B. UN VOLET « DIRIGÉ » DONT LES GRANDES LIGNES SEMBLENT DÉSORMAIS ARRÊTÉES, EN DÉPIT D'UNE BUDGÉTISATION ENCORE TRÈS INDICATIVE

1. Des stratégies d'accélération en cours de finalisation

Doté de 12,5 milliards d'euros dont 2,5 milliards d'euros en fonds propres, le programme 424 « Financement des investissements stratégiques » a vocation à financer des investissements exceptionnels sur l'ensemble du continuum de l'innovation .

En pratique, ce programme ambitionne donc de cibler certains secteurs, marchés ou technologies qui sont considérés comme prioritaires pour la résilience et la souveraineté de notre économie, ou pour la transition écologique et énergétique.

Le soutien apporté à ces secteurs s'inscrit dans le cadre de stratégies d'accélération cohérentes permettant de mobiliser tous les leviers de l'intervention publique de manière coordonnée , qu'il s'agisse de la fiscalité, les efforts de recherche, le besoin de formation, mais également les normes juridiques applicables.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, un certain nombre de stratégies étaient évoquées, mais aucune n'avait été officiellement validée. Dans le budget 2022, le volet « dirigé » tend néanmoins à se préciser, puisqu'à ce jour, 19 stratégies ont été validées par le comité exécutif du Conseil interministériel de l'innovation, dont 10 ont pu faire l'objet d'annonces politiques :

- technologies quantiques ;

- cybersécurité ;

- hydrogène décarboné ;

- enseignement et numérique ;

- ville durable et bâtiments innovants ;

- biothérapies et bioproduction de thérapies innovantes ;

- maladies infectieuses émergentes - menaces nucléaires radiologiques et chimiques ;

- santé numérique ;

- 5G et futures technologies de télécommunication ;

- recyclage et réincorporation de matériaux recyclés.

En parallèle, les stratégies suivantes n'ont pour l'instant fait l'objet d'aucune annonce, ou sont encore en cours d'élaboration :

- décarbonation de l'industrie ;

- industries culturelles et créatives françaises ;

- produits biosourcés - carburants durables ;

- technologies avancées pour les systèmes énergétiques ;

- alimentation durable et favorable à la santé ;

- systèmes agricoles durables et équipements agricoles contribuant à la transition écologique ;

- digitalisation et décarbonation des mobilités ;

- cloud ;

- verdissement numérique.

2. Une budgétisation peu étayée, témoignant d'un programme encore en cours de construction

Le volet dirigé du PIA 4 présente donc la particularité de ne pas être sectorisé , contrairement à la pratique retenue jusqu'alors ; en effet les crédits portés par les PIA 1, 2 et 3 faisaient l'objet d'une répartition sectorielle , chaque ligne budgétaire renvoyant à une action spécifique (la création de nouveaux cursus à l'université), une structure bénéficiaire (par exemple les SATT) ou une politique publique (enseignement supérieur, recherche, transport, défense, etc.)

Le PIA 4 ambitionnant de soutenir les innovations selon leur degré de maturité , de l'amont vers l'aval, les cinq actions composant le programme 424 correspondent à des outils de financement distincts, ayant vocation à être mobilisés à tour de rôle dans le cadre du déploiement de chacune des stratégies d'accélération .

Répartition par actions des crédits du programme 424

(en millions d'euros)

Niveau d'intervention sur le continuum de l'innovation

Actions

AE

Sélection et financement des projets de recherche en amont, pour construire le leadership français

01 - Programmes et équipements prioritaires de recherche

3 000

Soutien des programmes d'innovation de rupture, permettant de lever des verrous technologiques et aide à la valorisation

02 - Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche

1 500

Financement des premières commerciales, accompagnement des expérimentations en conditions réelles, développement d'incubateurs thématisés

03 - Démonstration en conditions réelles, amorçage et premières commerciales

2 500

Vérification de l'effectivité des conditions de diffusion et d'adoption des innovations afin de permettre leur déploiement à grande échelle

04 - Soutien au déploiement

3 000

Intervention en fonds propre, sur la phase aval

05 - Accélération de la croissance (fonds propres)

2 500

Total

12 500

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Concrètement, les stratégies d'innovation adoptées peuvent mobiliser les lignes budgétaires suivantes :

- « Programmes et équipements prioritaires de recherche », pour un montant total de 3,0 milliards d'euros sur 5 ans, afin de sélectionner et financer des projets de recherche. Cet instrument, qui s'inscrit dans la continuité des actions menées dans le PIA 3, est mis en oeuvre par l'Agence nationale de la recherche (ANR) , dans le cadre d'une convention avec l'État ;

- « Maturation de technologies, R&D et valorisation de la recherche », action dotée de 1,5 milliard d'euros sur cinq ans, et mise en oeuvre conjointement par l'ANR et Bpifrance, permettant de soutenir des programmes d'innovation de rupture sur le modèle des « grands défis » financés par le Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII), mais aussi d'accompagner des projets de recherche portés par des entreprises en partenariat avec des laboratoires de recherche publique ;

- « Démonstration en conditions réelles, amorçage et premières commerciales », action s'inscrivant dans le prolongement des actions du PIA 3 (notamment les « territoires d'innovation »), opérée par Bpifrance, l'Ademe et la Banque des territoires et bénéficiant de 2,5 milliards d'euros . Cet instrument a vocation à financer les premières commerciales (industrielles et de services), de façon à démontrer la viabilité des innovations dont les verrous technologiques ont été levés et d' accompagner les expérimentations en conditions réelles.

- « Soutien au déploiement », action disposant d'une enveloppe de 3,0 milliards d'euros. Ayant vocation à garantir l'effectivité des conditions de diffusion et d'adoption des innovations, permettant d'envisager un déploiement à grande échelle et de renforcer la souveraineté des modèles sur certaines chaînes de valeur stratégique, elle sera opérée selon les secteurs et les stratégies par Bpifrance, l'ANR, l'Ademe et la Banque des territoires.

Alors que les quatre premières actions constituent des instruments subventionnels, la dernière action « Accélération de la croissance » , prévoit une intervention en fonds propres , à hauteur de 2,5 milliards d'euros .

En 2022, comme en 2021, 1,5 milliard d'euros de crédits de paiement sont demandés au titre du volet dirigé . Au sein de chaque action, ces crédits ont vocation à être répartis entre les opérateurs au pro-rata de l'enveloppe totale qui leur est affectée.

Évolution des crédits du programme 424

(en millions d'euros)

Actions

AE 2021

CP 2021

CP 2022

Variation 2021/2022

01 - Programmes et équipements prioritaires de recherche

3 000

300

300

0%

02 - Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche

1 500

150

150

0%

03 - Démonstration en conditions réelles, amorçage et premières commerciales

2 500

250

250

0%

04 - Soutien au déploiement

3 000

300

300

0%

05 - Accélération de la croissance

2 500

500

500

0%

Total

12 500

1 500

1 500

0 %

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Ces crédits de paiement ont vocation à financer les premiers engagements pris par les opérateurs du PIA ; en effet, plusieurs dispositifs ont été lancés au cours de l'année 2021 - même si aucun projet n'a encore été contractualisé ou décaissé :

- un premier appel à projet mené dans le cadre de l'action 01 « Programmes et équipements prioritaires de recherche », a permis de sélectionner quatre « stratégies exploratoires » sur la vingtaine de stratégies qui devraient in fine bénéficier d'un financement, chacune donnant lieu au lancement d'appels à projets ou appels à manifestation d'intérêt ;

- l'action 02 « Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche » a financé le lancement de plusieurs appels à projets au titre de la stratégie « Cybersécurité » (« Développement de technologies innovantes critiques », « Mutualisation et valorisation des données d'intérêt cyber » et « Projets innovants sur le Campus Cyber »). En parallèle, des procédures sont en cours de préparation pour les stratégies « quantique », « nucléaire » et « recyclabilité » ;

- enfin, plusieurs dispositifs ont été ouverts au titre de crédits inscrits sur les actions 03 « Démonstration en conditions réelles, amorçage et premières commerciales » et 04 « Soutien au déploiement » , comme l'appel à manifestation « Démonstrateurs numériques dans l'enseignement supérieur », qui s'inscrit dans la stratégie « Enseignement numérique », l'appel à projets « Solutions innovantes pour l'amélioration de la recyclabilité, le recyclage et la réincorporation des matériaux », qui participe de la stratégie éponyme ou encore un appel à projets « Industrialisation de produits et systèmes constructifs bois et autres biosourcés », dans le cadre de la stratégie « Solutions pour la Ville Durable et les Bâtiments Innovants ».

Il ressort néanmoins des auditions menées par le rapporteur spécial que le contenu de ces actions demeure encore très indicatif, les dispositifs étant encore, pour la plupart, en cours de construction . Ainsi, les dotations allouées aux différents appels à projets sont encore sujettes à discussion - les stratégies nationales n'ayant pas encore toutes été dévoilées.

Cela est encore plus vrai dans le cas de la dernière action, « Accélération de la croissance », pour laquelle les instruments envisagés n'ont pas encore été arrêtés . Selon les informations transmises au rapporteur spécial, trois fonds auraient vocation à prendre le relais des structures créées au titre du PIA 3 - à savoir un Fonds national d'amorçage n°3, un Fonds multicap croissance n°4 et un Fonds French Tech Souveraineté, prévoyant un dispositif d'investissements directs de l'État dans des entreprises technologiques.

En parallèle serait créé un fonds successeur du fonds Ecotech et du fonds « Ville de demain », pour couvrir toutes les classes d'actifs.

Enfin, les documents budgétaires précisent qu'une enveloppe dont le montant n'est pas encore été arrêté aura vocation à constituer une dotation de flexibilité sur les 5 ans du PIA , dans l'hypothèse où un besoin non identifiable aujourd'hui viendrait à émerger.

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