Rapport n° 427 (2021-2022) de Mmes Marie-Pierre RICHER , sénatrice et Patricia MIRALLÈS, député, fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 1er février 2022
Disponible au format PDF (731 Koctets)
Tableau comparatif au format PDF (279 Koctets)
N° 4981 rect.
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 QUINZIÈME LÉGISLATURE |
N° 427
SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022 |
|
Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale
|
Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er février 2022 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission mixte paritaire(1) chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d' Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d' accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français ,
PAR Mme Patricia MIRALLÈS,
Députée
|
PAR Mme Marie-Pierre RICHER,
Sénatrice
|
(1) Cette commission est composée de : Mme Chantal Deseyne, sénateur, président ; Mme Françoise Dumas, députée, vice-présidente ; Mme Marie-Pierre Richer, sénatrice, Mme Patricia Mirallès, députée, rapporteures .
Membres titulaires : Mmes Catherine Deroche, Jocelyne Guidez, Émilienne Poumirol, Monique Lubin, M. Xavier Iacovelli, sénateurs ; MM. Olivier Damaisin, Fabien Gouttefarde, Julien Aubert, Mme Michèle Tabarot, M. Philippe Michel-Kleisbauer, députés.
Membres suppléants : Mme Pascale Gruny, M. Laurent Burgoa, Mme Christine Bonfanti-Dossat, M. Olivier Henno, Mme Annie Le Houerou, M. Jean-Claude Requier, Mme Cathy Apourceau-Poly, sénateurs ; Mmes Françoise Ballet-Blu, Carole Bureau-Bonnard, M. Olivier Faure, Mme Valérie Six, M. Bertrand Pancher, députés.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : |
Première lecture :
4631
,
4662
et T.A.
696
|
Sénat : |
Première lecture :
178
,
340
,
341
et T.A.
80
(2021-2022)
|
TRAVAUX DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE
___________
Mesdames, Messieurs,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français s'est réunie au Sénat le mardi 1 er février 2022.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de :
- Mme Chantal Deseyne, sénateur, président ;
- Mme Françoise Dumas, députée, vice-présidente.
Puis ont été désignées :
- Mme Marie-Pierre Richer, sénatrice, rapporteure pour le Sénat ;
- Mme Patricia Mirallès, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale.
*
* *
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
Mme Chantal Deseyne , sénateur, président . - Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, une commission mixte paritaire est chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français, adopté par l'Assemblée nationale le 18 novembre 2021 et par le Sénat le 25 janvier 2022.
Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de la présidente Catherine Deroche et vous indique qu'elle est remplacée comme membre titulaire par M. Laurent Burgoa.
Je me réjouis d'accueillir au Sénat des membres de la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale avec qui nous avons en partage une compétence sur les anciens combattants. Je leur souhaite la bienvenue pour des travaux qui s'annoncent fructueux, nos deux rapporteures ayant beaucoup travaillé sur un texte difficile, sensible en ce qu'il touche, comme nous avons pu le constater en séance publique, à une mémoire encore vive et toujours douloureuse.
Mme Françoise Dumas, députée, vice-présidente. - Je me réjouis que les divergences des Règlements de nos assemblées respectives s'agissant des compétences des commissions permanentes nous réunissent aujourd'hui, tant il est rare que nous connaissions cette configuration. Je m'en félicite d'autant plus que nos rapporteures, qui ont travaillé en bonne intelligence et dans le respect, nous proposent un accord équilibré et global. Même si ce texte ne répondra jamais à toutes les demandes - j'allais dire : « toutes les douleurs » - de la communauté harkie, il marque une étape importante du processus de reconnaissance et de réparation, engagé par le président Chirac il y a déjà plus de vingt ans.
Ce texte vient surtout concrétiser l'engagement pris par le chef de l'État le 20 septembre dernier, à l'occasion de son discours à la communauté harkie, alors unanimement salué. La navette parlementaire a permis d'en améliorer les dispositions, en particulier grâce au travail de nos deux rapporteures, dont les approches sont complémentaires - je tiens à les en remercier.
Je me félicite, tout d'abord, de l'introduction par l'Assemblée nationale, à l'article 1 er , de la notion d' « abandon », ainsi qu'au renforcement des missions de la commission nationale de reconnaissance et de réparation, instituée à l'article 3. Ce travail s'est poursuivi au Sénat où, sous votre impulsion, madame la rapporteure, le texte a de nouveau été précisé et enrichi - le Sénat l'a d'ailleurs très largement adopté.
Il me semble donc que toutes les conditions sont réunies pour permettre à notre commission mixte paritaire d'aboutir à un accord, ce dont je me félicite par avance - l'ensemble de la communauté harkie nous y oblige.
Mme Marie-Pierre Richer , sénatrice, rapporteure pour le Sénat . - Nous sommes réunis cet après-midi afin de parvenir à un accord sur le projet de loi portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis.
Le texte déposé par le Gouvernement comptait initialement sept articles et l'Assemblée nationale a inséré un nouvel article en première lecture. Au terme de son examen par le Sénat, qui a inséré un article et en a adopté trois conformes, six articles restent donc en discussion.
Je tiens à remercier ma collègue rapporteure Patricia Mirallès pour nos échanges en amont de cette réunion. Les versions du texte adoptées par nos deux chambres comportent peu de divergences de fond, ce qui nous a permis d'identifier rapidement une voie de compromis de bon augure pour le résultat de nos travaux.
Le Sénat a adopté les dispositions du projet de loi en considérant que si elles allaient dans le bon sens, elles ne pouvaient en aucun cas constituer un « solde de tout compte » - nous l'avons répété à plusieurs reprises - envers les harkis et les autres membres des formations supplétives.
Ce texte contribue au devoir de reconnaissance, au devoir de réparation et au devoir de mémoire que la Nation doit à ces combattants et à leurs familles. Les avancées qu'il comporte constituent ainsi une étape sur le chemin de la réconciliation et de la mémoire, qui sera encore long.
Le Sénat a adopté l'article 1 er qui consacre la reconnaissance de la Nation envers les harkis pour leur engagement ainsi que la responsabilité de l'État du fait de l'indignité des conditions d'accueil dans les camps et les hameaux. Nous avons approuvé la modification apportée par l'Assemblée nationale visant à inscrire la notion d'« abandon » dans cet article, qui correspond bien au sort réservé aux harkis et à leurs familles.
Alors que les camps et les hameaux de forestage sont pour la plupart bien identifiés, le Sénat a souhaité préciser que la responsabilité de l'État visait des structures de toute nature qui ont hébergé des harkis et des membres de leurs familles dans des conditions indignes. Cette précision permet notamment de viser certaines prisons qui ont été reconverties en lieux d'hébergement. Nous vous proposons donc de retenir l'article 1 er dans la version du Sénat afin de conserver l'ensemble de ces apports.
Nous vous proposons également d'adopter l'article 1 er bis dans la rédaction du Sénat, qui a précisé que la journée d'hommage national aux harkis, inscrite dans le texte à l'initiative des députés, permettra de commémorer non seulement les sacrifices des harkis, mais aussi les sévices qu'ils ont subis.
L'article 2, qui institue le mécanisme de réparation du préjudice né d'un séjour dans une structure d'accueil tel qu'un camp ou un hameau de forestage, a fait l'objet d'une adoption conforme par nos deux assemblées, de même que les articles 5 et 6.
À l'article 3, le Sénat a approuvé la création d'une commission nationale de reconnaissance et de réparation, qui statuera sur les demandes de réparation de préjudice et contribuera au travail mémoriel. Sa capacité de proposer des évolutions de la liste des structures concernées par le mécanisme de réparation, introduite par les députés, nous a semblé tout à fait pertinente. Le Sénat a modifié cet article pour apporter de plus grandes garanties d'indépendance à cette commission et clarifier la répartition des rôles entre cette instance et l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), en rattachant notamment cette commission auprès du Premier ministre.
En outre, deux missions supplémentaires ont été assignées à cette commission. D'une part, elle devra entendre les harkis combattants qui en font la demande et pourra leur proposer toute mesure de reconnaissance appropriée. D'autre part, elle pourra proposer de faire évoluer les mesures de reconnaissance et de réparation existantes envers les harkis et les membres de leurs familles. Compte tenu de son expertise, cette commission sera parfaitement bien placée pour recommander des évolutions des dispositifs, et éclairera ainsi les futurs travaux du Gouvernement et du Parlement sur ce sujet. Nous vous proposons donc de retenir ces apports complémentaires de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Enfin, cet article prévoit que les parlementaires qui siègeront dans la commission nationale seront nommés par les commissions permanentes chargées des anciens combattants de l'Assemblée nationale et du Sénat. Nous vous proposons de supprimer ces précisions afin que chaque assemblée procède à la désignation du parlementaire qui siègera dans cette commission selon les modalités prévues par son Règlement.
Nous vous invitons à adopter l'article 4, qui précise les missions de l'ONACVG en faveur des harkis, dans la rédaction du Sénat, qui n'a apporté que des coordinations et des précisions rédactionnelles à la version adoptée par l'Assemblée nationale.
L'article 7, qui porte sur l'allocation viagère, a été modifié par le Sénat afin d'allonger de quatre à six ans la période au cours de laquelle les veuves des anciens membres des formations supplétives ou assimilés peuvent solliciter le bénéfice des arrérages de l'allocation viagère. Il s'agit d'une réelle avancée pour ces veuves que nous vous proposons de conserver en adoptant la rédaction du Sénat.
Enfin, nous vous demandons de supprimer l'article 8, inséré par le Sénat, qui prévoit une peine d'amende spécifique pour l'injure et la diffamation commises envers un ancien supplétif en raison de sa qualité. L'injure et la diffamation à l'encontre des forces supplétives, assimilées à celles qui visent les forces armées, sont déjà punies par la loi. Lorsqu'elles sont adressées à un individu en raison de sa qualité réelle ou supposée d'ancien supplétif, le droit commun s'applique et des poursuites pénales peuvent être engagées. Il n'apparaît donc pas nécessaire de créer un régime spécifique tel que le propose cet article, qui pourrait en outre créer une rupture d'égalité devant la loi et susciter des revendications pour la création de régimes analogues concernant d'autres communautés.
Au total, nous vous proposons d'adopter un texte qui reprend la plupart des apports de nos deux assemblées : il constituera une avancée utile pour la reconnaissance et la réparation que la Nation doit aux harkis et à leurs familles.
Je tiens à remercier vivement la présidente de la commission des affaires sociales du Sénat pour sa grande confiance. Je veux également dire à mes collègues de la commission que leur implication et leur soutien sans faille ont été une force dans ce texte qui, nous l'avons bien senti dans l'hémicycle, est délicat. Celui auquel nous sommes parvenus ne comble pas toutes les attentes, loin s'en faut, tant les plaies sont encore à vif, il constitue néanmoins une nouvelle avancée. Loin d'être une fin en soi, ce projet de loi nous engage au-delà du devoir de mémoire obligatoire et absolu vis-à-vis de nos concitoyens harkis et leurs descendants.
Les déchirures nées de cette tragédie pour les enfants, les femmes et les hommes qui les ont vécues dans leur chair, dans leur coeur et demeurent dans leur mémoire, nous appellent à une impérieuse vigilance pour, je le redis, conduire à la nécessaire réconciliation.
Mme Patricia Mirallès, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale . - Je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui pour trouver un accord sur un texte qui me tient, comme vous le savez, particulièrement à coeur.
Ce projet de loi ne répond peut-être pas à toutes les frustrations, à tous les traumatismes accumulés tout au long de son histoire par la communauté harkie. Une loi le pourrait-elle du reste ?
Mais reconnaissons-le, en admettant pour la première fois une responsabilité de l'État du fait des conditions d'accueil et de vie indignes qu'ont subies les harkis ; en instituant un dispositif de réparation simple et efficace au bénéfice de ceux qui ont été privés de liberté, voire d'humanité pendant tant d'années, ce projet de loi est historique, et je suis fière de le porter en tant que rapporteure.
Je tiens à saluer ici le travail effectué par ma collègue Marie-Pierre Richer, rapporteure du Sénat, dont j'ai suivi attentivement les travaux, et qui a soutenu ce projet de loi avec ténacité et courage. Je remercie aussi la présidente de la commission de la défense de l'Assemblée nationale, Françoise Dumas, qui a joué un rôle important.
Je me félicite également que nos travaux préparatoires à cette réunion se soient déroulés dans un esprit coopératif et fécond, afin d'aboutir à une rédaction que j'estime juste, cohérente et équilibrée.
Le texte qui vous est aujourd'hui soumis permet notamment cette souplesse, cette flexibilité qui me semblent nécessaires, afin de mieux prendre en compte les situations individuelles et les cas atypiques.
Il appartiendra ainsi à la commission nationale instituée par l'article 3 de proposer toute mesure de reconnaissance et de réparation appropriée, et de signaler toute situation qui mérite un accompagnement spécifique. La commission pourra également proposer des évolutions de la liste relative aux structures d'accueil éligibles au dispositif de réparation.
Grâce aux travaux du Sénat et de l'Assemblée nationale, la rédaction initiale du projet de loi a été enrichie, afin de répondre aux préoccupations légitimes des harkis. Je ne doute pas, dans ce contexte, que nous arrivions aujourd'hui un accord. Les harkis le méritent, et c'est une immense fierté pour moi de contribuer à cette étape historique, en espérant que, demain, nous puissions tous nous en féliciter et être fiers de prononcer le mot « harki ».
M. Julien Aubert, député . - Nous étions extrêmement critiques à l'égard de la première version du texte. Le Sénat, qui, comme d'habitude, a réalisé un très bon travail, l'a améliorée. Cependant, pour des raisons constitutionnelles, il n'a pu corriger le fait que le projet de loi manque globalement sa cible.
Permettez-moi de vous citer des extraits du discours du Président de la République prononcé le 20 septembre 2021, parce que tout est parti de là : « Je sais très bien ce que vont me dire les rapatriés, les appelés, nos militaires. » « C'est l'abandon militaire et c'est ensuite l'abandon et la maltraitance des familles sur notre sol. Ça, c'est une spécificité. Et donc, la reconnaissance de ces deux faits, qui sont des caractéristiques historiquement établies », qui sont des singularités de la question des Français rapatriés, « doivent être mises dans cette loi, et cette loi aura vocation, c'est son objet principal et c'est ce qui justifie un texte de loi, à mettre en place une commission nationale. » Dans l'intention, il y avait donc deux aspects : l'abandon militaire et la maltraitance.
Ce texte se focalise sur la seule maltraitance dans des camps, légèrement élargis aux prisons reconverties. Il ignore le mécontentement assez fourni d'une partie de la composante harkie - je n'aime pas beaucoup parler de « communauté » -, qui proteste contre le fait qu'il divise quand il est censé réconcilier, en triant les gens suivant la manière dont ils ont été accueillis sur le territoire français.
Même si la rédaction issue des travaux du Sénat marque des progrès par rapport à celle de l'Assemblée nationale, il me semble que, par ce refus de considérer la volonté initiale du Président de la République, qui n'est que la reconnaissance de l'Histoire, ce texte manque sa cible. Par conséquent, je ne souhaite pas que ce soit cette version qui sorte de nos travaux.
Mme Émilienne Poumirol , sénatrice . - Ce texte ne répond pas à l'attente de nombre de nos compatriotes harkis. Il est clivant et déçoit. Il ne concerne finalement que la moitié des 80 000 ou 90 000 harkis qui sont venus sur notre sol. Nous avons essayé d'élargir la cible au maximum - il s'agissait d'une volonté transpartisane -, mais nos amendements sont tombés sous le coup de l'article 40 de la Constitution du fait de leur incidence budgétaire.
Néanmoins, nous considérons que le texte marque une avancée, même s'il procède de la politique des petits pas. Il y avait urgence pour certains harkis. Il fallait régler la situation des veuves. La levée du délai de forclusion, qui passe de quatre à six ans, permet de rattraper les dossiers qui seraient tombés en désuétude.
Ces avancées nous paraissent suffisantes pour voter le texte, même si ce dernier comporte des manques et ne saurait, en aucun cas, être un reçu pour solde de tout compte, parce qu'il laisse de côté une trop grande partie des harkis et de leurs descendants.
Un autre point nous tenait à coeur : le rappel que les harkis sont des citoyens français. Cela nous semblait un symbole fort. Si l'inscrire dans la loi signifie que nous abandonnions les harkis - peu nombreux - d'origine tunisienne ou marocaine, nous continuons cependant de regretter que la notion de citoyens français ne figure pas dans le texte.
Mme Jocelyne Guidez , sénatrice . - Les préjudices subis par les harkis restent, bien sûr, très douloureux, mais on ne peut pas dire que ce projet de loi ne soit pas une avancée. À cet égard, je voudrais remercier les deux rapporteures ainsi que Mme Darrieussecq pour le travail fructueux qui a été réalisé.
Les dispositions ont été améliorées de manière non négligeable. Cela dit, je considère que ce texte doit être considéré comme une nouvelle étape. Le travail ne s'arrête pas là : il devra continuer.
Le groupe Union Centriste votera ce projet de loi.
M. Laurent Burgoa , sénateur . - Je veux remercier la rapporteure pour le Sénat du travail important qu'elle a réalisé afin de faire évoluer le projet de loi et la rapporteure pour l'Assemblée nationale d'avoir pris en compte certaines remarques du Sénat.
Le groupe Les Républicains du Sénat votera bien évidemment le texte qui nous est présenté.
Mme Michèle Tabarot, députée . - Effectivement, un important travail a été réalisé, mais ce n'est pas suffisant.
Le Président de la République a affirmé une volonté politique. Tant mieux. Le texte laisse un goût amer à de nombreuses associations, toutes leurs demandes n'ayant pas été entendues. Pourtant, il suffisait de petits gestes supplémentaires pour que les choses puissent évoluer.
Nous le savons, 40 000 à 50 000 personnes restent en dehors du dispositif. J'entends qu'une commission est appelée à faire évoluer les choses, mais pourquoi ne pas avoir tout mis en oeuvre pour que la loi qui sera publiée prenne en considération la situation de toutes ces personnes ? Oui, certains harkis ont vécu dans des conditions difficiles, derrière des barbelés, mais ils ont tous connu un drame terrible : l'abandon de la France, puis le retour dans un pays qui était censé être le leur et où ils ont été accueillis de manière catastrophique. On se coupe de toutes ces personnes.
La date, particulièrement sensible, du 19 mars 1962, a été ignorée dans ce texte. S'il a fallu plus de dix ans pour que l'Assemblée nationale et le Sénat la valident, c'est bien qu'il y a encore eu, après celle-ci, un nombre de morts incroyable du côté des harkis comme des pieds-noirs...
Nos frères harkis nous avaient demandé de prendre en compte les injures qui les visaient. C'est l'objet de l'article 8, dont la rédaction est contestée.
Je veux bien que l'on se félicite du travail qui a été fait, mais pourquoi rester au milieu du gué ? Nous avions là, enfin, une très belle opportunité d'avancer et de panser les plaies de la communauté harkie, qui a suffisamment souffert pour son pays, la France.
M. Olivier Damaisin, député . - Je tiens moi aussi à féliciter Mmes les rapporteures. Leur travail a été très compliqué. Les auditions n'ont pas été des moments faciles.
Depuis 2017, j'ai participé aux travaux du groupe de travail sur les harkis piloté par le préfet Ceaux. Nous avons organisé de très nombreuses auditions et nous sommes allés sur le terrain. Il n'est donc pas nouveau, pour nous, de défendre la cause harkie.
Avec ce texte, peut-être ne sommes-nous pas allés jusqu'au bout, mais nous avons permis de grands progrès. Du reste, où est le bout dans cette histoire ? Ne faudrait-il pas, soixante ans plus tard, tourner la page pour tout le monde ? Pour ma part, je pense que le livre n'est pas fermé et qu'il faudra d'autres lois.
Je tiens à dire que de nombreuses associations se satisfont du texte que nous allons voter. Grâce à lui, des veuves qui ne touchaient rien vont percevoir une pension d'environ 8 300 euros. Nous pouvons en être fiers.
Avant le discours du 20 septembre dernier, les présidents Chirac, Sarkozy et Hollande s'étaient exprimés. Dès lors que la France a demandé pardon, on ne peut pas faire beaucoup mieux sur le plan mémoriel...
Restera l'écriture de l'Histoire. J'avais déposé un amendement à ce sujet, mais, soixante ans plus tard, je pense que ce n'est pas encore le bon moment : les tensions qui s'expriment actuellement dans notre pays ont rendu son adoption compliquée. Quoi qu'il en soit, le nombre de députés et, peut-être, de sénateurs qui ne connaissent pas l'histoire des harkis est assez impressionnant. Nous avons tous le devoir de communiquer sur ce sujet et de l'imposer dans les programmes de l'éducation nationale.
Soyons fiers de ce que nous allons tous voter. Certes, ce texte ne permettra pas de tout régler, mais je ne suis pas sûr que ce sera le cas un jour.
Comme moi, vous aurez remarqué que toutes les associations se présentent comme la plus importante, la plus représentative, celle qui détient la vérité... C'est un vrai problème. Je leur dis, depuis cinq ans, qu'il leur faut un leader, une association nationale fédératrice. Elles ne parviennent pas à s'organiser pour le moment. Cela complique fortement notre travail en commun.
Je peux vous dire que je considère véritablement les harkis comme des frères et, d'abord, comme des Français. Je ne comprends même pas que l'on pose la question. Les harkis sont des Français, un point c'est tout.
Article 1 er
L'article 1 er est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 1 er bis
L'article 1 er bis est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification rédactionnelle.
Mme Marie-Pierre Richer , sénatrice, rapporteure pour le Sénat . - La proposition commune de rédaction n° 1 supprime les modalités de désignation des parlementaires au sein de la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation, afin que chaque assemblée procède à cette désignation selon les modalités prévues par son Règlement - les parlementaires devaient initialement être désignés par les commissions permanentes des deux assemblées chargées des anciens combattants.
La proposition commune de rédaction n° 1 est adoptée.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 4
L'article 4 est adopté dans la rédaction du Sénat, avec des coordinations.
Article 7
L'article 7 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Mme Marie-Pierre Richer , sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Il est proposé de supprimer l'article 8, qui a été inséré par le Sénat. Celui-ci prévoit une peine d'amende spécifique pour l'injure et la diffamation commises envers un ancien supplétif en raison de sa qualité. L'injure et la diffamation à l'encontre des forces supplétives sont assimilées à celles qui visent les forces armées et sont déjà punies par la loi depuis 2012.
Lorsqu'elles sont adressées à un individu en raison de sa qualité réelle ou supposée d'ancien supplétif, le droit commun s'applique et des poursuites pénales peuvent être engagées. Il ne paraît donc pas nécessaire de créer un régime spécifique tel que le propose l'article, qui pourrait, en outre, créer une rupture d'égalité et susciter d'autres revendications.
Mme Patricia Mirallès, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale . - Certes, la loi de 2005 n'est pas assortie de sanctions, mais le législateur a déjà comblé ce vide juridique en adoptant la loi du 7 mars 2012, qui assimile l'injure et la diffamation à l'encontre des forces supplétives à celles qui visent les forces armées et permet aux associations de se constituer partie civile. Le régime existant est protecteur pour les harkis, puisqu'il assortit ces délits de véritables sanctions. Quant aux diffamations et injures adressées à titre individuel, elles relèvent du droit commun.
Instituer un régime spécifique aux harkis visés individuellement pourrait être jugé contraire au principe d'égalité par le juge constitutionnel. De surcroît, cela ouvrirait la voie à des revendications similaires émanant d'autres communautés, susceptibles de demander un traitement identique. C'est d'ailleurs en raison de ces risques que le législateur n'a pas retenu une telle option en 2012.
Comme je l'ai exprimé avec force à l'Assemblée nationale, je suis fière de prononcer le mot « harki ». Personne ne m'empêchera de le faire.
Mme Émilienne Poumirol , sénatrice . - Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant.
Les associations nous assurent qu'il est très difficile d'obtenir une sanction de la part des tribunaux. Très souvent, les gens sont déboutés. En dépit de la loi de 2012, les associations et les personnes qui portent plainte ne voient jamais leur requête aboutir. Prévoir dans le présent texte un délit d'injure spécifique aurait permis de combler ce manque. J'entends bien que le droit commun peut s'appliquer, mais, dans les faits, il semble que ce ne soit pas le cas. Cela dit, j'entends que cela pourrait créer une rupture d'égalité par rapport à d'autres « communautés » ou situations.
M. Julien Aubert, député . - Un texte qui ne produit aucune conséquence juridique ne change pas grand-chose pour les personnes concernées.
Compte tenu des rapports qui avaient fait état de l'ineffectivité du droit actuel, il nous semblait utile d'intégrer dans ce texte un dispositif plus fort, qui permettait d'ailleurs de caractériser la nature particulière des insultes faites aux harkis.
Pour paraphraser Bismarck, s'autocensurer par peur d'être sanctionnés par le Conseil constitutionnel, c'est se suicider par peur de la mort... Nous pourrions considérer qu'il est légitime qu'existe un tel délit, le maintenir dans la loi et laisser au Conseil constitutionnel le soin de faire son travail. D'ailleurs, si nous expurgeons le projet de loi de l'article 8, nous ne saurons jamais ce qu'il en pense.
L'article 8 est supprimé.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français.
*
* *