CONCLUSION

Après un examen attentif des stipulations de cet accord, la commission a adopté ce projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du Monde de football de 2022.

Cet accord, qui consacre la durée et l'excellence de notre coopération bilatérale avec le Qatar, représente une opportunité majeure de la renforcer, tout en nous préparant à l'accueil et à la sécurisation de la Coupe du Monde de rugby en 2023 et des Jeux Olympiques de 2024.

Il sécurise également la situation juridique des agents français du ministère de l'Intérieur qui se rendraient au Qatar dans le cadre de sa mise en oeuvre. Il constitue ainsi le pendant de l'accord de statut des forces signé, qui constituera le support juridique auquel s'adossera la partie de la coopération bilatérale relative à la Coupe du Monde de football de 2022 relevant du champ de compétence du ministère des Armées

Toutefois, contrairement à ce dernier, le présent accord, comme l'indique le paragraphe 4 de son article 15, prendra fin le 30 juin 2023.

La conclusion de cet accord est en outre à replacer dans le contexte économique. Les enjeux économiques et commerciaux liés à la Coupe du Monde de football, estimés à 200 milliards de dollars, offrent des opportunités importantes pour nos entreprises, dans de nombreux secteurs d'activité (transports, infrastructures, sécurité, environnement, etc.).

Enfin, un dernier point à relever est l'entrée du Qatar comme membre associé de l'Organisation internationale de la francophonie depuis le Sommet de Kinshasa d'octobre 2012. S'il n'est pas une terre de tradition francophone, le pays compte néanmoins environ 100 000 francophones (3,7% de la population). Le Qatar a également introduit l'enseignement de notre langue dans son système éducatif public.

Les autorités qatariennes n'ont, à ce jour, pas notifié l'accomplissement des procédures nationales requises pour l'entrée en vigueur de l'accord.

Cet accord sera examiné en seconde chambre à l'Assemblée nationale à la reprise des travaux parlementaires.

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EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 9 février 2022, sous la présidence de M. Cédric Perrin, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Olivier Cadic sur le projet de loi n° 325 (2021-2022) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du Monde de football de 2022

M. Olivier Cadic, rapporteur. - Cet accord, signé le 5 mars 2021 à Doha, concrétise l'ambition politique qui avait été tracée par la déclaration d'intention conclue au nom des deux gouvernements le 28 mars 2019, en lui donnant un cadre juridique robuste.

Le Qatar est un pays dont la superficie correspond à celle de la Corse, et qui compte 2,6 millions d'habitants, dont 2,3 millions d'étrangers.

La Coupe du Monde de football au Qatar, prévue en novembre-décembre 2022, sera le plus grand événement sportif organisé dans le monde arabe. Le Qatar pourrait accueillir jusqu'à 1,5 million de supporteurs et sera confronté à de nouvelles questions de sécurité : gestion de la menace terroriste, hooliganisme, mouvements de foule, cyberattaques... Le Qatar sera également confronté à certaines problématiques que, pour des raisons culturelles, il n'est pas habitué à gérer : contrefaçon, consommation d'alcool, actions d'organisations contestataires...

Pour relever ces défis, le Qatar a cherché, dès sa désignation en 2010, à développer des partenariats avec différents États, dont la France, pays avec lequel il a déjà développé une forte coopération bilatérale en matière de sécurité et de défense.

Le Qatar est le deuxième partenaire opérationnel de la France dans le Golfe, après les Émirats arabes unis. Cette coopération a été renforcée par la signature de contrats majeurs, comme le démontre l'achat de 36 Rafale.

Le Qatar est également un partenaire stratégique en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation au cours des dernières années.

Sur le plan bilatéral, Le Président de la République et l'émir du Qatar ont signé le 7 décembre 2017 une lettre d'intention visant à renforcer la coopération bilatérale en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Cette coopération a été renforcée avec la mise en place d'un dialogue stratégique en février 2019.

L'émirat joue un rôle actif au sein de la coalition internationale contre Daech, à laquelle il apporte notamment un soutien logistique important en mettant à disposition la base militaire d'Al-Udeid et en fournissant un appui logistique à la force conjointe du G5 Sahel. Enfin, le Qatar et les Nations unies ont récemment signé un accord portant sur l'ouverture d'un bureau à Doha du programme des Nations unies pour la lutte contre le terrorisme.

En parallèle de son implication dans la lutte contre le terrorisme, on peut constater que le Qatar a réalisé d'importantes réformes en faveur des conditions de travail des immigrés. En effet, le Qatar est le premier État de la région à avoir abrogé en 2016 le système de la « Kafala », qui oblige l'expatrié à dépendre d'un « parrain », souvent qualifié de « sponsor », et qui peut être une personne physique ou morale. Le Qatar est aussi le premier État de la région à avoir instauré un salaire minimum pour les travailleurs expatriés non qualifiés. Le texte législatif, adopté en août 2020, est entré en vigueur en mars 2021.

En ce qui concerne la peine de mort, comme l'a déjà souligné notre collègue Sylvie Goy-Chavent, elle est toujours en vigueur au Qatar et continue d'être prononcée, mais le pays applique depuis 2003 un moratoire sur les exécutions, mis à part le cas de l'exécution d'un ressortissant népalais, condamné pour meurtre en 2020.

Les progrès sont réels et doivent être poursuivis, en particulier en matière de liberté d'expression et de respect des droits fondamentaux.

La coopération bilatérale entre la France et le Qatar en matière de gestion des grands événements sportifs existe depuis les jeux asiatiques de 2006, qui ont été le premier grand événement sportif accueilli par l'émirat. Elle s'est poursuivie lors des championnats du monde de handball en 2015, de cyclisme en 2016, d'athlétisme en 2019 et pour la Coupe arabe des nations de football de 2021.

Pour la Coupe du Monde de football de 2022, le partenariat projeté est plus ambitieux encore, d'où le souhait de rechercher une formalisation juridique plus aboutie afin de prévoir un cadre qui sécurise le déploiement d'un volume important d'experts sur le terrain. Cet accord peut se définir comme une offre de services de la France, de nature à couvrir l'ensemble du spectre des besoins de sécurité d'un grand événement sportif. Sa mise en oeuvre pourra notamment s'appuyer sur les grandes directions opérationnelles du ministère de l'intérieur pour des missions de conseil, d'accompagnement, voire d'appui opérationnel.

La partie qatarienne doit formuler plus précisément, à brève échéance, ses besoins, en fonction desquels l'offre de coopération française sera modulée. L'accord prévoit que les actions de coopération seront essentiellement financées par la partie qatarienne.

Cet accord prévoit également des garanties fortes au bénéfice des agents français du ministère de l'intérieur qui se rendraient sur le territoire qatarien. Ils bénéficieront ainsi des garanties relatives au droit à un procès équitable au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CESDH) et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966. En outre, l'accord organise une protection contre l'application de la peine capitale ou d'autres traitements inhumains et dégradants, au sens de l'article 3 de la CESDH.

Ces dispositions offriront donc une parfaite sécurité juridique aux agents français du ministère de l'intérieur qui participeront aux activités de coopération qui seront mises en oeuvre avant et durant l'événement, à l'instar des garanties offertes aux agents du ministère de la défense par l'accord bilatéral relatif au statut des forces, que vient de nous présenter Sylvie Goy-Chavent. Toutefois, contrairement à ce dernier, le présent accord prendra fin le 30 juin 2023.

Les autorités qatariennes n'ont, à ce jour, pas notifié l'accomplissement des procédures nationales requises pour l'entrée en vigueur de l'accord, qui sera examiné en seconde chambre à l'Assemblée nationale à la reprise des travaux parlementaires.

En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier. Son examen en séance publique au Sénat était prévu selon la procédure d'examen simplifié, mais le groupe CRCE a demandé le retour à la procédure normale. Le projet de loi sera donc examiné en séance publique le 15 février.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je souhaiterais quelques précisions sur le calendrier. Cet événement aura lieu dans une dizaine de mois. Nous examinons un texte prévoyant des protections importantes pour les personnels français qui seront déployés au Qatar. Mais le Qatar pourra-t-il adopter ce texte à temps ? Pour un tel évènement, on peut penser que les choses doivent être préparées en amont. J'imagine mal des personnels arrivant sur place seulement en septembre pour un événement de cette ampleur et se déroulant deux mois plus tard. N'y a-t-il pas un problème de calendrier ?

Au-delà des moyens en personnel, est-il prévu également de fournir certains équipements, notamment des drones de surveillance ? Je me demande s'il n'y a pas quelques failles dans la préparation de cette coupe du Monde. Pouvez-vous nous préciser quand nos personnels doivent être déployés au Qatar ?

M. Olivier Cadic, rapporteur. - Je me suis penché sur ces questions pendant la préparation du rapport. Selon les représentants du ministère de l'intérieur que j'ai auditionnés, le texte doit entrer en vigueur le 1 er novembre 2022, et l'Assemblée nationale doit l'avoir voté au plus tard le 30 septembre.

Concrètement, cet accord permet de bien cadrer l'offre de prestation de services faite par la France. Le coût sera assumé par la partie qatarienne et, pour nos services, il s'agit d'une expérience très formatrice dans la perspective de la Coupe de monde de rugby de 2023 et des jeux Olympiques de 2024. Le dispositif doit se déployer à partir du 1er novembre.

M. Yannick Vaugrenard. - Organiser la Coupe du Monde de football au Qatar, c'est une aberration écologique, mais aussi sociale, compte tenu des conditions de travail imposées aux ouvriers sur les chantiers. Les morts se comptent par dizaines.

Par ailleurs, des doutes sérieux existent sur un possible financement de l'islamisme radical par le Qatar sur le sol français. Il me semble donc malvenu aujourd'hui de soutenir d'une quelconque manière l'organisation de cet événement dans ce pays.

M. Jean-Marc Todeschini. - Tandis que certains appellent au boycott des jeux Olympiques en Chine, le Qatar s'achète une virginité en organisant de grands événements sportifs. Je ne reviendrai pas sur les conditions de la coupe du Monde... Ce pays est par ailleurs un gros client de la France en matière d'armement, les droits de l'homme semblent peu de chose.

Vous avez souligné les progrès réalisés par le Qatar. Pourtant, l'Organisation internationale du travail (OIT) a rendu en novembre un rapport peu sympathique sur les conditions de travail du personnel étranger au Qatar. Avez-vous eu plus de précisions sur ce rapport ?

M. Guillaume Gontard. - En effet, cette Coupe du Monde est une aberration pour l'écologie et les droits humains. Les jeux olympiques organisés en Chine posent d'ailleurs les mêmes questions. Les liens supposés du Qatar avec le terrorisme ont par ailleurs été rappelés. Je ne sais pas si nous avons réellement intérêt à coopérer de cette façon avec le Qatar. Cela pose réellement beaucoup de questions.

Mon groupe va demander, comme le CRCE, le retour à la procédure normale, car ce sujet nécessite un vrai débat dans l'hémicycle.

M. Olivier Cadic, rapporteur. - Quand on parle d'aberration écologique, il suffit de regarder en ce moment du côté des jeux Olympiques d'hiver en Chine. La situation des droits humains dans ce pays, notamment à l'encontre des Ouïghours, a justifié le boycott diplomatique des jeux par de nombreux pays. Je vous renvoie à ce propos au remarquable reportage diffusé récemment sur Arte.

Des doutes existent en effet sur le financement du terrorisme par le Qatar, mais les autorités qatariennes s'en défendent résolument. Restons prudents : certains pays ont aussi intérêt à faire courir ces bruits qui, d'après nos services, ne sont pas absolument avérés.

Le choix d'organiser la Coupe de Monde de football au Qatar a été effectué par une instance indépendante. C'est la première fois que cet événement se déroulera dans un pays arabe. Il ne m'appartient pas de prendre position sur le sujet.

M. Pierre Laurent. - Nous avons en effet demandé le retour à la procédure normale pour l'examen en séance de cette convention, qui pose un double problème de contexte.

Les conditions d'attribution et de préparation de cette Coupe du Monde font débat : l'OIT a signalé de gros problèmes de droit social sur les chantiers, sans parler des droits humains, des droits des femmes et des aberrations sportives.

Nous ne sommes pas favorables pour autant au boycott des grands événements sportifs, qui pénalise avant tout les sportifs. Il faudrait plutôt réfléchir aux procédures d'attribution de ces grandes compétitions.

Mais cette convention pose aussi la question de l'approfondissement de notre relation de défense et de sécurité avec le Qatar, qui est désormais le troisième acheteur d'armes à la France.

Dans le strict domaine de la sécurité, trois articles de la convention ressemblent ainsi beaucoup à des dispositions que nous avions contractées avec l'Égypte et dont le détournement a été dénoncé par Disclose. Nous ne voterons donc pas cette convention.

M. Pascal Allizard. - Je m'interroge sur la nécessité de ratifier cette convention. Je ne comprends pas, je partage un certain nombre des questionnements qui viennent d'être exposés. À titre personnel, je m'abstiendrai sur ce texte qui me dérange.

M. Alain Houpert. - Nous n'avons pas le temps de regarder la beauté du monde quand la maison brûle. Des jeux Olympiques d'hiver sans neige en Chine, une Coupe du Monde de football sans herbe ni eau au Qatar... La mission de Pierre de Coubertin, l'épanouissement par le sport, est détournée. Ne confondons pas jeux Olympiques et expositions universelles. La France devrait demander au Comité international olympique (CIO) d'être plus attentif à ses choix à l'avenir.

M. Cédric Perrin, président. - Je partage vos points de vue sur le fond. En l'occurrence, les responsables sont le CIO et la FIFA. Certains candidats présentent une logique écologique plus forte, tel que Vancouver qui est candidat pour accueillir les jeux d'hiver de 2030. Mais, l'objectif du CIO est de développer des marchés nouveaux pour le sport à travers l'attribution des jeux, là où il n'y a pas encore d'équipements sportifs et non pas là où les conditions climatiques sont adéquates.

Cette coopération avec le Qatar nous permettra aussi de nous préparer en termes de sécurité pour la Coupe du Monde de rugby de 2023 et les jeux Olympiques de 2024.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité.

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