N° 572

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 mai 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi renforçant le suivi des condamnés terroristes sortant de détention ,

Par Mme Muriel JOURDA,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Jacky Deromedi, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, M. Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Mikaele Kulimoetoke, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

469 et 573 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 12 mai 2021, la commission des lois du Sénat a adopté, sur le rapport de Muriel Jourda (Les Républicains - Morbihan), la proposition de loi n° 469 renforçant le suivi des condamnés terroristes sortant de détention , déposée par François-Noël Buffet le 23 mars 2021.

Face à l'enjeu que représente la sortie de détention de personnes condamnées pour des actes de terrorisme qui ne bénéficieront pas de mesures d'accompagnement à leur élargissement, ce texte a pour objet d' instaurer une nouvelle mesure judiciaire de suivi et de surveillance post-sentencielle visant à prévenir la récidive et à accompagner la réinsertion des individus condamnés pour des faits de terrorisme .

I. LA CRÉATION D'UNE MESURE DE SUIVI DES CONDAMNÉS TERRORISTES SORTANT DE DÉTENTION : UNE IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ

Au 3 mai 2021, 469 personnes étaient détenues dans les prisons françaises pour des actes de terrorisme en lien avec la mouvance islamiste. Parmi elles, 253 sont condamnées et purgent une peine à titre définitif. 162 devraient sortir de détention dans les quatre prochaines années.

La sortie de détention des personnes condamnées pour des actes de terrorisme constitue un enjeu majeur de sécurité publique.

Il est en effet aujourd'hui admis que la prison ne permet généralement pas d'aboutir à un désengagement de l'idéologie radicale sur le temps de la détention, malgré les progrès réalisés depuis 2015.

Face à cette importante préoccupation, les outils à la disposition des pouvoirs publics sont incomplets et ne permettent pas un suivi satisfaisant des individus condamnés pour des faits de terrorisme à leur sortie de détention.

Sur les 269 personnes condamnées pour des actes de terrorisme en lien avec la mouvance islamiste suivis par le service de l'application des peines, seules 20 % seront suivies à leur libération dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire et 5 % dans le cadre d'un sursis probatoire. Les 75 % restant pourront bénéficier de mesures d'accompagnement à la sortie uniquement sur la durée des réductions de peine éventuellement octroyées.

Or, la durée des crédits de réduction de peine pour ces individus a été réduite par la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste, qui a exclu du bénéfice des crédits de réduction de peine dits « automatiques » 1 ( * ) les personnes condamnées pour une ou plusieurs infractions terroristes. Celles-ci ne sont donc éligibles qu'à d'éventuelles réductions supplémentaires de peine.

Depuis 2016, les juridictions sont par ailleurs réticentes à définir ab initio les modalités de suivi des personnes condamnées pour des actes de terrorisme à leur élargissement, et ce alors même que le suivi socio-judiciaire permet de limiter les « sorties sèches ». C'est la raison pour laquelle le législateur a rendu obligatoire le prononcé de la peine complémentaire de suivi socio-judiciaire à l'égard de ces personnes, pour les faits commis postérieurement au 10 août 2020 2 ( * ) , sauf décision contraire motivée de la juridiction de jugement.

Ainsi, les personnes condamnées pour des actes de terrorisme commis entre le 21 juillet 2016 et le 10 août 2020 ne disposeront pas des crédits de réduction de peine prévus à l'article 721 du code de procédure pénale - sur la durée desquels sont assis les dispositifs de surveillance judiciaire et de suivi post-peine - et ne sont généralement pas soumis à une peine de suivi socio-judiciaire. Sauf trouble psychiatrique avéré, aucun dispositif de suivi judiciaire ne leur sera donc applicable ou ne permettra un accompagnement adapté à leur profil à l'issue de leur détention.

La création d'une nouvelle mesure de sûreté - qui ne serait alors pas assise sur la durée des réductions de peine accordées - présente donc un intérêt essentiel pour les personnes qui ont été ou seront condamnées pour des faits commis entre le 21 juillet 2016 et le 10 août 2020.


* 1 Prévues à l'article 721 du code de procédure pénale.

* 2 Loi n° 2020-1023 du 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine.

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