CHAPITRE II
SIMPLIFICATION DU
FONCTIONNEMENT
DES INSTITUTIONS LOCALES
Article
53
Délégation à l'exécutif local des
décisions d'admission
en non-valeur de titres de faible montant
L'article 53 vise à inscrire les décisions d'admission en non-valeur des de faible montant dans la liste des attributions pouvant être déléguées à l'exécutif local par l'assemblée délibérante.
La commission a entendu conférer des marges de manoeuvre plus importantes à l'assemblée délibérante pour définir le périmètre de la délégation en lui attribuant explicitement la faculté de fixer le seuil du montant des créances irrécouvrables au-delà duquel une telle délégation ne pourrait advenir. Elle a adopté l'article ainsi modifié.
1. L'état actuel du droit : la compétence de l'assemblée délibérante pour les décisions d'admission en non-valeur
L'admission en non-valeur est une mesure administrative d'apurement budgétaire et comptable qui concerne des créances, en général anciennes, dont les perspectives de recouvrement sont quasi-nulles . Les créances réputées irrécouvrables pour des raisons sans lien avec la gestion et les diligences du comptable se voient ainsi retirées des écritures. À l'échelon local, cette procédure suppose l'accord du détenteur de la créance et se matérialise par l'inscription d'une dépense d'un montant équivalent à celui de la créance au sein de la section de fonctionnement. Conformément au principe d'équilibre réel des budgets des collectivités locales, cette inscription en dépense doit être couverte par un financement correspondant et les décisions d'admission en non-valeur représentent donc une charge pour les collectivités locales.
Les données disponibles font état d'un stock de 24 millions de créances restant à recouvrer pour le secteur public local, représentant un volume total de 5 milliards d'euros 191 ( * ) . Le montant de la créance est inférieur à 50 euros pour 68 % des dossiers, représentant 6 % du volume total.
En l'état du droit, l'assemblée délibérante de la collectivité est l'autorité compétente pour prononcer l'admission en non-valeur des créances irrécouvrables . Cette compétence traditionnelle, consacrée dès l'instruction générale du 30 juin 1859 192 ( * ) , se trouve aujourd'hui réaffirmée dans les différentes instructions budgétaires et comptables applicables aux collectivités locales.
La législation actuelle prévoit la possibilité, pour l'assemblée délibérante, de déléguer à l'exécutif local l'exercice de certaines attributions limitativement énumérées. Les matières ouvertes à une telle délégation sont fixées respectivement par l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales pour les conseils municipaux, à l'article L. 3211-2 du même code pour les conseils départementaux et à son article L. 4221-5 pour les conseils régionaux. Par extension, cette faculté est également ouverte aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale au titre de l'article L. 5211-2 du code général des collectivités territoriales. Des garanties sont prévues par ces dispositions, en particulier l'obligation faite au titulaire du pouvoir exécutif local de rendre compte à l'assemblée délibérante des décisions prises dans le cadre de cette délégation 193 ( * ) .
2. L'article 53 du projet de loi : déléguer à l'exécutif local les décisions d'admission en non-valeur de faibles montants
L'article 53 vise à ajouter les décisions d'admission en non-valeur à la liste des attributions pouvant être déléguées par l'organe délibérant à l'exécutif local . Cette faculté se limiterait néanmoins aux créances d'un montant inférieur à un seuil fixé par décret.
En outre, l'article 53 prévoit des modalités d'encadrement exorbitantes du droit commun de cette délégation . Ainsi, il prévoit l'adoption de mesures réglementaires précisant les modalités selon lesquelles le titulaire du pouvoir exécutif local rend compte à l'organe délibérant des décisions d'admission en non-valeur qu'il a prises au titre d'une telle délégation. Ces modalités pourraient notamment comporter la présentation d'un état détaillé des créances admises en non-valeur, comprenant, par exemple, des informations relatives au montant ou à la catégorie de chacune d'entre elles.
3. La position de la commission : garantir le pouvoir de décision des assemblées délibérantes
La commission des lois, puis le Sénat en séance publique, avaient déjà exprimé leur accord sur le dispositif prévu à l'article 53 du présent projet de loi lors de l'examen de l'article 10 194 ( * ) de la proposition de loi n° 779 (2010-2011) relative à la simplification du fonctionnement des collectivités territoriales 195 ( * ) .
Avec constance, la commission est donc favorable à l'inscription des décisions d'admission en non-valeur sur la liste des attributions pouvant être déléguées à l'exécutif local. Elle estime néanmoins nécessaire de conférer des marges de manoeuvre plus importantes à l'assemblée délibérante pour définir le périmètre de la délégation .
Par l'adoption d'un amendement COM-1091 des rapporteurs, elle a donc prévu que l'assemblée délibérante fixe un montant maximal des créances irrécouvrables au-delà duquel une telle délégation ne peut advenir . Le seuil ainsi fixé ne pourrait toutefois être supérieur au plafond national déterminé par décret.
La commission a également adopté un amendement COM-749 de Franck Menonville autorisant la délégation aux exécutifs locaux des décisions d'autorisation des mandats spéciaux et de remboursement des frais afférents . Un amendement identique avait été adopté par la commission, puis par le Sénat en séance publique, lors de l'examen en première lecture du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.
La commission a adopté l'article 53 ainsi modifié .
Article 53 bis
(nouveau)
Extension du droit d'option permettant aux
collectivités
et à leurs groupements d'adopter le
référentiel comptable « M57 »
à
d'autres personnes publiques
L'article 53 bis , introduit par la commission, à l'initiative des rapporteurs, vise à étendre le droit d'option permettant aux collectivités territoriales d'adopter le référentiel comptable « M57 ».
1. L'utilisation du cadre budgétaire et comptable régi par le référentiel « M57 »
L'article 106-III de la loi NOTRe permet aux collectivités territoriales d'adopter le cadre budgétaire et comptable des métropoles et collectivités à statut particulier régi par le référentiel « M57 » .
Ce cadre budgétaire et comptable est régi par des dispositions législatives et réglementaires spécifiques et par le référentiel « M57 », qui définit les règles budgétaires et comptables d'entités publiques locales variées susceptibles de gérer des compétences relevant de plusieurs niveaux.
Au 1 er janvier 2021, 286 collectivités locales ont adopté ce cadre budgétaire et comptable caractérisé par sa souplesse .
Actuellement, ledit référentiel est appliqué soit dans les collectivités pour lesquelles il est obligatoire en vertu de dispositions législatives spéciales 196 ( * ) , soit dans le cadre de l'expérimentation de la certification des comptes 197 ( * ) ou du compte financier unique 198 ( * ) , soit en vertu de l'exercice du droit d'option prévu à l'article 106-III précité.
L'adoption du référentiel M57 constitue l'un des deux prérequis pour participer à l'expérimentation du compte financier unique et a vocation à se substituer à la plupart des instructions budgétaires et comptables actuelles .
2. Le renforcement bienvenu du droit d'option pour l'application de ce référentiel à d'autres personnes publiques
Dans la perspective de la généralisation de ce référentiel, la commission a souhaité, par l'adoption de l'amendement COM-1178 des rapporteurs, étendre le droit d'option relatif à l'utilisation de ce référentiel aux groupements , au sens de l'article L.5111-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), aux services d'incendie et de secours, au centre national de la fonction publique territoriale, aux centres départementaux de gestion et aux associations syndicales autorisées .
La commission a, ce faisant, entendu favoriser le déploiement de ce référentiel tout en garantissant la proportionnalité des obligations budgétaires et comptables qu'il emporte à la taille des personnes publiques qui décident de l'adopter.
Pour ce faire, elle a souhaité introduire plusieurs souplesses dans l'utilisation de ce référentiel :
- elle a, tout d'abord, maintenu pour les seules collectivités supérieures à 50 000 habitants, l'obligation actuelle de produire lors de l'examen du budget par la collectivité territoriale un rapport sur la situation en matière de développement durable dans cette collectivité
- elle a permis aux communes et groupements de moins de 3 500 habitants de déroger à certaines dispositions s'imposant aux métropoles en application de l'instruction budgétaire et comptable M14 ;
- elle a enfin, s'agissant de la gestion pluriannuelle , introduit la possibilité pour les communes et les groupements de moins de 3 500 habitants de conserver leur régime propre ou d'adopter le régime des métropoles. Ce choix emporte l'obligation d'établir un règlement budgétaire et financier afin de préciser notamment les règles d'annulation des autorisations de programme et d'engagement adoptées par l'assemblée délibérante.
Ce faisant, la commission a souhaité favoriser la convergence des règles budgétaires et comptables en encourageant l'utilisation du référentiel budgétaire et comptable « M57 » par toutes les collectivités et groupements mais également par d'autres personnes publiques.
La commission a adopté l'article 52 bis ainsi rédigé .
Article 53 ter
(nouveau)
Faculté des collectivités et de leurs groupements de
recourir
au financement participatif pour leurs investissements
L'article 53 ter , introduit par la commission, à l'initiative de Nadège Havet, vise à étendre les possibilités offertes aux collectivités et à leurs établissements de recourir au financement participatif pour financer leurs investissements .
Le financement participatif, alors qu'il est en pleine expansion, est encore peu utilisé par les collectivités territoriales et leurs groupements compte tenu de limites réglementaires, alors même que la Cour des comptes souligne de longue date la nécessité structurelle de diversifier leurs sources de financement.
Par conséquent, il est apparu nécessaire à la commission de doter les collectivités territoriales et leurs groupements d'instruments financiers complémentaires et d'approfondir leurs facultés d'utilisation du financement participatif .
Encadré par l'ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif , le financement participatif répond à l'objectif de développer un nouveau mode de financement par dérogation au monopole bancaire, via des dons, prêts ou titres de créance, grâce à l'intervention de plateformes agréées et régulées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l'Autorité des marchés financiers.
Si l'article L. 1611-7-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que les collectivités territoriales peuvent bénéficier de revenus tirés d'un projet de financement participatif sous forme de dons, prêt ou titre de créance, ces projets ne peuvent être utilisés que pour financer un champ limitativement énuméré d'actions . En effet, en vertu de ces dispositions ces modalités de financement ne peuvent être utilisées qu'au profit d'un service public culturel, éducatif, social ou solidaire .
Ce champ apparaît trop limité au regard de la variété des projets susceptibles d'être financés, et par comparaison avec les acteurs bancaires qui peuvent contribuer au financement d'investissements relatifs à l'ensemble des domaines de compétence des collectivités territoriales.
La commission a, par conséquent, souhaité permettre aux collectivités et à leurs établissements de financer l'ensemble de leurs investissements via du financement participatif, en adoptant l'amendement COM-855 de Nadège Havet .
Par ailleurs, bien qu'il soit déjà possible de lever des fonds sous forme de titres de créance, il lui est apparu nécessaire d'inscrire expressément cet instrument financier à l'article L. 1611-7-1 du code général des collectivités territoriales.
Ces simplifications sont de nature à répondre aux demandes formulées par les associations représentatives d'élus locaux et sont d'autant plus justifiées que le texte propose d'étendre à certains territoires à statut particulier tels que les Terres australes et antarctiques françaises l'utilisation de ces outils de financement pour la conduite de leurs projets d'investissement 199 ( * ) .
La commission a adopté l'article 53 bis ainsi rédigé .
Article 53 quater
(nouveau)
Faculté pour les régions de confier par convention
de mandat
à des tiers l'encaissement et le paiement des aides
économiques régionales
L'article 53 ter , introduit par la commission, à l'initiative de Dominique Estrosi Sassone, vise à permettre aux régions de confier, par le biais d'une convention de mandat, à un organisme privé ou public les opérations de versements et d'encaissements liés aux aides économiques régionales.
À l'exception de BPIfrance, seuls les organismes dotés d'un comptable public peuvent, dans le cadre d'une convention de mandat, procéder à l'attribution et au paiement des dépenses relatives aux aides économiques en vertu de l'article L. 1611-7 du code général des collectivités territoriales. Par ailleurs, l'encaissement des recettes afférentes à certaines formes d'aide ne peut être effectué que par le comptable public de la collectivité.
Or, en application de l'article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) et depuis la profonde redéfinition des compétences des collectivités à l'occasion de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République dite loi « NOTRe », la région est compétente en matière d'aides aux entreprises sur son territoire .
Au surplus, dans un contexte de massification d'aides destinées à être versées dans des délais très contraints, le recours aux organismes privés ou publics tiers tels que les plateformes de prêt d'honneur, qui disposent de la connaissance du tissu économique et des ressources pour traiter un important volume d'aides, apparaît de nature à faciliter déploiement fluide et rapide des dispositifs d'aides régionales .
Aussi, la commission a-t-elle souhaité, par l'adoption d'un amendement COM-446 de Dominique Estrosi Sassone , permettre aux régions de confier à un organisme privé ou public tiers l'attribution et le paiement des aides économiques mais également l'encaissement des recettes liées aux aides économiques dans le cadre d'une convention de mandat qui serait conclue, après accord du comptable public, entre la région et l'organisme.
Ce dispositif prolonge ainsi utilement les facultés ouvertes aux collectivités et à leurs groupements de recourir à des conventions de mandat afin de permettre aux organismes tiers de procéder à l'encaissement des recettes ou au versement de dépenses .
La commission a adopté l'article 53 quater ainsi rédigé .
Article 53 quinquies
(nouveau)
Délégation aux exécutifs locaux de la
conclusion
de conventions en matière d'archéologie
préventive
Cet article a été introduit par la commission des lois par l'adoption de l'amendement COM-397 de Hugues Saury . Il tend à compléter le champ des délégations en matière d'archéologie préventive décidées par le conseil municipal, le conseil départemental et le conseil régional au profit du maire ou de leurs présidents.
Comme le rappelle l'objet de l'amendement, dans le cadre de l'exécution de missions de diagnostics d'archéologie préventive pour des tiers, l'article L. 523-7 du code du patrimoine prévoit la conclusion d'une convention entre la personne projetant d'exécuter les travaux (l'aménageur) et la collectivité territoriale dont dépend le service archéologique territorial chargé d'établir ledit diagnostic. Celle-ci fixe notamment les modalités concrètes et pratiques en précisant, par exemple, les délais de réalisation, les conditions d'accès aux terrains ou, encore, la fourniture du matériel.
Alors même que la conclusion d'une telle convention s'inscrit pleinement dans l'exécution d'un diagnostic d'archéologie préventive, une lecture littérale des articles L. 2122-22, L. 3211-2 ou L. 4221-5 du code général des collectivités territoriales a pour effet d'exclure la signature de ces conventions des attributions déléguées par l'organe délibérant d'une collectivité à son organe exécutif. En effet, ces trois articles renvoient aux actes prévus par les seuls articles L. 523-4 et L523-5 du code du patrimoine et non à la convention prévue à l'article L. 523-7 du même code.
Le présent article vient opportunément combler ce manque et permettra de simplifier les procédures pour les collectivités concernées.
La commission a adopté l'article 53 quinquies ainsi rédigé .
Article 54
Cession de
biens meubles à titre gratuit par les collectivités
Cet article tend à élargir les cas dans lesquels les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics peuvent procéder à des cessions gratuites de biens meubles. Le champ de ces cessions serait semblable à celui offert à l'État, à l'exception des dons au profit d'États étrangers et de ceux visant spécifiquement le ministère de la défense.
La commission des lois est favorable à cette démarche de simplification. Elle a souhaité l'approfondir en permettant aux assemblées délibérantes des communes, des départements et des régions de déléguer cette faculté à leur organe exécutif.
La commission des lois a adopté l'article ainsi modifié.
La possibilité, pour les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics de céder des biens meubles à titre gratuit est limitée par l'article L. 3212-3 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) . En l'état actuel de sa rédaction, cet article les autorise à céder gratuitement du matériel informatique dont la valeur unitaire ne dépasse pas un certain seuil à certaines associations ou à leurs personnels. Ils peuvent également céder des biens archéologiques déclassés du domaine public ou céder gratuitement les biens de scénographie dont le montant ne dépasse pas un certain seuil à toute personne agissant, à des fins non commerciales, dans le domaine culturel ou dans celui du développement durable.
L'article 54 tend à élargir le cadre des cessions à titre gratuit en renvoyant aux dispositions applicables à l'État et à ses établissements publics en excluant, toutefois, certains cas précis. Il s'agit de la cession de biens à un État étranger dans le cadre d'une coopération, une telle coopération ne relevant manifestement que de la compétence de l'État. Il s'agit également des cessions des biens appartenant au ministère de la défense dont il n'a plus l'emploi ou qu'il destine à un État étranger, de telles situations étant, par nature, étrangères aux collectivités territoriales.
Cette volonté est justifiée par la direction générale des finances publiques comme « s'inscri[vant] dans le cadre de la volonté des pouvoirs publics de développer l'économie circulaire en favorisant le réemploi des biens mobiliers des personnes publiques, devenus sans usage et de faible valeur et ainsi contribuer à la transition écologique pour la France » 200 ( * ) .
La commission des lois souscrit à cette démarche qui va dans le sens d'une plus grande liberté pour les collectivités. Ses rapporteurs se sont interrogés sur l'opportunité d'adopter de nouvelles dispositions permettant aux conseils municipaux, départementaux et régionaux de déléguer cette faculté à leur organe exécutif. Toutefois, l es articles L. 2122-22, L. 3211-2 et L. 4221-5 du CGCT semblent déjà permettre cette possibilité en tant qu'ils prévoient des délégations permettant « de décider l'aliénation de gré à gré de biens mobiliers jusqu'à 4 600 euros » , ce qui inclue les cessions à titre gratuit.
La commission a adopté l'article 54 sans modification .
Article 55
Clarification du
délai de renonciation du président d'un
établissement
public de coopération intercommunale à
fiscalité propre
ou d'un groupement de collectivités
territoriales
au transfert des pouvoirs de police spéciale
L'article 55 vise à clarifier le délai au cours duquel le président d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou d'un groupement de collectivités territoriale peut renoncer au transfert à son profit des pouvoirs de police spéciale des maires des communes membres.
La commission a adopté cet article après lui avoir apporté des améliorations rédactionnelles.
1. Un droit de renonciation au transfert automatique des pouvoirs de police spéciale des maires au président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou au groupement de collectivités territoriales en cas d'opposition des maires
1.1. Un récent assouplissement du régime de transfert automatique des pouvoirs de police spéciale du maire au président de l'établissement ou du groupement
L'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales définit les modalités suivant lesquelles certains pouvoirs de police spéciale des maires peuvent être transférés au président de leur établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ou d'un groupement de collectivités territoriales , afin de lui permettre de règlementer les activités qui relèvent de sa compétence. Deux modalités de transfert existent, en fonction des matières concernées :
- un transfert facultatif, à l'initiative des maires des communes membres , en matière de sécurité des manifestations culturelles et sportives organisées dans des établissements communautaires, de règlementation de la défense extérieure contre l'incendie et de gestion des dépôts sauvages d'ordures (B du I de l'article) ;
- un transfert automatique, sauf opposition des maires des communes membres de l'EPCI ou du groupement , en matière d'assainissement, de règlementation de la collecte des déchets ménagers, d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, de police de la circulation et du stationnement, de délivrance des autorisations de stationnement sur la voie publique aux exploitants de taxi, et de contrôle des règles de sécurité des établissements recevant du public ainsi que des immeubles, locaux et installations (A du I de l'article).
Dans ce second cas, les maires disposent d'un délai de six mois pour s'opposer, chacun pour ce qui le concerne, au transfert du pouvoir de police spéciale concerné à compter du transfert de la compétence en question des communes membres à l'EPCI ou au groupement . Il est alors mis fin de plein droit au transfert pour les communes dont les maires ont notifié leur opposition.
À chaque nouvelle élection du président de l'EPCI à fiscalité propre ou du groupement de collectivités, les maires disposent à nouveau d'un délai de six mois pour s'opposer à ce transfert. Deux cas doivent être distingués , selon que le président de l'EPCI exerçait déjà le pouvoir de police spéciale ou ne l'exerçait pas :
- dans le cas où le pouvoir de police spéciale avait été précédemment transféré sur le territoire de la commune concernée, le maires dispose d'un délai de six mois pour s'opposer à la reconduction de ce transfert et récupérer, le cas échéant, l'exercice de ce pouvoir de police spéciale ;
- dans le cas où un ou plusieurs maires s'étaient déjà opposés à ce transfert au cours de la mandature précédente, les maires disposent d'un délai de six mois pour s'opposer au transfert et, à défaut, le transfert ne devient effectif qu'à l'expiration de ce délai 201 ( * ) .
Dans les deux cas, si un ou plusieurs maires se sont opposés au transfert, et afin d'éviter un morcellement de l'exercice de ses pouvoirs de police, le président de l'EPCI ou du groupement dispose de la possibilité , pour chacun des pouvoirs de police spéciale concernés, de renoncer au transfert pour l'ensemble du territoire de l'EPCI ou du groupement . Les pouvoirs de police spéciale sont alors rendus aux maires des communes membres.
2.1. Des incertitudes juridiques concernant le délai d'exercice de ce droit de renonciation
L'article L. 5211-9-2 dispose, depuis la loi n° 2020-760 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires, que le président de l'EPCI ou du groupement peut renoncer à ce transfert « dans un délai d'un mois suivant la fin de la période pendant laquelle les maires étaient susceptibles de faire valoir leur opposition ».
Le législateur souhaitait alors attribuer au président de l'EPCI ou du groupement un mois supplémentaire à la période de six mois laissée aux maires pour faire valoir leur opposition, la renonciation du président de l'EPCI au transfert du pouvoir de police spéciale pouvant intervenir à tout moment au cours de ces sept mois.
Une interprétation littérale du texte pourrait cependant laisser penser que le droit de renonciation du président de l'EPCI ou du groupement ne peut renoncer à ce transfert que dans le délai d'un mois suivant la période de six mois attribuée aux maires.
Cette interprétation, restrictive, aurait pour conséquence d'invalider les décisions de renonciation des présidents d'EPCI ou de groupement notifiées avant l'expiration du délai de six mois.
2. L'article 55 du projet de loi : garantir la sécurité juridique des décisions de renonciation des présidents d'EPCI à fiscalité propre et clarifier les délais de renonciation
L'article 55 du projet de loi prévoit de préciser la rédaction de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales en ce qui concerne le délai de renonciation du président de l'établissement ou du groupement . Ce délai courrait ainsi à compter de la réception de la première notification d'opposition d'un maire d'une commune membre et jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la fin de la période de six mois au cours de laquelle les maires peuvent faire valoir leur opposition.
L'article 55 du projet de loi précise que cette nouvelle rédaction s'appliquerait aux décisions de renonciation prises par les président d'EPCI ou de groupement à compter du 25 mai 2020 , ce qui correspond à la première date à laquelle ces derniers auraient pu prendre des décisions en matière de pouvoirs de police spéciale à la suite du premier tour des élections municipales de 2020.
La commission a également souhaité, par l'adoption de deux amendements COM-238 de Jean-Jacques Michau et COM-953 d'Eric Kerrouche sous amendés par les rapporteurs (COM-1217), clarifier les dispositions relatives à la mise à disposition par les communes membres des gardes champêtres aux président de l'EPCI pour l'exercice des compétences transférées par les maires.
La commission a considéré que la clarification apportée par cet article était pertinente et conforme à l'intention du législateur . Elle a, par l'adoption de deux amendements COM-1115 et COM-1114 de ses rapporteurs, apporté une précision rédactionnelle et opéré une coordination manquante .
La commission a adopté l'article 55 ainsi modifié .
Article 56
Répartition
des compétences au sein
de la métropole
Aix-Marseille-Provence
L'article 56 tend à prévoir une clause de réexamen des conventions de délégation conclues entre la métropole Aix-Marseille-Provence et ses conseils de territoire pour l'exercice de certaines de ses compétences.
La commission a complété cette disposition en prévoyant la possibilité pour la métropole de conventionner avec ses communes membres pour l'exercice de certaines de ses compétences et adopté l'article ainsi modifié.
1. L'état du droit : une répartition problématique des compétences au sein de la métropole Aix-Marseille-Provence
La métropole Aix-Marseille-Provence a été créée au 1 er janvier 2016, par le regroupement de six établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre 202 ( * ) , représentant 92 communes, comme le montre la carte ci-dessous.
Carte du périmètre de la métropole Aix-Marseille-Provence
Source : métropole Aix-Marseille-Provence
Son organisation et son fonctionnement, tels qu'ils résultent des lois n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (dite « MAPTAM ») et n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite « NOTRe »), ainsi que de l'ordonnance n° 2015-50 du 23 janvier 2015 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la métropole d'Aix-Marseille Provence, sont fondés sur le régime des métropoles de droit commun, sous réserve des dispositions qui lui sont propres 203 ( * ) .
1.1. Les compétences de la métropole font l'objet de délégations à ses conseils de territoire
La métropole d'Aix-Marseille-Provence a ainsi la spécificité de disposer d'un échelon déconcentré, constitué de conseils de territoire dont le périmètre correspond aux six EPCI à fiscalité propre préexistants à sa création et regroupés en son sein.
Ces conseils de territoire peuvent se voir déléguer par la métropole l'exercice de larges champs de compétences . Jusqu'au 31 décembre 2019, les conseils de territoire se voyaient ainsi déléguer automatiquement, à l'exception de quinze compétences limitativement énumérées 204 ( * ) et sauf opposition du conseil de la métropole exprimée par délibération adoptée à la majorité des deux tiers, l'exercice de l'ensemble des compétences. Depuis le 1 er janvier 2020, ce mécanisme de délégation automatique a été remplacé par une simple faculté de délégation.
Comme le note l'étude d'impact du projet de loi, ces délégations tendent à limiter « la capacité de la métropole à prendre en charge, en propre, un plus grand nombre de politiques publiques à l'échelon métropolitain » 205 ( * ) . L'exercice des compétences demeurant à l'échelon des anciens EPCI à fiscalité propre, ces délégations, nécessaires au bon fonctionnement de la métropole privent à terme la métropole de sa valeur ajoutée .
1.2. La répartition des compétences entre la métropole et les communes membres demeure problématique
Néanmoins, la principale difficulté dans la répartition des compétences au sein de la métropole tient moins aux délégations de compétences entre la métropole et ses conseils de territoire qu'à celles entre la métropole et ses communes membres .
Comme le rappelait le rapport du préfet Pierre Dartout, « de nombreux maires estiment que la métropole doit se recentrer sur des compétences stratégiques et restituer aux communes certaines compétences de proximité, éventuellement dans le cadre d'un dispositif à géométrie variable 206 ( * ) . » Le même rapport notait qu'une liste de onze compétences faisait l'objet de demandes récurrentes de la part des maires des communes membres de la métropole, demandant leur restitution à celles-ci :
- les cimetières ;
- les bornes à incendie ;
- les massifs et chemins défense des forêts contre l'incendie (DFCI) ;
- l'éclairage public ;
- les bornes de rechargement des véhicules électriques ;
- la voirie de proximité ;
- la signalisation et les abris de voyageurs attenants à la voirie d'intérêt local ;
- les aires de stationnement de proximité ;
- le tourisme ;
- les zones d'activités ;
- l'eau, l'assainissement et la gestion des eaux pluviales urbaines.
Faute de disposer de moyens humains et financiers suffisants, la métropole tend à déléguer l'exercice de ces compétences aux communes membres dans le cadre de conventions de délégation. La multiplication de ces conventions, qui a pour effet de priver la métropole de l'exercice effectif des compétences qui lui sont attribuées, a conduit le préfet des Bouches-du-Rhône, Christophe Mirmand, à exercer un recours gracieux auprès de la métropole visant à rationaliser les 208 conventions de délégation de gestion régissant actuellement ses relations avec ses communes membres .
2. La position de la commission : poser les conditions d'une répartition apaisée des compétences au sein de la métropole Aix-Marseille-Provence
L'article 56 tend à prévoir une clause de réexamen, trois ans après le renouvellement des conseils municipaux, des conventions de gestion conclues entre la métropole Aix-Marseille-Provence et ses conseils de territoire. Cette disposition, outre une faible portée normative, soulève deux difficultés :
- elle prévoit que le conseil de la métropole pourrait, à l'occasion de leur réexamen triennal, mettre fin - unilatéralement - à ces délégations ;
- elle ne traite en aucun cas la question des délégations de compétences entre la métropole et ses communes membres . Or, le recours gracieux formé par l'État contre les conventions de délégation place la métropole dans une situation d'insécurité juridique dommageable.
La commission a souhaité pallier ces difficultés par l'adoption d'un amendement COM-516 de Stéphane Le Rudulier visant à donner à la métropole Aix-Marseille-Provence et à ses communes membres les moyens de clarifier la répartition de leurs compétences.
Ainsi, en premier lieu, tout en procédant à des modifications rédactionnelles, la commission a supprimé la mention de la possibilité pour le conseil de la métropole de mettre fin unilatéralement aux conventions de délégation conclues avec les conseils de territoire , qui pourraient ainsi prendre fin dans les conditions de droit commun.
En deuxième lieu, elle a prévu la possibilité pour la métropole de déléguer, par le biais de conventions de délégation annuelles, à ses communes membres l'exercice de compétences dont elle est attributaire . Sans préjudice de l'évolution des délégations de compétences qui pourront être ultérieurement décidées, une telle solution n'a vocation, en l'état, qu'à être temporaire : la situation actuelle, qui repose sur de telles conventions de délégation, n'est satisfaisante pour aucun des acteurs sur le terrain.
En conséquence, afin de disposer d'un cadre de réflexion clair pour envisager une évolution concertée des compétences réciproques des collectivités concernées, la commission a prévu qu'avant le 1 er janvier 2023, les conseils municipaux des communes membres et le conseil de la métropole d'Aix-Marseille-Provence seraient tenus de délibérer sur la répartition souhaitée de leurs compétences . Sur la base des souhaits ainsi formulés, le législateur disposerait alors d'une année calendaire pour trancher cette répartition. Une fois celle-ci arrêtée, une redéfinition potentielle du périmètre de la métropole Aix-Marseille-Provence pourrait être engagée au regard des compétences stratégiques ainsi définies.
Enfin, la commission a prévu le report à 2026 du transfert à la métropole de la compétence « voirie » . Si le report de ce transfert à 2023 a déjà été effectué par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, il paraît souhaitable de le prolonger. Alors que la situation des compétences n'a pas évolué, il semblerait prématuré d'envisager un tel transfert avant la fin du mandat en cours. Dans le cas où une répartition claire des compétences entre la métropole et ses communes membres n'aurait pas été établie avant 2024, cette compétence continuerait donc d'être exercée à l'échelon pertinent jusqu'en 2026.
La commission a adopté l'article 56 ainsi rédigé .
* 191 Le montant des créances déjà admises en non-valeur s'élève au total à 2,1 milliards d'euros.
* 192 Articles 825 et 1537.
* 193 S'agissant du conseil municipal, cette obligation figure à l'article L. 2122-23 du code général des collectivités territoriales.
* 194 Adoptée en deuxième lecture par le Sénat le 12 juin 2013, avec un vote conforme à celui de l'Assemblée nationale sur l'article 10, la proposition de loi n'a, par la suite, jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
* 195 Rapport n° 37 (2012-2013) de Jacqueline Gourault, fait au nom de la commission des lois, déposé le 10 octobre 2012, accessible à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l12-037/l12-037.html .
* 196 Les métropoles, les collectivités territoriales de Guyane, de Martinique et de Corse, la ville de Paris et la collectivité européenne d'Alsace sont tenues d'utiliser ce référentiel.
* 197 Vingt-cinq collectivités locales expérimentatrices de la certification des comptes publics dans le cadre de l'article 110 de la loi NOTRe.
* 198 Article 242 de la loi de finances pour 2019 modifié.
* 199 Pour plus de précisions, voir le commentaire de l'article 79 du projet de loi.
* 200 Extrait de la contribution écrite de la Direction générale des collectivités locales faisant état d'éléments fournis par la direction générale des finances publiques.
* 201 L'article 11 de la loi n° 2020-760 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires est venu clarifier, à compter du 25 mai 2020, les modalités d'opposition des maires au moment de l'élection d'un nouveau président de l'EPCI à fiscalité propre, notamment dans le cas où un ou plusieurs maires s'étaient déjà opposés à ce transfert au cours de la mandature précédente. L'élection d'un nouveau président d'EPCI entrainait auparavant de plein droit, à la date de celle-ci, le transfert des pouvoirs de police spéciale des maires au président, dès lors que l'EPCI disposait de la compétence correspondante. Les maires disposaient alors d'un délai de six mois pour s'opposer à ce transfert, auquel cas le pouvoir de police spéciale leur était rendu. Deux transferts successifs devaient ainsi réalisés. Depuis le 25 mai 2020, l'élection d'un nouveau président n'entraine plus le transfert du pouvoir de police spéciale de plein droit : les maires disposent d'un délai de six mois pour s'opposer au transfert et, à défaut, le transfert ne devient effectif qu'à l'expiration de ce délai.
* 202 La communauté urbaine Marseille Provence Métropole, les communautés d'agglomération du Pays d'Aix-en-Provence, du Pays d'Aubagne et de l'Étoile, du Pays de Martigues, de Salon-Étang de Berre-Durance et le syndicat d'agglomération nouvelle d'Ouest Provence.
* 203 Article L. 5218-1 du code général des collectivités territoriales.
* 204 Ces compétences stratégiques sont énumérées au II de l'article L. 5218-7 du code général des collectivités territoriales.
* 205 Étude d'impact du projet de loi, p. 614.
* 206 Rapport au Premier ministre sur le « Devenir de la Métropole Aix-Marseille-Provence et du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône » du préfet Pierre Dartout, p. 26.