TITRE II
ETABLIR UN DIAGNOSTIC PRÉCOCE
Article 3
Examen de
dépistage des enfants de 4 et 10 ans
Cet article crée un examen de dépistage des troubles du neuro-développement.
La commission n'a pas adopté cet article.
I - Le dispositif proposé : la création d'examens de dépistage obligatoires et gratuits
A. Le dispositif existant de repérage et d'orientation des enfants atteints de troubles du neuro-développement
1. Les dispositifs de droit commun
Les médecins et pédiatres de ville ou en établissement de santé sont les premiers acteurs du dépistage, auquel participent également les services de médecine scolaire, les centres de protection maternelle et infantile (PMI) ou encore les maisons des adolescents.
Aux termes du code de la santé publique, les enfants bénéficient de vingt examens de santé au cours de leurs dix-huit premières années 7 ( * ) , entièrement pris en charge par l'assurance maladie sans avance de frais, et ainsi répartis : quatorze au cours des trois premières années, trois de la quatrième à la sixième année, et trois de la septième à la dix-huitième année. L'arrêté pris pour son application en 2019 a cependant resserré la période de ces examens périodiques obligatoires en fixant le dernier d'entre eux entre les quinze et seize ans de l'enfant 8 ( * ) .
Le même article du code de la santé publique précise que ces examens portent notamment sur la surveillance de la croissance staturo-pondérale de l'enfant, la surveillance de son développement physique, psychoaffectif et neuro-développemental , le dépistage des troubles sensoriels, la pratique ou la vérification des vaccinations, la promotion des comportements et environnements favorables à la santé, en particulier l'activité physique et sportive, et le dépistage d'éventuelles contre-indications à la pratique sportive.
Ils peuvent être pratiqués par un médecin généraliste ou un pédiatre en libéral, en centre de santé, en consultation externe dans un établissement ou en consultation de PMI pour ceux programmés jusqu'à 6 ans.
Dans le secteur médico-social, les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP) reçoivent les enfants de zéro à six ans, et les centres médico-psycho pédagogiques (CMPP) au-delà de cet âge, sans nécessité d'une orientation de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Sous la direction d'un médecin, leurs équipes associent des professions médicales et paramédicales, des psychologues et des personnels de services sociaux, éducatifs et administratifs.
Dans le secteur sanitaire, les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles (CMPP-IJ), rattachés à des établissements de santé, assurent des missions comparables à celles des CAMSP et CMPP à travers des actions de prévention, d'accueil, de diagnostic et des soins ambulatoires.
Il faut encore faire entrer dans le tableau d'ensemble les réseaux de santé régionaux de périnatalité, dont les missions sont la coordination des acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux, la formation des professionnels de santé aux dépistages néonatals - en particulier celui de la surdité -, et l'évaluation des pratiques.
2. Le parcours de bilan et intervention précoce pour les troubles du neuro-développement
La stratégie nationale relative à l'autisme et aux troubles du neuro-développement vise notamment à améliorer le repérage pour intervenir précocement. Afin de soutenir les familles confrontées aux premières difficultés de leurs enfants, un dispositif de repérage des écarts inhabituels de développement et de prise en charge des premières interventions avant même l'établissement d'un diagnostic a été mis en place. Sa base légale a été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 9 ( * ) .
Ce parcours de bilan et intervention précoce consiste à orienter les enfants présentant des écarts de développement vers une plateforme de coordination et d'orientation (PCO) où est rendue possible, sans attendre la stabilisation d'un diagnostic, l'intervention coordonnée d'une pluralité de professionnels pour la réalisation des bilans nécessaires, sans frais pour les familles, grâce à la contractualisation des ergothérapeutes, psychologues et psychomotriciens, aujourd'hui non conventionnés, avec la plateforme. L'orientation vers ces plateformes repose sur l'utilisation d'un outil de repérage destiné aux professionnels de première ligne, lequel doit tenir compte des spécificités de chaque trouble du neuro-développement.
Le parcours de bilan et d'intervention précoce a été étendu aux enfants de sept à douze ans, notamment suite aux demandes des associations représentant les personnes atteintes de TDAH. La circulaire interministérielle du 23 septembre 2021 10 ( * ) précise à cette fin les modalités de déploiement des PCO 7-12 ans, en ciblant expressément le TDAH et en renforçant l'implication de l'éducation nationale.
Le fonctionnement du parcours est résumé, si l'on peut dire, dans le schéma ci-dessous, tiré de la circulaire de septembre 2021.
Schéma du parcours d'intervention précoce
Source : circulaire interministérielle du 21 septembre 2021.
Pour la structuration des PCO destinées aux enfants de zéro à six ans, 12,9 millions d'euros issus de l'Ondam médico-social et 5,1 millions d'euros issus de la dotation annuelle de financement mentionnée à l'article L. 174-1 du code de la sécurité sociale, dite « Daf psy », ont été délégués aux agences régionales de santé (ARS). Une enveloppe de 90 millions d'euros pris sur l'Ondam de ville est prévue pour le financement des interventions libérales des psychologues, psychomotriciens et ergothérapeutes sur la base du forfait. Un renfort de 25 millions d'euros a été acté pour 2022.
En juillet 2021, 83 PCO 0-6 ans étaient effectivement installées, en partie ou en totalité.
Afin d'initier les premières PCO 7-12 ans, 3 millions d'euros inscrits dans l'Ondam médico-social ont été délégués à onze ARS en 2021, pour la création de 15 plateformes préfiguratrices.
À ce dispositif s'ajoutent des centres de référence spécialisés dans les troubles du neuro-développement, qui interviennent pour les situations complexes, en troisième ligne. Parmi ces structures, les centres de référence sur les troubles spécifiques du langage et des apprentissages (CRTLA), issus des préconisations du rapport Veber-Ringard de 2001 11 ( * ) , ont développé une expertise dans le TDAH. Il en existe actuellement une trentaine en France, et certains ont pu développer, de manière volontariste, une expertise dans le TDAH. Des rapports d'activité de ces centres sont réalisés chaque année.
La stratégie nationale autisme et TND mise en outre sur le repérage des adultes en établissement et services médico-sociaux et en établissements de santé autorisés en psychiatrie. Ce plan de repérage des adultes est fondé sur la définition d'une méthode nationale déclinée par les centres de ressources autisme, en lien avec les ARS. Si la démarche est axée TSA, elle peut néanmoins permettre d'identifier des troubles associés, dont fait partie le TDAH.
Les auditions conduites par la rapporteure l'ont convaincue que, pour une catégorie d'affections aussi sensibles à la précocité du traitement, les dispositifs de dépistage restaient trop timides.
De plus, les efforts d'organisation des acteurs de la prise en charge en un parcours efficace restent largement dépendants des moyens consacrés au fonctionnement de ces acteurs. La démographie de certaines professions médicales et paramédicales est ainsi un premier obstacle à la célérité du repérage et de la prise en charge. Les délais d'attente pour obtenir un rendez-vous chez un orthophoniste peuvent ainsi atteindre deux ans dans certains territoires. La situation des psychologues spécialisés dans les troubles du neuro-développement n'est guère plus reluisante.
Les structures d'accompagnement existantes dressent devant les familles des obstacles analogues. L'Igas a ainsi mesuré en 2018 les délais moyens d'attente dans les CAMSP et les CMPP 12 ( * ) , qui peuvent selon les territoires atteindre une année.
Délais moyens d'attente dans les CAMSP et les CMPP
Source : Igas, rapport de 2018.
B. Le dispositif proposé : la création de deux consultations de dépistage obligatoires et gratuites
L'article 3 crée deux consultations obligatoires de dépistage des troubles du neuro-développement remboursées par la sécurité sociale. Le mécanisme retenu s'inspire manifestement de celui prévu pour les examens bucco-dentaires de prévention tel que modifié par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 13 ( * ) , dans le cadre des engagements de reste à charge zéro pris par le Président de la République en 2018.
Le I crée d'abord un nouvel article au chapitre du code de la santé publique relatif aux examens obligatoires, qui dispose que les enfants sont soumis dans leur cinquième et leur onzième année à un « examen de dépistage des troubles neurodéveloppementaux réalisé par un médecin spécialisé ou par un médecin généraliste formé en la matière . [...] L'enseignant de l'enfant transmet, le cas échéant, des observations permettant l'aboutissement d'un diagnostic ».
Un deuxième alinéa renvoie à un nouvel article du code de la sécurité sociale les modalités de remboursement de ces examens.
Le troisième alinéa précise, en reprenant les dispositions de l'article relatif aux examens bucco-dentaires, qu'un accord conventionnel interprofessionnel détermine les modalités et conditions de mise en oeuvre de ces examens, concernant par exemple l'information des personnes concernées, la qualité des examens, le suivi des personnes et la transmission des données de santé.
Le II crée dans le code de la sécurité sociale l'article précisant que les examens de dépistage introduits dans le code de la santé publique, « ainsi que les soins consécutifs à cet examen » sont pris en charge en totalité par les régimes de base de l'assurance maladie et que les bénéficiaires sont dispensés de l'avance des frais.
La rapporteure estime ce dispositif de nature à améliorer le dépistage précoce des enfants, sous réserve de quelques modifications :
- d'abord, pour renvoyer au pouvoir réglementaire, après avis de la Haute autorité de santé, la fixation des âges des examens de dépistage. Les différents troubles du neuro-développement n'apparaissant pas au même moment du développement cérébral de l'enfant, il conviendrait de conserver un peu de souplesse dans la politique de dépistage généralisée.
- ensuite, il conviendrait d'expliciter le lien avec le parcours de bilan et intervention précoce, en précisant que ces examens de dépistage pourront conduire à l'entrée dans le parcours prévu à l'article L. 2135-1 du code de la santé publique.
- enfin, par cohérence et pour des raisons de lisibilité, il semble préférable de rapatrier dans cet article le contenu de l'article 4.
II - La position de la commission
La commission n'a pas adopté cet article.
Article 4
Inclusion des examens de dépistage
dans le périmètre de l'assurance maladie obligatoire
Cet article inclut les examens de dépistage obligatoires créés à l'article 3 dans le périmètre du risque maladie couvert par le régime général
La commission n'a pas adopté cet article.
I - Le dispositif proposé
Cet article précise l'article L. 160-8 du code de la sécurité sociale, relatif au périmètre de la couverture du risque maladie assuré par la sécurité sociale en ajoutant, à la suite de la couverture des frais engendrés par les examens bucco-dentaires, celle des « frais relatifs aux examens de dépistage des troubles neurodéveloppementaux » créés par les articles précédents.
La rapporteure estimait initialement que la lisibilité du dispositif général de la proposition de loi aurait gagné à ce que cette disposition soit rapatriée à l'article précédent : c'était l'objet de la proposition de modification de l'article 3, qui emportait la proposition de supprimer cet article.
II - La position de la commission
La commission n'a pas adopté cet article.
* 7 Article R. 2132-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-137 du 26 février 2019 relatif aux examens médicaux obligatoires de l'enfant et au contrôle de la vaccination obligatoire.
* 8 Arrêté du 26 février 2019 relatif au calendrier des examens médicaux obligatoires de l'enfant.
* 9 Article L. 2135-1 du code de la santé publique, créé par la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.
* 10 Circulaire interministérielle N° DIA/DGCS/SD3B/DGOS/R4/DGESCO/2021/201 du 23 septembre 2021 relative au déploiement des plateformes de coordination et d'orientation et l'extension du forfait d'intervention précoce de 7 à 12 ans.
* 11 Florence Veber et Jean-Charles Ringard, « plan d'action pour les enfants atteints d'un trouble spécifique du langage », mars 2001, rapport qui a inspiré la circulaire DHOS/O 1 n° 2001-209 du 4 mai 2001 relative à l'organisation de la prise en charge hospitalière des troubles spécifiques d'apprentissage du langage oral et écrit.
* 12 Igas, Évaluation du fonctionnement des Centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP), des Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), et des Centres médico-psychologiques de psychiatrie infanto-juvénile (CMP-IJ), septembre 2018.
* 13 Article L. 2132-2-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 51 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.