B. UNE EXÉCUTION EN 2020 MARQUÉE PAR UN « EFFET CISEAU », APRÈS UNE ANNÉE 2019 EXCEPTIONNELLE

Les dépenses, les recettes et le solde du compte d'affectation spéciale
« Gestion du patrimoine immobilier de l'État » en 2020

(en millions d'euros)

Exécution 2018

Exécution 2019

LFI 2020

Exécution 2020

Exécution 2020/ Exécution 2019

Exécution 2020 / LFI 2020

Recettes

Produit des cessions immobilières

281,3

622,0

280,0

167,3

- 73,11 %

- 40,26 %

Produit de redevances domaniales

89,2

107,1

100,0

94,3

- 11,94 %

- 5,71 %

Dépenses

AE

362,6

598,3

428,0

392,5

- 34,41 %

- 8,30 %

CP

480,6

385,8

447,0

522,0

35,31 %

16,78 %

Équilibre

Solde annuel

- 110,1

343,2

- 67,0

- 260,5

Solde cumulé

702,3

1045,5

978,5

785,1

- 24,91 %

- 19,77 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. Des recettes en chute et affectées par la crise sanitaire

Alors que l'année 2019 s'était caractérisée par des produits de cessions exceptionnels, 2020 renoue avec la tendance observée en 2017 et en 2018, celle d'une diminution des produits de cession . Ces derniers s'établissent à 167,3 millions d'euros , pour 567 biens cédés , contre 622 millions d'euros et 663 biens cédés en 2019. 23 cessions sont dites « significatives », avec un produit supérieur à un million d'euros.

Depuis 2017, les redevances domaniales ou les loyers perçus par l'État 6 ( * ) font également partie des ressources du CAS. Leur produit, en légère diminution en 2020 (94,7 millions d'euros), est exclusivement alloué aux dépenses d'entretien afin de maintenir le parc immobilier en bon état. Il pourrait connaître une nouvelle baisse en 2021, le montant des redevances dues au titre de l'année n étant calculé à partir du chiffre d'affaires de l'année n-1 .

Lors de l'examen du projet de troisième loi de finances rectificative pour 2020 7 ( * ) , et pour tenir compte des conséquences de la crise sanitaire, la prévision en recettes avait été révisée en baisse de 70 millions d'euros , dont :

- 60 millions d'euros au titre des produits de cession , du fait du gel pendant plusieurs mois des transactions immobilières et des programmes de cession d'éléments du patrimoine immobilier de l'État. La prévision avait de nouveau été revue en baisse de 40 millions d'euros lors de la quatrième loi de finances rectificative 8 ( * ) ;

- 10 millions d'euros pour les redevances domaniales . L'article 1 er de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 avait en effet conduit à l'annulation du montant des redevances et produits de location dus au titre de l'occupation du domaine public de l'État et du domaine public de ses établissements publics pour une durée limitée à trois mois à compter du 12 mars 2020. Cette annulation visait notamment les petites et moyennes entreprises dans les domaines du tourisme, de l'hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture et de l'événementiel et particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de l'épidémie du covid-19.

Il convient enfin de relever que plusieurs mécanismes sont de nature à minorer le montant des produits de cessions des biens immobiliers de l'État. Il s'agit tout d'abord des cessions à l'euro symbolique , qui concernent les terrains militaires (cinq en 2020) ainsi que de la mobilisation du foncier public en faveur de la construction de logements sociaux , par le biais du dispositif de la décote . Cet effort s'élève à 229 millions d'euros pour la période 2013-2020 , pour 123 fonciers domaniaux cédés et un produit de cession de 151 millions d'euros. Trois biens ont été cédés dans ce cadre en 2020, avec une décote de 2,6 millions d'euros .

2. Des dépenses en forte hausse, du fait des recettes exceptionnelles enregistrées en 2019

Du fait des règles budgétaires encadrant la gestion du compte d'affectation spéciale 9 ( * ) , le niveau et la consommation des autorisations d'engagement (AE) d'une année n sont liés aux recettes constatées la même année , avec un impact sur les crédits de paiement (CP) de l'année en cours et, surtout, des années suivantes. Ces règles expliquent la hausse très significative des dépenses du CAS en CP entre 2019 et 2020 (+ 35 %) , pour atteindre 522 millions d'euros , et ce en dépit de l'impact de la crise sanitaire sur la conduite des projets immobiliers de l'État. Ces dépenses étant liées aux recettes exceptionnelles enregistrées en 2019, une baisse des dépenses est attendue en 2021, les produits de cession enregistrés en 2020 ayant notamment été très décevants.

La crise sanitaire n'a donc eu que peu d'effets sur la mobilisation des crédits du CAS pour les projets immobiliers . La direction de l'immobilier de l'État (DIE) estime toutefois que si cet impact n'est pas visible pour les ministères, il l'est pour les administrations déconcentrées . La plus faible consommation des crédits par les budgets opérationnels de programme régionaux s'expliquerait par l' interruption des procédures et des chantiers lors du premier confinement . La crise sanitaire aurait également conduit, en plus du niveau modéré des produits de cession, à une moindre consommation des autorisations d'engagement, les gestionnaires attendant une meilleure visibilité et de meilleures conditions pour engager les opérations immobilières, ce qui pourrait avoir en retour un effet à la baisse sur la consommation des crédits de paiement en 2021.

Dans ce contexte d'augmentation significative des dépenses, la couverture des opérations structurantes avait suscité l'interrogation du contrôleur budgétaire et comptable ministériel 10 ( * ) , qui s'inquiétait de la capacité pour la DIE à couvrir ces opérations, et notamment l'achat de nouveaux terrains, compte tenu du niveau élevé des paiements d'ores et déjà intervenus au début de l'année 2020. Aucune difficulté n'avait toutefois été relevée pour le financement des dépenses d'entretien de l'État-propriétaire.

3. Une dégradation du solde qui s'explique par cet effet ciseau

Si les recettes exceptionnelles enregistrées en 2019 avaient permis au CAS de retrouver un solde cumulé excédentaire et d'un montant inédit - plus d'un milliard d'euros - le décalage précédemment explicité entre recettes et dépenses en 2020 s'est traduit par le déficit annuel le plus bas constaté depuis 2009, affectant de fait le solde cumulé du compte .

Le solde annuel et le solde cumulé du compte d'affectation spéciale
« Gestion du patrimoine immobilier de l'État » depuis 2008

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le solde du compte d'affectation spéciale ne suscite toutefois pas pour le moment d'inquiétudes . La Cour des comptes relève en parallèle que le solde des restes à payer se réduit et demeure maîtrisé 11 ( * ) . Par ailleurs, toutes les conséquences de la crise sanitaire et économique sur les opérations immobilières de l'État n'ont pas encore pu être totalement mesurées, la DIE signalant qu'il s'agit là d'un travail en cours. Ses résultats seront sans doute de nature à donner une vision plus précise sur l'exécution à venir de ces opérations. Le premier effet qui commence à se matérialiser est celui de la hausse très sensible du coût des matières premières , de l'ordre de 10 %, et qui pourrait pénaliser les opérations en cours.


* 6 Il s'agit des redevances ou loyers provenant des concessions ou autorisations de toute nature de la compétence du représentant du ministre chargé du budget dans le département, des concessions de logement dont l'État est propriétaire ou locataire, des locations d'immeubles de son domaine privé et des redevances et loyers du domaine public et privé dont le ministre des armées est le gestionnaire.

* 7 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 .

* 8 Loi n° 2020-1473 du 30 novembre 2020 de finances rectificative pour 2020

* 9 Celles-ci prévoient notamment que le total des dépenses engagées ou ordonnancées en cours d'année ne peut excéder le total des recettes constatées et que les montants d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement non consommés en année n-1 et reportés en année n ne dépassent pas le solde de trésorerie du compte à la fin de l'année n-1 (`article 21 de la loi organique relative aux lois de finances).

* 10 Rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable ministériel près le ministère de l'économie, des finances et de la relance et près le ministère de la transformation et de la fonction publiques relatif à l'exécution budgétaire et à la situation financière et comptable ministérielle de l'année 2020.

* 11 Cour des comptes, « Mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'État - Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2020 », avril 2021.

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