union européenne et traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
A. LE STATUT JURIDIQUE DE L'AGENCE
En application de l'article 5 du règlement (UE) n° 1093/2010 du 24 novembre 2010, l'ABE est un organisme de l'Union européenne doté de la personnalité juridique qui jouit, dans chaque État membre, de la capacité juridique la plus étendue accordée aux personnes morales en droit national. Par conséquent, l' article 2 du présent accord reconnaît à l'Autorité bancaire européenne une capacité juridique équivalente à celle des personnes morales de droit français, qui lui permet d'ester en justice.
L'agence est autorisé à pavoiser ses locaux du drapeau européen et d'un drapeau frappé de son emblème ( article 7 ). En outre, elle peut immatriculer trois de ses véhicules de service dans la série privilégiée « CD » habituellement réservée aux agents des missions diplomatiques et consulaires en poste en France et titulaires d'un titre de séjour spécial ( article 11 ).
B. LES INVIOLABILITÉS
L' article 3 prévoit l'inviolabilité desdits locaux qui, en conséquence, sont exempts de perquisition, réquisition, confiscation ou expropriation. L' article 6 ajoute que l'agence coopère avec les autorités françaises afin de maintenir ou de rétablir l'ordre et la sécurité aux abords immédiats des locaux occupés par l'ABE. Toutefois, elles « ne peuvent y pénétrer pour y exercer leurs fonctions officielles qu'avec le consentement ou à la demande du directeur exécutif de l'Autorité [...] et lui fournissent dans ce cas toute l'assistance nécessaire. »
S'agissant des locaux de l'agence, il convient de préciser que la France participe financièrement à l'installation de l'ABE à Paris (prise à bail, aménagement des locaux), pour un montant total à 8,5 millions d'euros sur neuf ans.
Enfin, aux termes des articles 4 et 5 , les archives et les communications officielles de l'ABE sont également inviolables.
C. LES DISPOSITIONS FISCALES
Les articles 8 à 10 précisent les modalités d'exonération de droits de douane et d'impôts directs et indirects, ainsi que les exemptions de restrictions dont bénéficie l'Autorité bancaire européenne pour ses avoirs, ses biens et ses achats effectués pour son usage officiel.
Seuls les achats d'un montant supérieur à 150 euros TTC sont exonérés de TVA ; les achats mineurs sont donc soumis à un prélèvement. Les demandes d'importation en franchise doivent être adressées au protocole du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui les transmet ensuite à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) chargée de leur instruction. Les demandes d'importation en franchise de biens à usage privé, par exemple dans le cadre d'un déménagement, doivent quant à elles être déposées auprès d'un bureau de douane.
L' article 14 décrit les conditions d'imposition des traitements et salaires versés par l'ABE. À l'instar des fonctionnaires européens, ses agents bénéficient d'une exonération d'impôt national sur le revenu ; leurs traitements sont en revanche soumis à un impôt communautaire, prélevé à la source, tout comme la part salariale des cotisations sociales. Les membres de leur famille ne bénéficient pas d'une telle exonération fiscale dès lors qu'ils exercent une activité professionnelle.
Les modalités d'application des impôts sur le revenu et sur la fortune, des droits de succession et des conventions visant à éviter la double imposition des membres du personnel, sont précisées à l' article 15 . Lorsque la France n'est pas l'État du domicile fiscal au moment de l'entrée au service de l'Autorité bancaire européenne, les membres du personnel, les membres de leur famille n'exerçant pas d'activité professionnelle, et leurs enfants à charge, conservent leur État de domicile fiscal si ce dernier est membre de l'Union européenne.
Les revenus du personnel de l'ABE et des experts nationaux détachés, sont exemptés des cotisations obligatoires du régime de sécurité sociale français s'ils bénéficient respectivement de la couverture prévue pour les fonctionnaires et agents de l'Union européenne, ou du régime de sécurité sociale de l'État dont ils sont détachés ( article 18 ).
D. LES PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS ACCORDÉS AU PERSONNEL
D'après les informations transmises par le Quai d'Orsay, l'ABE emploie 216 agents, dont 19 experts nationaux détachés (parmi lesquels quatre ressortissants français), et 33 agents temporaires (intérimaires, stagiaires, consultants, etc.). Au total, une vingtaine de Français y travaillent.
L'entrée des membres du personnel, de leur famille et des experts nationaux détachés (END) sur le territoire français est facilitée comme en dispose l' article 12 de l'accord de siège. Le gouvernement français s'engage, d'une part, à attribuer aux membres du personnel un titre de séjour spécial de la catégorie « FI » 5 ( * ) (à condition qu'ils ne soient pas résidents permanents en France), et d'autre part, à faciliter la délivrance de titres de séjour et d'autorisations de travail aux membres de leur famille ainsi qu'aux END.
Les membres du personnel de l'ABE jouissent, quelle que soit leur nationalité, des mêmes facilités que le personnel diplomatique ( article 13 ) : immunité de juridiction fonctionnelle, dont ils continuent de bénéficier après la cessation de leurs fonctions ; exemption de restriction en matière de réglementation monétaire ; droit d'importer et de réexporter en franchise leur mobilier, leurs effets et leur automobile à usage personnel ; droit, à titre exceptionnel, de faire l'acquisition d'une automobile en franchise dans les douze mois suivant leur installation en France. L' article 20 prévoit les conditions de la levée de ces privilèges et immunités, accordés « exclusivement dans l'intérêt de l'Union européenne » , et pose comme principe le respect de la législation française.
L' article 16 apporte des précisions sur les privilèges et immunités accordés aux membres du conseil d'administration et du Conseil des autorités de surveillance (ainsi qu'à leurs conseillers et experts techniques), en référence à l'article 11 a) du PPI, dont ils bénéficient y compris lors de leurs voyages officiels. Cet article est un apport important de l'accord de siège car il n'est pas acquis que de tels privilèges puissent être accordés en référence au PPI.
À l' article 17 , la France s'engage à favoriser le détachement de ses propres experts auprès de l'Autorité bancaire européenne pour satisfaire ses besoins en personnels. En revanche, les experts nationaux français détachés auprès de l'ABE, généralement issus de l'ACPR, ne peuvent prétendre aux privilèges fiscaux selon une position constante de l'administration française.
E. L'OFFRE ÉDUCATIVE INTERNATIONALE
L' article 19 constitue une disposition originale de l'accord de siège, par laquelle le Gouvernement s'engage à développer une offre de scolarisation multilingue et à lancer une procédure d'agrément en vue de la création d'une école européenne en région parisienne.
Conformément à cet engagement, l'école européenne agréée Paris La Défense (EEPLD) a ouvert ses portes à Courbevoie (Hauts-de-Seine), à la rentrée 2019. Elle a obtenu l'agrément pour les classes allant de la maternelle à la terminale.
Au cours de l'année scolaire 2021-2022, cette école comptait 264 élèves, répartis en deux sections linguistiques, l'une anglophone, l'autre francophone. Un nouveau site unique pour 1 000 élèves est prévu pour la rentrée 2027.
35 % des élèves inscrits dans cette école sont des enfants de membres du personnel d'institutions internationales, essentiellement de l'ABE. L'établissement joue son rôle pédagogique et social tant auprès des membres du personnel de l'agence qui disposent d'une priorité d'inscription, que des franciliens résidant à proximité ; ainsi, l'EEPLD permet une scolarité multilingue et pluriculturelle, tout en assurant une mixité sociale et en créant des perspectives aux élèves du secteur.
L'offre éducative internationale est un élément clé dans l'attractivité d'un territoire, en premier lieu pour la formation d'une main-d'oeuvre très qualifiée, mais aussi pour assurer la scolarisation des enfants du personnel des organisations internationales ou des entreprises en mobilité. Ces dix dernières années, cette offre a doublé en France, ce qui permet, entre autres, l'accueil des « enfants du Brexit », tant en Île-de-France 6 ( * ) que dans les autres métropoles françaises (Lille, Strasbourg).
F. LES DISPOSITIONS FINALES
Les articles 21 à 25 traitent, de manière classique, de soutien logistique, de communication entre les parties, de règlement des différends et d'entrée en vigueur de l'instrument.
En application de l'article 22, la Cour de justice de l'Union européenne sera compétente pour statuer sur tout différend relatif à l'application ou à l'interprétation du présent accord, qui n'aurait pu être réglé à l'amiable ou par la voie de la médiation.
Enfin, aux termes de son article 25, le présent accord s'applique jusqu'au 31 décembre 2030 et est tacitement reconduit pour des durées consécutives de vingt ans. Toutefois, une telle disposition ne saurait être interprétée comme susceptible de fonder une modification du lieu d'implantation du siège de l'ABE.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 6 juillet 2022, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Marc Todeschini sur le projet de loi n° 525 (2021-2022) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Autorité bancaire européenne relatif au siège de l'Autorité bancaire européenne et à ses privilèges et immunités sur le territoire français.
M. Christian Cambon, président . - Nous examinons à présent le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Autorité bancaire européenne relatif au siège de l'Autorité bancaire européenne et à ses privilèges et immunités sur le territoire français, sur le rapport de notre collègue Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur . - Le système européen de surveillance a connu une réforme d'ampleur après la crise financière de 2008 qui a mis en exergue de graves lacunes. Sur la base du rapport Larosière, la Commission européenne a formulé plusieurs propositions pour pallier les dysfonctionnements identifiés, et ainsi mieux protéger les citoyens, rétablir la confiance en notre système financier, et prévenir tout risque susceptible de porter atteinte à sa stabilité.
Le Parlement européen a adopté ces propositions en septembre 2010. L'une d'elles consistait en la réforme du cadre de supervision financière existant, qui a donné naissance au Comité européen du risque systémique ainsi qu'à trois autorités européennes de surveillance que sont, pour le domaine assurantiel, l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, qui siège à Francfort ; pour les marchés financiers, l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), située à Paris ; et pour le secteur bancaire, l'ABE, dont le siège est également installé dans notre capitale.
Le rôle de l'ABE est d'améliorer le fonctionnement du marché intérieur en garantissant une surveillance et une réglementation appropriées, efficaces et harmonisées à l'échelle de l'Union. L'ABE est indépendante, mais rend des comptes au Parlement européen, au Conseil de l'Union européenne et à la Commission européenne. Les autorités de régulation nationales -comme l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en France - participent aux prises de décisions.
Le siège de l'ABE était initialement situé à Londres, au coeur de la City. La décision prise par le Royaume-Uni de quitter l'Union européenne entraînait de facto le départ de cette agence européenne de son territoire. En novembre 2017, Paris a été choisie pour accueillir le siège de l'ABE, par tirage au sort face à Dublin, après trois tours de scrutin non concluants. L'Autorité s'est donc installée dans le quartier de La Défense, en mars 2019, avec ses quelque 200 employés, qui avaient exprimé leur préférence pour un déménagement à Paris ou à Vienne.
L'autre conséquence notable du Brexit fut la perte du passeport financier européen pour les entreprises du secteur - gérants d'actifs, banques et assurances - établies au Royaume-Uni, synonyme pour elles de la fin de l'accès au marché intérieur pour la vente de leurs produits et services. Les institutions financières ayant leur siège européen à Londres ont donc été contraintes de délocaliser des milliers de salariés au sein de l'Union européenne. D'après les études réalisées sur le sujet, Paris a attiré entre 2 800 et 4 500 emplois relocalisés, faisant de notre capitale la destination privilégiée devant Francfort et Dublin.
J'en viens à présent aux stipulations de l'accord qui sont conformes aux dispositions du protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne annexé au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Ces dispositions n'appellent aucune modification de notre droit national.
Le présent accord, de facture classique, est comparable aux accords de même nature récemment conclus par la France. Il permettra d'assurer le bon fonctionnement de l'ABE sur le sol français, ainsi que son indépendance.
L'accord prévoit les privilèges diplomatiques habituels tels que l'inviolabilité des locaux de l'autorité, de ses communications et de ses archives. À ce titre, il convient de préciser que la France a pris un engagement financier vis-à-vis de l'ABE pour l'installation de son siège dans la capitale, d'un montant de 8,5 millions d'euros sur neuf ans. D'autres villes européennes avaient proposé une prise en charge intégrale du loyer de l'ABE pour attirer l'agence sur leur territoire.
L'immunité de juridiction est conférée ès qualités aux membres du personnel, pour lesquels l'entrée sur le territoire français est également facilitée.
Sur le plan fiscal, l'autorité est exonérée d'impôts directs et indirects et de droits de douane sur les biens destinés à son usage officiel. Quant aux membres du personnel, ils bénéficient d'une exemption d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales, à l'instar des fonctionnaires de l'Union européenne.
Enfin, l'accord comporte une disposition originale par laquelle le Gouvernement s'engage à développer une offre de scolarisation multilingue et à lancer une procédure d'agrément en vue de la création d'une école européenne en région parisienne. Cet établissement a ouvert ses portes à Courbevoie, en 2019 ; le tiers de ses élèves sont des enfants de membres du personnel d'institutions internationales, exerçant pour l'essentiel à l'ABE.
Pour conclure, bien que plusieurs dispositions de cet accord s'appliquent d'ores et déjà en vertu du protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne, la France a un double intérêt à le ratifier : d'une part, celui d'afficher notre volonté et notre capacité d'accueillir des institutions internationales sur notre sol en leur offrant les meilleures conditions possibles, et d'autre part, celui de favoriser l'image et l'attractivité de la place financière parisienne, dont les retombées en termes d'emplois et de recettes pour l'État peuvent s'avérer importantes.
En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale 17 février dernier. Son examen en séance publique au Sénat est prévu le mardi 19 juillet, selon la procédure d'examen simplifié, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Autorité bancaire européenne
• M. François-Louis Michaud , directeur exécutif
• M. Jonathan Overett Somnier , chef des services juridiques
• M. Philippe Allard , chef de gouvernance et affaires extérieures
Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
• M. Gabriel Cumenge , sous-directeur aux affaires bancaires, direction générale du Trésor
• M. François d'Orlando , sous-directeur adjoint aux affaires bancaires, direction générale du Trésor
Ministère de l'Europe et des affaires étrangères
• Mme Bérengère Michon , rédactrice, direction de l'Union européenne
• Mme Charline Thiéry , consultante juridique, mission des accords et traités
Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse
M. Emmanuel de Tournemire , conseiller dossiers transversaux et attractivité de l'offre scolaire internationale
Paris Europlace
• M. Arnaud de Bresson , délégué général
• M. Olivier Vigna , délégué général adjoint
* 1 Modifiant la décision n° 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission.
* 2 À savoir, en France, de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour les services bancaires et assurantiels, et de l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour les produits financiers.
* 3 La réception et la transmission d'ordres ; l'exécution d'ordres au nom de clients ; la négociation pour compte propre ; la gestion de portefeuille sous mandat ; le conseil en investissement ; la prise ferme d'instruments financiers et/ou le placement d'instruments financiers avec engagement ferme ; le placement d'instruments financiers sans engagement ferme ; l'exploitation d'une plateforme de type Multilateral Trading Facility ; et l'exploitation d'une plateforme de type Organised Trading Facility .
* 4 Transactions monétaires ou financières initiées et dénouées au cours d'une même journée.
* 5 Ce titre permet de bénéficier d'une immunité de juridiction dans l'exercice des fonctions, ainsi que de privilèges fiscaux (exemption d'impôt sur le revenu et de taxe d'habitation) et douaniers (un véhicule en série privilégié).
* 6 Le lycée international de Palaiseau a ouvert ses portes en 2021, et un nouvel établissement de ce type - le neuvième en Île-de-France -, accueillant un millier d'élèves, ouvrira à Vincennes en 2023.