N° 112
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 octobre 2021
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la
proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale
après engagement de la procédure
accélérée,
visant à
améliorer
les
conditions
de
présence
parentale
auprès d'un
enfant
dont la
pathologie
nécessite un
accompagnement
soutenu
,
Par Mme Colette MÉLOT,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Laurence Garnier, Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, M. Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, M. Olivier Léonhardt, Mmes Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe .
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : |
3422 , 3579 et T.A. 509 |
Sénat : |
157 (2020-2021) et 113 (2021-2022) |
L'ESSENTIEL
___________
Réunie le mercredi 27 octobre 2021 sous la présidence de Mme Catherine Deroche, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de Mme Colette Mélot sur la proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d'un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu.
Le congé de présence parentale et l' allocation journalière de présence parentale sont des dispositifs précieux pour soulager des situations familiales complexes et douloureuses. Ils permettent en effet aux parents d' interrompre leur activité professionnelle et de bénéficier d'une compensation de la perte de revenus associée afin d'accompagner un enfant dont la dégradation de l'état de santé, résultant d'une pathologie - telle qu'un cancer pédiatrique -, d'un handicap ou d'un accident particulièrement grave, justifie un accompagnement soutenu.
La proposition de loi déposée le 14 octobre 2020 par le député Paul Christophe vient compléter un mouvement d'adaptation de ces dispositifs aux besoins d'accompagnement des enfants et à la réalité quotidienne des parents, enclenché il y a plus de deux ans par la loi du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques 1 ( * ) . En ouvrant la possibilité de renouveler le congé de présence parentale et l'allocation journalière correspondante au-delà de 310 jours sur une période de référence de trois ans, son article unique apporte une évolution bienvenue qui permet de mieux tenir compte de la réalité de la pathologie ou du handicap de l'enfant et des soins qu'il requiert.
Pleinement favorable à cette mesure qui répond aux attentes des familles, la commission a adopté à l'unanimité la proposition de loi sans modification .
I. L'ALLOCATION JOURNALIÈRE DE PRÉSENCE PARENTALE : UN DISPOSITIF DE PLUS EN PLUS MOBILISÉ
A. UNE PRESTATION INDISPENSABLE POUR LES PARENTS ACCOMPAGNANT DES ENFANTS GRAVEMENT MALADES, ACCIDENTÉS OU HANDICAPÉS
1. Un dispositif amélioré à plusieurs reprises dans la période récente
Créés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 2 ( * ) , le congé de présence parentale (CPP) et l'allocation journalière de présence parentale (AJPP) visent à permettre aux parents d' accompagner un enfant à charge atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité et qui sont contraints d'interrompre leur activité professionnelle afin d'assurer une présence soutenue auprès de leur enfant et la mise en oeuvre, le cas échéant, de soins contraignants.
Aux termes de l'article L. 1225-62 du code du travail, un salarié peut ainsi bénéficier, au titre du CPP, d'un maximum de 310 jours ouvrés de congés . La durée initiale du congé correspond à la durée prévisible de traitement de l'enfant précisée par le certificat médical attestant de la particulière gravité de la maladie, du handicap ou de l'accident et du caractère indispensable d'une présence parentale soutenue et de soins contraignants. La durée maximale pendant laquelle le salarié peut bénéficier d'un CPP pour un même enfant et pour une même affection est de trois ans 3 ( * ) .
En complément de ce congé, le parent bénéficie, pour chaque jour de CPP, d'une AJPP , en application de l'article L. 544-1 du code de la sécurité sociale. Le droit à cette prestation, soumis à l'avis favorable du service du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) dont relèvent l'assuré et son enfant, est ouvert pour l'enfant qui reste à charge jusqu'à l'âge de vingt ans et pour une durée égale à la durée prévisible du traitement. Par analogie avec les conditions de bénéfice du CPP, l'AJPP est versée au cours d'une période maximale de trois ans 4 ( * ) et, au sein de cette période de trois ans, le nombre maximal d'allocations journalières versées est égal à 310 5 ( * ) .
L'impact du congé de présence parentale sur les droits à la retraite
En application de l'article L. 381-1 du code de la sécurité sociale, la personne bénéficiaire de l'AJPP est affiliée à l'assurance vieillesse du régime général, via l'assurance vieillesse des parents au foyer . Aux termes de l'article R. 381-3-1 du même code, la cotisation due au titre des personnes bénéficiaires de l'AJPP est égale au taux cumulé de la cotisation employeur et salarié dans le régime général de sécurité sociale, pour la couverture du risque vieillesse. Cette cotisation est assise sur une assiette forfaitaire égale, par jour, à 1/22 e de la valeur de 169 fois le salaire minimum de croissance.
S'agissant des fonctionnaires, si les lois statutaires des trois fonctions publiques prévoient que le fonctionnaire « n'acquiert pas de droits à la retraite » pendant son congé parental, les jours de CPP sont, depuis la réforme des retraites de 2003, comptabilisés comme des jours de service effectif pour le calcul des droits à la retraite des fonctionnaires dans la limite de trois ans par enfant né ou adopté à partir du 1 er janvier 2004, en application de l'article L. 9 du code des pensions civiles et militaires.
Ces dispositifs ont été modifiés à deux reprises au cours de la période récente afin d'en renforcer la flexibilité et de mieux répondre aux besoins d'accompagnement de l'enfant :
l' article 5 de la loi du 8 mars 2019 précitée 6 ( * ) , issue d'une initiative de l'ancienne députée Nathalie Elimas, a assoupli les conditions de bénéfice du CPP et de l'AJPP :
- alors que la poursuite du CPP était conditionnée au réexamen tous les six mois de la durée prévisible de traitement par le médecin, a été ouverte la possibilité pour ce dernier de fixer une échéance de réexamen de cette durée comprise entre six mois et un an. Lorsque la durée prévisible excède un an, elle fait l'objet d'un nouvel examen à cette échéance ;
- les conditions permettant de renouveler le CPP et de rouvrir les droits à l'AJPP au-delà de la période initiale des trois ans ont été étendues : outre les cas de rechute ou de récidive de la pathologie de l'enfant, le salarié peut également bénéficier à nouveau du CPP et de l'AJPP, pour une nouvelle période maximale de trois ans, « lorsque la gravité de la pathologie de l'enfant [...] nécessite toujours une présence soutenue et des soins contraignants », ce qui permet de tenir compte des situations de perpétuation de la gravité de l'état de l'enfant requérant toujours un accompagnement soutenu au-delà de la période initiale de trois ans ;
- la durée du CPP est désormais prise en compte dans son intégralité, et non plus pour moitié seulement, dans la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté dans l'entreprise 7 ( * ) ;
l' article 69 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 8 ( * ) a ouvert la possibilité pour le salarié, avec l'accord de son employeur, de fractionner le CPP ou de le transformer en période d'activité à temps partiel . En conséquence, le montant de l'AJPP peut être modulé en cas de fractionnement du CPP ou de maintien en activité à temps partiel.
Comme le rappelle un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) de juin 2019 9 ( * ) , l'AJPP peut être cumulée avec l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), mais pas avec les compléments de l'AEEH . En cas de droit potentiel de l'enfant à l'AEEH, il devient alors éligible à un « accès à la prestation complémentaire du handicap (PCH) “hormis les aides humaines” ». Constatant l'impossibilité de déterminer le nombre d'enfants cumulant l'AEEH de base et la PCH, l'IGAS a vu dans l'inscription, par la loi du 8 mars 2019, d'une obligation d'information des familles sur leurs droits le signe « d'un manque d'intégration de l'AJPP dans le système de compensation pour les enfants ».
2. Un recours croissant à l'allocation journalière de présence parentale
Le recours à l'AJPP est dynamique sur une période longue, avec une augmentation du nombre de bénéficiaires supérieure à 70 % sur la période 2013-2020. Un peu moins de 10 000 familles ont ainsi bénéficié en 2020 de l'AJPP, pour un coût total de 97 millions d'euros , tous régimes confondus.
Évolution du nombre de familles
bénéficiaires de l'AJPP
et du coût du dispositif depuis
2013
Source : Direction de la sécurité sociale
Le montant de l'AJPP est fixé en 2021, après CRDS, à 52,13 euros pour une personne seule et à 43,87 euros pour une personne en couple 10 ( * ) . L'allocation ne peut être versée que sur les 22 jours ouvrés du mois 11 ( * ) , lesquels peuvent être partagés entre les deux membres du couple. Le montant mensuel moyen d'AJPP perçu par les bénéficiaires est ainsi estimé, par la direction de la sécurité sociale, à 846 euros en 2020. Alors que le montant de l'AJPP était jusqu'ici revalorisé en fonction de l'inflation, un amendement du Gouvernement 12 ( * ) au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 prévoit désormais que l'allocation sera revalorisée, au 1 er janvier de chaque année, en référence au salaire minimum de croissance rapporté à une valeur journalière et net des prélèvements obligatoires.
Selon la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), la durée moyenne de versement de l'AJPP s'établirait à huit mois . Lorsque la maladie, le handicap ou l'accident de l'enfant entraîne directement des dépenses mensuelles supérieures ou égales à 27,19 % de la base mensuelle de calcul des allocations familiales - soit environ 113 euros -, un complément forfaitaire mensuel pour frais du même montant est attribué au bénéficiaire de l'AJPP.
En 2020, les familles monoparentales ont représenté un peu plus de 23 % des bénéficiaires de l'AJPP au titre du régime général. Il est à noter que le nombre d'AJPP versées pour un même enfant au titre du mois civil à l'un ou aux deux membres du couple ne peut être supérieur à 22 13 ( * ) , si bien que, dans l'hypothèse où les deux parents interrompraient simultanément leur activité professionnelle pendant un mois complet, ils ne percevraient, tous les deux réunis, que 22 AJPP alors qu'ils cumuleraient un total d'au moins 44 jours de suspension de leur rémunération.
* 1 Loi n° 2019-180 du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l'oubli.
* 2 Loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001.
* 3 Article D. 1225-16 du code du travail.
* 4 Article D. 544-1 du code de la sécurité sociale.
* 5 Article L. 544-3 du code de la sécurité sociale.
* 6 Loi n° 2019-180 du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l'oubli.
* 7 Article L. 1225-65 du code du travail.
* 8 Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.
* 9 Daniel Lenoir et Hervé Droal, Améliorer et simplifier la compensation du handicap pour les enfants - Clarifier l'articulation entre l'AEEH et la PCH , rapport de l'inspection générale des affaires sociales n° 2018-126R de juin 2019.
* 10 Soit, respectivement, 12,63 % et 10,63 % de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF = 414,81 euros) (article D. 544-6 du code de la sécurité sociale).
* 11 Article D. 544-8 du code de la sécurité sociale.
* 12 Adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, cet amendement a inséré un article 32 sexies dans le PLFSS pour 2022 qui modifie l'article L. 544-6 du code de la sécurité sociale relatif aux conditions de fixation du montant de l'AJPP.
* 13 Article D. 544-4 du code de la sécurité sociale.