B. LA CRÉATION PAR LA COUR DE CASSATION D'UNE VOIE DE RECOURS OUVERTE AUX PERSONNES PLACÉES EN DÉTENTION PROVISOIRE
Dans l'arrêt n° 1400 du 8 juillet 2020 (20-81.739), qui concerne un individu placé en détention provisoire, la chambre criminelle de la Cour de cassation prend acte de l'arrêt de la Cour de Strasbourg et indique au juge judiciaire la marche à suivre pour s'y conformer.
Elle rappelle qu' il appartient au juge national , chargé d'appliquer la convention européenne des droits de l'homme, de tenir compte , sans attendre une éventuelle modification des textes législatifs ou réglementaires , de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme condamnant la France pour le défaut de recours préventif permettant de mettre fin à des conditions de détention indignes.
Le juge judiciaire a l'obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant de mettre un terme à la violation de l'article 3 de la convention. En tant que gardien de la liberté individuelle, il lui incombe de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s'assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant.
La description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention doit être suffisamment crédible, précise et actuelle, pour constituer un commencement de preuve de leur caractère indigne.
Il appartient alors au juge de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d'en apprécier la réalité.
Depuis le mois de juillet, les personnes placées en détention provisoire peuvent user de cette nouvelle voie de recours. Le nombre de recours est demeuré modéré, une vingtaine de demandes ayant par exemple été recensées dans la région Île-de-France. La direction de l'administration pénitentiaire (DAP) a indiqué au rapporteur qu'un prévenu détenu au centre pénitentiaire de Nouméa Camp Est, en Nouvelle-Calédonie, a été remis en liberté sur ce fondement.
La création prétorienne de cette voie de recours n'a cependant pas paru suffisante au Conseil constitutionnel qui a demandé au législateur de modifier le code de procédure pénale.
C. LA DEMANDE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DE PRÉVOIR UNE VOIE DE RECOURS DANS LA LOI
Dans sa décision n° 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020, après avoir rappelé qu'il appartient d'abord aux autorités judiciaires et administratives de veiller à ce que la privation de liberté des personnes placées en détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans le respect de la dignité de la personne, le Conseil constitutionnel souligne qu' il incombe au législateur de garantir à ces personnes la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine afin qu'il y soit mis fin .
Il indique ensuite que les procédures de référé ne permettent pas de garantir qu'il soit mis fin, en toutes circonstances, à la détention indigne.
Il observe que le second alinéa de l'article 144-1 du code de procédure pénale permet au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention (JLD) d'ordonner la remise en liberté d'une personne placée en détention provisoire si les conditions de ce placement en détention ne sont plus remplies ou si la durée de la détention excède une durée raisonnable. L'article 147-1 du même code permet par ailleurs au juge d'ordonner la remise en liberté lorsque l'état de santé de la personne n'est pas compatible avec le maintien en détention. En revanche, aucun recours devant le juge judiciaire ne permet au justiciable d'obtenir qu'il soit mis fin aux atteintes à sa dignité résultant des conditions de sa détention provisoire.
En conséquence, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le second alinéa de l'article 144-1 du code de procédure pénale. L'abrogation de cet alinéa prend effet le 1 er mars 2021 .
Si l'affaire dont était saisie le Conseil constitutionnel portait sur un placement en détention provisoire, il ne fait pas de doute que les principes qu'il dégage doivent s'appliquer également aux personnes incarcérées après une condamnation . C'est la raison pour laquelle la proposition de loi déposée par François-Noël Buffet envisage ces deux hypothèses, avec une intervention, respectivement, du juge des libertés et de la détention (JLD) et du juge de l'application des peines (JAP).