Rapport n° 758 (2021-2022) de Mme Vivette LOPEZ , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 6 juillet 2022
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L'ESSENTIEL
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I. LA COMMISSION DE L'OCÉAN INDIEN
(COI) : L'ORGANISATION DE COOPÉRATION INTERGOUVERNEMENTALE DE
L'OCÉAN INDIEN OCCIDENTAL
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II. UNE RÉVISION DE L'ACCORD
GÉNÉRAL POUR INSUFFLER UN NOUVEL ÉLAN À LA
COOPÉRATION
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A. LE BILAN DE LA PRÉSIDENCE
FRANÇAISE DE LA COI
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B. MALGRÉ LES EFFORTS DIPLOMATIQUES
FRANÇAIS, MAYOTTE RESTE GLOBALEMENT EN MARGE DE LA COMMISSION
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C. UN NOUVEAU PLAN DE DÉVELOPPEMENT
STRATÉGIQUE EST EN COURS D'ÉLABORATION
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D. LES ÉVOLUTIONS DE L'ACCORD
GÉNÉRAL
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1. Élargir les domaines de
coopération
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2. Affirmer l'identité de la COI
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3. Assurer le renforcement institutionnel de la
COI
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4. Définir les termes et les conditions
d'octroi du statut d'observateur
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5. Actualiser le règlement
intérieur
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6. Conserver une répartition flexible des
contributions étatiques
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7. Assainir la gestion financière de
l'organisation
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1. Élargir les domaines de
coopération
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A. LE BILAN DE LA PRÉSIDENCE
FRANÇAISE DE LA COI
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I. LA COMMISSION DE L'OCÉAN INDIEN
(COI) : L'ORGANISATION DE COOPÉRATION INTERGOUVERNEMENTALE DE
L'OCÉAN INDIEN OCCIDENTAL
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
N° 758
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juillet 2022
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l' approbation de l' accord portant révision de l' accord général de coopération entre les États membres de la Commission de l' océan Indien ,
Par Mme Vivette LOPEZ,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Abdallah Hassani, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Bruno Sido, Rachid Temal, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard .
Voir les numéros :
Sénat : |
408 et 759 (2021-2022) |
L'ESSENTIEL
La Commission de l'océan Indien (COI) est une organisation régionale intergouvernementale. Elle est originale dans sa composition en ce qu'elle est uniquement composée d'États insulaires et francophones du sud-ouest de l'océan Indien : les Comores, la France, Madagascar, Maurice et les Seychelles. La France n'en est membre qu'au titre de La Réunion ; en effet, l'inclusion de Mayotte dans cet environnement régional est contestée au sein de l'organisation en raison d'un contentieux territorial.
Compte tenu, d'une part, des nouveaux enjeux de la coopération régionale dans l'Indianocéanie, et d'autre part, de l'extension progressive des domaines d'intervention de la COI, les États membres se sont engagés dans un processus de modernisation de l'organisation afin de lui donner les moyens de ses ambitions.
Sur la base de la déclaration de Moroni, signée par les États membres en août 2019, qui définit les orientations politiques et stratégiques de l'organisation, l'accord de Victoria de 1984, texte fondateur de la COI, a fait l'objet d'une révision adoptée en mars 2020 et soumise aujourd'hui à l'examen du Parlement en vue de sa ratification.
La France, dont l'action au sein de la COI s'inscrit dans sa stratégie pour l'Indopacifique, est particulièrement concernée par le renforcement institutionnel de l'organisation régionale. Par conséquent, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi , dont le Sénat est saisi en premier.
I. LA COMMISSION DE L'OCÉAN INDIEN (COI) : L'ORGANISATION DE COOPÉRATION INTERGOUVERNEMENTALE DE L'OCÉAN INDIEN OCCIDENTAL
A. LA FRANCE, UN ÉTAT DE L'OCÉAN INDIEN
1. Une présence territoriale, économique et militaire
La France est présente dans la région indopacifique au travers de ses départements et collectivités d'outre-mer 1 ( * ) qui représentent une population de 1,6 million d'habitants, auxquels s'ajoutent quelque 150 000 ressortissants français installés dans les pays littoraux de l'océan Indien.
Avec 11 millions de kilomètres carrés, notre pays possède la deuxième zone économique exclusive (ZEE) la plus importante au monde ; cette ZEE est située à 93 % dans les océans Indien et Pacifique. En outre, on compte plus de 7 000 filiales d'entreprises françaises implantées dans les pays de la zone indopacifique où la France a réalisé 108 milliards d'euros d'investissements directs ; le stock d'actifs détenus par notre pays y a été multiplié par sept en une quinzaine d'années.
L'indopacifique concentre 14 % des exportations françaises, soit un tiers de nos exportations hors de l'Union européenne. D'après Business France , 14 % des décisions d'investissement directs étrangers en France sont le fait d'investisseurs originaires de la zone indopacifique, ce qui la place au troisième rang derrière l'Union européenne (60 %) et l'Amérique du Nord (22 %).
Enfin, la France assure une présence militaire permanente dans la région 2 ( * ) , avec au total quelque 7 000 personnels déployés de façon permanente, auxquels s'ajoutent ponctuellement environ 700 marins en mission. Ce dispositif, complété par un réseau de dix-huit attachés de défense, assure un maillage géographique permettant de veiller à la protection et à la sécurité des ressortissants et des territoires français, de contrôler notre ZEE et d'assurer nos missions de coopération dans le domaine de la défense.
2. L'Indopacifique, une priorité pour la France
L'Indopacifique est devenu un espace stratégique. S'il reste un lieu de menaces persistantes (prolifération nucléaire, criminalité transnationale organisée, terrorisme djihadiste, piraterie, pêche illicite, etc.), il apparaît désormais comme le théâtre de la compétition sino-américaine qui génère de nouvelles tensions.
L'Indopacifique est aussi devenu le centre de gravité de l'économie mondiale, où sept membres du G20 sont présents (Australie, Chine, Corée du Sud, France, Inde, Indonésie et Japon). Les principales réserves de croissance se trouvent dans cette zone géographique, qui contribuera à environ 60 % du produit intérieur brut (PIB) mondial d'ici 2030 ; dès lors, les voies commerciales maritimes qui la traversent sont devenues prépondérantes.
Si la zone indopacifique est très vulnérable au risque climatique et environnemental, elle comprend aussi d'importants émetteurs de CO2 et le poids des pays de la région dans les échanges commerciaux est croissant. L'existence même des États insulaires s'en trouve menacée.
En outre, on assiste à un délitement du multilatéralisme et de l'ordre international fondé sur le droit, les grands compétiteurs stratégiques étant incités à recourir à l'action unilatérale. La possibilité de révoquer tout engagement jugé trop contraignant, ainsi que la volonté de diminuer les ressources allouées aux instances multilatérales, remet en cause la crédibilité des efforts multilatéraux. Dans l'ensemble de la zone, le déficit de régulation et l'absence de consensus multilatéral sur les conditions d'accès et d'utilisation des espaces communs facilitent l'exercice des rapports de force entre États.
Compte tenu de ces enjeux qui affectent directement la prospérité et la sécurité de la France et, plus largement, de l'Union Européenne, l'Indopacifique est devenu l'un des axes prioritaires de l'action extérieure de la France. Dans son discours prononcé le 2 mai 2018 à Sydney sur la base navale de Garden Island, le Président de la République a exposé la stratégie française pour l'Indopacifique et son ambition de promouvoir une approche inclusive et stabilisatrice, fondée sur la règle de droit et le refus de toute forme d'hégémonie. Dans son allocution du 23 octobre 2019 à Saint-Denis de la Réunion, en clôture du sommet Choose La Réunion , le chef de l'État a également souligné la valorisation de nos outre-mer et de leur intégration régionale dans cette stratégie.
En 2019, le ministère des armées a adopté la stratégie de défense française en Indopacifique visant à renforcer l'action de nos forces de souveraineté et de nos forces de présence, à oeuvrer au renforcement des institutions régionales et de ses partenariats, à contribuer à la politique d'anticipation sécuritaire environnementale, et à consolider l'autonomie stratégique de ses partenaires d'Asie du Sud-Est.
La France partage la même vision que ses grands partenaires régionaux (Inde, Australie, Japon, Association des nations d'Asie du Sud-Est - ASEAN), avec l'objectif de maintenir un espace indopacifique libre, ouvert et inclusif. Cette conception est également au coeur de la stratégie de l'Union européenne.
3. La participation à la COI s'inscrit dans la stratégie française en Indopacifique
La France promeut un ordre multipolaire stable fondé sur le droit et la libre-circulation, ainsi qu'un multilatéralisme juste et efficace. Pour ce faire, l'un des axes de notre politique extérieure consiste à accroître la présence française auprès des enceintes régionales qui sont en mesure de contribuer au développement du multilatéralisme renforcé et rénové que la France appelle de ses voeux.
La diplomatie française souhaite également accompagner les transitions en cours dans la région, d'une part, en oeuvrant à la promotion des biens communs régionaux et mondiaux (environnement, santé, éducation, numérique), et d'autre part, en contribuant à leur développement durable et à une réponse efficace au changement climatique, et en promouvant dans ce contexte les solutions et l'expertise françaises. La France souhaite également soutenir le développement de la société civile dans le cadre de la promotion des droits de l'Homme et de l'État de droit, du multilinguisme, de la diversité culturelle, avec une attention particulière pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
La participation active de la France à la COI constitue donc un atout pour la mise en oeuvre de notre stratégie indopacifique. Dans son discours du 23 octobre 2019 précité, le Président de la République insistait sur la nécessité pour les territoires français de la zone - à savoir La Réunion et Mayotte - de tirer parti des potentiels importants de la région en renforçant l'intégration et la coopération régionales.
À ce jour, la COI est la seule organisation régionale africaine dont la France est membre, et constitue, à ce titre, un vecteur efficace de promotion de notre présence dans l'océan Indien. L'adhésion à la COI et l'activité de la France en son sein ont été un levier et un atout dans nos démarches d'adhésion à l'Association des États riverains de l'océan Indien (IORA) 3 ( * ) , effective depuis décembre 2020.
Bien que des conflits de souveraineté persistent avec trois de nos partenaires de la COI 4 ( * ) , les relations tissées depuis une trentaine d'années avec eux ont permis de maintenir ces conflits dans un cadre bilatéral, tout en valorisant les atouts de notre présence dans la zone.
B. L'ORGANISATION DE LA COMMISSION DE L'OCÉAN INDIEN
Créée au début des années 1980, la Commission de l'océan Indien (COI) est une organisation intergouvernementale régionale qui regroupe cinq États du sud-ouest de l'océan Indien : les Comores, Madagascar, Maurice, les Seychelles, et la France au titre de La Réunion.
Il s'agit de la seule organisation régionale d'Afrique à être composée exclusivement d'îles et francophone. En effet, des liens historiques nous unissent à ces États insulaires qui, pour une période plus ou moins longue, ont tous été sous souveraineté française.
En outre, depuis 2016, la COI compte plusieurs membres observateurs 5 ( * ) : la Chine, l'Union européenne, l'Organisation internationale de la francophonie, l'Ordre souverain de Malte, l'Inde, le Japon et l'Organisation des Nations unies.
L'accord de Victoria révisé rappelle que la COI est une organisation d'États insulaires de la région du sud-ouest de l'océan Indien ; à ce titre, Zanzibar est la seule entité qui pourrait prétendre au statut de membre de plein droit. Le Sri Lanka et le Kenya ont déposé une demande d'adhésion qui a été rejetée par le conseil des ministres du 6 mars 2020, le Kenya ne répondant pas à l'exigence insulaire, et le Sri Lanka n'étant pas situé dans l'espace africain. Ces deux pays pourraient en revanche devenir observateurs.
1. Ses instances
La COI est composé de trois instances :
- le sommet des chefs d'État et de Gouvernement , qui fixe le cap de la COI et définit les grandes orientations politiques de l'organisation. Jusqu'à présent, cette instance se réunissait de manière informelle et selon une périodicité aléatoire - les derniers sommets s'étant tenus en juillet 2005 à Madagascar, et en août 2014 aux Comores ;
- le conseil des ministres , qui est l'instance décisionnelle suprême. En effet, le texte fondateur de 1984 précise que la COI est une « commission technique paritaire de rang ministérielle » . Il réunit, chaque année, les ministres des affaires étrangères des pays membres ou leurs représentants. Chaque État membre accède à la présidence du conseil des ministres à tour de rôle ; la rotation s'effectue annuellement, suivant l'ordre alphabétique. Depuis le 23 février 2022, c'est Madagascar qui assure la présidence de la COI, succédant à la France ;
- le comité des officiers permanents de liaison (OPL) , qui est chargé de suivre l'exécution des décisions du conseil des ministres, en étroite collaboration avec le secrétariat général.
Le secrétariat général, dont le siège est situé à Maurice (Ébène), est l'organe exécutif de la COI. Composé de 80 agents (comité de direction, chargés de mission, responsables de départements, unités techniques), il prépare les programmes et les projets émanant des décisions des instances de la COI, suit leur avancement et assure leur gestion, propose de nouvelles orientations aux États membres et assure la liaison avec les bailleurs de fonds. Le secrétaire général est actuellement nommé pour un mandat de quatre ans, non renouvelable, par rotation 6 ( * ) ; depuis le 16 juillet 2020, ces responsabilités sont occupées par un Français, M. Vêlayoudom Marimoutou.
2. Ses domaines d'action
a) Le champ de coopération de la COI
Initialement restreint à un nombre limité de domaines (diplomatie ; économie et commerce ; agriculture ; sciences et éducation), le champ de coopération de l'organisation s'élargit aux termes de l'article 2 de l'accord de Victoria révisé.
Depuis sa création, la COI mène des projets de coopération au bénéfice de ses cinq États membres, dans les domaines suivants : coopération diplomatique ; paix, stabilité, gouvernance et État de droit ; défense des intérêts insulaires ; coopération économique et commerciale ; coopération dans le domaine de l'agriculture, de la conservation des ressources et des écosystèmes ; économie bleue ; coopération dans le domaine culturel, scientifique, universitaire et éducatif ; coopération juridique et en matière de justice ; sécurité alimentaire et sanitaire ; sécurité maritime et lutte contre la criminalité transnationale organisée ; connectivité aérienne, maritime et numérique pour le rapprochement des peuples ; lutte contre le changement climatique ; protection civile ; circulation des personnes et des biens dans l'espace de la COI.
La commission s'implique également dans la mise en oeuvre des dix-sept objectifs de développement durable fixés par l'Organisation des Nations unies.
b) Le plan de développement stratégique
Depuis 2013, l'action de la Commission de l'océan Indien s'articule autour d'un plan de développement stratégique, adopté par le conseil des ministres. Ce document constitue un cadre de référence pour définir le cap de l'organisation, mettre en oeuvre la mission dévolue à la COI, et mesurer les avancées de la coopération régionale.
Le plan de développement stratégique se décline en plusieurs axes qui fixent l'orientation générale de la COI, et qui se décomposent ensuite en plusieurs champs d'actions.
Le secrétariat général est responsable de la traduction opérationnelle de l'ensemble des décisions du conseil des ministres et, partant, du plan de développement stratégique. La mise en oeuvre effective des axes stratégiques et des champs d'actions est confiée aux « domaines d'intervention » qui sont dirigés par cinq chargés de mission nommés par les États membres.
c) Les projets menés
La présidence française de la COI de mai 2021 à février 2022 a décliné un ensemble de propositions et d'engagements pris par le Président de la République en octobre 2019, à l'occasion de son discours de clôture du sommet Choose La Réunion .
Le programme de la présidence française était axé autour de la mobilité et de la formation professionnelle, du renforcement des relations économiques entre les îles de l'océan Indien, de la réponse aux risques majeurs, et de la sécurité maritime. Cette présidence a permis d'initier ou d'avancer sur plusieurs projets conduits par la COI, parmi lesquels :
- sécurité maritime et lutte contre la criminalité transnationale organisée : le programme « Ecofish », financé par l'Union européenne (28 M€), qui couvre la période 2018-2026, oeuvre pour la promotion de la gestion durable des pêches maritimes dans les îles de l'océan Indien, d'Afrique orientale et australe (pêche continentale). Il appuie le plan régional de surveillance des pêches (PRSP) de la COI pour renforcer les capacités de prévention, de dissuasion et d'élimination de la pêche illicite, non-déclarée et non-règlementée (INN).
Le programme « sécurité maritime » ( Maritime Security - MASE) a été lancé en 2013. Il est financé par l'Union européenne jusqu'en 2023 (42 M€) pour contribuer à l'architecture régionale de sécurité maritime dans la zone d'Afrique orientale et australe, et dans l'océan Indien. Ses missions principales sont de veiller au respect du droit international de la mer, et de sécuriser l'espace maritime de l'Indianocéanie grâce au partage d'informations et aux opérations coordonnées en mer. Un centre régional de fusion d'information maritime (CRFIM), situé à Madagascar, et un centre régional de coordination des opérations (CRCO), installé aux Seychelles, ont été créés. La procédure de ratification des accords MASE est concomitante à celle de l'accord de Victoria révisé ;
- sécurité sanitaire et alimentaire : depuis mars 2020, la coopération sanitaire a été l'une des pierres angulaires de l'activité de la COI. Un plan de riposte a été adopté, avec le soutien de l'Agence française de développement (AFD), en vue d'acheminer des équipements médicaux vers les quatre autres États membres : le programme « RSIE3-Santé » (8 M€ pour la période 2019-2024), complété par « RSIE4 » (8,7 M€ pour la période 2020-2023), vise ainsi à lutter contre le risque épidémique dans la région de l'océan Indien occidental, notamment par la mise en place d'un réseau régional de surveillance épidémiologique et de coordination de la réponse sanitaire, et par la pérennisation du réseau « SEGA - One Health » (surveillance épidémiologique et gestion des alertes) qui concentre l'action de la COI dans le domaine sanitaire.
En matière de sécurité alimentaire, l'Union européenne finance le programme de la COI (16 M€ pour la période 2021-2025) visant à renforcer les capacités nationales et régionales de production durable et de qualité, à valoriser les filières commerciales, à mettre aux normes les productions, et à accompagner les populations vulnérables dans la diversification de leur alimentation ;
- environnement et climat : plusieurs initiatives ont été mises en oeuvre pour lutter contre le changement climatique, préserver la biodiversité et les ressources marines et côtières, gérer et réduire les déchets, et promouvoir l'économie bleue.
Les États membres de la COI sont très vulnérables à de nombreux aléas météorologiques et climatiques, notamment les inondations, les sécheresses, les tempêtes, les cyclones tropicaux et les ondes de tempête. Aussi l'AFD, l'Union européenne et le Fonds vert pour le climat ont-ils décidé de financer à hauteur de 56 M€, pour une durée de cinq ans, le projet « Hydromet » en cours d'instruction. Ce projet vise à soutenir les réseaux de surveillance et les systèmes de prévisions climatiques, météorologiques et hydrologiques, ainsi qu'à renforcer les capacités nationales et régionales en matière de modélisation, de prévision et d'alerte.
Le projet « Recos » de résilience côtière, financé par l'AFD et la Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) pour une durée de cinq ans (10 M€), est également en phase de démarrage. Il doit soutenir, entre autres, des initiatives de réhabilitation côtière dans des sites vulnérables aux aléas climatiques, et développer des tissus économiques locaux en améliorant la gestion et la préservation des milieux.
La COI a également lancé, en juillet 2021, le projet « Expédition plastique océan Indien » (Exploi), financé par l'AFD et le FFEM (6,7 M€). Le programme a pour objectif d'améliorer la connaissance de la pollution engendrée par les déchets plastiques, et de promouvoir l'économie circulaire. S'inscrivant dans le cadre du plan d'action régional sur la gestion et la valorisation des déchets de la COI, l'initiative allie des actions de soutien à la recherche scientifique sur la pollution plastique dans l'océan Indien, le soutien à l'innovation entrepreneuriale en matière de traitement des déchets et d'économie circulaire, ainsi que la promotion des politiques publiques pour la prévision, la meilleure gestion et la valorisation des déchets.
Enfin, un plan d'action régional sur l'économie bleue (« Pareb ») a été adopté par les États membres en 2020. Sa mise en oeuvre figure parmi les axes de programmation de l'UE, proposés par le secrétariat général de la COI pour la période 2021-2027 ;
- coopération dans le domaine culturel, scientifique, universitaire et éducatif : la COI participe à une plateforme régionale de recherche agronomique pour le développement de l'océan Indien (PRéRAD-OI), coordonnée et animée par l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Ce partenariat tripartite, actif depuis 2014, a amené l'IRD et la COI à signer un accord-cadre pour développer la culture scientifique dans la région en soutenant des projets de recherche et développement et de formation en matière de gestion des défis alimentaires, sanitaires et environnementaux.
Sous l'impulsion de la France et du secrétaire général, la COI étudie le sujet des mobilités universitaires. Des assises de la formation professionnelle se sont réunies les 10 et 11 février 2022 afin de dresser un état des lieux des formations existantes, proposer des pistes pour développer les échanges entres les centres de formations des États membres, et élaborer un programme régional de mobilité. Les conclusions des assises ont été présentées en conseil des ministres le 23 février 2022 à Paris ;
- coopération économique et commerciale : la COI se mobilise sur la coopération entrepreneuriale à travers des partenariats avec Cap Business océan Indien (CBOI), le réseau French Tech , l'AFD et des associations de jeunes. Les initiatives visent à promouvoir l'entreprenariat dans la région - en particulier celui des femmes -, à faciliter les échanges commerciaux et à améliorer la compétitivité régionale. Le 18 novembre 2021, CBOI a tenu une première rencontre du réseau des femmes et hommes d'affaires de la région, qui a permis l'élaboration d'un plaidoyer du secteur privé pour la relance économique, présenté au conseil des ministres qui s'est tenu le 26 novembre 2021 à La Réunion ;
- coopération numérique : la COI accompagne plusieurs initiatives en ce domaine. Elle a notamment participé à la mise en oeuvre du projet de câble numérique régional entre Maurice, La Réunion, Madagascar et l'Afrique du Sud dénommé « Metiss » ( Meltingpot Indianoceanic Submarine System - 38M€), actif depuis mars 2021. L'organisation s'est également dotée, en novembre 2021, d'un cadre régional de protection des câbles sous-marins.
3. Ses ressources
Le budget de la COI pour 2022 s'élève à 1,44 million d'euros (M€), dont 1,35 M€ de contributions statutaires et 90 000 euros de dons de la Chine, membre observateur.
S'agissant des contributions statutaires, la France est le principal contributeur (à hauteur de 40 %, soit 540 000 euros), suivie de Madagascar (29 %), Maurice (20 %), l'Union des Comores (6 %) et les Seychelles (5 %).
Les principaux partenaires techniques et financiers de la COI sont : l'Union européenne (87,1 M€ pour la période 2018-2022), le Fonds vert pour le climat (53,3 M€) 7 ( * ) , l'Agence française de développement (41,3 M€), la Banque mondiale (11 M€), le Fonds français pour l'environnement mondial (3,2 M€) et la Banque africaine de développement (1,7 M€).
II. UNE RÉVISION DE L'ACCORD GÉNÉRAL POUR INSUFFLER UN NOUVEL ÉLAN À LA COOPÉRATION
A. LE BILAN DE LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE DE LA COI
La France a assuré la présidence de la COI du 20 mai 2021 au 23 février 2022 - ce mandat a été raccourci en raison du calendrier électoral national. Le 36 e conseil des ministres qui, pour la première fois, s'est tenu à Paris, a été adossée au Forum ministériel pour la coopération dans l'Indopacifique auquel tous les États membres de l'Union européenne et de la COI étaient conviés.
Comptant sur la présence concomitante d'un secrétaire général français, la présidence française a souhaité relancer la coopération régionale post-covid dans le sud-ouest de l'océan Indien selon quatre axes opérationnels : la sécurité maritime ; l'économie bleue et le rebond économique ; la gestion des catastrophes naturelles ; les mobilités universitaires et professionnelles.
Plusieurs projets ont été initiés dans ces différents secteurs :
- garantir la sécurité maritime grâce à une coopération entre les États de la région 8 ( * ) : la ratification des accords MASE est en bonne voie, et les discussions pour le financement du programme par l'Union européenne jusqu'en 2024 (MASE II) sont prometteuses. Par ailleurs, un symposium élargissant le sujet de la sécurité maritime à la sécurité environnementale a été organisé les 13 et 14 janvier 2022 par le ministère français des armées, en présence d'experts des États membres de la COI, qui a permis l'élaboration d'une feuille de route pour améliorer la prévention et la gestion de ces risques ;
- relancer l'économie post-covid : le forum des femmes et hommes d'affaires de l'océan Indien du 18 novembre 2021 a vu l'adoption du plaidoyer du secteur privé pour le renforcement du dialogue et de la coopération régionale économique. En outre, alors que le projet d'incubateur régional progresse, la COI, sous l'impulsion de la présidence française, a développé un premier projet régional de développement des industries culturelles et créatives. La présidence française a aussi été l'occasion de conclure le projet de connectivité maritime (EMCP) financé par le Japon, pour renforcer les échanges commerciaux régionaux par la rationalisation de la gestion portuaire et du transport maritime ;
- renforcer la gestion des risques naturels et sanitaires : la COI, toujours sous l'impulsion de la présidence française, a établi un plan pluriannuel pour l'identification d'un réseau régional de prévention et de gestion des catastrophes naturelles. À cet égard, plusieurs projets importants ont récemment été lancés par la COI : le programme « Exploi » (Expédition plastique océan Indien) qui vise à lutter contre la pollution marine plastique, ou encore le projet « Hydromet » qui tend à renforcer la résilience des pays de la zone par le développement de services météorologiques, hydrologiques et climatiques plus performants. Enfin, la lutte contre le coronavirus a été au coeur des préoccupations de la présidence française ; un programme a été développé pour renforcer le partage d'informations et acheminer des équipements médicaux vers les autres États membres de la COI ;
- développer les mobilités étudiantes et professionnelles au sein de la zone COI : les premières assises régionales de la formation et de la mobilité professionnelle ont eu lieu les 10 et 11 février 2022 avec le soutien de l'AFD. Elles ont permis de faire le point sur les formations existantes ainsi que les besoins, et de définir les grands axes d'un programme régional de mobilité. Sur cette base, l'AFD va construire un projet avec la COI qui facilitera les mobilités étudiantes dans la zone.
Dans le domaine de la mobilité universitaire, plusieurs initiatives ont posé les bases de l'« Erasmus de l'océan Indien » souhaité par le Président de la République. Une première convention a été signée entre la COI et l'université de La Réunion, et des accords sont en cours de négociation avec les universités des autres pays membres ;
- poursuivre la réforme institutionnelle de la COI : la présidence française a eu pour objectif d'étendre les domaines de coopération de la commission, de renforcer les moyens mis à la disposition du secrétariat général, et de rationaliser les processus de décisions et de suivi afin que la COI puisse répondre rapidement et efficacement aux défis rencontrés. À cet effet, le processus de ratification de l'accord de Victoria révisé a été lancé, et la rédaction des textes qui en découlent (règlement intérieur révisé, accord de méthode sur le plan de développement stratégique) s'est achevée lors de la présidence française ;
- élargir le cercle des partenaires : après l'accès de l'Inde et du Japon au statut de membres observateurs en 2020, la présidence française a associé de nouveaux acteurs à la coopération régionale, en particulier le secteur privé et la société civile. En outre, Marcel Escure, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, a effectué une mission à Addis Abeba pour renforcer la coopération entre l'Union africaine (UA) et la COI 9 ( * ) . Enfin, des relations ont été établies avec l'IORA afin de porter ensemble des projets de coopération dans des domaines d'intérêt commun.
B. MALGRÉ LES EFFORTS DIPLOMATIQUES FRANÇAIS, MAYOTTE RESTE GLOBALEMENT EN MARGE DE LA COMMISSION
La France est membre de la COI depuis 1986. L'article 1 er du protocole d'adhésion du 10 janvier 1986 précise à cet égard que : « La République française devient membre de la Commission de l'océan Indien et partie à l'accord instituant cette Commission pour permettre à son département et à sa région de La Réunion de participer à la coopération régionale réalisée au sein de la Commission de l'océan Indien. »
Ainsi, la France n'est membre de la COI qu'au titre de La Réunion, seul territoire insulaire français de l'océan Indien qui ne fait l'objet d'aucune revendication de souveraineté. La départementalisation de Mayotte en 2011 n'a eu aucune conséquence sur son intégration au sein de la commission qui requiert l'accord unanime des États membres.
Lors de la retraite ministérielle sur l'avenir de la COI, organisée aux Comores en août 2019, l'ambassadeur français délégué à la coopération avait notamment indiqué 10 ( * ) que, « sans préjuger des décisions qui seront prises à l'avenir sur les conditions de participation à la COI elle-même, la partie française souhaite qu'il soit accepté que les Mahorais puissent, au cas par cas et en fonction des projets concernés, s'associer à leur mise en oeuvre y compris en apportant le financement à leur participation. » Le ministre comorien des affaires étrangères avait répondu que « lors de la visite officielle du Président de l'Union des Comores à Paris, il a été évoqué avec le Président de la République française la possibilité de conduire des projets techniques au cas par cas qui incluent Mayotte. Je propose que soit mené au préalable un dialogue sur leurs modalités avec l'ambassadeur de France. »
À défaut d'obtenir un consensus sur une intégration de plein droit, l'objectif de la France est donc l'association de Mayotte, au cas par cas, à certains projets de la COI. Lors de la retraite ministérielle précitée, un accord de principe a été trouvé 11 ( * ) pour que Mayotte participe à deux projets : le projet de coopération sanitaire « SEGA - One Health » (réseau régional de santé publique), et le projet de sécurité alimentaire et nutritionnelle « Presan ». Mayotte est également associée dans le domaine économique et dans celui du tourisme, aux côtés de partenaires associatifs de la COI 12 ( * ) .
Les consultations diplomatiques entre la France et les Comores ont ainsi abouti à un accord de principe sur la participation de représentants mahorais à des projets d'intérêt commun (santé, réduction et gestion des risques de catastrophes, sécurité alimentaire), sous réserve d'une autorisation préalable. Il n'y a donc pas, à ce jour, de démarches pour l'adhésion de Mayotte à l'organisation, mais des actions sont entreprises pour mieux associer la partie mahoraise à certains sujets qui, par nature, sont transfrontaliers, tels que les biens communs et les risques systémiques.
Malgré cela, l'association de Mayotte peine à se concrétiser. Face à l'insistance du Quai d'Orsay, le sujet a été débattu en mars 2021, lors du dernier comité de pilotage du projet de santé humaine et animale de la COI, sans toutefois aboutir, le représentant comorien souhaitant recueillir l'accord de ses autorités. La France souhaite en particulier que le champ de la coopération de la COI s'étende aux conséquences de la poussée d'un volcan sous-marin à l'est de Mayotte ; la question a été évoquée par le Gouvernement lors de la réunion ministérielle de novembre 2021 à La Réunion, et le ministère des Outre-mer a été saisi afin de formaliser une proposition concrète en ce sens.
C. UN NOUVEAU PLAN DE DÉVELOPPEMENT STRATÉGIQUE EST EN COURS D'ÉLABORATION
Le dernier plan adopté concerne la période 2018-2021. Au cours de la présidence française, l'élaboration d'un nouveau plan a débuté ; à cette fin, le conseil des ministres du 23 février 2022 a validé l'accord de méthode proposé par le secrétariat général, et en avril 2022, des consultations avec l'AFD et l'UE ont été lancées pour discuter des accompagnements nécessaires à l'élaboration de ce nouveau plan et négocier de nouveaux appuis institutionnels.
Afin de faire émerger les priorités, en conformité avec la déclaration de Moroni de 2019 et l'accord de Victoria révisé, des sessions de cadrage se sont tenues dans chaque État membre. Coordonnées par le secrétariat général, elles se sont déroulées au cours du deuxième trimestre 2022 avec deux phases d'entretiens : une première phase institutionnelle permettant un échange politique et stratégique avec les membres du conseil des ministres, et une seconde phase technique ouvrant les échanges à l'ensemble des acteurs nationaux engagés dans les actions de coopération de la COI 13 ( * ) .
Le conseil des ministres a identifié trois axes prioritaires : accompagner une reprise économique post-covid pérenne ; préserver les biens publics de la région 14 ( * ) ; ouvrir la COI vers le continent africain et l'espace indopacifique.
D'autres étapes de consultation et de validation permettront de disposer d'un document stratégique identifiant les objectifs, les indicateurs de résultats et les ressources nécessaires au déploiement du nouveau plan de développement stratégique. Son adoption est prévue au plus tard au début de l'année 2023.
Lors de son audition, le secrétaire général de la COI a indiqué au rapporteur que la priorité serait accordée aux biens communs, avec l'idée d'une Indianocéanie en partage. Trois agendas se dégagent : un agenda de sécurité (sécurité maritime ; gouvernance, paix et stabilité ; sécurité civile ; réduction des risques de catastrophes ; santé et lutte contre les risques épidémiques), un agenda de résilience (adaptation au dérèglement climatique ; préservation de la biodiversité ; gestion durable des ressources naturelles) et un agenda d'épanouissement humain (entrepreneuriat et connectivité ; égalité entre les femmes et les hommes ; culture ; éducation ; formation et recherche). La COI souhaite enfin confirmer l'arrimage à l'Afrique - statut d'observateur auprès de l'Union africaine que la France a continué de pousser -, tout en ouvrant la région du sud-ouest de l'océan Indien à l'Indopacifique.
D. LES ÉVOLUTIONS DE L'ACCORD GÉNÉRAL
L'accord de Victoria révisé permet d'élargir les domaines de coopération de la COI et de moderniser ses institutions. À travers cet accord, le rôle unificateur de la langue française est réaffirmé, de même que les conditions d'adhésion.
1. Élargir les domaines de coopération
L'accord général de coopération - c'est-à-dire l'accord de Victoria signé en 1984 par les États fondateurs de la COI - prévoyait le renforcement des liens d'amitié entre les États membres, et l'établissement d'un cadre de coopération dans des domaines limités : diplomatie ; économie et commerce ; agriculture ; pêche maritime et conservation des ressources et des écosystèmes ; culture ; sciences ; techniques de l'éducation ; justice.
Lors de la retraite ministérielle de Moroni en août 2019, les États membres ont souhaité étendre le mandat de l'organisation à de nouveaux domaines de coopération ( article 2 ) : paix, sécurité et gouvernance ; défense des intérêts insulaires ; économie bleue ; changement climatique ; sécurité alimentaire et sanitaire ; sécurité maritime ; protection civile ; coopération scientifique, académique et culturelle ; circulation des personnes dans l'espace de la COI, notamment par la connectivité aérienne, maritime et numérique, pour le rapprochement des peuples.
2. Affirmer l'identité de la COI
La COI se veut le porte-parole des intérêts des économies insulaires, tout en veillant au développement des solidarités régionales et des partenariats internationaux. Elle est aujourd'hui un acteur incontournable dans l'océan Indien occidental et suscite l'attention de pays dépassant son environnement régional.
L'inscription de l'insularité, de l'appartenance à l'espace africain et au sud-ouest de l'océan Indien comme critères d'adhésion à la COI, est une modification introduite par le présent accord ( article 3 ). Cette disposition permet de garantir l'identité de la commission comme organisation régionale de proximité, sa cohésion, ainsi que son caractère francophone et africain.
La réaffirmation du caractère unificateur de la langue française comme langue de travail et d'échange au sein de la COI ( article 14 ) s'inscrit dans la même logique. L'usage de l'anglais est réservé aux échanges avec les organisations et les États tiers non-francophones.
3. Assurer le renforcement institutionnel de la COI
Afin de moderniser son fonctionnement destiné à l'accompagner dans ses nouvelles missions, la COI souhaite se doter d'une architecture institutionnelle renforcée par plusieurs dispositions :
- le maintien de l'unanimité comme mode de décision ;
- l'instauration d'un sommet des chefs d'État et de gouvernement tous les cinq ans, dont la tenue est actuellement soumise à l'appréciation des États membres ;
- le passage à deux réunions annuelles du conseil des ministres ;
- l'institutionnalisation de la pratique des conférences ministérielles sectorielles ;
- le renforcement du secrétariat général.
Ainsi, l'accord de Victoria révisé instaure un sommet quinquennal des chefs d'État et de gouvernement, double le nombre de réunions du conseil des ministres, et porte la durée du mandat du secrétaire général de quatre à cinq ans (non renouvelable).
À ce jour, la date du prochain sommet n'est pas encore fixée bien que Madagascar - qui assure actuellement la présidence tournante de l'organisation - et Maurice - qui assurera la prochaine - aient manifesté leur volonté de l'accueillir. L'inscription d'une périodicité de cinq ans dans le cadre de la révision de l'accord général sera une nouveauté qui correspond à la volonté des États membres d'institutionnaliser une pratique qui renforcera le cadre politique stratégique des actions de la commission.
En effet, la COI souhaite associer davantage les premiers décideurs des États membres à la vie institutionnelle de l'organisation. En associant les chefs de l'exécutif de manière plus régulière, la COI considère qu'elle serait plus à même de créer un sentiment d'appartenance plus fort à une même communauté de destin, de convenir de priorités partagées en termes de politiques ou stratégies communes, et de mieux faire valoir les besoins spécifiques des îles du sud-ouest de l'océan Indien dans des cadres plus larges, notamment à l'échelle de l'Afrique continentale.
4. Définir les termes et les conditions d'octroi du statut d'observateur
Le statut d'observateur auprès de la COI a été créé par une décision du conseil extraordinaire de la COI du 22 août 2014 à Moroni (Comores). Lors du conseil des ministres de septembre 2018, les États membres ont jugé opportun de fixer les termes et les conditions d'octroi de ce statut.
La création du statut de membre observateur de la COI s'inscrit dans une ambition d'ouverture de la commission sur l'espace Indopacifique. Elle constitue une opportunité pour resserrer les liens existants avec les acteurs de la zone, tisser de nouvelles relations, et renforcer la présence de la COI en Indianocéanie, tout en préservant l'identité, la cohésion et l'efficacité de la COI.
Le nouveau statut d'observateur a été adopté lors du conseil des ministres de mars 2020, durant lequel six demandes d'adhésion ont été examinées. Grâce à la définition de critères pour son octroi, ce nouveau statut doit assurer une meilleure contribution des observateurs aux activités de la COI ; il convient de souligner à ce titre que, lors du conseil des ministres de février 2022, le statut d'observateur a été amendé afin de supprimer l'obligation d'une contribution financière obligatoire 15 ( * ) .
Pour obtenir le statut d'observateur, le postulant doit soumettre sa demande par la voie diplomatique au secrétaire général de la COI qui en informe le président du conseil des ministres et l'ensemble des membres, et prépare un rapport circonstancié à l'intention des membres du conseil dans lequel il évalue la candidature au regard des critères d'octroi et émet une recommandation. La demande est ensuite inscrite à l'ordre du jour d'une prochaine session ordinaire du conseil des ministres pour examen. Le conseil des ministres statue à l'unanimité de ses membres, et peut décider de retirer le statut d'observateur à toute entité ou État.
Peuvent prétendre au statut d'observateur auprès de la COI, les États tiers, les organisations intergouvernementales et les organisations internationales non gouvernementales « directement intéressés par les questions traitées par la COI, et ayant un intérêt, la volonté et la capacité de s'engager résolument aux côtés de la COI » . Il appartient aux candidats de présenter les motifs de leur demande, d'expliciter leur intérêt et leurs capacités de contribution.
La COI s'appuie sur les critères suivants pour émettre des recommandations et statuer sur toute demande de statut d'observateur auprès de la COI :
- le candidat doit prouver que son action s'inscrit dans le droit fil de celle de la COI ;
- le candidat s'engage à respecter et soutenir la vision et la vocation de la COI, ainsi que les aspirations au développement de ses États membres, et à agir en conséquence et en toute bonne foi ;
- le candidat est disposé et apte à soutenir les actions de la COI ;
- le candidat s'engage à désigner un correspondant compétent, chargé d'assurer les communications officielles avec le secrétariat général de l'organisation ;
- le candidat doit être disposé à participer aux activités de la COI. À cet égard, il doit présenter au secrétariat général les modalités de sa contribution et de sa participation. Les modalités définitives sont conclues d'un commun accord entre le candidat et le secrétaire général de la COI, avant que les instances de la COI ne procèdent à l'examen de la candidature ;
- l'octroi du statut d'observateur doit enfin contribuer de manière positive aux relations régionales et internationales qu'entretiennent la COI et ses membres, ainsi qu'à leurs aspirations au développement.
Une fois le statut d'observateur obtenu, les modalités suivantes s'appliquent :
- les observateurs sont invités aux sessions thématiques sectorielles des réunions du conseil de la COI sans prendre part aux discussions ni intervenir dans les débats, sauf à y avoir été invités. La COI n'entend fournir aucune aide financière en vue de leur participation aux dites réunions ;
- les observateurs ne sont pas admis aux réunions à huis clos des instances tenues à la demande de tout État membre ou du secrétaire général ;
- le président du conseil des ministres de la COI peut, après consultation des autres membres, inviter des observateurs à tout ou partie des travaux des instances de la COI ;
- les observateurs peuvent être invités par la présidence du conseil des ministres ou du comité des officiers permanents de liaison, à participer aux autres manifestations organisées par la COI (conférences ministérielles sectorielles, réunions non statutaires, conférence des bailleurs, etc.) ;
- les observateurs veillent à éviter toute ingérence dans la politique des États membres ainsi qu'aux missions de gestion et de coordination (technique, administrative, financière) menées par le secrétariat général de la COI ;
- les observateurs sont autorisés à présenter des propositions lors des réunions des instances de la COI. Ces propositions ne peuvent être soumises aux membres de la COI qu'avec l'accord préalable du secrétaire général ;
- sur la décision du président du comité des officiers permanents de liaison, les observateurs peuvent être invités à participer aux groupes de travail créés par la COI, sous réserve des procédures régissant la composition de ces groupes de travail ;
- les divergences de vues exprimées par un observateur ne peuvent empêcher les membres de la COI de prendre une décision s'ils sont eux-mêmes parvenus à un consensus ;
- les observateurs ne participent pas aux missions de médiation et/ou d'observation électorale conduites par la COI.
5. Actualiser le règlement intérieur
Le nouveau « règlement intérieur du sommet des chefs d'État et de gouvernement, du conseil des ministres et du comité des officiers permanents de liaison (COPL) de la Commission de l'océan Indien » a été adopté à Paris le 23 février 2022. Il rassemble et révise les neuf textes d'application existants 16 ( * ) . La présidence française avait conduit les discussions suivant deux principes directeurs :
- apporter les précisions nécessaires à l'accord de Victoria révisé, au regard de ses dispositions principales ;
- clarifier et rationnaliser le règlement intérieur pour en faire un levier de modernisation de la COI, avec plus d'efficacité et de transparence à l'égard des bailleurs, en vue des accréditations au Fonds vert pour le climat et aux neuf piliers de l'Union européenne.
Lors du conseil des ministres, les États membres ont formellement rappelé, conformément à l'esprit du protocole d'adhésion de la France à la COI en 1986 et à la pratique en vigueur depuis cette date, la participation des représentants du département et de la région de La Réunion aux instances concernées par le règlement intérieur.
Ce nouveau règlement intérieur introduit plusieurs évolutions s'agissant :
- de la composition des délégations au conseil des ministres, au sommet des chefs d'État et de gouvernement, et au comité des officiers permanents de liaison ;
- de la tenue des sessions ordinaires et extraordinaires des instances (délais de convocation aux réunions et de transmission des documents) ;
- du processus d'adoption et des conditions d'entrée en vigueur des décisions selon le format des réunions (présentiel ou en distanciel) ;
- de la possibilité de recourir à la procédure écrite en dehors des sessions ministérielles.
Le nouveau règlement intérieur entrera en vigueur à la même date que l'accord de Victoria révisé qui est déjà ratifié par les Comores et les Seychelles 17 ( * ) .
6. Conserver une répartition flexible des contributions étatiques
La répartition des contributions des États membres de la COI est évolutive. L'article 11 du protocole additionnel de 1989 dispose que la répartition des contributions des États membres de la COI peut être modifiée à la demande d'un État membre, pour tenir compte par exemple de l'évolution de son produit intérieur brut.
Afin de conserver une flexibilité jugée pertinente, les États membres ont choisi de ne pas faire apparaître la clé de répartition dans l'accord de Victoria révisé, et de la renvoyer à une annexe.
Cette répartition a d'ailleurs fait l'objet d'une récente révision : Madagascar contribue désormais au budget de la COI à hauteur de 29 % (contre 40 % auparavant), Maurice à hauteur de 20 % (contre 12 %), les Seychelles à hauteur de 5 % (contre 3 %) et les Comores à hauteur de 6 % (contre 5 %). Seule la contribution française n'a pas évolué (40 %).
L'accord de méthode du nouveau plan de développement stratégique de la COI (2023-2033) prévoit aussi une évolution générale de la contribution des États. Sous l'impulsion de la présidence française, le conseil des ministres a admis la nécessité d'un effort additionnel des membres pour mettre à niveau les capacités du secrétariat général. Cela devrait se traduire par un renforcement significatif du budget de la COI, d'environ 300 M€ à horizon 2022-2023 et de 500 M€ en 2024-2025.
7. Assainir la gestion financière de l'organisation
L'un des objectifs de modernisation de la COI est d' « instaurer une bonne gestion financière à travers une réglementation commune et des principes communs » .
En effet, la COI rencontre des difficultés de gestion qu'elle travaille à améliorer. Ces difficultés trouvent leur origine dans le fait que, depuis 2011, quelque 577 000 euros de dépenses de la COI ont été déclarées inéligibles par l'Union européenne sur les projets qu'elle finance. Cette question est systématiquement revenue à l'agenda des réunions du conseil des ministres. Après des missions à Bruxelles et de nombreuses réunions, le secrétaire général de la COI affirme que l'organisation et la délégation de l'Union européenne à Maurice sont parvenus à une meilleure compréhension mutuelle ; dès lors, ce qui était initialement classé comme dépenses inéligibles ne le serait plus aujourd'hui.
La COI a pris conscience de la nécessité d'oeuvrer pour améliorer la gestion et le contrôle de ses dépenses, notamment pour lui permettre de mettre en oeuvre des projets sur fonds européens, mais également sur les fonds des principaux partenaires techniques et financiers. Par conséquent, afin d'obtenir son accréditation auprès de l'UE, la commission a engagé un processus de renforcement capacitaire de son secrétariat général. Elle doit également initier une procédure similaire auprès du Fonds vert pour le climat. Une fois les accréditations obtenues auprès de ces bailleurs, la COI devrait être en mesure de percevoir des frais de gestion pour la mise en oeuvre de projets, générant ainsi des fonds propres complémentaires aux contributions versées par les États membres.
Lors de son audition, le secrétaire général de la COI a souligné que l'organisation gérait aujourd'hui un portefeuille de projets de plus de 170 millions d'euros sur cinq ans. En ajoutant les mises à disposition des États membres aux contributions statutaires, le secrétariat général dispose d'un budget plus de vingt fois inférieur aux financements gérés ; il y a donc une forte inadéquation entre, d'une part, les moyens à disposition, et d'autre part, les besoins réels et les exigences des États membres et des bailleurs.
La modernisation des capacités gestionnaires, des procédures et des outils, est indispensable pour que la COI puisse :
- se conformer aux exigences des partenaires lorsqu'ils financent des projets de la COI pour éviter les dépenses inéligibles qui se transforment ensuite en dettes ;
- obtenir l'accréditation aux neuf piliers de l'UE qui permettra à l'organisation d'accéder à des financements plus importants, et surtout à les gérer selon leurs propres règles, diminuant ainsi drastiquement le risque de dépenses inéligibles ;
- obtenir l'accréditation du Fonds vert pour le climat pour accéder à des financements destinés aux projets régionaux, et pour faciliter l'accès des États membres aux financements climatiques.
Il ne s'agit non pas d'un objectif gestionnaire mais bien d'un objectif stratégique de plus grande autonomie financière, car des frais de gestion pourraient utilement être perçus et permettre à la COI de disposer de leviers nécessaires pour impulser de nouvelles activités.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 6 juillet 2022, sous la présidence de M. Cédric Perrin, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de Mme Vivette Lopez sur le projet de loi n° 408 (2021-2022) autorisant l'approbation de l'accord portant révision de l'accord général de coopération entre les États membres de la Commission de l'océan Indien.
M. Cédric Perrin, président . - Nous examinons à présent le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord portant révision de l'accord général de coopération entre les États membres de la Commission de l'océan Indien, sur le rapport de notre collègue Vivette Lopez.
Mme Vivette Lopez, rapporteur . - Créée au début des années 1980, la Commission de l'océan Indien (COI) est une organisation régionale intergouvernementale qui regroupe cinq États du sud-ouest de l'océan Indien : les Comores, Madagascar, Maurice, les Seychelles et la France, au titre de La Réunion. Il s'agit de la seule organisation régionale d'Afrique à être composée exclusivement d'îles et francophone. En effet, des liens historiques nous unissent à ces États insulaires qui, pour une période plus ou moins longue, ont tous été sous souveraineté française.
À l'origine, le champ de la coopération de la COI était circonscrit à quatre domaines : la diplomatie, l'économie et le commerce, l'agriculture, ainsi que les sciences et l'éducation. Progressivement, les domaines d'action se sont étendus, entre autres, à la lutte contre le changement climatique, à la sécurité alimentaire et sanitaire, à l'économie bleue, ou encore à la sécurité maritime.
Compte tenu, d'une part, des nouveaux enjeux de la coopération régionale dans l'Indianocéanie - comme le défi climatique ou la connectivité numérique - et, d'autre part, de l'extension progressive des domaines d'intervention de la COI, les États membres se sont engagés dans un processus de modernisation de l'organisation afin de lui donner les moyens de ses ambitions.
Sur la base de la déclaration de Moroni, signée par les États membres en août 2019, qui définit les orientations politiques et stratégiques de l'organisation, l'accord de Victoria de 1984, texte fondateur de la COI, a fait l'objet d'une révision adoptée en mars 2020 et soumise aujourd'hui à l'examen du Parlement en vue de sa ratification.
Outre l'extension des domaines de coopération précédemment évoquée, l'accord tend à affirmer l'identité de la COI en inscrivant l'insularité et l'appartenance à l'espace africain du sud-ouest de l'océan Indien comme critères d'adhésion. Cette disposition permet de garantir l'identité de la commission comme organisation régionale de proximité, sa cohésion, ainsi que son caractère francophone et africain.
En outre, le présent accord tend à assainir la gestion financière de la commission. En effet, la COI rencontre des difficultés de gestion de ses ressources, qu'elle travaille à améliorer. Ces difficultés trouvent leur origine dans le fait que, depuis 2011, près de 600 000 euros de dépenses ont été déclarés inéligibles par l'Union européenne sur les projets qu'elle finance. Ces dépenses se transforment alors en dettes pour la COI, qui représentent 40 % de son budget annuel.
Enfin, les États membres ont souhaité renforcer le volet institutionnel de l'organisation, afin de l'accompagner dans ses nouvelles missions. La COI a décidé de maintenir l'unanimité comme mode de décision, de doubler le nombre de réunions annuelles du conseil des ministres - son organe décisionnel -, d'instaurer un sommet quinquennal des chefs d'État et de gouvernement, et de porter le mandat de son secrétaire général de quatre à cinq ans non renouvelable.
Si cette réforme de l'organisation est évidemment bienvenue, elle suscite plusieurs remarques et interrogations. Dans son discours du 23 octobre 2019 prononcé en clôture du sommet Choose La Réunion , le Président de la République insistait sur la nécessité, pour les territoires français de la zone - La Réunion et Mayotte -, de tirer parti des potentiels importants de la région, en renforçant l'intégration et la coopération régionales. Or, en raison d'un contentieux territorial qui oppose la France aux Comores, Mayotte n'est pas membre de plein droit de la COI. Les consultations diplomatiques ont néanmoins ouvert la voie à une participation de représentants mahorais à des projets d'intérêt commun, après une autorisation préalable des États membres. Il n'y a donc pas, à ce jour, de démarches pour l'adhésion de Mayotte à l'organisation, mais des actions sont entreprises pour mieux associer le département à certains programmes.
Par ailleurs, l'un des axes de notre politique étrangère consiste à accroître la présence française auprès des enceintes régionales qui sont en mesure de contribuer au développement du multilatéralisme renforcé et rénové que la France appelle de ses voeux. À ce titre, la participation à la COI s'inscrit dans la stratégie française en Indopacifique. Or, malgré les efforts entrepris par la présidence française qui s'est achevée en février dernier, l'organisation manque d'une vision stratégique claire et assumée au plus haut niveau des États membres, ainsi que de moyens financiers idoines.
En effet, le nouveau plan de développement stratégique, qui constitue la feuille de route de la COI, tarde à être adopté. En outre, le sommet des chefs d'État et de gouvernement, censé fixer le cap de la COI et définir ses grandes orientations politiques, ne s'est tenu que quatre fois depuis la naissance de l'organisation, ce qui peut être considéré comme le signe d'un relatif désintérêt des exécutifs. S'agissant des ressources financières de la COI, le secrétaire général de l'organisation a souligné, lors de son audition, la forte inadéquation entre, d'une part, les moyens qui lui sont alloués, et d'autre part, les besoins réels et les exigences des États membres et des bailleurs.
Pour conclure, l'objectif du présent accord est d'insuffler un nouvel élan à la coopération dans l'océan Indien occidental, où la France et l'Union européenne ont des intérêts. Le rôle du Parlement est d'accompagner ce mouvement, même s'il suscite des questions, voire des réserves, sur l'efficience des actions conduites par la COI jusqu'à présent, mais aussi sur l'engagement des États membres à faire vivre cette coopération.
Si les actions entreprises ces dernières années et les annonces faites à l'occasion de la présidence française semblent répondre aux difficultés rencontrées par la COI et aux défis auxquels elle doit faire face, on peut légitimement s'interroger sur la capacité de l'organisation à se doter des moyens suffisants pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés et à mobiliser les chefs d'État et de gouvernement pour que les décisions politiques trouvent une traduction concrète, au bénéfice des îles de la région et de ses habitants.
En dépit des remarques que je viens d'exprimer, je préconise l'adoption de ce projet de loi, en espérant que cette réforme donne à l'organisation les moyens d'agir davantage et mieux. L'examen en séance publique est prévu le mardi 19 juillet, selon la procédure d'examen simplifié, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.
Mme Nicole Duranton . - Retenu dans son département, notre collègue Abdallah Hassani, sénateur de Mayotte, m'a demandé de vous lire son intervention : « Ces deux accords de coopération dans l'océan Indien permettront une meilleure efficience de la Commission de l'océan Indien et la poursuite du renforcement de la sécurité maritime dans la zone. C'est une zone stratégique, carrefour du commerce mondial, confrontée à des défis majeurs comme le climat, la préservation des ressources ou les migrations. On ne peut donc que les approuver.
Je voudrais simplement rappeler ici que la France, qui finance pourtant 40 % de la COI, n'y est membre qu'au titre de La Réunion. Mayotte en est exclue, l'Union des Comores ne la reconnaissant pas comme française. Je le déplore, même si je sais que la France oeuvre toutefois pour permettre à Mayotte de bénéficier des projets menés par la COI, avec l'accord de principe de tous ses membres, y compris les Comores. La France a pris la précaution d'assortir sa signature de l'accord de coordination des opérations en mer dans l'océan Indien occidental d'une annexe à l'accord initial. Le champ d'application géographique de l'accord sur la sécurité maritime concerne les trois collectivités territoriales de l'océan Indien - la Réunion, Mayotte et les Terres australes et antarctiques françaises, notamment le district des îles Éparses et l'île d'Amsterdam pour le district des îles Saint-Paul et Amsterdam -, ainsi que leur espace aérien sous-jacent. Ces territoires sont revendiqués par plusieurs États parties au traité.
Il s'agit donc d'accords pragmatiques. Mayotte souhaite toujours être membre de la COI. C'est essentiel pour son développement et sa reconnaissance, mais le département n'attend pas qu'elle le soit pour coopérer avec ses voisins dans le cadre de ses compétences. Par exemple, le département a signé en juin dernier onze accords avec chacune des régions de Madagascar. »
M. Philippe Folliot . - Je souscris tout à fait aux propos de notre collègue mahorais. Il est anormal que la France ne soit reconnue dans cette organisation régionale de proximité qu'au titre de La Réunion. Certes, les éléments de revendication et de contentieux sont nombreux dans la région, mais il y en a d'autres, comme l'île Tromelin, qui est revendiquée par Maurice ; heureusement que la France n'a pas ratifié l'inique traité de cogestion ! Les îles Éparses font également l'objet de revendications de la part de Madagascar.
La ratification de cet accord doit être l'occasion pour le Parlement de revendiquer et d'assumer de manière claire, pérenne et sans conteste, la souveraineté française sur l'ensemble des possessions et territoires français de la région. Le rôle premier d'un État est de défendre sa souveraineté. En l'occurrence, cette dernière n'est nullement remise en cause par les populations vivant sur ces territoires et cela doit être affirmé.
Sur la forme, je regrette que ce traité fasse l'objet d'une adoption par la procédure simplifiée. Je pense qu'il eût été bon de débattre, en séance plénière, de ces questions de fond. Il me paraît important de poursuivre les efforts de coopération régionale, en nous appuyant sur l'élément essentiel qu'est la francophonie. Il existe peu d'organisations régionales essentiellement francophones. C'est une raison supplémentaire de continuer à la soutenir, y compris financièrement.
Vouloir jouer la carte de la coopération régionale n'exclut pas d'affirmer clairement, fermement - j'allais dire fièrement - nos positions et notre soutien à nos compatriotes réunionnais et mahorais, mais aussi de défendre les positions du Conseil consultatif des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), où j'ai l'honneur de représenter le Sénat.
M. André Vallini . - Au risque de doucher l'enthousiasme de notre collègue Philippe Folliot, je me souviens de ma participation, il y a huit ans, à une réunion de la COI qui se tenait à La Réunion. Les problèmes, les difficultés financières et les questions existentielles autour de la COI étaient alors identiques à ceux que vient d'exposer le rapporteur. Comme l'ensemble de mes collègues, je voterai pour cette convention, mais huit ans plus tard, les choses n'ont pas évolué et c'est assez désespérant.
Mme Gisèle Jourda . - J'étais à Mayotte il y a encore trois jours au titre de la délégation aux outre-mer, et la question de la participation à la COI a été abordée de manière douloureuse - nous pouvons parler de « ras-le-bol ». Mayotte ne comprend plus pourquoi elle n'est pas associée aux travaux de cette commission. Nous assistons à une stagnation, voire à une régression sur le sujet. Peut-être devrions-nous, en marge de ce rapport, nous pencher sur cette question, vitale pour nos compatriotes ultramarins.
Mme Vivette Lopez, rapporteur . - Nous espérons vivement que la révision de l'accord de Victoria permettra des évolutions positives. Nous pouvons regretter la position de la diplomatie française, qui consiste à ne pas entreprendre les démarches officielles pour la pleine adhésion de Mayotte à la COI. L'association des Mahorais au cas par cas n'est pas suffisante, car elle ne permet pas au territoire de tirer profit de la coopération régionale, dont il aurait pourtant bien besoin. Nous ne pouvons qu'inviter le Gouvernement à revoir sa position, d'autant que l'opposition de l'Union des Comores semble moins vive.
Enfin, je répondrai à Philippe Folliot que la COI a vocation à traiter des questions non pas de souveraineté - elles sont exclues de ses travaux et c'est heureux ! -, mais de coopération régionale.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Commission de l'océan Indien
M. Vêlayoudom Marimoutou , secrétaire général
Ministère de l'Europe et des affaires étrangères
• M. Marcel Escure , ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien
• Mme Nathalie Dupont , sous-directrice de l'Afrique australe et de l'océan Indien par intérim
• Mme Clélia Fleury , rédactrice, sous-direction de l'Afrique australe et de l'océan Indien
• M. Maxime Roth , rédacteur, sous-direction de l'Afrique australe et de l'océan Indien
• Mme Charline Thiéry , consultante juridique, mission des accords et traités
* 1 La Réunion, Mayotte, îles Éparses et Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Polynésie française et Clipperton.
* 2 La région est divisée en cinq commandements militaires, répartis entre trois forces de souveraineté (les Forces armées de la zone sud de l'océan Indien - FAZSOI ; les Forces armées de la Nouvelle-Calédonie - FANC ; les Forces armées en Polynésie française - FAPF) et deux forces de présence (les Forces françaises basées aux Émirats arabes unis - FFEA ; les Forces françaises stationnées à Djibouti - FFDj).
* 3 L'IORA englobe tout le pourtour de l'Indopacifique, de l'Australie au Golfe Persique, jusqu'au sud-ouest de l'océan Indien (zone de la CIO).
* 4 L'île Tromelin est revendiquée par Maurice, les îles Éparses par Madagascar, et Mayotte par les Comores.
* 5 Peuvent prétendre au statut d'observateur auprès de la COI, les États tiers, les organisations intergouvernementales et les organisations internationales non gouvernementales, « directement intéressés par les questions traitées par la COI, et ayant un intérêt, la volonté et la capacité de s'engager résolument aux côtés de la COI » . Il appartient aux candidats de présenter les motifs de leur demande, d'expliciter leur intérêt et leurs capacités de contribution. La COI s'appuie sur une liste de critères pour émettre des recommandations et statuer sur toute demande de statut d'observateur. La France reste vigilante quant aux candidatures déposées et veille à la préservation de l'intégrité, de l'identité, de la cohésion et de l'efficacité de la COI ; elle s'est ainsi opposée à la candidature de la Russie en 2020. Il convient de préciser que le conseil des ministres de la COI peut décider de retirer le statut d'observateur à toute entité ou État.
* 6 Le présent accord porte la durée du mandat à cinq ans.
* 7 Le Fonds vert pour le Climat contribue par l'intermédiaire de subventions déléguées à l'AFD, de même que l'Union européenne qui peut également intervenir directement.
* 8 Comores, Djibouti, Kenya, Madagascar, Maurice, Seychelles, Somalie et Tanzanie.
* 9 La demande d'accréditation de la COI auprès de l'UA a été formalisée.
* 10 Source : rapport de synthèse établi par le secrétariat général de la COI.
* 11 Formalisé en décembre 2019 par une note verbale des autorités comoriennes. Toutefois, les délégués mahorais qui seront associés aux activités de la COI ne devraient pas être identifiés nommément, mais seront invités à intégrer la délégation française (France - Réunion).
* 12 Cap Business océan Indien, qui regroupe des chambres de commerce et d'industrie ainsi que des organisations professionnelles des six îles du sud-ouest de l'océan Indien, et l'Association des îles Vanille qui regroupe des représentants des offices du tourisme de six îles de l'océan Indien (La Réunion, Mayotte, les Seychelles, les Comores, Madagascar et Maurice).
* 13 Officiers permanents de liaison de la COI, responsables des institutions nationales pertinentes, acteurs du secteur privé et associatif, représentants des pays observateurs, partenaires techniques et financiers de la COI.
* 14 La notion de bien public s'entend dans une acception large qui recouvre la biodiversité, l'environnement, la santé, la sécurité alimentaire et les sciences humaines.
* 15 Le statut révisé de 2020 prévoyait une contribution annuelle obligatoire de 90 000 euros minimum des membres observateurs. L'ONU a néanmoins demandé à ce que cette obligation soit levée suite à son accession au statut d'observateur en 2020. La nouvelle proposition de révision du statut d'observateur, soumise au conseil des ministres en février 2022, laisse la liberté au candidat de proposer à la COI les « modalités de sa contribution » . La contribution reste obligatoire mais ne se limite plus seulement aux aspects financiers ; toutefois, en vertu du principe de non-rétroactivité proposé par la révision du statut d'observateur de février 2022, les nouvelles dispositions ne s'appliqueront pas aux entités bénéficiant actuellement du statut d'observateur auprès de la COI.
* 16 Le règlement intérieur du sommet des chefs d'État et de gouvernement ; le règlement intérieur du conseil des ministres ; le règlement intérieur du comité des officiers permanent de liaison ; les statuts du secrétariat général ; le règlement intérieur du comité d'audit et de risques ; le règlement intérieur du comité budgétaire ; les règles et procédures afférentes à l'adhésion au statut d'observateur auprès de la COI ; la charte d'audit interne ; les règles et procédures afférentes aux plateformes de dialogues.
* 17 Maurice envisage une ratification au plus tard en juillet 2022. Madagascar prévoit d'engager prochainement la procédure de ratification.