Rapport n° 557 (2021-2022) de M. Jean-François RAPIN , Mme Marta de CIDRAC , M. Daniel GREMILLET , Mme Pascale GRUNY , MM. Jean-Michel HOULLEGATTE , Claude KERN , Pierre LAURENT , Jean-Yves LECONTE , Dominique de LEGGE et Didier MARIE , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 1er mars 2022
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N° 557
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er mars 2022
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la proposition de résolution européenne en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur le paquet « Ajustement à l' objectif 55 »,
Par M. Jean-François RAPIN, Mme Marta de CIDRAC, M.
Daniel GREMILLET, Mme Pascale GRUNY, MM. Jean-Michel HOULLEGATTE, Claude
KERN,
Pierre LAURENT, Jean-Yves LECONTE, Dominique de LEGGE et Didier
MARIE,
Sénatrice et Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin , président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Didier Marie, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, André Gattolin, Henri Cabanel, Pierre Laurent, Mme Colette Mélot, M. Jacques Fernique , vice-présidents ; M. François Calvet, Mme Marta de Cidrac, M. Jean-Yves Leconte , secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, Jérémy Bacchi, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Philippe Bonnecarrère, Pierre Cuypers, Laurent Duplomb, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Véronique Guillotin, Laurence Harribey, MM. Ludovic Haye, Jean-Michel Houllegatte, Patrice Joly, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Pierre Louault, Victorin Lurel, Franck Menonville, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Louis-Jean de Nicolaÿ, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger .
Voir les numéros :
Sénat : |
553 et 558 (2021-2022) |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La Commission européenne a présenté, le 14 juillet 2021, le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », qui vise à mettre en oeuvre la « loi européenne sur le climat ». Cette « loi européenne sur le climat », élément phare du pacte vert, s'inscrit en cohérence avec les objectifs de l'Accord de Paris de 2015. Pour la première fois, un règlement européen fixe un objectif climatique contraignant et ambitieux à l'échelle de l'Union : atteindre la neutralité climatique à l'horizon 2050. Dans ce but, il rehausse de 40 % à 55 % l'objectif de réduction nette des émissions domestiques de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990.
Le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » propose ainsi de réviser et d'actualiser la législation de l'Union ainsi que de mettre en place de nouvelles initiatives pour mettre en conformité les politiques de l'Union avec les objectifs climatiques arrêtés par le Conseil et le Parlement européen. Il comprend ainsi treize révisions législatives et nouvelles initiatives interdépendantes ainsi qu'une stratégie sur la forêt. De nouvelles propositions ont également été présentées, le 15 décembre 2021, pour compléter ou renforcer les mesures déjà prévues par le paquet « Ajustement à l'objectif 55 ».
Ce paquet est au coeur de l'agenda législatif de la présidence française du Conseil, au premier semestre 2022. L'objectif de la présidence française est, en effet, de poursuivre les négociations en vue d'aboutir à des orientations du Conseil en fin de semestre. Le Parlement européen a également pour objectif d'adopter ses positions d'ici l'été 2022. La phase de trilogues pourrait alors débuter sous présidence tchèque du Conseil.
L'importance des enjeux et le calendrier d'examen du paquet ont ainsi conduit la commission des affaires européennes, la commission des affaires économiques ainsi que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable à désigner des rapporteurs 1 ( * ) et à mettre en place une démarche de concertation ad hoc afin de permettre au Sénat d'adopter une position avant la suspension des travaux parlementaires, liée à la tenue de l'élection présidentielle, puis des élections législatives.
De nombreuses auditions ont été menées par les rapporteurs et des déplacements à Bruxelles ont été effectués. Des débats ont été organisés devant la commission des affaires européennes le 19 janvier 2022, devant la commission des affaires économiques le 25 janvier 2022, puis le 23 février 2022, et devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, le 26 janvier 2022, puis le 23 février 2022.
Cette démarche concertée, qui souligne la nécessité d'un engagement politique fort sur ce dossier essentiel, a permis d'aboutir, le jeudi 24 février 2022, à une réunion conjointe des trois commissions, à l'issue de laquelle une proposition de résolution européenne a été déposée (n° 553 (2021-2022)).
Le mardi 1 er mars, la commission des affaires européennes a adopté sans modification, sur le rapport de M. Jean-François RAPIN, Mme Marta de Cidrac, M. Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, MM. Jean-Michel Houllegatte, Claude Kern, Pierre Laurent, Dominique de Leggge et Didier Marie, la proposition de résolution européenne sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 ».
DÉBAT EN COMMISSION
Jeudi 24 février 2022
Présidence conjointe
de
:
M. Jean-François Rapin, président de la
commission des affaires européennes,
Mme Sophie Primas,
présidente de la commission des affaires économiques,
M. Jean-François Longeot, président de la commission de
l'aménagement du territoire et du développement durable
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes. - Ce format de réunion est un peu particulier. Cette réunion conjointe de la commission des affaires européennes, de la commission des affaires économiques et de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable constitue le point d'aboutissement du processus de rédaction conjointe d'une proposition de résolution européenne (PPRE) sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », qui décline les objectifs climatiques de l'Union européenne en une douzaine de propositions de directives et de règlements européens.
Marta de Cidrac et Jean-Yves Leconte avaient présenté fin janvier une analyse d'ensemble devant chacune des trois commissions concernées. Depuis lors, de nombreux rapporteurs des trois commissions ont travaillé pour nous proposer aujourd'hui un texte d'ensemble consensuel, sur ce paquet particulièrement complexe. Ce projet de texte résulte de compromis entre différentes approches - c'est aussi cela, la méthode européenne - ; des compromis qui nous proposent, me semble-t-il, une démarche ambitieuse, mais réaliste, qui fait clairement ressortir l'enjeu de l'acceptabilité sociale de la transition climatique et du besoin d'accompagnement de celle-ci. Ces compromis ne sont pas des renoncements et ne mènent pas à une position incohérente ou « à l'eau tiède ».
Le travail de nos rapporteurs peut être salué. Il m'apparaît maintenant essentiel de conserver cet état d'esprit pour faire aboutir cette démarche concertée entre nos commissions et finaliser, ensemble, une position claire du Sénat sur ce paquet législatif. Ce paquet est en haut de l'agenda législatif de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE). Il aura des répercussions très concrètes sur nos concitoyens et nos entreprises.
Je vous propose, en accord avec la présidente Sophie Primas et le président Jean-François Longeot, auxquels je vais successivement céder la parole, que les rapporteurs puissent s'exprimer pendant deux minutes chacun. Nous aurons ensuite, si vous le souhaitez, une phase de débat sur l'ensemble du texte, avant d'évoquer de manière précise le contenu du projet de proposition de résolution.
Certains d'entre vous ont d'ores et déjà exprimé des demandes hier, devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ou devant la commission des affaires économiques pour modifier ce projet. J'ai moi-même reçu une demande d'ajout de visa de la part de Louis-Jean de Nicolaÿ. Je ne doute pas non plus que les groupes politiques auront des propositions de rédaction à soumettre.
Je précise la méthode d'examen de ces propositions, qu'elles soient d'ores et déjà formalisées ou qu'elles soient formulées à l'oral de manière plus spontanée : tous les commissaires, quelle que soit leur commission d'appartenance, peuvent naturellement prendre part au débat et formuler des propositions. S'agissant du vote en revanche, la procédure la réserve aux membres de la commission des affaires européennes. L'objectif est donc d'échanger autant que possible entre nous, en amont de ce vote, pour le préparer au mieux.
Après les propos de mes collègues présidents, je passerai la parole à Didier Marie, vice-président de la commission des affaires européennes, qui a suivi avec moi le processus collectif inédit qui a permis l'élaboration du projet de proposition de résolution européenne qui vous est soumis.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Je suis très heureuse que nos trois commissions se retrouvent aujourd'hui, pour examiner une proposition de résolution sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 ». C'est un beau travail commun, concret et ambitieux, qui doit permettre au Sénat de faire entendre sa voix sur ce dossier majeur pour notre transition et notre souveraineté énergétiques. Je tiens ici à remercier chaleureusement le président Jean-François Rapin, le président Jean-François Longeot et l'ensemble des rapporteurs pour l'avoir rendu possible.
Notre commission s'est plus spécifiquement penchée sur le volet « Énergie » du paquet, qui a trait aux énergies renouvelables, à la performance et à l'efficacité énergétiques, aux biocarburants et à l'hydrogène, sans oublier la fiscalité énergétique. Dans l'examen préparatoire de ce volet, très dense et très technique, notre commission a souhaité rappeler plusieurs exigences, qui conditionnent à notre sens l'applicabilité du paquet et donc son atteinte.
Tout d'abord, le contexte de grave crise des prix des énergies impose de tenir compte de l'incidence du paquet sur le pouvoir d'achat des ménages, la compétitivité des entreprises ou la soutenabilité financière des collectivités territoriales. Plus encore, sans une complète neutralité technologique, accordant toute sa place à l'énergie nucléaire, la décarbonation de notre économie ne pourra pas être réalisée. En sus, davantage de stabilité et de lisibilité sont attendues de la législation européenne, car l'incertitude nuit toujours aux investissements des acteurs économiques. Enfin, les compétences souveraines des États membres doivent être respectées, notamment dans la définition de leur mix énergétique, ainsi que dans le soutien à l'efficacité énergétique et la lutte contre la précarité énergétique.
La compensation financière, la neutralité technologique, la stabilité normative et une subsidiarité effective sont des prérequis indispensables pour réaliser concrètement la transition énergétique à l'échelle européenne. Les recommandations proposées par nos rapporteurs vont dans ce sens ; elles confortent l'ambition du texte, tout en facilitant son application. C'est une ardente obligation, pour diviser par deux nos émissions d'ici à 2030 et atteindre la « neutralité carbone » à l'horizon 2050, car les secteurs de l'énergie et du logement représentent 40 % des émissions européennes.
Pour que l'application du paquet soit une réussite, je forme le voeu que l'Europe relève trois défis. Le premier défi est celui de l'indépendance énergétique, car les turbulences actuelles, économiques, mais aussi géopolitiques, sur le marché européen du gaz, démontrent la nécessité de réduire notre dépendance au gaz, émissif et importé. Cela suppose de relancer l'énergie nucléaire, mais aussi de développer les énergies renouvelables et leur stockage.
Le deuxième défi est celui de l'autonomie minière, car la transition énergétique repose sur une très forte consommation de métaux rares, dont l'approvisionnement doit être sécurisé et les émissions maîtrisées. La fabrication de nos panneaux solaires, nos pales d'éoliennes, nos batteries électriques ou nos électrolyseurs d'hydrogène en dépend.
Le dernier défi est celui de la relocalisation industrielle, car la décarbonation de notre économie repose sur des industries énergétique, automobile, agroalimentaire ou du bâtiment actives, sources d'emploi, de recherche et d'innovation. Nous devons d'urgence relocaliser nos chaînes de valeur et consolider notre autonomie stratégique.
À ces conditions, la transition énergétique pourra être considérée non comme une contrainte juridique, mais comme une opportunité économique, à même de placer l'Europe aux avant-postes de la décarbonation.
M. Jean-François Longeot , président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Nous voici donc réunis ce matin pour débattre de l'aboutissement d'un travail considérable sur ce paquet « Ajustement à l'objectif 55 ». Je remercie les présidents de commission, particulièrement le président Jean-François Rapin, pour l'organisation souple qui nous a permis de nous appuyer sur l'expertise de chaque commission et de nous assurer de la cohérence du message sénatorial avec les travaux précédemment menés. Je remercie également l'ensemble des rapporteurs.
La proposition de résolution, dans la version qui vous est présentée ce matin, est le fruit d'un travail d'auditions et de consultations menées depuis le début du mois de janvier. Cette réflexion a été prolongée par un déplacement enrichissant à Bruxelles, où notre commission a pu échanger avec Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, et la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne. Ce texte est le résultat d'un compromis : cette tâche n'était pas simple, mais vous êtes parvenus, mesdames, messieurs les rapporteurs, à nous proposer un projet équilibré.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a souhaité que cette résolution soit à la hauteur de nos engagements climatiques. Nos rapporteurs ont donc été particulièrement vigilants au maintien de la cohérence climatique de la résolution : l'ambition de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % en 2030 par rapport à 1990 devait être maintenue en pratique - et non seulement en théorie - sur l'ensemble du texte, en dépit d'oppositions parfois légitimes à certaines propositions de la Commission. Cet équilibre me semble globalement préservé dans le projet proposé, même si notre commission a fait un certain nombre de concessions. J'en suis évidemment satisfait et j'y vois le signe d'un consensus croissant sur la finalité du paquet : la lutte contre le réchauffement climatique.
M. Didier Marie , rapporteur de la commission des affaires européennes . - Je veux saluer le travail de nos rapporteurs, qui nous permettent d'aboutir ce matin à une proposition de résolution européenne qui est, dans l'ensemble, équilibrée. La lutte contre le changement climatique et ses effets est un sujet majeur à l'échelle mondiale. Elle s'inscrit dans le cadre de l'Accord de Paris sur le climat que le Sénat a soutenu à plusieurs reprises.
Au travers du Pacte vert pour l'Europe, dont ce paquet est l'une des déclinaisons opérationnelles, l'Union européenne entend jouer un rôle moteur dans cette lutte, en développant un nouveau modèle de croissance durable et vertueuse. Ce paquet législatif aura des effets très concrets sur la vie de nos concitoyens et sur nos entreprises, sur l'évolution des énergies, des transports ou encore du bâtiment. Il était donc nécessaire que le Sénat prenne position à une étape pertinente des négociations.
L'enjeu politique essentiel, bien mis en relief par le texte qui nous est soumis, est celui de l'accompagnement de la transition climatique. Cette transition doit être socialement inclusive. L'acceptabilité sociale de ce paquet est un sujet clé, de même que son volet d'accompagnement budgétaire et financier. À cet égard, nous proposons une approche critique de la démarche de la Commission européenne, qui doit présenter une stratégie de financement de la transition adaptée aux enjeux. Il y a assurément sur ce point des marges de progrès et je pense que nous pourrions l'interpeller encore davantage sur la mise en oeuvre de nouvelles ressources propres. Le financement du Fonds social pour le climat est un sujet important, notamment pour la solidarité intra-européenne et la capacité des États membres de l'Europe de l'Est à accepter la démarche. Je citerai également l'inclusion des secteurs du bâtiment et des transports routiers au mécanisme de marché carbone. Nos débats interviennent à un moment d'envolée des prix de l'énergie, mais, plus fondamentalement, le fonctionnement actuel du marché européen de l'électricité doit être réformé. La proposition de résolution souligne les risques liés à la réforme du marché carbone et propose des garde-fous qui sont des points d'équilibre.
Nous retrouvons cette démarche d'équilibre concernant les puits de carbone et la mise en oeuvre du règlement sur la répartition de l'effort entre les États membres - la solidarité est au coeur de la démarche européenne -, tout comme en matière de commercialisation des véhicules neufs en Europe, puisque la résolution confirme la fin de la commercialisation des véhicules à moteur thermique en 2035, tout en demandant la mise en place d'une dérogation jusqu'en 2040 pour les véhicules hybrides.
La lutte contre le dérèglement climatique est un enjeu mondial. L'Union européenne ne produit que 8 % des gaz à effet de serre ; elle se doit d'être moteur. Ce pacte doit constituer le pilier de sa diplomatie climatique et elle doit utiliser sa politique commerciale pour faire progresser ses normes, ses valeurs et ses règles de durabilité, dans un monde malheureusement perturbé.
Mme Marta de Cidrac , rapporteure de la commission des affaires européennes . - Je me félicite de la démarche initiée par nos trois commissions pour permettre au Sénat de prendre position sur ce sujet majeur de la mise en oeuvre de la loi européenne sur le climat. L'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici à 2030 par rapport à 1990 n'est pas qu'un chiffre en l'air : cela va devenir une réalité tangible pour nos concitoyens. Nous en avions déjà conscience lors de l'examen du projet de loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, mais je crois que notre démarche permet à chacun d'entre nous de bien le mesurer et de préciser les enjeux à l'échelle de l'Europe.
Nous avons tous cherché une voie d'équilibre par rapport aux propositions de la Commission européenne : une voie d'équilibre éminemment sénatoriale, ce qui nous conduit à mettre l'accent sur l'acceptabilité sociale, économique et territoriale de ce paquet. C'est un point essentiel. La transition sera lourde. Prenons garde aux contestations possibles si les mesures sont mal calibrées ou mal accompagnées. Nous avons connu les « gilets jaunes » en France et, clairement, cette préoccupation sociale, économique et territoriale est au coeur du texte que nous présentons aujourd'hui. Je veux ainsi, une nouvelle fois, souligner devant vous la nécessité d'un portage politique au plus haut niveau de cette politique de lutte contre le changement climatique. Il faudra faire oeuvre de pédagogie et dialoguer avec nos concitoyens pour mettre en oeuvre les mesures de manière efficace et harmonieuse.
Nous avons également exprimé des points de vigilance sur la compétitivité de nos entreprises : nous soutenons l'objectif global, mais demandons à veiller à l'accompagnement de la transition et à pallier certaines failles, comme celles qui ont été identifiées sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, qui pénaliserait en l'état les entreprises exportatrices, ce qui n'est pas acceptable.
Nous mettons l'accent sur les moyens d'accompagnement et sur le Fonds pour l'innovation, que nous souhaitons renforcer. Cela me paraît constituer un point d'équilibre par rapport à des mesures qui insistent plus sur la solidarité intra-européenne, évoquée par Didier Marie. Les alinéas 94, 95 et 119 de la proposition de résolution me paraissent ainsi essentiels. Ce paquet de mesures est d'une grande complexité et la Commission européenne en joue assurément. J'ai pu le constater lors de deux déplacements à Bruxelles. La France préside aujourd'hui le Conseil de l'Union ; c'est une chance que nous devons saisir, même si cette présidence va être hachée par la période électorale qui s'ouvre. Je forme le voeu que le Gouvernement intègre nos préoccupations, celles du Sénat.
M. Jean-Yves Leconte , rapporteur de la commission des affaires européennes . - Il est heureux qu'au sein de nos trois commissions ainsi qu'au Conseil européen, les objectifs ne soient pas remis en cause et qu'il s'agisse maintenant de savoir comment nous parviendrons aux objectifs que nous nous sommes collectivement fixés. Cette volonté européenne est essentielle. L'analyse des propositions de la Commission européenne indique combien notre vie quotidienne, nos activités économiques, nos politiques publiques seront impactées par la loi européenne sur le climat, en matière d'énergie, de transport, d'industrie ou de logement. Je ne suis pas sûr que nous mesurions l'ampleur des changements essentiels à venir et qui bousculeront nos comportements ainsi que nos référentiels de valeurs.
Nos référentiels, comme celui de la « richesse argent » comme seule mesure de la croissance, sans tenir compte de l'impact de l'activité économique sur notre capital environnemental, sont à remettre en cause. Or aujourd'hui, alors que nous sommes en pleine campagne présidentielle, ces changements ne sont pas au coeur de nos débats. Ceci est inquiétant.
Les enjeux financiers et techniques du défi que nous nous fixons sont considérables ; il va falloir investir dans l'innovation et la recherche pour trouver des solutions. Il ne faut négliger aucune direction de recherche, tant que nous n'avons pas la certitude d'avoir une solution globale. Se posent aussi des questions en matière de normes RSE, de délégation aux États membres d'un certain nombre de politiques de compensation des coûts engendrés par les dispositifs retenus, à l'instar de l'usage du Fonds social pour le climat.
Enfin, je me réjouis que la résolution insiste sur le fait qu'il s'agit d'un projet européen majeur et ambitieux, Il faudra en assurer le financement dans le temps, après le plan de relance, mais aussi « dans l'espace », pour entraîner nos voisins, principalement ceux qui sont liés par des accords d'association, une union douanière ou un processus d'élargissement dans cette démarche et que ceci soit pris en compte dans la mise en place du Mécanisme de compensation carbone aux frontières. Les efforts et la transformation de notre continent, qui représente moins de 10% des émissions carbone du monde, ne seront utiles que ni nous arrivons, avec succès, en utilisant tous les outils dont nous disposons, à entraîner nos partenaires dans la même direction.
M. Daniel Gremillet , rapporteur de la commission des affaires européennes . - Au terme de ses travaux préalables sur le volet « Énergie » du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », notre commission propose d'infléchir les différents textes dans plusieurs directions.
Tout d'abord, nous souhaitons garantir une neutralité technologique, entre l'hydrogène nucléaire et l'hydrogène renouvelable, partout où les textes du paquet y font référence. C'est une position cohérente avec la résolution européenne sur l'inclusion de l'énergie nucléaire dans la taxonomie verte, que nous avons adoptée en décembre dernier. Elle est indispensable à l'essor de la filière française de l'hydrogène.
Ensuite, nous entendons favoriser davantage les bioénergies : les biocarburants, le biogaz et le bois-énergie. Naturellement, ces bioénergies doivent respecter des critères de durabilité et ne pas entraîner de conflits d'usages. Pour autant, elles ne doivent pas être omises, car elles sont très utiles pour faire aboutir la décarbonation jusque dans les territoires ruraux.
Dans le contexte très dégradé de crise des prix des énergies, il est crucial de soutenir les ménages en situation de précarité énergétique, ainsi que les entreprises énergo-intensives, en veillant notamment à ce qu'ils bénéficient de soutiens fiscaux ou d'aides budgétaires idoines.
Plus encore, nous voulons consolider la place des autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), c'est-à-dire des collectivités territoriales exerçant une compétence en matière d'énergie, en tenant mieux compte de ces acteurs dans la réforme de la taxation de l'électricité, l'application des projets d'énergies renouvelables ou encore l'électrification des quais.
Enfin, un dernier point d'attention est de garantir la compétence des États membres, tant dans la définition de leur mix énergétique que dans la lutte contre la précarité énergétique. Cela est fondamental pour permettre à la France de conserver son parc nucléaire, atout majeur de sa décarbonation, et utile pour garantir aux Français des politiques publiques au plus près des territoires.
Je forme le voeu que ces recommandations, concrètes, techniques, ponctuelles, qui facilitent l'application du texte sans toucher à sa portée, recevront l'assentiment de chacun.
Au-delà du paquet « Ajustement pour l'objectif 55 », deux difficultés doivent encore être levées : d'une part, il faut inclure pleinement l'énergie nucléaire à la « taxonomie verte », qui l'assimile à une activité transitoire et non durable ; d'autre part, il faut réformer réellement le marché européen de l'électricité, car la tarification de l'électricité selon le principe du « coût marginal » lie malheureusement la valeur de l'électricité décarbonée aux fluctuations du gaz fossile.
Je souhaite que la PFUE permette de progresser réellement et rapidement sur ces enjeux.
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur de la commission des affaires économiques. - Dans le cadre du volet « Énergie » du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », notre commission émet aussi des recommandations sur les enjeux de performance et d'efficacité énergétiques des bâtiments.
En premier lieu, nous proposons d'appliquer un principe de neutralité technologique entre les différentes sources d'approvisionnement en énergie des bâtiments, en revalorisant la place de l'électricité par rapport à celle du gaz et des énergies renouvelables de réseaux par rapport à la production sur site dans la définition des bâtiments faiblement émissifs. C'est, en somme, le modèle énergétique français que nous souhaitons conserver.
Nous suggérons également que l'application des nouvelles normes de performance énergétique s'accompagne d'une aide financière pour les propriétaires, les bailleurs ou les locataires. C'est une nécessité pour leur permettre de faire face aux surcoûts induits, dans le contexte de crise des prix des énergies.
De plus, nous souhaitons que les contraintes spécifiques auxquelles sont confrontés les bailleurs sociaux soient prises en compte. En effet, ces acteurs majeurs de la solidarité nationale doivent être accompagnés, et non déstabilisés, pour adapter le parc d'habitations à loyer modéré (HLM) aux nécessaires standards de la décarbonation.
Par ailleurs, nous proposons de permettre l'expérimentation du biogaz pour l'alimentation en énergie des bâtiments, comme s'y est d'ailleurs engagé le Gouvernement auprès de la filière biogaz, lors de la révision récente des normes nationales de performance énergétique.
Enfin, nous recommandons de garantir la compétence des États membres pour définir les principes et les modalités de la politique d'efficacité énergétique nationale. C'est une nécessité pour bien prendre en compte les spécificités nationales existantes, et répondre ainsi aux besoins identifiés localement.
Pour conclure, je partage les points d'attention indiqués par la présidente Sophie Primas et mon collègue Daniel Gremillet sur la stabilité normative, la compensation financière et la neutralité technologique : ce sont des prérequis indispensables pour faire en sorte que la transition énergétique soit effective, car acceptée. Or, dans le domaine du logement, je regrette les changements incessants de législation, nationale comme européenne ; sur ce point, je rappelle que nous venons tout juste de réformer la réglementation environnementale 2020 (RE2020), applicable aux bâtiments neufs, et le diagnostic de performance énergétique (DPE), prévu pour les bâtiments existants.
Il est déplorable que, trois ans après la loi « Énergie-Climat » de 2019, et six mois après la loi « Climat-résilience » de 2021, nous devions encore légiférer sur ces sujets.
Mme Denise Saint-Pé , rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - J'aimerais rappeler quelques positions structurantes de notre commission dans cette résolution. Je ne serai évidemment pas exhaustive.
Concernant la réforme du marché carbone européen - le SEQE ou ETS -, notre appréciation est globalement positive, notamment puisque la réforme envisagée accélérera la transition bas carbone des industries européennes. Nous avons aussi jugé pertinente la proposition de consolidation de la réserve de stabilité du marché (MSR) pour renforcer la stabilité du prix de la tonne de CO 2 sur le marché carbone. Nous aurions toutefois apprécié que cet outil soit complété par l'instauration d'un prix plancher et d'un prix plafond, croissant dans le temps, afin de renforcer la visibilité pour les acteurs économiques et de crédibiliser à long terme l'augmentation du prix de la tonne de CO 2 . Cette proposition n'a pas été retenue dans la proposition de résolution européenne.
Concernant la création d'un nouveau marché carbone pour le transport routier et le bâtiment, nous avons relayé les nombreuses inquiétudes sociales, mais également environnementales, autour du dispositif proposé par la Commission européenne, tout en insistant sur la nécessité de préserver la cohérence générale du paquet « Climat ». C'est pourquoi nous avons proposé un certain nombre de garde-fous - prix plafond sur ce nouveau marché, limitation du dispositif aux professionnels et moyens accrus pour l'accompagnement des plus précaires - au lieu de nous opposer frontalement à la proposition de la Commission européenne. Notre commission est très attachée à cet équilibre, fidèlement retranscrit dans la résolution.
Nous nous félicitons également de l'instauration d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, même si nous pensons que son périmètre pourrait être élargi en 2026 à certains produits de base, voire à certains produits finis, pour limiter les risques de perte de compétitivité des industries européennes. Nous nous interrogeons également sur la pertinence du calendrier pour l'extinction totale des quotas gratuits, actuellement prévue en 2036, au regard de l'ambition climatique du paquet et de la nécessité de faire naître des champions industriels bas carbone au niveau de l'Union européenne. Ces points apparaissent très nettement dans la résolution.
Sur le volet transport de ce paquet, nous avons jugé que l'interdiction de vente des véhicules thermiques neufs en 2035 était ambitieuse et réaliste, compte tenu de l'accélération de la transition vers les motorisations électriques par les constructeurs français et européens et du bilan carbone favorable des véhicules électriques par rapport aux véhicules thermiques, même dans une analyse de cycle de vie, a fortiori en France, où l'électricité est peu carbonée. Nous prenons acte de la dérogation demandée dans la résolution pour les hybrides rechargeables, tout en estimant qu'il faudra encourager largement l'usage de carburants durables par ces véhicules.
M. Guillaume Chevrollier , rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Je me joins aux remerciements du président Longeot à l'attention de nos collègues de l'ensemble des autres commissions, avec lesquels nous avons travaillé en bonne intelligence.
Notre commission a souhaité voir figurer certains points dans cette proposition de résolution européenne.
Nous avons tout d'abord fait de l'objectif de réduction des émissions de 55 % l'élément structurant de la résolution : il nous a semblé indispensable de préserver la cohérence d'ensemble du texte afin de coller en pratique - et non seulement en théorie - à cet objectif.
La dimension sociale est le deuxième fil rouge de cette résolution. Toutefois, nous avons rappelé que cette préoccupation ne devait pas être un alibi, qui nous conduirait à renoncer à agir fermement. Nous avons donc plutôt insisté sur la nécessité d'un accompagnement social dimensionné au défi inéluctable que représente la transition climatique du continent.
Troisième considération générale : nous avons souligné que la transition offrait des opportunités économiques considérables et devait, à cette aune, être accélérée pour développer des industries bas-carbone européennes.
Quatrième fil rouge, dans la droite ligne de nos travaux précédents et des enseignements que nous avons tirés de la COP26 : le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » devrait constituer le pilier de la diplomatie climatique de l'Union européenne, en agissant comme un levier pour le relèvement de l'ambition des États tiers.
Enfin, le dernier élément cardinal est que le niveau d'investissement particulièrement élevé requis pour atteindre les objectifs à l'horizon 2030, puis la neutralité carbone à l'horizon 2050, conduise à une réflexion approfondie sur le soutien financier, grand absent de ce paquet « Climat ». La proposition de résolution invite donc tout particulièrement la Commission européenne à adapter les règles du pacte de stabilité et de croissance - elles limitent les niveaux annuels de déficit et de dette au niveau national - pour inciter et faciliter les investissements publics verts.
M. Claude Kern , rapporteur de la commission des affaires européennes . - En tant que rapporteur de la commission des affaires européennes sur le volet « Énergie » de ce paquet, je m'associe aux propos de mon collègue Daniel Gremillet, dont je partage les conclusions et les propositions.
Le secteur de l'énergie constitue indéniablement la clé de voûte pour atteindre les objectifs très ambitieux fixés à l'ensemble des États membres par la Commission européenne. Je rappelle que 75 % des émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne proviennent de la consommation et de la production d'énergie. La décarbonation du secteur de l'énergie est donc une étape essentielle pour parvenir à la réduction de ces émissions et à la neutralité climatique de l'Union prévue d'ici à 2050.
Les ambitions climatiques de l'Union européenne s'inscrivent aujourd'hui dans un contexte inédit de très haut niveau des prix des énergies, que nous devons prendre en considération. Cette situation, qui est appelée à durer, renforce les questionnements que nous avons sur le financement de la transition climatique, ses conséquences sur le coût énergétique pour les acteurs économiques, notamment pour les PME, et les inquiétudes sur le pouvoir d'achat des ménages européens.
Si nous partageons l'ambition de ce paquet, la politique énergétique européenne doit s'inscrire dans le respect de certains principes : la souveraineté des États membres sur le choix de leur bouquet énergétique, la neutralité technologique et la prise en compte de la situation des États membres dont la production d'électricité est déjà largement décarbonée.
Ainsi, nous considérons que l'ensemble des solutions décarbonées en matière énergétique doivent pouvoir contribuer à la transition énergétique, qu'elles soient issues de sources renouvelables ou non. Sur de nombreuses dispositions de ce texte, nous avons exprimé le souhait d'élargir le périmètre actuel aux carburants bas carbone ou de pouvoir valoriser une électricité autre que renouvelable, dans les règles de calcul des émissions de gaz à effet de serre. Le principe de neutralité technologique doit aussi bénéficier à l'hydrogène, qui constitue un enjeu géopolitique et de souveraineté majeur. Le directeur général de l'énergie et du climat au ministère de la transition écologique a d'ailleurs souligné, lors de son audition, le risque de passer d'une dépendance au gaz russe à une dépendance à l'hydrogène du Sahara.
Nous devrions disposer d'orientations générales sur ces textes « Énergie » à la fin du premier semestre 2022 ; une réunion du Conseil « Énergie » doit ainsi se tenir à la fin du mois de juin.
M. Pierre Laurent , rapporteur de la commission des affaires européennes . - Un important travail a été réalisé ces dernières semaines, en un temps express et beaucoup trop contraint, sans donner aux commissions le temps de réaliser une évaluation contradictoire approfondie. Des éléments d'appréciation essentiels nous font défaut, tels que le niveau d'investissement nécessaire, l'impact des changements productifs et sociaux amenés par le pacte vert ou les conditions pérennes des financements massifs attendus.
La PPRE estime nécessaire de mettre en place des modalités d'implication des parlements dans le suivi des négociations et demande à la Commission européenne de présenter des études d'impact plus pertinentes. Je m'en félicite, même si nous n'avons aucune garantie en la matière. Comment serons-nous associés aux négociations, alors que le Parlement va cesser de siéger, au moment même de la PFUE ?
La PPRE nous engage de manière positive sur le paquet, non seulement sur l'objectif de 55 %, mais aussi sur les voies pour y parvenir. À ce stade, ce soutien me paraît hasardeux, prématuré et aveugle à maints égards.
Nous sommes en pleine campagne présidentielle et en pleine PFUE. Avons-nous conscience que la grande majorité de nos concitoyens ignore l'impact du paquet que nous sommes en train de soutenir ? Voyez la suppression des véhicules thermiques et hybrides en 2035 : c'est demain ! Il en est de même pour l'élargissement du marché carbone aux ménages par l'introduction du chauffage et des carburants, ou l'augmentation à 40 % de la part des renouvelables dans les mix énergétiques.
Je souligne un point clé : le caractère juste de la transition devrait se trouver en amont et au centre des décisions, pour conduire à un cadre légal de transition juste, comme le propose la Confédération européenne des syndicats (CES). Or la proposition du Sénat continue de s'inscrire dans une logique qui ne traite la dimension sociale qu'en termes d'atténuation et de compensation, alors que 50 millions de ménages européens sont déjà en précarité énergétique.
Sur la création d'un marché carbone pour le transport routier et le bâtiment, nous rendons les armes avant d'avoir mené le combat, en intégrant dans la PPRE toutes les possibilités, même les plus mauvaises, plutôt que de nous en tenir, au début des négociations, au refus de ce marché en l'état. La création du Fonds social pour le climat est conditionnée au maintien de l'élargissement du marché carbone, rendant aléatoire tout le système de compensation sociale.
La PPRE demande une révision des modalités de fonctionnement du marché de l'électricité - je m'en félicite -, mais elle ne donne aucune indication sur le sens de cette révision. S'agissant de la libéralisation du marché de l'énergie, le Sénat ne propose rien. La concurrence aberrante entre les opérateurs nationaux et les opérateurs alternatifs va donc continuer, entravant notre capacité à agir de manière planifiée et durable.
Malgré notre soutien au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, l'étroitesse du champ couvert va poser de nombreux problèmes, sans parler de son lien avec le marché carbone, qui risque d'engendrer des inégalités très importantes.
Sur la nécessité de sortir des règles obsolètes du pacte de stabilité, la vague mention dans la PPRE à ce sujet est bien trop légère par rapport au niveau des investissements à mobiliser. J'avais fait des propositions de rédaction, elles n'ont pas été retenues à ce stade. En l'état, je ne pourrai pas soutenir une telle PPRE.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes - Effectivement, le temps est contraint. Cette PPRE doit porter ses fruits au cours de la PFUE, qui subit la situation électorale et la situation de crise. Nous aurions eu de grandes difficultés à réunir les trois commissions après la suspension des travaux en séance plénière et donc à porter la parole du Sénat. Il est vrai que les parlements nationaux n'ont absolument pas été consultés. Nous n'avons pas pu travailler en amont. Au nom du Sénat français, nous nous positionnons dès lors que les textes nous sont transmis. Il ne s'agit en rien de faire passer un texte à marche forcée. Le calendrier est contraint, et nous avons dénoncé cette situation.
M. Pierre Laurent , rapporteur . - Je ne critique pas les trois présidents de commission, je ne fais que dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas !
M. Dominique de Legge , rapporteur de la commission des affaires européennes . - Les transports sont aujourd'hui responsables de 30 % des émissions totales de CO 2 de l'Union européenne. Malgré les efforts de décarbonation des filières du secteur, les émissions de gaz à effet de serre se sont accrues de près de 20 % en Europe depuis 1990, en raison du développement des secteurs routier et aérien. Ce secteur a donc un rôle essentiel à jouer dans la transition écologique. Le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » fixe une trajectoire de réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre provenant du secteur des transports d'ici à 2050, et d'au moins 55 % en 2030. Je laisserai mes collègues, Pascale Gruny et Jean-Michel Houllegatte, évoquer plus précisément les trois textes qui recouvrent les secteurs routier, aérien et maritime et les carburants alternatifs.
Pour ma part, je souhaiterais vous faire part de quatre considérations d'ordre général.
Ces textes auront des traductions concrètes, plus spécifiquement pour les entreprises des secteurs aérien et maritime. Je voudrais rappeler qu'elles sont, pour la plupart, déjà très engagées dans la diminution de l'impact environnemental de leurs activités et qu'elles investissent dans des technologies ou procédés qui permettent une réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.
Je déplore l'absence d'évaluation de l'impact des mesures proposées par la Commission européenne. Cela est d'autant plus regrettable qu'elles sont particulièrement complexes et que leur cumul rend difficile l'appréhension des interactions entre elles. Nous demandons à la Commission européenne, dans notre proposition de résolution, de présenter en cours de négociation des études actualisées et sectorielles. Il s'agit de s'assurer de l'impact des différentes dispositions sur les ménages, les entreprises et les territoires ainsi que de la crédibilité du calendrier.
J'en viens à l'acceptabilité sociale et économique. Le maintien de la compétitivité des entreprises françaises et l'adaptation de la transition à nos territoires sont aussi des enjeux transversaux à l'ensemble des textes du paquet ; nous devons leur porter une attention particulière. Le niveau d'investissement de la transition écologique est très élevé. Les interlocuteurs bruxellois que nous avons auditionnés nous ont d'ailleurs alertés sur la capacité de l'Union européenne à financer ces mesures.
Nous avons pris bonne note de la création d'un Fonds social pour le climat. Mais nous disposons de peu d'éléments sur la hauteur de son financement. Quels sont les critères pour sa mobilisation et sa redistribution ? Comment les disparités géographiques seront-elles prises en compte ? Quel sera son mode de gestion ?
Mme Pascale Gruny , rapporteur de la commission des affaires européennes - Permettez-moi de citer quelques chiffres pour mesurer les efforts que doit accomplir le transport routier pour contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et parvenir à la neutralité climatique à l'horizon 2050. Aujourd'hui, le transport routier représente 80 % du transport des passagers de l'Union européenne et 75 % du transport des marchandises. Les voitures et les camionnettes génèrent plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre des transports en Europe, ce qui représente 12 % des émissions européennes totales. La mobilité est bien au coeur de la transition climatique.
Je voudrais attirer votre attention sur quelques points qui me semblent importants pour engager le continent européen dans une transformation profonde de son économie, des usages des transports et des modes de comportement des citoyens. Plusieurs sujets de vigilance ont déjà été évoqués, tels que l'acceptabilité de la transition par les ménages, le maintien de la compétitivité des entreprises européennes, en particulier dans le domaine des transports, ou le financement des mesures nécessaires à cette transition. Le niveau d'ambition pour s'adapter au changement climatique nécessite, en effet, des investissements considérables dans la recherche et l'innovation. J'ai la conviction que le développement de transports décarbonés est un des enjeux forts de la transition écologique et que l'accompagnement des ménages au report modal, qui concerne en priorité les grandes métropoles, doit aussi être favorisé.
Par ailleurs, pour lever les barrières à l'achat de véhicules électriques, le déploiement d'infrastructures de recharge doit s'accélérer. C'est pourquoi nous souhaitons un renforcement des objectifs fixés par la Commission européenne, qui concerne d'ailleurs tous les modes de transport. Je ne reviendrai pas sur la proposition relative à la fin de la commercialisation des véhicules à moteur thermique qui a précédemment été exposée.
Cependant, nous devons être particulièrement attentifs à l'incidence que pourrait avoir cette mesure sur le marché des véhicules d'occasion. Il ne faudrait pas qu'elle favorise une augmentation des exportations de nos voitures anciennes et très polluantes vers des pays moins développés. J'ai donc proposé le développement d'une économie circulaire, notamment pour l'automobile, qui peut se matérialiser par le reconditionnement de véhicules - certaines entreprises se sont déjà positionnées sur ce créneau - ou la réutilisation de pièces détachées. J'invite aussi à mieux prendre en compte l'ensemble du cycle de vie au regard des enjeux de neutralité carbone.
Enfin, il me semble important d'être attentif à la superposition de mesures européennes dont l'effet cumulatif peut avoir des conséquences sur les acteurs économiques.
M. Jean-Michel Houllegatte , rapporteur de la commission des affaires européennes. - J'aborderai le volet du paquet relatif aux secteurs aérien et maritime.
L'objectif de la Présidence française est de conclure des orientations générales à la fin du premier semestre 2022 sur la quasi-totalité des textes. Force est de noter que deux des textes les plus avancés dans la négociation entre États membres concernent les projets de règlement qui visent, d'une part, à obliger les fournisseurs de carburants à accroître la part des carburants d'aviation durables, et, d'autre part, à réduire l'intensité des émissions de gaz à effet de serre de l'énergie utilisée à bord des navires. L'utilisation de carburants d'aviation durables, qui permet de réduire les émissions globales de CO 2 jusqu'à 80 % par rapport au kérosène fossile, constitue, en effet, l'un des principaux leviers de la réduction des émissions de l'aviation.
Plusieurs études montrent d'ailleurs que le transport aérien peut parvenir à la neutralité carbone à l'horizon 2050. Trois leviers de décarbonation sont actuellement identifiés : les carburants d'aviation durables (SAF), les avancées technologiques dans un avenir plus ou moins lointain - Airbus vient ainsi d'annoncer un premier test de moteur d'avion propulsé avec de l'hydrogène, qui sera réalisé en 2026, et qui pourrait être une étape importante vers la mise au point d'un avion zéro émission -, ainsi que la mise en oeuvre du ciel unique européen qui implique un effort de la part des États membres pour moderniser et rationaliser le contrôle aérien, permettant des trajectoires plus directes au-dessus du territoire européen. Ces trois points sont exposés dans la proposition de résolution telle que présentée aujourd'hui.
Je voudrais aussi vous faire part de plusieurs points de vigilance.
Premièrement, le risque de contournement par les hubs et de distorsion de concurrence pour les compagnies aériennes européennes est un premier sujet d'attention. L'aéroport d'Istanbul, par exemple, pourrait à terme devenir un concurrent pour les aéroports européens.
Deuxièmement, la recherche et l'innovation dans le domaine des carburants alternatifs pour l'aviation doivent contribuer à la réduction de l'écart des coûts entre les SAF et le kérosène.
Troisièmement, le développement de la production de carburants d'aviation alternatifs à grande échelle conditionne la décarbonation du secteur.
Quatrièmement, enfin, il faut être attentif au coût de la transition énergétique pour le secteur de l'aviation.
L'objectif de réduction des gaz à effet de serre est également largement soutenu par les acteurs du transport maritime, mais plusieurs points de vigilance ont toutefois été identifiés, notamment la prise en compte de la disponibilité des carburants et de leur coût, alors que ce secteur repose, à l'heure actuelle, presque entièrement sur les combustibles fossiles.
M. Jacques Fernique . -Cette proposition de résolution constituera l'approche du Sénat sur le paquet « Climat » par lequel l'Europe donne corps à son nouvel objectif de réduction de 55 % des gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990. Il s'agit non pas d'en rester aux belles formules, mais de mettre en place des actions concrètes. Au travers de cette proposition de résolution, le Sénat prend la mesure de cet objectif en envisageant les nécessaires réformes structurelles et sectorielles pour transformer nos industries, nos transports, notre agriculture et nos conditions énergétiques. Il affirme également l'urgence de parvenir à un cadre clair et soutenable pour les ménages, les entreprises et nos territoires. On ne peut pas gagner le combat climatique dans un seul pays ou dans la seule Union européenne, qui représente 8 % du problème. Cette proposition de résolution insiste à juste titre sur la capacité d'entraînement dont l'Europe peut jouer, par l'ajustement carbone à ses frontières et par ses capacités de régulation des échanges économiques mondiaux. Les termes précis de cette proposition constituent donc un pas explicite vers la remise en cause des politiques ultralibérales de libre-échange ; les alinéas 200 et 201 sont éloquents à cet égard.
Cette PPRE pointe la nécessité d'accompagnement pour l'acceptabilité sociale, d'adaptation des politiques de formation professionnelle, de reconversion des métiers, de soutien aux territoires et aux appareils productifs affectés. Notre groupe propose de muscler la proposition de résolution en ajoutant, après l'alinéa 95, un alinéa sur le rôle clé des territoires dans la mise en oeuvre concrète de politiques déterminantes en matière climatique. Il serait bon de pointer la nécessité, pour l'Union européenne, de présenter une stratégie globale pour abonder le financement de l'action climatique des territoires. La mobilisation et la mise en cohérence des différents fonds structurels, des fonds d'investissement et des divers programmes de soutien financier, doivent s'opérer au profit des collectivités territoriales - un accord sur cette proposition de rédaction devrait se dégager au sein de la Chambre des territoires.
Voilà les avancées positives qui caractérisent la proposition de résolution européenne. Restent deux écueils majeurs qui en compromettent la bonne trajectoire. L'énergie nucléaire et les biocarburants sont deux fausses solutions. La première ne doit pas être traitée comme les énergies renouvelables. Elle est dangereuse, coûteuse et porte en elle des conséquences néfastes au-delà de nos frontières nationales. Or il ne faut pas nier les divergences d'approche entre États membres en la matière et l'importance des objectifs de sobriété énergétique et de développement des énergies renouvelables. Quant aux biocarburants, notre groupe a la conviction qu'ils ne remplaceront jamais les carburants conventionnels fossiles dans les secteurs aérien et maritime. C'est pourquoi l'alinéa 148 ne peut rester en l'état. Il convient certes de promouvoir les biocarburants, mais pas « quelle que soit leur génération ». Les agrocarburants de première génération représentent une concurrence inacceptable.
Cette proposition de résolution prend effectivement le sujet à bras-le-corps, mais deux illusions la rendent inopérante : la foi nucléaire et la croyance dans les biocarburants.
M. Daniel Salmon . - Je reviendrai sur les deux points de divergence que vient de soulever Jacques Fernique. L'énergie nucléaire, tout d'abord, est très présente tout au long de cette PPRE. Elle est très différente des autres en ce qu'elle ignore les frontières - le nuage de Tchernobyl ne s'y est pas arrêté ! En réalité, la liberté de chaque pays de se doter du mix énergétique de son choix vient affecter celle des autres. Si un accident majeur devait intervenir en France, les autres pays européens seraient impactés. De plus, cette énergie est génératrice de déchets qu'il nous faut gérer pendant des durées dépassant notre échelle humaine. Par ailleurs, à nos frontières, les bombes tombent en ce moment. Or la vulnérabilité de la France en temps de paix est indéfendable en temps de guerre ! Cette donnée doit absolument être prise en compte, car demain, nous pourrions connaître de graves difficultés liées à l'énergie nucléaire. Les biocarburants sont une partie de la solution. Compte tenu de la situation en Ukraine, la surface agricole utile en France sera à l'avenir très sollicitée : pour l'alimentation, les fibres et l'énergie. Elle ne pourra pas alimenter le transport aérien et le transport maritime, très voraces en énergie. Ces problèmes s'ajouteront à ceux du commerce international. Nous devons faire preuve d'une très grande vigilance - car ce sont, en définitive, deux fausses solutions - et placer la sobriété en tête de nos priorités.
Mme Angèle Préville . - Je salue le travail très important qui a été réalisé face aux enjeux colossaux qui sont devant nous. Je ferai une proposition de rédaction concernant les alinéas 172, 177 et 180 qui mentionnent les carburants synthétiques susceptibles d'être élaborés à partir de fossiles, de charbon, de lignite, de pétrole. Il faudrait d'emblée les exclure et ne mentionner que les carburants synthétiques provenant d'énergies renouvelables, à l'exclusion de ceux provenant d'énergies fossiles. Se trouve actuellement dans l'atmosphère un stock inédit de dioxyde de carbone, inégalé au cours des 800 000 dernières années. Afficher simplement une neutralité carbone dans notre feuille de route ne suffira pas ; il nous faudra réduire ce stock à l'origine du dérèglement climatique.
Sur les alinéas 130 et 131 relatifs au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, nous aurions pu aller beaucoup plus loin eu égard aux interpellations régulières du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) à propos de l'impact carbone des produits finis. Au lieu de dire que l'intensité carbone des produits importés « peut être évaluée », je proposerais d'écrire : « devant être évaluée ».
M. Stéphane Demilly . - Je prendrai le contrepied des propos tenus sur les biocarburants. J'ai présidé des groupes de travail sur le sujet à l'Assemblée nationale durant vingt ans, publié de nombreux rapports et participé à de multiples tables rondes et colloques. Ce sujet a toujours déclenché des débats passionnés, souvent manichéens et caricaturaux comme tout à l'heure.
Parmi toutes les études sérieuses, pas celles financées par les lobbies pro ou anti-biocarburants, celle qu'a menée l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) démontre clairement l'intérêt environnemental des bio ou agrocarburants. Ceux-ci ne sont pas exempts de défaut, mais ils sont bons pour l'environnement - moins 50 % de gaz à effet de serre pour l'éthanol, et moins 66 % s'ils sont réalisés à partir de betteraves - et pour l'agriculture, car ils sont une source de diversification, notamment pour les betteraviers qui ont perdu 100 000 hectares en trente ans. Plus d'une exploitation disparaît chaque heure dans notre pays. Les biocarburants sont également une ressource favorable au pouvoir d'achat et à notre indépendance énergétique, car nous dépendons à 99 % des importations pour le fossile. Ils sont aussi utiles à notre indépendance diplomatique et économique, qui ne peut être assurée sans indépendance énergétique. Or celle-ci est mise à mal par le contexte international actuel et notre dépendance au gaz russe...
Ces carburants n'ont jamais eu pour objet de remplacer totalement les carburants fossiles, et nos terres arables ont vocation à être nourricières, pour reprendre les propos du ministre de l'agriculture. C'est pourquoi seulement 2,3 % de notre surface agricole utile est destinée aux biocarburants, contre 3 % en moyenne en Europe. La solution miracle n'existe pas, et la méthanisation a ses défauts, de même que l'éolien et le solaire. Quant au nucléaire, je vous laisse juges. Il ne faut pas tenir des propos excessifs, et le biocarburant est une des nombreuses pistes à explorer. C'est pourquoi je suis très heureux que cette proposition de résolution européenne lui consacre un beau chapitre.
M. Ludovic Haye . - Merci pour ces interventions qui représentent les différentes sensibilités. Ce sujet me tient particulièrement à coeur : les douze propositions législatives du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » vont assurément dans le bon sens et s'inscrivent dans le droit fil des priorités françaises. Pour la présidence française, le présent semestre est crucial pour concilier investissements économiques et ambitions climatiques, avec en ligne de mire la justice sociale.
Cette approche globale correspond à celle que la France a adoptée dans le plan de relance, la loi « Énergie-Climat », puis le projet de loi « Climat et résilience ». Selon cette optique, la PPRE est compatible avec cette stratégie. Sur ce point, l'alinéa 90, qui sous-entend que nous devons nous appuyer sur le potentiel nucléaire pour valoriser nos engagements dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous satisfait.
Il en est de même pour la référence à la nouvelle taxonomie verte européenne énoncée à l'alinéa 60. Nous ne pouvons que souscrire à l'alinéa 93, en vertu duquel la transition vers une économie décarbonée ne doit pas être synonyme de décroissance. Nous sommes tous d'accord pour une écologie capable d'innovation, pourvoyeuse d'emplois, qui ne gaspille pas ni ne détruit, mais crée de la richesse.
De même, l'acceptation sociale figurant à l'alinéa 94 doit animer chaque responsable politique. Nous proposons sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières la même vision que la France a portée. C'est un paradigme indispensable si nous voulons nous tourner vers une géopolitique responsable. Cela représenterait un changement culturel majeur en Europe et une avancée diplomatique réelle.
Pour toutes ces raisons, je soutiendrai cette PPRE au nom de mon groupe.
M. Franck Montaugé . - À l'alinéa 93, il m'apparaîtrait plus adéquat d'écrire que la transition vers une économie décarbonée « doit s'inscrire dans le cadre d'une croissance mesurée par des objectifs de développement durable adaptés aux enjeux et à la planification qui en résulte. »
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques. - Une proposition de rédaction a été proposée en ce sens. Peut-être votre proposition sera-t-elle satisfaite.
EXAMEN DES PROPOSITIONS DE RÉDACTION
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Louis-Jean de Nicolaÿ a formulé une proposition de rédaction afin de faire référence, dans les visas de la résolution, à la lettre de mission qui lui avait été adressée par le Président du Sénat en vue de la COP26. Il s'agit de préciser à nouveau l'implication du Sénat sur ces sujets, en particulier la délégation d'une mission dans ce cadre. Cette spécificité ne soulève pas de problème et ne déstructure pas la PPRE.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Lors de la réunion interparlementaire en marge de la COP26 à Glasgow, le président Larcher avait en effet souhaité qu'une motion - adoptée à l'unanimité - rappelle le rôle vital des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre des politiques d'atténuation du changement climatique et d'adaptation à celui-ci, et la nécessité de leur apporter un financement suffisant. Cela doit permettre d'atteindre l'objectif de 55 %.
La proposition de rédaction est retenue.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes. - À l'alinéa 79, une proposition de rédaction vise à remplacer les mots : « réévaluer les modalités de fonctionnement du » par les mots : « réformer le ». La rédaction serait donc la suivante : « Considérant que les effets potentiels du paquet "Ajustement à l'objectif 55 " et la forte hausse des prix des énergies invitent à réformer le marché européen de l'électricité. » Cette formulation est un peu plus offensive ; j'y suis plutôt favorable.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques. - Notre commission est d'accord avec cette écriture un peu plus offensive, qui devrait répondre en partie aux remarques de M. Laurent. Il y a urgence à réformer très rapidement le système de tarification de l'électricité.
M. Franck Montaugé . - Cet alinéa 79 appelle d'une certaine façon à la révision du marché de l'électricité. L'évocation d'un sujet aussi important ne devrait-elle pas figurer à la fin du texte, où l'on appelle à des actions concrètes ?
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Nous avons voulu mettre l'accent sur l'acceptation sociale et sociétale du dispositif. Ceci oriente notre conclusion qui propose une ouverture. Je suis favorable au maintien de cette architecture du texte.
M. Pierre Laurent , rapporteur. - Lundi soir, lors de l'élaboration de la rédaction du texte que nous examinons ce matin, j'ai envoyé un texte avec une série de propositions, qui ont visiblement été classées sans suite. Qu'en est-il ?
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes. - Vous pouvez les présenter de nouveau.
M. Pierre Laurent , rapporteur. - Je le ferai donc au moment de l'examen des alinéas concernés.
La proposition de rédaction est retenue.
M. Didier Marie , rapporteur. - À l'alinéa 93, nous proposons de remplacer les termes : « ne doit pas être synonyme de décroissance », par le terme : « nécessite ». La rédaction serait donc la suivante : « Affirme que la transition vers une économie décarbonée nécessite de concilier lutte contre les dérèglements climatiques, développement durable, développement économique et inclusion sociale... ». La référence à la décroissance nous apparaissait un peu trop défensive ; nous proposons là aussi une version plus offensive.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - La rédaction initiale avait du sens pour ne pas accréditer une perspective décroissante par ce texte. Je ne suis donc a priori pas très favorable à cette proposition, mais je souhaiterais entendre l'avis de la présidente de la commission des affaires économiques et du président de la commission de l'aménagement du territoire.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - N'ayant pu évoquer cette question avec les commissaires, mon avis sera personnel. Dans cette PPRE, nous devons donner un cap stratégique pour l'Europe. À l'instar du président Rapin, je ne pense pas que la décroissance soit une option pour l'Europe. Je comprends le sens de la proposition de rédaction, mais j'émettrai un avis très réservé.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - La possibilité d'émettre des avis divergents fait partie de l'intérêt de ce format de réflexion.
M. Patrice Joly . - La croissance et la décroissance, déjà évoquées dans de multiples réunions, doivent à l'évidence être questionnées de nouveau. Nous nous orientons nécessairement sur une croissance différente. Si la production de biens matériels est toujours nécessaire, sa finitude se heurte à l'infini culturel et relationnel.
M. Franck Montaugé . - Je partage la position de la présidente de la commission des affaires économiques, mais la décroissance renvoie à la dimension purement économique du développement. La notion d'objectif de développement durable trouverait sa place, qui ne se limite pas à la seule dimension productive de notre société. Il s'agit d'un positionnement stratégique.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Cette notion figure déjà dans l'alinéa.
M. Daniel Gremillet , rapporteur. - La rédaction initiale me paraissait équilibrée. Autrement, nous risquons de ne pas être au rendez-vous de l'enjeu de la transition décarbonée. La France et l'Europe doivent être présentes, tout en conciliant le développement durable, le développement économique et l'inclusion sociale. C'est un pari sur l'avenir !
M. Pierre Louault . - La croissance sera verte ou ne sera pas ; les deux notions sont liées !
M. Laurent Duplomb . - J'ai l'impression de rêver : notre continent est depuis cinq heures du matin en guerre, pour la première fois depuis 1945 - hormis la guerre de Yougoslavie. Ce n'est tout de même pas anodin ! Les conséquences seront considérables sur les prix des énergies, notamment du gaz russe, le blé ukrainien, les bourses mondiales et en particulier européennes. C'est comme si nous nous trouvions dans une voiture sans moteur, sans feux, sans frein qui va droit dans le mur, et que nous continuions à parler de tout et de rien. Sommes-nous aujourd'hui à la hauteur du débat ? En quelques minutes, Vladimir Poutine va émettre la quantité de dioxyde que nous produirions en plusieurs mois ou plusieurs années. Si demain l'Europe est en guerre, croyez-vous vraiment que l'on se posera la question de la décroissance ?
Mme Marta de Cidrac , rapporteure. - Je suis défavorable à la proposition de rédaction. L'écriture de l'alinéa 93 est tout à fait équilibrée. Il faut au contraire maintenir le terme « décroissance » pour le distinguer des autres notions du texte.
M. Dominique de Legge , rapporteur. - Je souhaite également le maintien de cette rédaction, pour une autre raison simple : pour financer nos objectifs, nous avons besoin de croissance. Il faut l'affirmer très clairement.
M. Daniel Salmon . - Nous sommes évidemment favorables à cette proposition visant à supprimer le terme « décroissance ». On parle souvent de sobriété. Or notre trajectoire d'une croissance infinie sur une planète finie n'est pas viable. Ce terme de « décroissance » irrite beaucoup, notamment quand nous le portons. S'il disparaissait de ce texte, ce serait mieux pour tout le monde !
M. Didier Marie , rapporteur. - Nous ne voulions pas engager un débat sur la décroissance. Nous souhaitions juste proposer une formulation plus positive que celle qui était inscrite. À l'instar de nombre de nos collègues, nous sommes pour une croissance, mais différente de celle que nous connaissons aujourd'hui. Elle serait respectueuse du développement durable, du développement économique et de l'inclusion sociale. Cela étant, eu égard à l'imbroglio que cette suggestion semble susciter, nous la retirons.
La proposition de rédaction est retirée.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - À l'alinéa 94, une proposition de rédaction vise à insérer après le mot : « d'accompagnement » les mots : « et d'inclusion sociale ». La rédaction serait la suivante : « ...et à prévoir les dispositifs pertinents d'accompagnement et d'inclusion sociale de cette transition en amont... ». J'y suis favorable.
La proposition de rédaction est retenue.
M. Pierre Laurent , rapporteur. - Je proposais d'insérer, entre les alinéas 93 et 94 un alinéa sur la question de la transition juste. Ce terme ne figure pas une seule fois dans le texte. Concernant le cadre « clair et soutenable », j'avais proposé qu'il soit « juste, clair et soutenable ». Mais cela n'a pas été retenu. Quant au terme « d'inclusion sociale », il est trop minimal et devrait s'attacher au développement économique. Il faudrait passer d'une logique de compensation à une logique de promotion sociale.
Je vous soumets donc la proposition suivante : « Demande que la transition juste s'appuie sur un cadre légal qui doit conduire les États membres à garantir les droits sociaux fondamentaux dans la période de transition, à renforcer les systèmes de protection sociale, à garantir la négociation collective des plans de transition des entreprises et des administrations, notamment pour favoriser les droits à la formation, à la requalification et au perfectionnement des travailleurs dans les domaines des nouvelles technologies propres, et à l'adaptation aux changements climatiques ». Cette idée s'inspire fortement des demandes des syndicats et d'une proposition plus détaillée de la Confédération européenne des syndicats (CES).
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - On touche aux compétences des États membres.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - L'action européenne en matière de participation et de formation doit respecter le principe de subsidiarité.
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
M. Didier Marie , rapporteur . - À l'alinéa 95, une proposition de rédaction vise à insérer après le mot : « besoins » les mots : « notamment au regard du niveau des ressources propres actuelles et futures, largement en deçà des dépenses prévues. » La rédaction qui en découle serait la suivante : « S'inquiète de l'adéquation des ressources prévues aux besoins, notamment au regard du niveau des ressources propres actuelles et futures, largement en deçà des dépenses prévues, et appelle la Commission à présenter une stratégie globale de financement adaptée aux enjeux et, le cas échéant, à envisager le regroupement des différents fonds qui y contribuent ; ».
Aujourd'hui, le niveau de ressources propres de l'Union européenne est insuffisant. Des négociations sont en cours, dont le troisième volet n'a pas été engagé. Par ailleurs, le montant des investissements à réaliser est sous-estimé comme l'indique Mme Lagarde, selon laquelle ce montant est au moins égal au double de ceux qui sont déjà prévus.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes. - Les ressources propres doivent en principe être allouées essentiellement au remboursement de l'emprunt commun. Il ne faut à mon sens pas y déroger. La proposition viserait à augmenter le volume des ressources propres pour prévoir une affectation plus importante. Compte tenu de la logique du dispositif tel que je l'ai présenté avec le rapporteur général du budget, je resterai sur cette position, à moins de prévoir en priorité le remboursement de l'emprunt commun à l'échelle européenne. Il est hors de question de puiser dans ces ressources propres pour financer ne serait-ce que le Fonds social pour le climat !
M. Didier Marie , rapporteur. - L'Europe est confrontée à deux enjeux : rembourser la dette mutualisée ayant permis de mettre en oeuvre le Fonds de relance, et investir massivement dans la transition écologique. Quelle que soit l'affectation des fonds, tant pour le remboursement de la dette que pour les investissements, ils sont insuffisants ; à moyen terme, les États devront contribuer. Il faut donc absolument poursuivre les négociations pour augmenter le niveau des ressources propres et prendre en considération la réalité du montant des investissements à réaliser. Notre proposition ne consiste pas à imaginer un vase communicant entre les deux ; c'est un paquet global que l'Europe devra mettre en oeuvre pour financer la totalité de ses engagements, aussi bien sur la dette que sur la transition écologique.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Je suis d'accord sur le principe, sous réserve de bien définir l'objectif de l'utilisation des ressources propres. Sinon, cette solution va à l'encontre de ma philosophie, partagée par nombre des commissaires, selon laquelle nous allons tout droit vers un fédéralisme financier non contrôlé. Ce désaccord est légitime, mais je n'adhère pas à l'utilisation complète des ressources propres ou à leur augmentation pour financer un budget européen. Il m'apparaît essentiel que les États gardent une maîtrise budgétaire en Europe. Je suggère donc d'ajouter à la proposition les termes : « rappelle que les nouvelles ressources propres doivent être prioritairement affectées au remboursement de l'emprunt mutualisé levé pour financer l'instrument de relance Next Generation EU . » Cela vous convient-il ?
M. Didier Marie , rapporteur . - Oui, sachant qu'il s'agit d'une masse globale qui devra être affectée en fonction des besoins. Le remboursement de la dette proviendra soit de l'affectation des ressources propres, soit d'une contribution des États. Il en sera de même des investissements réalisés en matière de transition écologique.
M. Pierre Laurent , rapporteur. - Je ne voterai pas cette proposition de rédaction. Le débat est irréel : la sous-estimation globale des niveaux de financement est considérable, bien qu'elle ne puisse être appréciée faute d'éléments probants.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes. - C'est pourquoi ce garde-fou permettra en priorité de rembourser l'emprunt avec les ressources propres.
M. Pierre Laurent , rapporteur . - Dans ce cas, il ne faut pas dire que la priorité des priorités est de parvenir à 55 % en 2030.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - C'est peut-être le fond du problème.
Mme Marta de Cidrac , rapporteure. - Notre proposition a le mérite d'être claire et d'évoquer justement les besoins. De quoi parle-t-on ? Nous ne le savons pas précisément. Il serait inopportun d'introduire de nouvelles subtilités susceptibles de nous échapper.
La proposition de rédaction, modifiée, est retenue.
M. Jacques Fernique . - Après l'alinéa 95, ma proposition de rédaction, qui a été travaillée avec Ronan Dantec, insiste sur le rôle clé des territoires. Elle consisterait à ajouter : « Rappelle l'importance de l'approche territoriale et enjoint la Commission européenne à présenter une stratégie globale de financement adaptée aux capacités et opportunités d'action des territoires, estime que la mobilisation et la mise en cohérence des différents fonds structurels, des fonds d'investissement européens et des divers programmes de soutien financier intéressant les collectivités territoriales est une condition nécessaire à l'atteinte des objectifs à l'horizon 2030 et à la neutralité carbone en 2050. »
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Cette proposition de rédaction me semble globalement acceptable pour les deux commissions. Il est pertinent de rappeler l'importance de l'approche territoriale sur le sujet. Toutefois, nous suggérons de remplacer « enjoint » par « demande ».
M. Jacques Fernique . - C'est d'accord.
La proposition de rédaction est retenue.
Mme Denise Saint-Pé , rapporteure . - Après l'alinéa 106, la proposition de rédaction de notre collègue Jean Bacci vise à rappeler que l'Europe ne parviendra pas à tenir le niveau d'adoption de carbone qu'elle s'est fixé dans le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » si elle ne lutte pas efficacement contre les feux de forêt. Il faut, pour cela, que des politiques publiques adaptées en matière de prévention des risques soient mises en place, tant au niveau national qu'au niveau européen.
La rédaction qui en découlerait serait la suivante : « Afin d'atteindre le niveau d'absorption de carbone visé par le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », insiste également sur la nécessité de mobiliser une politique de prévention des risques aux échelles européenne et nationale à la hauteur de la menace que représente l'augmentation de l'intensité et du nombre d'incendies en Europe du fait du dérèglement climatique. » Notre commission a donné un avis favorable à cette proposition de rédaction.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Je ne m'oppose pas à cette proposition, qui « ne mange pas de pain », si je puis dire, mais je trouve qu'elle est un peu décalée par rapport à l'objet de la PPRE. Le problème des mégafeux et de la pollution qu'ils apportent est très important : il faut le combattre au niveau européen. Toutefois, si l'on adoptait cette proposition, il faudrait également parler de la lutte contre la pollution marine, contre la pollution des eaux, contre la pollution de l'air... À nouveau, je ne m'y oppose pas pour autant.
M. Jean-François Longeot , président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable soutient cette proposition de rédaction, et il serait regrettable que la commission des affaires européennes ne l'adopte pas. Il vaut mieux que nous la retirions - je m'en entretiendrai avec M. Bacci. Je souligne néanmoins que, d'un point de vue environnemental, ce sujet est fondamental.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Dans les arbitrages, nous n'avions pas retenu cette proposition de rédaction, car, comme l'a dit la présidente Sophie Primas, rien n'empêcherait alors d'intégrer toutes les questions environnementales, tous les types de pollutions... Plus on ajoute à la PPRE, moins on lui donne de corps.
M. Didier Marie , rapporteur . - Je me satisfais de la demande de retrait du président de la commission des affaires européennes, parce que notre texte s'intéresse aux douze mesures législatives du paquet « Climat ». Or il n'y a pas de mesure législative concernant les feux de forêt. C'est une préoccupation importante, mais qui mériterait, effectivement, une démarche séparée.
Mme Denise Saint-Pé , rapporteure . - Je retire donc la proposition de rédaction, présentée au nom de M. Bacci. Je lui ferai part de nos débats.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Rien ne l'empêche de déposer une proposition de loi sur le sujet !
La proposition de rédaction est retirée.
M. Pierre Laurent , rapporteur . - Aux alinéas 107 et 108, qui portent une appréciation très positive sur le système d'échange de quotas d'émissions SEQE-1, la proposition que j'avais préparée tendait à une rédaction beaucoup plus nuancée.
Je m'en tiendrai à vous proposer de réécrire les premières lignes de l'alinéa 108 de la manière suivante : « Prend acte des évaluations de la Commission européenne sur le bilan du SEQE-1, souligne toutefois que ce bilan appelle une évaluation approfondie et contradictoire. » Cette absence d'évaluation critique du SEQE-1 est, à mon avis, très discutable, d'autant que l'appréciation très positive que l'on porte sur le SEQE-1 a des conséquences sur la manière dont est promu le SEQE-2, qui suscite encore plus de problèmes. Ce point me paraît extrêmement important.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Votre proposition ne soulève de difficultés pour aucun des présidents.
La proposition de rédaction est retenue.
M. Didier Marie , rapporteur . - À l'alinéa 117, nous proposons, après le mot « rurales », d'insérer une nouvelle phrase : « souhaite dès lors qu'au moins 50 % des recettes issues du nouveau système d'échange de quotas d'émissions pour les secteurs du bâtiment et du transport routier (SEQE- bis ) soient allouées au fonds social pour le climat ; et ».
L'idée est simple : dès lors que l'on instaure un nouveau système, et quelles que soient les critiques dont celui-ci peut faire l'objet, nous considérons qu'il devrait alimenter le Fonds climat pour le climat, dont on sait qu'il est insuffisamment financé, pour accompagner les publics les plus en difficulté, ainsi que, éventuellement, les petites et moyennes entreprises.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Je sollicite le retrait de cette proposition de rédaction : dans la mesure où l'on a peu de visibilité sur le financement du fonds social pour le climat, il paraît compliqué de s'engager sur des montants...
M. Dominique de Legge , rapporteur . - On ne peut à la fois déplorer l'absence d'impact et de visibilité du fonds et expliquer qu'on veut augmenter son budget ! Ce n'est pas très logique.
M. Didier Marie , rapporteur . - Tout au long de la PPRE, on indique que l'une des principales difficultés sera l'accompagnement social des publics susceptibles de pâtir d'une modification de la transition énergétique.
À ce jour, la Commission européenne prévoit une affectation de 25 % des nouveaux quotas au fonds climat, ce qui représente, au total, 72,2 milliards d'euros. Tout le monde considère que ce montant est insuffisant pour permettre l'accompagnement et l'acceptabilité sociale des changements à venir.
C'est pourquoi nous proposons de prélever plutôt 50 % des nouveaux quotas qui seront installés, de manière à avoir les moyens d'accompagner réellement toutes celles et tous ceux qui seront pénalisés par le changement de paradigme.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Je comprends évidemment l'objectif de cette proposition de rédaction : tout au long de la PPRE, on insiste fortement sur l'acceptation sociale de la transition énergétique.
Il me semble néanmoins que cette proposition est un peu prématurée, parce que l'on ne sait pas à quoi servent les 75 % restants. Il y a peut-être, derrière, de très bonnes intentions et de très bonnes idées. Je suis donc un peu sceptique.
M. Jean-François Longeot , président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Je partage ce point de vue : on peut comprendre cette proposition de rédaction, mais je crois qu'il faut que nous trouvions un consensus et que le dispositif soit affiné. Nous n'y sommes donc pas favorables.
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
M. Didier Marie , rapporteur . - Aux alinéas 125, 142, 172, 177 et 180, mes cinq propositions de rédaction visent à ajouter, après le mot « biocarburants », la formule suivante : « dont le bilan carbone et énergétique est positif », afin de rassurer sur la nature des biocarburants qui seraient utilisés - je vous renvoie au débat que nous avons eu tout à l'heure.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - C'est un grand point de désaccord entre les deux commissions...
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Il ne s'agit pas d'un désaccord : nous considérons que ces propositions de rédaction sont satisfaites. En effet, les biocarburants doivent aujourd'hui respecter les critères de durabilité - c'est l'objet des directives « Énergies renouvelables 2 » (EnR 2) et « Énergies renouvelables 3 » (EnR 3). N'oublions pas que le paquet promeut déjà les biocarburants dans les objectifs des EnR et que cette promotion est d'ores et déjà conditionnée à une diminution entre 50 et 65 % des émissions liées à leurs installations - cela sera encore plus avec la nouvelle règlementation européenne.
Les propositions de rédaction ne sont pas retenues.
M. Didier Marie , rapporteur . - J'avais proposé une proposition de rédaction tendant à supprimer l'alinéa 148, mais, pour gagner du temps, je vais présenter directement ma proposition de repli : il s'agit, après le mot « biocarburants », d'insérer « dont le bilan carbone et énergétique est vertueux » et, surtout, de supprimer, « quelle que soit leur génération ».
Sans rouvrir le débat, je rappelle qu'il convient de distinguer les biocarburants d'hier et ceux d'aujourd'hui, qui n'ont pas exactement la même valeur écologique.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Cette proposition de rédaction est problématique.
Premièrement, elle enlève une protection magistrale pour nos agriculteurs concernant la référence aux importations prohibées de soja et d'huile de palme.
Deuxièmement, elle supprime la référence aux critères de durabilité, chose que, je pense, personne ne souhaite.
M. Jacques Fernique . - Nous avions soumis une proposition de rédaction tendant elle aussi à supprimer les mots « quelle que soit leur génération » - je l'ai évoqué lors de mon propos liminaire. Cela fragilise votre argument...
M. Pierre Cuypers . - Je rappelle que la première génération n'a pas encore complètement et totalement abouti. Il faut donc maintenir la rédaction en l'état.
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
M. Didier Marie , rapporteur . - À l'alinéa 164, ma proposition de rédaction consiste à le rédiger de la manière suivante : « Juge que doit être appliqué un seuil d'émission, adapté, ambitieux et graduel, pour les énergies fossiles référencées dans le règlement (UE) 2020/852 du 18 juin 2020 du Parlement européen et du Conseil sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 dit règlement sur la taxonomie, et utilisées pour le chauffage et le refroidissement, plutôt qu'une interdiction sèche ; »
Il s'agit d'encadrer la possibilité de poursuivre l'utilisation d'énergies fossiles, s'agissant notamment du logement social et des bâtiments, pour le chauffage et le refroidissement, pour la limiter à la condition expresse qu'il s'agisse d'énergies fossiles référencées dans la taxonomie - soit essentiellement le gaz.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Je vais répondre à la place de ma collègue Dominique Estrosi Sassone : le problème de cette proposition de rédaction est qu'elle empêcherait les logements sociaux de recourir au gaz, ce que font aujourd'hui les trois quarts du parc social.
M. Didier Marie , rapporteur . - La rédaction que nous proposons permet de considérer que ce sont les énergies fossiles qui sont aujourd'hui encore autorisées dans le règlement de la taxonomie, soit le gaz, à l'exclusion de toute autre.
On peut très bien imaginer que, dans tel ou tel pays, on continue de chauffer les logements sociaux avec des chaudières au charbon. L'idée est de s'en tenir exclusivement à ce que l'Union européenne a prévu.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - La taxonomie n'autorise que le gaz émettant moins de 100 grammes de CO 2 par kilowattheure.
Il faut mesurer les conséquences qui découleraient de cette rédaction pour les logements sociaux...
M. Didier Marie , rapporteur . - C'était le sens de notre proposition de rédaction tendant à remonter à 50 % le taux des nouveaux quotas affectés au Fonds pour le climat pour accompagner les modifications.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'idée est bonne. Le seul problème est que le gaz que vous évoquez n'existe pas. Soyons concrets.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Les commissions des affaires économiques et de l'aménagement du territoire et du développement durable sont défavorables à la proposition.
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
M. Jean-Michel Houllegatte , rapporteur . - Je vous soumets une proposition de rédaction, de nature technique, qui vise à supprimer un doublon : l'alinéa 171 est en effet redondant avec l'alinéa 192, lequel concerne également la certification internationale des carburants d'aviation durables et moins bien rédigé.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Cette proposition de rédaction est portée par la commission des affaires européennes. J'y suis favorable.
La proposition de rédaction est retenue.
Mme Angèle Préville . - Je propose de modifier la rédaction des alinéas 172, 177 et 180 pour rappeler que les carburants synthétiques peuvent être élaborés à partir de charbon et de lignite. Il me paraît absolument nécessaire de le mentionner, car il ne serait pas vertueux d'utiliser des matières fossiles pour fabriquer des carburants synthétiques. Il faut exclure ceux qui seraient fabriqués de la sorte.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Cela est déjà pleinement intégré dans l'objectif général du texte. Vos propositions de rédaction sont satisfaites. La base moléculaire de tous les carburants restera le carbone.
Mme Angèle Préville . - En termes d'émissions de gaz à effet de serre, fabriquer des carburants synthétiques en se servant de l'électrolyse de l'eau et du dioxyde de carbone qui se trouve dans l'atmosphère est vertueux. Utiliser le charbon et le lignite ne l'est pas.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Le texte prévoit des seuils d'émission, qui excluent, de fait, le charbon et le lignite. La proposition de rédaction est donc satisfaite.
M. Daniel Salmon . - Si elle ne l'était pas, ajouter cette précision me semblerait tout à fait pertinente : ce n'est pas du tout la même chose que le carbone soit issu de matières fossiles ou des énergies renouvelables !
Mme Angèle Préville . - En effet !
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Pour les mêmes raisons, avis défavorable à votre proposition de rédaction indiquant, aux alinéas 172, 177 et 180, que les carburants synthétiques doivent être élaborés à partir d'énergies renouvelables.
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
Mme Angèle Préville . - À l'alinéa 130, ma proposition de rédaction tend à aller plus loin sur l'intégration des produits supplémentaires dans le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières : il s'agit d'écrire que l'intensité carbone « doit » - et non « peut » - être évaluée, et que des produits de base supplémentaires « devraient » - et non « pourraient » - être intégrés au mécanisme à l'occasion de la clause de revoyure. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) nous interpelle très souvent sur l'impact environnemental des produits finis importés.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Je suis plutôt défavorable à cette proposition de rédaction, qui complexifie les choses. Au reste, le marché carbone doit respecter les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et votre proposition fragiliserait cette nécessaire conformité.
Mme Denise Saint-Pé , rapporteure . - Nous en avons débattu en commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Même si l'objectif est tout à fait louable, nous avons nous aussi conclu qu'il y aurait un risque d'incompatibilité avec les règles de l'OMC.
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
Mme Angèle Préville . - À l'alinéa 131, nous proposons, dans le même état d'esprit, de remplacer « l'opportunité » par « la nécessité » d'une extension du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières à certains produits finis exposés à un risque de fuites de carbone. Ce serait montrer un peu plus de volontarisme sur le sujet.
La proposition de rédaction n'est pas retenue.
M. Didier Marie , rapporteur . - À l'alinéa 96, je propose la rédaction suivante : « Considère que la transition vers une économie décarbonée présente de réelles opportunités de développement économique mais que le niveau d'ambition affiché par l'Union européenne lui impose de jouer le rôle de meneur économique et de développement durable ainsi que de prescripteur de normes en matière de durabilité. »
Il s'agit d'affirmer que l'Union européenne doit imposer - par la négociation, bien évidemment - ce changement de paradigme à l'échelle internationale, notamment dans le cadre des règles de l'OMC.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Cette proposition paraît acceptable.
La proposition de rédaction est retenue.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Pour répondre au souhait que Pierre Laurent a exprimé tout à l'heure, je lui suggère une proposition de rédaction tendant à intégrer l'expression « transition juste » dans notre PPRE. Nous pourrions le faire à ce même alinéa 96, par la rédaction suivante : « souligne néanmoins la nécessité d'accompagner l'évolution des acteurs économiques, des ménages et des territoires les plus vulnérables pour permettre une transition juste. »
M. Pierre Laurent , rapporteur . - Je suis d'accord.
La proposition de rédaction est retenue.
La proposition de résolution européenne est ainsi modifiée pour être déposée dans cette rédaction par ses auteurs.
M. Jean-François Rapin , président de la commission des affaires européennes . - Je remercie les rapporteurs, mes deux collègues présidents et les groupes politiques. Nous avons travaillé à la façon européenne, avec beaucoup de diplomatie, en nous égarant parfois dans les réflexions, mais en étant, au final, efficaces.
EXAMEN EN COMMISSION
Mardi 1 er mars 2022
Présidence de M. Jean-François Rapin,
président de la commission des affaires européennes
M. Jean-François Rapin, président . - Nous nous sommes réunis jeudi dernier avec les commissions des affaires économiques et de l'aménagement du territoire et du développement durable pour convenir ensemble du texte d'une proposition de résolution européenne qui porte la position du Sénat sur le paquet législatif européen « Ajustement à l'objectif 55 ». La réunion fut dense. À son issue, les membres des trois commissions Marta de Cidrac, Guillaume Chevrollier, Dominique Estrosi Sassone, Daniel Gremillet, Pascale Gruny, Jean-Michel Houllegatte, Claude Kern, Jean-Yves Leconte, Dominique de Legge, Didier Marie, Denise Saint-Pé et moi-même avons déposé une proposition de résolution européenne, qui porte le numéro 553 et qui a été envoyée à notre commission. Je vous propose d'adopter formellement ce texte, sachant que nous en avons déjà largement débattu jeudi dernier, sur les rapports des sénateurs susmentionnés et de Pierre Laurent, qui n'a pas soutenu son adoption.
La proposition de résolution européenne est adoptée.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE ADOPTÉE
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu les articles 91, 100, notamment son paragraphe 2, 113, 114, 192 et 194 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE),
Vu l'Accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 et ratifié le 5 octobre 2016,
Vu la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, et en particulier son article 1 er et son chapitre V,
Vu la communication de la Commission européenne du 11 décembre 2019 intitulée « Le pacte vert pour l'Europe », COM(2019) 640 final,
Vu la communication de la Commission européenne du 14 janvier 2020 sur le plan d'investissement pour une Europe durable, COM(2020) 21 final,
Vu la résolution du Sénat n° 44 (2019-2020) du 14 janvier 2020 demandant au Gouvernement de porter au niveau de l'Union européenne un projet de barrière écologique aux frontières,
Vu la résolution du Parlement européen du 15 janvier 2020 sur le pacte vert pour l'Europe, 2019/2956(RSP),
Vu la « Stratégie de développement à long terme à faibles émissions de gaz à effet de serre » de l'Union européenne et de ses États-membres, notifiée le 6 mars 2020 par le Conseil européen à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC),
Vu la résolution européenne du Sénat portant avis motivé n° 88 (2019-2020) du 22 mai 2020 sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999 (loi européenne sur le climat), COM (2020) 80 final,
Vu le règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088,
Vu le rapport du Sénat intitulé « Les biocarburants : Un atout pour la transition et l'indépendance énergétiques » n° 136 (2019-2020) - 20 novembre 2019 - de M. Pierre CUYPERS, fait au nom de la commission des affaires économiques par le groupe de travail commun à la commission des affaires économiques et à la commission des affaires européennes, sur la filière française des biocarburants,
Vu le rapport du Sénat intitulé « Pour une transition numérique écologique » n° 555 (2019-2020) - 24 juin 2020 - de MM. Hervé MAUREY, Patrick CHAIZE, Guillaume CHEVROLLIER et Jean-Michel HOULLEGATTE, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable par la mission d'information sur l'empreinte environnementale du numérique,
Vu la communication de la Commission européenne du 8 juillet 2020, intitulée « Une stratégie européenne pour l'intégration du système énergétique » COM(2020) 299 final,
Vu la communication de la Commission européenne du 8 juillet 2020 intitulée « Une stratégie hydrogène pour une Europe climatiquement neutre », COM(2020) 301 final,
Vu le rapport spécial de la Cour des comptes européennes n° 18 du 15 septembre 2020 intitulé « Le système d'échange de quotas d'émission de l'UE: l'allocation de quotas à titre gratuit devrait être mieux ciblée »,
Vu l'étude d'impact présentée par la Commission européenne le 17 septembre 2020, en accompagnement de sa communication relative à un niveau plus élevé d'ambition climatique pour l'Europe à l'horizon 2030, SWD(2020) 176 final,
Vu les conclusions du Conseil européen des 10 et 11 décembre 2020,
Vu la décision (UE, Euratom) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l'Union européenne,
Vu l'accord interinstitutionnel du 16 décembre 2020 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne sur la discipline budgétaire, la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière, ainsi que sur de nouvelles ressources propres, comportant une feuille de route en vue de la mise en place de nouvelles ressources propres,
Vu le règlement (UE, Euratom) 2020/2093 du Conseil du 17 décembre 2020 fixant le cadre financier pluriannuel pour les années 2021 à 2027,
Vu le règlement (UE, Euratom) 2020/2094 du Conseil du 17 décembre 2020 établissant un instrument de l'Union européenne pour la relance en vue de soutenir la reprise à la suite de la crise liée à la covid-19,
Vu le rapport du Sénat intitulé « L'impact économique de la règlementation environnementale 2020 (RE2020) : aider les ménages et les entreprises à renforcer l'efficacité énergétique des logements neufs » n° 434 (2020-2021) - 10 mars 2021 - de M. Daniel GREMILLET, fait au nom de la commission des affaires économiques sur l'impact économique de la règlementation environnementale 2020 (RE2020),
Vu la résolution du Sénat n° 84 (2020-2021) du 23 mars 2021 invitant le Gouvernement à étudier la possibilité d'une mise en cohérence de sa politique énergétique avec ses ambitions écologiques,
Vu le règlement (UE) 2021/1056 du Parlement européen et du Conseil du 24 juin 2021 établissant le Fonds pour une transition juste,
Vu le rapport du Sénat intitulé « Où en est l'application de la loi “ Énergie-Climat ” ? Où en est l'atteinte de l'objectif de “ neutralité carbone ” ? » n° 553 (2020-2021) - 5 mai 2021 - de M. Daniel GREMILLET, fait au nom de la commission des affaires économiques,
Vu le rapport du Haut conseil pour le climat intitulé « Renforcer l'atténuation, engager l'adaptation », publié le 30 juin 2021,
Vu le règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999, dit « Loi européenne sur le climat »,
Vu la communication de la Commission européenne du 14 juillet 2021 intitulée « Ajustement à l'objectif 55 : atteindre l'objectif climatique de l'UE à l'horizon 2030 sur la voie de la neutralité climatique », COM(2021) 550 final,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans l'Union, la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d'une réserve de stabilité du marché pour le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre de l'Union et le règlement (UE) 2015/757, COM(2021) 551 final,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE en ce qui concerne la contribution de l'aviation à l'objectif de réduction des émissions à l'échelle de l'ensemble de l'économie de l'Union et mettant en oeuvre de manière appropriée un mécanisme de marché mondial, COM(552) final,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2018/841 en ce qui concerne le champ d'application, la simplification des règles de conformité, la fixation des objectifs des États membres pour 2030 et l'engagement dans la réalisation collective de la neutralité climatique d'ici à 2035 dans le secteur de l'utilisation des terres, de la foresterie et de l'agriculture, et le règlement (UE) 2018/1999 en ce qui concerne l'amélioration de la surveillance, des rapports, du suivi des progrès et de la révision, COM(2021) 554 final,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2018/842 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l'action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l'accord de Paris, COM(2021) 555 final,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2019/631 en ce qui concerne le renforcement des normes de performance en matière d'émissions de CO 2 pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers neufs conformément à l'ambition accrue de l'Union en matière de climat, COM(2021) 556 final,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil et la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la promotion de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil, COM(2021) 557 final,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l'efficacité énergétique (refonte), COM(2021) 558 final,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs et abrogeant la directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil, COM(2021) 559 final,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'instauration d'une égalité des conditions de concurrence pour un secteur du transport aérien durable, COM(2021) 561 final,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'utilisation de carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE, COM(2021) 562 final,
Vu la proposition de directive du Conseil restructurant le cadre de l'Union de taxation des produits énergétiques et de l'électricité (refonte), COM(2021) 563 final,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, COM(564) final,
Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE en ce qui concerne la notification de la compensation dans le cadre d'un mécanisme de marché mondial pour les exploitants d'aéronefs établis dans l'Union, COM(2021) 567 final,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un Fonds social pour le climat, COM(2021) 568 final,
Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision (UE) 2015/1814 en ce qui concerne la quantité de quotas à placer dans la réserve de stabilité du marché pour le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre de l'Union jusqu'en 2030, COM(2021) 571 final,
Vu la communication de la Commission européenne du 14 juillet 2021 intitulée « Plan de déploiement stratégique visant à définir un ensemble d'actions supplémentaires pour soutenir le déploiement rapide d'une infrastructure pour carburants alternatif », COM(2021) 560 final,
Vu la communication de la Commission européenne du 16 juillet 2021 intitulée « Une nouvelle stratégie de l'UE pour les forêts pour 2030 », COM(2021) 572 final,
Vu le rapport sur les entreprises européennes et le changement climatique 2020-2021 de la Banque européenne d'investissement, publié le 9 août 2021 ;
Vu le sixième rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations unies, et en particulier, du rapport de son groupe I intitulé « Changement climatique 2021 : les éléments scientifiques », publié le 9 août 2021,
Vu la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, et en particulier son article 1 er ,
Vu le rapport spécial de la Cour des comptes européenne n° 22 du 20 septembre 2021 intitulé « Finance durable : l'UE doit agir de façon plus cohérente pour réorienter les financements vers les investissements durables »,
Vu le rapport du Sénat intitulé « La méthanisation : au-delà des controverses, quelles perspectives ? » n° 872 (2020-2021) -29 septembre 2021 - de M. Daniel SALMON, fait au nom de la mission d'information « La méthanisation dans le mix énergétique : enjeux et impacts », présidée par M. Pierre CUYPERS, sur la filière française du biogaz,
Vu la communication de la Commission européenne du 13 octobre 2021 intitulée « La lutte contre la hausse des prix de l'énergie : une panoplie d'instruments d'action et de soutien », COM(2021) 660 final,
Vu la résolution du Parlement européen du 21 octobre 2021 sur les lignes directrices concernant les aides d'État au climat, à la protection de l'environnement et à l'énergie, 2021/2923(RSP),
Vu l'avis politique de la commission des affaires européennes du Sénat du 28 octobre 2021 relatif à la consultation publique lancée par la Commission européenne, intitulée « Commerce et développement durable dans les accords commerciaux de l'Union européenne : réexamen de l'approche actuelle »,
Vu la résolution du Sénat n° 22 (2021-2022) du 2 novembre 2021 visant à affirmer la nécessité d'un accord ambitieux lors de la COP26 de Glasgow permettant de garantir l'application effective de l'Accord de Paris sur le climat,
Vu la lettre de mission du 4 novembre 2021 du Président du Sénat à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, sénateur, en tant que réprésentant du Sénat à la réunion organisée par l'Union interparlementaire, le 7 novembre 2021, à Glasgow, à l'occasion de la COP26,
Vu la résolution européenne du Sénat portant avis motivé n° 31 (2021-2022) du 8 novembre 2021 sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2018/841 en ce qui concerne le champ d'application, la simplification des règles de conformité, la fixation des objectifs des États membres pour 2030 et l'engagement dans la réalisation collective de la neutralité climatique d'ici à 2035 dans le secteur de l'utilisation des terres, de la foresterie et de l'agriculture, et le règlement (UE) 2018/1999 en ce qui concerne l'amélioration de la surveillance, des rapports, du suivi des progrès et de la révision,
Vu le Pacte de Glasgow adopté le 13 novembre 2021,
Vu le rapport de la présidence du Conseil de l'Union européenne sur l'état d'avancement des travaux concernant le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » du 22 novembre 2021,
Vu le rapport de la présidence du Conseil de l'Union européenne sur l'état d'avancement de cinq dossiers relatifs à l'environnement dans le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » du 6 décembre 2021,
Vu la résolution européenne du Sénat n° 47 (2021-2022) du 7 décembre 2021 sur l'inclusion du nucléaire dans le volet climatique de la taxonomie européenne des investissements durables,
Vu le rapport du Sénat n° 279 (2021-2022) - 9 décembre 2021 - de MM. Didier MANDELLI, Guillaume CHEVROLLIER et Ronan DANTEC, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, relatif au bilan des négociations climatiques de Glasgow (COP26),
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la performance énergétique des bâtiments (refonte), COM(2021) 802 final,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des règles communes pour les marchés intérieurs des gaz renouvelables, des gaz naturels et des gaz à effet de serre et de l'hydrogène, COM(2021) 803 final,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les marchés intérieurs des gaz renouvelables et naturels et de l'hydrogène (refonte), COM(2021) 804 final,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réduction des émissions de méthane dans le secteur de l'énergie et modifiant le règlement (UE) 2019/942, COM(2021) 805 final,
Vu la proposition de décision du Conseil modifiant la décision (UE, Euratom) 2020/2053 relative au système des ressources propres de l'Union européenne, COM(2021) 570 final,
Vu le discours prononcé par Mme Christine LAGARDE, présidente de la Banque centrale européenne, à l'occasion de la réunion des présidents de la Conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l'Union européenne (COSAC) au Sénat, le 14 janvier 2022,
Vu le document d'analyse de la Cour des comptes européenne n° 1 du 31 janvier 2022 sur la taxation de l'énergie, la tarification du carbone et les subventions à l'énergie,
Considérant la multiplication et l'intensification des phénomènes climatiques et météorologiques extrêmes causées par le réchauffement climatique, dont le caractère anthropique est largement établi par les travaux scientifiques internationaux, synthétisés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ;
Considérant que le changement climatique est porteur de conséquences dramatiques dont l'étendue et la nature sont sans doute encore sous-estimées en matière économique, sociale, culturelle, à l'instar de ses conséquences alimentaires ou sanitaires, en favorisant par exemple l'émergence de maladies à risques pandémiques ;
Considérant que le changement climatique constitue, en ce sens, une menace existentielle pour l'espèce humaine et les civilisations qui la composent, ainsi que pour les espèces animales et végétales qui peuplent la planète ;
Considérant l'impérieuse nécessité de mettre en oeuvre l'accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 et ratifié le 5 octobre 2016, en vue de contenir l'élévation de la température moyenne de la planète à un niveau bien inférieur à 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre les efforts pour limiter encore davantage l'augmentation de la température à 1,5 degré Celsius ;
Considérant que le pacte vert pour l'Europe et sa traduction opérationnelle au travers de la loi européenne sur le climat et du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », présenté par la Commission européenne, le 14 juillet 2021, permettent d'ajuster la trajectoire climatique européenne aux objectifs de l'Accord de Paris ;
Considérant l'interdépendance des propositions présentées par la Commission dans le cadre du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » ainsi que les liens directs de ce paquet avec d'autres mesures législatives, notamment la proposition de décision du Conseil modifiant la décision relative au système des ressources propres ;
Considérant que la mise en oeuvre du pacte vert pour l'Europe représente un changement d'approche majeur, ce qui nécessite de prêter une attention toute particulière à ses effets sociaux, économiques et territoriaux, aux moyens publics d'accompagnement des efforts requis, à la capacité financière des ménages et des entreprises de l'Union à assumer le coût de la décarbonation ainsi qu'à la mise en place de capacités technologiques européennes susceptibles de répondre aux enjeux ;
Considérant que ce changement d'approche requiert un engagement politique fort à tous les niveaux pour être compris et partagé par les citoyens de l'Union, et qu'il doit être socialement inclusif ;
Considérant que ce changement d'approche doit en outre conduire les politiques publiques à favoriser le report modal vers des modes de transport faiblement émetteurs en carbone et à mieux prendre en compte les usages et l'ensemble du cycle de vie des produits au regard des enjeux de neutralité carbone ;
Considérant qu'il serait dès lors utile de développer des indicateurs adaptés tant en matière de comptabilité publique que de comptabilité privée ;
Considérant que les effets potentiels du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » et la forte hausse des prix des énergies invitent à réformer le marché européen de l'électricité ;
Considérant que l'article 194 du TFUE reconnaît que les mesures prises dans le domaine de l'énergie ne doivent pas porter atteinte au droit d'un État membre de déterminer les conditions d'exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique ;
Considérant la nécessité de préserver et de renforcer encore la compétitivité des entreprises de l'Union, tout en leur offrant les perspectives nécessaires pour leur permettre de s'adapter aux enjeux de la décarbonation, en prenant en compte les effets potentiels de recomposition des filières économiques, notamment sur l'emploi ;
Considérant les opportunités économiques offertes par la transition climatique et le besoin d'accélérer le développement d'industries bas-carbone européennes pour faire de l'Europe un fer-de-lance industriel en la matière ;
- Concernant les objectifs généraux et la méthode de négociation du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » :
Renouvelle son soutien aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % en 2030, par rapport à 1990, et d'atteinte de la neutralité carbone à l'horizon 2050 ;
Rappelle la nécessité pour la France de respecter ces engagements, inscrits à l'article 1 er de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat et, à l'initiative du Sénat, à l'article 1 er de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ;
Invite le Gouvernement, dans le cadre de l'exercice de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, à favoriser l'adoption d'orientations générales du Conseil sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » d'ici la fin du premier semestre 2022, période également retenue par le Parlement européen pour définir sa position de négociation, afin de pouvoir engager rapidement la phase de trilogues ; souligne l'urgence de parvenir à un cadre clair et soutenable pour les ménages, les entreprises et les territoires, compte tenu de l'ambition élevée affichée à l'horizon 2030 ;
Observe la difficulté d'appréhension du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » compte tenu des interactions entre les différentes mesures proposées ; insiste sur la nécessité de préserver la cohérence d'ensemble de celui-ci afin d'atteindre effectivement l'objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, par rapport au niveau de 1990 ; demande dès lors instamment à la Commission européenne de présenter, en cours de négociation, des études d'impact actualisées, intégrant des approches sectorielles et territorialisées ainsi que des estimations financières complémentaires, pour à la fois s'assurer de la capacité des mesures proposées à atteindre les objectifs définis et évaluer leur impact sur les ménages, les entreprises et les territoires de l'Union ;
Juge nécessaire de mettre en place des modalités adaptées d'association des parlements nationaux aux négociations puis lors de la mise en oeuvre des mesures, compte tenu de leur impact budgétaire pour les Etats membres mais aussi de leurs impacts sociaux, économiques et territoriaux ; rappelle à cet égard que, pour en entrer vigueur, la décision du Conseil modifiant la décision (UE, Euratom) 2020/2053 relative au système des ressources propres de l'Union européenne, qui inclut des éléments du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », ne pourra entrer en vigueur qu'une fois ratifiée par les parlements nationaux ;
Émet des réserves quant aux critères retenus par la Commission européenne pour la mise en oeuvre de certains dispositifs, qui conduisent à une prise en compte insuffisante du rapport coût-efficacité ; appelle à réévaluer cet enjeu ;
Rappelle que les États membres déterminent souverainement la structure générale de leur approvisionnement énergétique ; demande de prendre en compte de manière adaptée les situations différentes des États membres au regard de l'enjeu de décarbonation de leur économie dans la mise en oeuvre des dispositifs du paquet ; estime que les États membres dont la production d'électricité est déjà largement décarbonée doivent pouvoir s'appuyer sur cette stratégie pour valoriser leur engagement dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et qu'il ne peut leur être imposé d'objectifs de diversification inadaptés à la structure même de leur système énergétique ; appelle en outre à garantir une complète neutralité technologique entre les procédés, les technologies ou les projets de recherche et d'innovation concourant de manière équivalente à cette décarbonation de l'économie ;
Considère que les États membres doivent disposer d'une marge de manoeuvre suffisante pour atteindre les objectifs fixés, au regard notamment de la structure de leur économie et de leur degré actuel de décarbonation ; juge important que la Commission européenne s'assure du respect par les différents États membres des objectifs qui leur sont assignés afin d'éviter des stratégies de contournement et de permettre à l'Union dans son ensemble d'atteindre ses objectifs ; appelle la Commission européenne à mettre en place des mécanismes de suivi n'impliquant pas une charge administrative disproportionnée ;
Rappelle le besoin d'une stabilité normative et de perspectives claires pour développer les investissements dans la transition vers une économie décarbonée ; invite donc la Commission européenne à éviter l'instabilité de la législation européenne en matière d'énergie, notamment ;
Affirme que la transition vers une économie décarbonée ne doit pas être synonyme de décroissance ; souligne la nécessité de concilier lutte contre les dérèglements climatiques, développement durable, développement économique et inclusion sociale ; rappelle que l'Union européenne ne doit se priver d'aucune technologie permettant d'atteindre les objectifs ambitieux qu'elle s'est assignés, en particulier en termes de neutralité climatique et d'efficacité énergétique, et qu'elle doit favoriser le développement d'une économie circulaire, notamment dans le secteur de l'automobile, par exemple par le reconditionnement de véhicules ou la réutilisation de pièces détachées ;
Souligne le risque de contestation sociale, voire de rupture d'image de l'action de l'Union européenne, qui résulterait d'une mauvaise évaluation de la capacité d'absorption des mesures proposées et de leur rythme de déploiement par les ménages, les entreprises et les territoires ; considère que le risque d'accroissement des inégalités résultant des mesures proposées doit être pris en considération ; invite instamment le Conseil à veiller à ce que les mesures puissent être acceptables sur le plan social, économique et territorial et à prévoir les dispositifs pertinents d'accompagnement et d'inclusion sociale de cette transition en amont ; appelle à un équilibre optimal entre mesures de marché, mesures réglementaires, soutiens budgétaires et incitations fiscales, tant au niveau de l'Union européenne qu'au niveau de chacun des États membres ;
Estime à cet égard que le niveau d'investissement particulièrement élevé requis pour atteindre les objectifs à l'horizon 2030 puis la neutralité carbone à l'horizon 2050 doit conduire à une réflexion approfondie sur le partage entre financement public et financement privé et à une action urgente sur la complétude de la taxonomie verte, ainsi qu'à prévoir une adaptation des règles du pacte de stabilité et de croissance ; invite la Commission européenne à préciser les enjeux financiers liés à la transition climatique ; s'inquiète de l'adéquation des ressources prévues aux besoins, notamment au regard du niveau des ressources propres actuelles et futures, largement en deçà des dépenses prévues et appelle la Commission à présenter une stratégie globale de financement adaptée aux enjeux et, le cas échéant, à envisager le regroupement des différents fonds qui y contribuent ; rappelle que les nouvelles ressources propres doivent prioritairement être affectées au remboursement de l'emprunt mutualisé levé pour financer l'instrument de relance Next Generation EU ;
Rappelle l'importance de l'approche territoriale et demande à la Commission européenne de présenter une stratégie globale de financement adaptée aux capacités et opportunités d'action des territoires ; estime que la mobilisation et la mise en cohérence des différents fonds structurels, des fonds d'investissement européens et des divers programmes de soutien financier intéressant les collectivités territoriales est une condition nécessaire à l'atteinte des objectifs à l'horizon 2030 et de la neutralité carbone en 2050 ;
Considère que la transition vers une économie décarbonée présente de réelles opportunités de développement économique mais que le niveau d'ambition affiché par l'Union européenne lui impose de jouer le rôle de meneur sur les plans économique et du développement durable ainsi que de prescripteur de normes en matière de durabilité ; juge essentiel que cette transition contribue à accroître la résilience de l'économie européenne et à renforcer l'indépendance et la souveraineté énergétique de l'Union européenne, dans une perspective d'affirmation de son autonomie stratégique ; forme le voeu qu'elle permette également une « réindustrialisation » verte à l'échelle de l'Union ; souligne néanmoins la nécessité d'accompagner l'évolution des acteurs économiques, des ménages et des territoires les plus vulnérables pour permettre une transition juste et de préserver la capacité d'innovation des acteurs économiques européens afin de ne se priver d'aucune avancée technologique potentielle susceptible de contribuer à la réalisation des ambitions climatiques de l'Union ou de répondre aux besoins des marchés des États tiers en ce domaine ;
S'inquiète de l'empreinte carbone du numérique qui représente déjà, à l'échelle française, 2 % des émissions de gaz à effet de serre et qui pourrait s'établir à 6,7 % d'ici à 2040 ; invite la Commission et les Etats membres à intégrer cette problématique et à veiller, dans le cadre de la transition numérique, à maîtriser l'empreinte carbone du numérique ;
- Concernant le règlement sur la répartition de l'effort :
Observe que la Commission européenne propose de maintenir le champ du règlement sur la répartition de l'effort alors qu'elle propose par ailleurs d'étendre le champ des secteurs couverts par le système d'échanges de quotas d'émission de gaz à effet de serre de l'Union (SEQE-UE) ; approuve à ce stade le maintien du périmètre du règlement sur la répartition de l'effort ; relève également les nouvelles interactions entre ce règlement et celui modifiant le règlement (UE) 2018/841 en ce qui concerne le champ d'application, la simplification des règles de conformité, la fixation des objectifs des États membres pour 2030 et l'engagement dans la réalisation collective de la neutralité climatique d'ici à 2035 dans le secteur de l'utilisation des terres, de la foresterie et de l'agriculture, et le règlement (UE) 2018/1999 en ce qui concerne l'amélioration de la surveillance, des rapports, du suivi des progrès et de la révision ;
Accueille favorablement l'équilibre proposé entre l'objectif de réduction des émissions d'ici 2030 assigné aux secteurs relevant du règlement de répartition de l'effort et celui assigné aux secteurs relevant du SEQE-UE ;
Note que la méthode de calcul utilisée pour la détermination des objectifs nationaux reste fondée sur le PIB par habitant, un nombre limité de corrections ciblées étant appliquées afin de répondre aux préoccupations en matière d'efficacité au regard des coûts ; estime que le rapport coût-efficacité a été insuffisamment pris en compte ; relève ainsi l'écart important entre les objectifs assignés aux États membres, les réductions d'émissions en 2030 par rapport à 2005 s'échelonnant entre 10 % et 50 % pour les secteurs couverts par le règlement sur la répartition de l'effort ; rappelle que l'ensemble des États membres devront s'engager dans une trajectoire ambitieuse de décarbonation pour permettre à l'Union d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 ; appelle à permettre un recours adapté aux flexibilités prévues par le projet de règlement ;
Considère qu'un mécanisme de sanctions, le cas échéant financières, pourrait être mis en oeuvre en cas de non-respect manifeste et délibéré des objectifs par les États membres au titre du règlement de répartition de l'effort, afin de s'assurer de la détermination de l'ensemble des États membres à honorer les trajectoires qui leur sont assignées et de crédibiliser l'objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 par rapport à 1990 ;
- Concernant la prise en compte de l'utilisation des terres, du changement d'affectation des terres et de la foresterie :
Relève que le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » détermine un niveau d'absorption de carbone à hauteur de 310 millions de tonnes d'équivalent CO 2 en 2030, réparti entre les États membres en tant qu'objectifs contraignants, et fixe un objectif de neutralité climatique des terres à l'horizon 2035 ; note que seraient prises en compte dans ce cadre, à compter de 2031, les émissions hors CO 2 du secteur agricole ;
Considère qu'il s'agit d'un objectif ambitieux, les absorptions de CO 2 ayant diminué dans le secteur des terres ces dernières années ;
Insiste sur la nécessité de disposer d'évaluations précises de l'impact de la trajectoire proposée sur l'évolution de l'activité agricole ;
- Concernant le système d'échange de quotas d'émissions (SEQE-UE) actuellement en place dans les secteurs de l'énergie, de l'industrie et du transport aérien (SEQE-1) :
Prend acte des évaluations de la Commission européenne sur les résultats du système d'échange de quotas d'émissions ; estime toutefois que ce bilan appelle une évaluation approfondie et contradictoire, compte tenu de la faiblesse du prix de la tonne de CO 2 au cours de la période, les politiques de décarbonation de l'énergie et d'efficacité énergétique ayant probablement contribué largement à ce résultat ;
Accueille favorablement les propositions de réforme du système d'échange des quotas d'émission actuellement en place dans les secteurs de l'énergie, de l'industrie et du transport aérien (SEQE-1), notamment par l'augmentation du facteur de réduction linéaire visant à ajuster la trajectoire de décarbonation à l'objectif de baisse des émissions de 61 % d'ici 2030 par rapport à 2005 assigné à ces secteurs, ou par le meilleur ciblage des quotas gratuits en direction des industries exposées à un risque de fuites de carbone qui ne bénéficieront pas de la protection du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ;
Juge pertinente la proposition de consolidation de la stabilité de réserve (MSR) pour renforcer la stabilité du prix de la tonne de CO 2 sur le SEQE ;
Porte un regard favorable sur la proposition de la Commission européenne, tendant à ce que les États membres consacrent l'ensemble des recettes issues des enchères de quotas relevant du SEQE-1 à des dépenses associées à leurs politiques climatiques, suivant le modèle mis en oeuvre par la France ;
- Concernant la proposition de création d'un système d'échange de quotas d'émissions pour les secteurs du bâtiment et du transport routier (SEQE-bis) et la création d'un fonds social pour le climat :
Note que la création d'un nouveau système d'échange des quotas d'émission pour les secteurs du bâtiment et du transport routier (SEQE-bis) suscite de larges inquiétudes au regard du risque de renchérissement des prix de l'énergie pour les ménages, ainsi que pour les petites et moyennes entreprises ; relève que la grande majorité des déplacements de particuliers sont contraints dans les territoires où il n'existe pas d'alternative à la voiture individuelle et que l'acquisition d'un véhicule moins émetteur peut s'avérer difficile pour certains ménages, notamment pour des raisons financières ; observe en outre que le système d'échange de quotas d'émission envisagé, à compter de 2026, supposerait un prix du carbone fixé à un niveau particulièrement élevé pour espérer baisser significativement les émissions d'ici la fin de la décennie ;
Considère dès lors, compte tenu de la balance entre ses conséquences sociales et son bénéfice climatique incertain, que cette proposition n'est pas acceptable en l'état ; juge insuffisants les éléments d'évaluation fournis par la Commission concernant l'impact social de cette mesure et la capacité du nouveau fonds social pour le climat à répondre aux besoins d'accompagnement, compte tenu des dispositifs européens mis en place par ailleurs au titre du cadre financier pluriannuel 2021-2027 et de l'instrument de relance Next Generation EU ;
Constate néanmoins la nécessité de mobiliser des politiques publiques ambitieuses pour réduire les émissions spécifiques aux secteurs du bâtiment et du transport, qui représentent près de la moitié des émissions européennes ;
Affirme ainsi que des garanties et compensations devront être prévues dans l'hypothèse où la proposition de création d'un système d'échange des quotas d'émission pour les secteurs du bâtiment et du transport routier venait à être maintenue ; considère en particulier que ces garanties pourraient consister en l'exclusion des particuliers du dispositif et l'instauration d'un prix plafond sur ce marché ;
Juge indispensable, dans l'hypothèse du maintien du dispositif pour les particuliers, que des moyens supplémentaires soient alloués à la compensation des coûts associés à la création du système d'échange des quotas d'émission sur les secteurs du bâtiment et du transport routier pour accompagner les ménages les plus précaires dans la rénovation de leurs logements et l'accès à une mobilité bas-carbone, notamment dans les zones rurales ; invite en conséquence la Commission à formuler des propositions adaptées en fonction de l'évolution des négociations ;
Estime en tout état de cause indispensable que le système envisagé, quel que soit son dimensionnement final, demeure distinct du système d'échange des quotas d'émission actuellement en place dans les secteurs de l'énergie, de l'industrie et du transport aérien ;
Juge nécessaire que la recherche et développement bénéficient d'un plus ample soutien financier afin d'accompagner la décarbonation de l'économie européenne et la réindustrialisation verte du continent, par exemple par l'allocation d'une part des revenus du SEQE-bis au Fonds pour l'innovation ;
Relève que les éventuelles évolutions du dispositif en cours de négociation devront être prises en compte dans les négociations sur le fonds social pour le climat et la décision modificative du Conseil sur les ressources propres ;
- Concernant l'application du SEQE-UE au transport aérien et au transport maritime :
Observe que la proposition de suppression progressive d'ici 2027 des quotas gratuits dont bénéficie le transport aérien répond à la volonté législative exprimée par l'article 142 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience, visant à instaurer une tarification carbone appropriée en privilégiant sa mise en place au niveau européen ;
Invite la Commission européenne, dans l'éventualité où des risques de fuites de carbone viendraient à se réaliser du fait de la suppression des quotas gratuits dans le transport aérien, à étudier l'opportunité, à l'avenir, de mesures de protection adéquates et proportionnées, s'appuyant par exemple sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ;
Souligne la nécessité de mesures complémentaires pour accélérer le report modal vers le train, notamment par une évolution de la réglementation européenne permettant d'instaurer un prix minimal de vente des billets d'avion, conformément à la volonté exprimée par le législateur par l'article 144 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience ;
Formule à cet égard le voeu que les moyens accrus du Fonds pour l'innovation bénéficient à la recherche et au développement en faveur de la décarbonation du transport aérien, notamment en appui du développement d'une filière d'incorporation de biocarburants ;
Porte un regard favorable sur l'extension proposée du système d'échange des quotas d'émission au transport maritime, pour accompagner ce secteur dans la transition décarbonée de ses activités ;
- Concernant le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières :
Se félicite de la proposition de la Commission européenne visant à instaurer un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, porté par la France, et particulièrement par le Sénat, depuis de nombreuses années, afin de prévenir le risque de fuites de carbone, d'assurer une équité dans les relations commerciales internationales et de concilier lutte contre les dérèglements climatiques, développement durable, développement économique et inclusion sociale ;
Forme le voeu, en particulier, que ce mécanisme contribue, dans les secteurs couverts, à protéger de manière efficace les industries européennes dans leurs efforts de décarbonation et permette l'extinction progressive des quotas gratuits au titre du SEQE-1, sans induire de risques de fuites de carbone qui conduiraient à une délocalisation de ces activités en dehors de l'Union européenne ; juge le mécanisme proposé inabouti à cet égard ;
Considère donc que les produits de base émissifs exposés à un risque de fuites de carbone devraient être couverts par le mécanisme d'ajustement, dès lors que l'intensité carbone des produits importés peut être évaluée ; estime également qu'à l'aune de ce critère, et sous réserve d'une étude d'impact approfondie, des produits de base supplémentaires pourraient être intégrés au mécanisme à l'occasion de la clause de revoyure prévue par la Commission européenne en 2026 ;
Constate que les entreprises exportatrices européennes souffriraient, en l'état du dispositif, d'une perte de compétitivité, en raison d'une augmentation du prix des produits de base couverts par le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et concernés par l'extinction progressive des quotas gratuits au titre du SEQE-1 ; souligne que cette situation n'est pas acceptable ; estime donc indispensable de trouver une solution conforme aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) afin de ne pas pénaliser les entreprises exportatrices européennes et, d'ici la clause de revoyure en 2026 et sous la même contrainte de compatibilité avec les règles de l'OMC, d'étudier l'opportunité d'une extension du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières à certains produits finis exposés à un risque de fuites de carbone ;
Relève les interrogations sur l'adéquation du rythme de réduction des quotas gratuits, jusqu'à leur extinction prévue en 2036, au regard de l'indispensable accélération de la décarbonation des industries européennes au cours de la décennie et du souhait de favoriser la construction de filières industrielles innovantes qui contribueraient à la réindustrialisation verte de l'Europe ;
Invite la Commission à s'assurer des conditions de compatibilité du dispositif aux règles de l'OMC, qui pourraient conduire à interdire le cumul des protections commerciales au titre du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, d'une part, et de l'allocation de quotas gratuits, d'autre part ;
Considère que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières peut et doit constituer un outil de la diplomatie climatique de l'Union européenne, dans la perspective des prochaines négociations sous l'égide de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, notamment en vue de la 27 ème Conférence des parties prévue en 2023 ; à cet égard, afin d'inciter les États tiers à relever leur ambition climatique, invite la Commission européenne à utiliser la période transitoire précédant l'entrée en vigueur du mécanisme en 2026 pour rapprocher le SEQE européen de systèmes d'échange de quotas d'émission équivalents ; à cette fin, estime également que des aménagements pourraient être prévus pour les pays les moins avancés, en particulier ceux du continent africain, afin d'apaiser la crise de confiance, constatée lors de la COP26, entre pays développés et pays en développement, risquant de paralyser durablement la négociation climatique ; juge opportun de prendre en compte les effets de ce mécanisme d'ajustement sur les États candidats à l'adhésion ainsi que ceux membres de l'union douanière de l'Union européenne, relevant de la politique européenne de voisinage ou du partenariat oriental, et le cas échéant de les accompagner dans leurs politiques de décarbonation ;
- Concernant les normes d'émissions des véhicules :
Observe que la Commission européenne propose une fin de mise sur le marché européen des véhicules thermiques neufs en 2035, en se fondant sur les recommandations faites par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) pour l'atteinte de la neutralité carbone d'ici 2050 ;
Estime, compte tenu de l'accélération de la transition vers les motorisations électriques par les constructeurs français et européens et des efforts d'adaptation constatés dans le secteur automobile, que cette perspective apparaît ambitieuse et qu'elle ne saurait être anticipée ; demande en outre la mise en place d'un régime dérogatoire et transitoire permettant le maintien de la première mise sur le marché européen de véhicules hybrides jusqu'en 2040 ;
Juge nécessaire d'accompagner la filière automobile par le biais d'un soutien à la formation professionnelle, voire à la reconversion des salariés qui pourraient être affectés par cette transition ;
- Concernant la fiscalité de l'énergie :
Estime nécessaire de tenir compte du contexte de crise des prix des énergies et de son impact sur les ménages et les entreprises ;
Invite à consolider les incitations fiscales prévues pour les entreprises énergo-intensives ;
Demande que soit appliquée une neutralité technologique entre l'hydrogène renouvelable et celui bas-carbone et entre l'électricité renouvelable et celle bas-carbone dans la taxation de l'électricité ; appelle à prévoir une fiscalité simple et incitative, pour les biocarburants, le biogaz, le gaz bas-carbone et le bois-énergie ;
Invite à prendre en considération la spécificité des collectivités territoriales et de leurs groupements, en tant qu'autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), en leur appliquant un régime fiscal idoine et en les associant aux négociations sur la taxation de l'électricité ;
Attire l'attention sur le fait que la définition des ménages en situation de précarité énergétique susceptibles d'être soutenus fiscalement doit relever de la compétence des Etats membres ;
- Concernant la promotion de l'énergie produite à partir de sources renouvelables :
Juge nécessaire de tenir compte des caractéristiques économiques et climatiques des bouquets énergétiques, en prévoyant des objectifs de diversification généraux, réalistes et adaptés ; invite à prendre en considération l'impact de ces objectifs de diversification sur l'équilibre et la performance du système énergétique, notamment sur les prix des énergies, de même que sur l'équilibre, le pilotage, le stockage et le bilan carbone de ces énergies ;
Considère que les États membres doivent être pleinement souverains dans la définition de leur bouquet énergétique, et notamment de l'ampleur et du délai de leur diversification; attire l'attention sur la nécessité de ne pas imposer d'objectifs de diversification inadaptés aux États membres dont la production d'électricité est déjà largement décarbonée ;
Relève que les biocarburants répondent d'ores et déjà aux critères de durabilité ; appelle à promouvoir les biocarburants, quelle que soit leur génération, en veillant à exclure ceux présentant un risque élevé en termes de bilan carbone, notamment au regard du changement d'affectation des sols, tels que ceux issus de l'huile de palme ou du soja ;
Invite à mieux intégrer le biogaz et le gaz-bas carbone, en particulier issus de déchets exempts de conflits d'usages, les réseaux de chaleur et de froid et la cogénération ;
Demande que soit appliquée une neutralité technologique entre l'hydrogène renouvelable et celui bas-carbone dans la décarbonation de l'industrie ;
Appelle à ne pas déstabiliser les critères de durabilité applicables à la biomasse, s'agissant notamment du principe de cascade, des seuils de puissance, du niveau d'émission et de l'encadrement du bois-énergie ;
Demande à étendre l'obligation d'information, prévue pour les produits industriels, de l'énergie renouvelable vers celle bas-carbone ;
Invite à prendre en considération la spécificité des collectivités territoriales et de leurs groupements, en tant qu'autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), en renforçant leur association à la mise en oeuvre des projets d'énergies renouvelables ;
- Concernant l'efficacité énergétique :
Considère que les Etats membres doivent être pleinement souverains dans l'application du principe de primauté énergétique, et pouvoir à ce titre le compléter par un principe d'efficacité carbone et de définir les actions d'efficacité énergétique à destination des ménages en situation de précarité énergétique ;
Demande que soit prise en compte la spécificité des bailleurs sociaux dans l'appréciation de l'obligation de réduction de la consommation d'énergie en leur appliquant un statut juridique idoine ;
Considère que la spécificité des réseaux d'électricité, de gaz, de chaleur et de froid doit également être prise en considération dans cette même appréciation ;
Estime que les collectivités territoriales et leurs groupements, en tant qu'autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), doivent être mieux associés à la mise en oeuvre des actions d'efficacité énergétique ;
Considère que la mobilisation des contrats de performance énergétique et les critères de commande publique dans un but d'efficacité énergétique doivent être encouragés ;
- Concernant la performance énergétique des bâtiments :
Estime que la mise en oeuvre des nouvelles normes en matière de performance énergétique pour les constructeurs, les propriétaires (bailleurs privés ou sociaux, monopropriétaires ou copropriétaires) et les locataires doit s'accompagner d'un soutien financier ;
Demande que soit prise en compte la spécificité des bailleurs sociaux dans l'appréciation de l'obligation de réduction de la consommation d'énergie en leur applicant un statut juridique idoine ;
Considère que la spécificité des bâtiments tertiaires doit également être prise en considération dans cette même appréciation ;
Juge que doit être appliqué un seuil d'émission, adapté, ambitieux et graduel, pour les énergies fossiles utilisées pour le chauffage et le refroidissement, plutôt qu'une interdiction sèche ;
Demande que soit appliquée une neutralité technologique entre l'énergie renouvelable et celle bas-carbone, et entre les énergies renouvelables sur site et celles de réseau, notamment dans la définition des bâtiments faiblement émissifs ;
Demande que soit prévue l'expérimentation d'un système d'alimentation des bâtiments au biogaz ;
Appelle à maintenir une bonne articulation entre normes européennes et nationales ;
- Concernant l'initiative sur l'incorporation de carburants durables dans le secteur aérien :
Appelle à affiner les délais, compenser les surcoûts et encourager les investissements dans la mise en oeuvre de l'objectif d'incorporation de carburants durables dans le secteur aérien ;
Demande que soit appliquée une neutralité technologique entre l'hydrogène renouvelable et celui bas-carbone et entre l'énergie renouvelable et bas-carbone dans cette incorporation ;
Estime nécessaire de mieux intégrer les différents biocarburants et carburants synthétiques ;
- Concernant l'initiative sur l'intégration des carburants durables dans le secteur maritime :
Souhaite accroître la limitation de l'intensité des émissions de gaz à effet de serre de l'énergie utilisée à bord pour renforcer l'incorporation des carburants durables dans le secteur maritime ;
Demande que soit prévu un accompagnement des collectivités territoriales et leurs groupements, en tant qu'autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), dans les surcoûts induits par l'électrification à quai ;
Appelle à permettre l'utilisation des garanties d'origine pour favoriser l'incorporation du bio-GNL et du GNL ;
Estime nécessaire de mieux intégrer les différents biocarburants et carburants synthétiques ;
- Concernant le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs :
Appelle à renforcer les objectifs contraignants de déploiement des infrastructures de recharge pour tous les modes de transports, a minima pour les infrastructures électriques destinées aux véhicules utilitaires légers ;
Estime nécessaire de mieux intégrer le GNL, le GNC, le bio-GNL et le bio-GNC ainsi que les différents biocarburants et les carburants synthétiques ;
Appelle à renforcer et à anticiper l'objectif prévu et pour les infrastructures de recharge à hydrogène ;
Demande que soit appliquée une neutralité technologique entre l'hydrogène renouvelable et celui bas-carbone et entre l'énergie renouvelable et bas-carbone dans l'appréciation des carburants durables ;
- Concernant l'intégration de l'hydrogène, du biogaz et du gaz bas-carbone :
Demande que soit appliquée une neutralité technologique entre l'hydrogène renouvelable et celui bas-carbone, dans l'appréciation des seuils d'émission ;
Appelle à la vigilance sur les seuils d'émission et les critères d'additionnalité et de corrélation prévus pour l'hydrogène qui seront fixés par un acte délégué de la Commission européenne ;
Fait valoir que l'injection de l'hydrogène dans les réseaux de gaz naturel doit constituer un débouché limité ;
Invite à accorder une place au biogaz et au gaz bas-carbone, aux côtés de l'hydrogène, dans la décarbonation du secteur du gaz ;
- Concernant les enjeux communs aux secteurs aérien et maritime :
Se félicite des propositions de baisse de l'intensité carbone pour les carburants du secteur maritime et d'obligation d'incorporation de biocarburants dans le transport aérien, qui donneront à ces secteurs une visibilité sur la trajectoire de décarbonation à tenir pour atteindre la neutralité carbone d'ici le milieu du siècle ;
Est attentif à ce que cette obligation ne génère pas de distorsions de concurrence, suceptibles d'affaiblir l'attractivité des hubs ou des ports de l'Union mais aussi la compétitivité des entreprises européennes de ces secteurs, ou des fuites de carbone à l'extérieur des frontières européennes ;
Constate cependant que l'obligation de ravitaillement en carburant à hauteur d'au moins 90 % dans les aéroports européens devrait permettre d'écarter les risques de distorsion de concurrence qui pourraient découler de l'application des règles d'incorporation des biocarburants ;
Fait valoir que la réduction des émissions de CO 2 de l'aviation repose pour l'essentiel, en l'état actuel des technologies, sur l'utilisation de carburants d'aviation durables (SAF) et soutient le développement d'un marché européen et d'une certification internationale des SAF ;
Souligne la nécessité d'investir dans les différentes technologies de production des carburants alternatifs durables et de disposer de filières industrielles de production à la hauteur des ambitions de décarbonation des secteurs économiques ;
Constate que la fin des exonérations dont bénéficient le kérosène nécessaire au transport aérien et le pétrole lourd utilisé dans le transport maritime accélérera la transition de ces secteurs et incitera à un recours à des solutions technologiques moins carbonées ; estime nécessaire le maintien de l'exonération pour le secteur de la pêche ;
Rappelle la nécessité de finaliser la mise en oeuvre du Ciel unique européen et d'accélérer la digitalisation du contrôle aérien, qui doivent notamment contribuer à une réduction de l'impact environnemental du secteur aérien ;
- Concernant la place de l'Union européenne dans la lutte contre le changement climatique et sa capacité d'entraînement :
Rappelle que la lutte contre les dérèglements climatiques est un enjeu mondial et que l'Union européenne, qui représente moins de 8 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, ne peut répondre à elle seule à cet enjeu ;
Considère que le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » doit constituer le pilier de la diplomatie climatique de l'Union européenne, en agissant comme un levier en vue du relèvement de l'ambition des États tiers, notamment des principaux États développés et des grands États émergents, tout en prévoyant des aménagements et adaptations pour les pays les moins avancés, notamment ceux du continent africain ;
Juge essentiel que l'Union mette en cohérence l'ensemble des ses politiques au regard des objectifs du pacte vert pour l'Europe, afin d'utiliser tous les moyens à sa disposition pour jouer un rôle d'entraînement à l'échelle mondiale sur le fondement de ses normes et de ses valeurs, en portant une attention particulière aux travaux menés dans le cadre de certaines organisations internationales sectorielles ou d'instances internationales de normalisation ; estime nécessaire de prendre pleinement en compte les effets du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » sur les États tiers bénéficiant d'un lien particulier avec l'Union, en particulier pour les États candidats à l'adhésion, les États membres de l'union douanière de l'Union européenne ou bénéficiant d'accords économiques privilégiés, ou encore des États inclus dans la politique de voisinage ou le partenariat oriental, en étudiant le cas échéant la possibilité de mesures d'accompagnement spécifiques ;
Insiste sur le fait que l'Union européenne forme le plus grand bloc commercial du monde et dispose d'un important réseau d'accords commerciaux, ce qui lui permet notamment, sous réserve qu'elle s'en donne effectivement les moyens, d'assurer la mise en oeuvre de ses normes, de ses valeurs et de ses cadres de durabilité, mais aussi d'utiliser la politique commerciale en appui de ses objectifs géopolitiques ;
Salue le fait que l'Union européenne s'efforce de favoriser le développement durable et une croissance inclusive en enrichissant ses accords commerciaux d'un chapitre sur le commerce et le développement durable (CDD), engageant en particulier les signataires à mettre en oeuvre les accords multilatéraux environnementaux auxquels ils sont parties ainsi qu'à ratifier et mettre en oeuvre les conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT) ; constate néanmoins que la mise en oeuvre de ce type de chapitres se révèle complexe, ce qui doit conduire l'Union à se doter des moyens appropriés pour s'assurer d'une mise en oeuvre effective des engagements pris par les signataires ; considère que le plan d'action en quinze points élaboré en février 2018 par les services de la Commission correspond à un état des réflexions aujourd'hui dépassé, à la lumière des débats apparus au cours des dernières années, et devrait conduire l'Union à rehausser son niveau d'ambition concernant le contenu de ces chapitres, notamment s'agissant de la lutte contre le changement climatique, de la préservation de la biodiversité, de la lutte contre la déforestation et de la conduite responsable des entreprises ;
Considère que l'Organisation mondiale du commerce (OMC) doit intégrer dans ses travaux les problématiques liées au développement durable et adapter ses règles à l'impératif de lutte contre le changement climatique et qu'elle a également un rôle important à jouer afin de contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations Unies concernant le travail décent et l'égalité entre les sexes ; soutient la volonté de la Commission de moderniser le fonctionnement de l'OMC, engagée dans un cadre international plus large, en vue notamment d'aboutir à la modernisation des règles relatives aux subventions par un renforcement des obligations de transparence et de notification et une précision des règles applicables aux subventions industrielles horizontales ; appelle à trouver au plus vite une solution permettant de restaurer le fonctionnement de l'Organe d'appel du système de règlement des différends de l'OMC ;
Rappelle que le marché intérieur de l'Union constitue un atout fondamental dont l'intégrité doit être préservée ;
Invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.
* 1 Pour la commission des affaires européennes : Jean-François Rapin, président de la commission, Marta de Cidrac, Daniel Gremillet, Pascale Gruny, Jean-Michel Houllegatte, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Yves Leconte, Dominique de Legge et Didier Marie ; pour la commission des affaires économiques : Dominique Estrosi-Sassone et Daniel Gremillet ; pour la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable : Guillaume Chevrollier et Denise Saint-Pé.