CHAPITRE VIII
MODERNISATION
DES MISSIONS
DES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES
Article 74
Nouvelle mission d'évaluation des politiques
publiques
territoriales des chambres régionales des comptes
L'article 74 tend à confier aux chambres régionales des comptes (CRC) une nouvelle mission d'évaluation des politiques publiques territoriales, sur demande des régions ou des départements.
La commission a souscrit à cet appui utile dans la conduite des politiques publiques locales, tout en prévoyant explicitement la possibilité pour la métropole de Lyon de saisir la CRC et en permettant à plusieurs collectivités territoriales d'une même catégorie de saisir conjointement la CRC d'une demande d'évaluation. Elle a adopté cet article ainsi modifié .
1. L'évaluation des politiques publiques territoriales ne fait pas partie des missions des chambres régionales des comptes
Créées par la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, les chambres régionales et territoriales des comptes assurent le contrôle a posteriori des comptes et de la gestion des collectivités territoriales.
Au nombre de treize en métropole et de dix en outre-mer, elles exercent une triple compétence pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics :
- le jugement des comptes et des comptables publics , afin de s'assurer de la régularité des comptes et du bon accomplissement par les comptables des tâches qui leur incombe (articles L. 211-1 et suivants du code des juridictions financières) ;
- le contrôle des comptes et de la gestion , qui porte sur la régularité des actes de gestion, l'économie des moyens mis en oeuvre et l'évaluation des résultats atteints par rapport aux objectifs fixés par l'assemblée ou l'organe délibérants (articles L. 211-3 et suivants du même code) ;
- et, enfin, le contrôle des actes budgétaires , qui intervient sur saisine du préfet, lorsqu'un budget est voté en déséquilibre ou ne l'est pas dans les délais prescrits par la loi, en l'absence d'inscription d'une dépense obligatoire ou lorsqu'un compte administratif est rejeté ou fortement déficitaire (articles L. 1612-1 et suivants du code général des collectivités territoriales).
Comme l'indique la Cour des comptes, « contrairement au contrôle juridictionnel et au contrôle des comptes et de la gestion, qui sont des contrôles a posteriori , le contrôle des actes budgétaires est un contrôle contemporain, destiné à aider les collectivités concernées à surmonter des difficultés budgétaires. Les chambres, dans ce cadre, sont des conseils dont l'expertise financière et l'indépendance sont reconnues » 293 ( * ) .
Enfin, si elles participent ponctuellement à l'évaluation des politiques publiques mises en oeuvre localement dans le cadre d'enquêtes conduites par la Cour des comptes elle-même, les CRC n'exercent pas cette mission en propre.
2. La commission a souscrit à la modernisation bienvenue des missions des CRC proposé par le projet de loi tout en ajustant le dispositif
Le projet de loi donne la faculté aux régions et départements de demander aux chambres régionales des comptes de leur ressort de procéder à l'évaluation d'une politique publique relevant de leur compétence, à l'instar de celle exercée par la Cour des comptes au bénéfice du Parlement (article L. 132-6 du code des juridictions financières).
Les CRC seraient tenues de faire droit à ces demandes, ce qui explique que le dispositif soit circonscrit aux seuls régions et départements, pour tenir compte des moyens limités des CRC. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État estimait que cette différence de traitement entre collectivités ne posait pas de difficulté juridique puisqu'« au regard des objectifs poursuivis par le projet de loi, les régions et les départements sont dans une situation différente des collectivités du bloc communal ».
La commission a souscrit à cette démarche qui permettra à ces deux niveaux de collectivités de disposer d'un appui bienvenu pour mener à bien des politiques publiques de plus en plus nombreuses et complexes. Elle a toutefois regretté que cette réforme ne puisse s'appliquer en l'état aux chambres territoriales de Polynésie Française et de Nouvelle-Calédonie, dont les missions relèvent de la loi organique. Soumise aux règles de recevabilité financière enserrant l'initiative parlementaire, la commission n'a pas pu procéder à un élargissement à d'autres catégories de collectivités territoriales du droit de saisine créé par l'article , qui aurait pourtant été justifié. Elle invite donc le Gouvernement à envisager une telle possibilité, qui pourrait en particulier bénéficier aux métropoles de droit commun ainsi qu'aux communautés urbaines.
Par l'adoption de l' amendement COM-1092 des rapporteurs, outre plusieurs modifications de portée rédactionnelle, elle a explicitement prévu que la métropole de Lyon puisse saisir la CRC . Elle a également ouvert la possibilité à plusieurs collectivités territoriales d'une même catégorie de saisir conjointement la CRC d'une demande d'évaluation .
La commission a adopté l'article 74 ainsi modifié .
Articles 74 bis et ter
(nouveaux)
Renforcement du Conseil national d'évaluation des
normes
Les articles 74 bis et 74 ter , introduits par la commission, tendent à élargir les conditions de saisine et à renforcer la portée des avis du Conseil national d'évaluation des normes.
Introduits par la commission à l'initiative de Cécile Cukierman (amendements COM-310 et COM-309), les articles 74 bis et 74 ter tendent à élargir les conditions de saisine du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et à renforcer la portée de ses avis .
L'article 74 bis , qui reprend l'article 54 de la proposition de loi pour le plein exercice des libertés locales, vise à aligner la procédure d'avis rendu sur un projet de loi sur celle prévue pour les textes réglementaires . Désormais, dans les cas où le conseil émettrait un avis défavorable sur tout ou partie d'un projet de loi, le Gouvernement serait tenu de transmettre un projet modifié ou, à la demande du CNEN, de justifier le maintien de son projet initial.
L'article 74 ter , qui reprend l'article 53 de la proposition de loi pour le plein exercice des libertés locales, élargit les conditions de saisine du CNEN . Il prévoit ainsi que les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat, ainsi que de chacune des commissions permanentes des deux chambres, pourraient demander au CNEN de « formuler un avis sur un projet de loi aux fins d'apprécier sa pertinence au regard du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales . » Afin de renforcer le pouvoir réglementaire local et d'inclure plus systématiquement celui-ci au sein des dispositions législatives relatives aux compétences des collectivités territoriales, le CNEN serait alors tenu d'examiner la pertinence des renvois au pouvoir réglementaire national.
La commission a adopté les articles 74 bis et 74 ter ainsi rédigés .
Article 74 quater
(nouveau)
Dérogation au scrutin secret
pour l'élection des
représentants au sein des EPCI
Introduit par la commission à la suite de l'adoption de l'amendement COM-906 d'Éric Kerrouche , l'article 74 quater tend à pérenniser la possibilité ouverte par l'article 10 de la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 de ne pas nommer au scrutin secret les représentants au sein des établissements publics qui relèvent de la collectivité, et des syndicats mixtes ouverts et fermés. Cette disposition avait été votée par le Sénat, avec avis favorable de la commission et du Gouvernement 294 ( * ) , lors de l'examen du projet de loi tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires.
Conditionnée à un vote à l'unanimité, cette dérogation a été jugée suffisamment encadrée par la commission . Sur le fond, une telle mesure constitue une mesure de simplification bienvenue, au regard de l'enjeu réel que revêtent souvent ces élections .
La commission a adopté l'article 74 quater ainsi rédigé .
Article 74 quinquies
(nouveau)
Clarification et simplification en matière de droit
funéraire
L'article 74 quinquies , introduit par la commission à l'initiative de Jean-Pierre Sueur, tend à simplifier plusieurs points de droit funéraire.
Introduit par la commission à la suite de l'adoption de l'amendement COM-391 de Jean-Pierre Sueur , l'article 74 quinquies tend à apporter plusieurs simplifications en droit funéraire .
En premier lieu, la modification de l'article L. 2223-17 du code général des collectivités territoriales vise à permettre aux collectivités compétentes de reprendre plus rapidement des concessions abandonnées , en ramenant de trois à un an le délai à l'échéance duquel une concession en état d'abandon peut être reprise.
En deuxième lieu, la création d'un article L. 2223-18-1-1 vise à encadrer juridiquement la récupération et les modalités de la valorisation des métaux issus de crémation , de préciser la destination des recettes financières qui peuvent en découler ainsi que de créer une obligation d'information complète à l'égard des familles.
En troisième lieu, la modification de l'article L. 2223-25 crée la possibilité d'abroger l'habilitation des opérateurs funéraires lorsqu'ils n'exercent plus leur activité de façon définitive (départ à la retraite, liquidation judiciaire par exemple), afin notamment de tenir à jour l'annuaire des opérateurs funéraires habilités (AOFH) en ligne.
Enfin, la modification de l'article L.2223-33 vise à assouplir les conditions dans lesquelles les opérateurs funéraires exercent leur activité .
La commission a adopté l'article 74 quinquies ainsi rédigé .
* 293 Site internet de la Cour des comptes, présentation du rôle et des missions des chambres régionales et territoriales des comptes.
* 294 Amendement de séance n° 32 d'Alain Richard.