N° 240

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er décembre 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi relative à la commémoration de la répression d' Algériens le 17 octobre 1961 et les jours suivants à Paris ,

Par Mme Valérie BOYER,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

42 et 241 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le 1 er décembre 2021, la commission des lois du Sénat n'a pas adopté, sur le rapport de Valérie Boyer (Les Républicains - Bouches-du-Rhône), la proposition de loi n° 42 (2021-2022) relative à la commémoration de la répression d'Algériens le 17 octobre 1961 et les jours suivants à Paris, présentée par Rachid Temal, Jean-Marc Todeschini, David Assouline et Hussein Bourgi et inscrite par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain dans le cadre de son espace réservé.

La proposition de loi se compose de deux articles.

Le premier tend à la reconnaissance par la France de sa responsabilité « dans la répression de manifestants algériens réclamant pacifiquement l ' indépendance de leur pays ayant eu lieu le 17 octobre 1961 et les jours suivants à Paris ».

Le second tend à ce qu'une commémoration officielle rende hommage chaque 17 octobre aux victimes de la répression de manifestants algériens réclamant pacifiquement l'indépendance de leur pays.

I. LA MANIFESTATION DU 17 OCTOBRE 1961 ET SA RÉPRESSION FONT L'OBJET D'UN IMPORTANT TRAVAIL HISTORIQUE ET MÉMORIEL

A. UNE HISTOIRE DÉSORMAIS ÉTABLIE ET LARGEMENT ACCESSIBLE

Soixante ans après la manifestation du 17 octobre 1961, ce n'est pas la question de la responsabilité pénale des acteurs qui est posée, mais celle de l'histoire et de la mémoire .

Les violences illégales commises lors de la répression de la manifestation le 17 octobre 1961 et les jours suivants n'ont pas eu de suites judiciaires. Les instructions, dont l'ouverture avait empêché la constitution d'une commission d'enquête sénatoriale, n'ont en effet pas abouti avant que la publication de l'ordonnance du 14 avril 1962 1 ( * ) n'entraine l'amnistie pour ces faits.

Après une « triple occultation » 2 ( * ) de l'événement et de ses victimes, la manifestation du 17 octobre 1961 a fait, depuis plus de trente-cinq ans, l'objet de nombreuses études historiques. Selon l'estimation de deux historiens britanniques, Jim House et Neil MacMaster, plus d'une centaine de livres et d'articles consacrés spécifiquement à cet événement ont été publiés dans les vingt ans qui ont suivi la publication d'un premier ouvrage en 1985. Ce chiffre a déjà été dépassé pour la période plus courte qui va de 2006 à 2021.

Les travaux des historiens ont été rendus possibles par la large ouverture anticipée des archives de la police et de la justice . Le 17 octobre 1997, à la suite de la discussion de la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 dans le cadre du procès intenté à Maurice Papon pour complicité de crime contre l'humanité, le ministre de l'Intérieur Jean-Pierre Chevènement déclarait vouloir faciliter l'accès à l'information, permettant, suite au rapport de la mission Mandelkern 3 ( * ) , l'octroi de dérogations pour l'accès aux archives de la préfecture de police. Comme le précise la réponse apportée par le ministre de l'Intérieur à une question écrite de Nicole Borvo Cohen-Seat, alors sénatrice, en 2002 4 ( * ) : « une circulaire du Premier ministre datée du 4 mai 1999 et concernant l'accès aux archives relatives à la manifestation du 17 octobre 1961 est venue assouplir ce régime dérogatoire. La circulaire du Premier ministre, datée du 13 avril 2001 et publiée au Journal officiel du 26 avril 2001, a ensuite étendu ces facilités d'accès à l'ensemble des archives publiques en relation avec la guerre d'Algérie ». Des archives qui n'auraient pu être accessibles qu'en 2021 en application de la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 et du décret n° 79-1038 du 3 décembre 1979 sur les archives le sont donc depuis plus de vingt ans.


* 1 Ordonnance n° 62-428 rendant applicable sur l'ensemble du territoire de la République le décret n° 62-328 du 22 mars 1962 portant amnistie de faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dirigées contre l'insurrection algérienne.

* 2 Selon l'expression de l'historien Gilles Manceron dans l'analyse publiée en 2011 avec l'ouvrage Le 17 octobre des Algériens de Marcel et Paulette Péju. Les trois facteurs qui ont contribué au silence entourant le 17 octobre ont été : « la négation et la dénaturation immédiates des faits de la part de l'État français, prolongée par son désir de les cacher ; la volonté de la gauche institutionnelle que la mémoire de la manifestation de Charonne contre l'OAS en février 1962 recouvre celle de ce drame ; et le souhait des premiers gouvernements de l'Algérie indépendante qu'on ne parle plus d'une mobilisation organisée par des responsables du FLN qui étaient, pour la plupart, devenus des opposants. »

* 3 Rapport de M. Dieudonné Mandelkern pour l'établissement d'un inventaire des archives administratives sur la répression de la manifestation du FLN du 17 octobre 1961, remis au ministre de l'Intérieur le 8 janvier 1998.

* 4 Réponse du Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales publiée dans le JO Sénat du 05/09/2002 - page 1971.

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