EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 17 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Bernard Delcros, rapporteur spécial, sur les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État » de la mission « Cohésion des territoires » (et article 54 ter ).
M. Philippe Dallier , rapporteur spécial pour la mission « Cohésion des territoires » des programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville » - Nous présenterons, avec mon collègue Bernard Delcros, les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Cette mission est dotée, dans le projet de loi de finances (PLF) 2021, d'un budget de 16 milliards d'euros, soit une hausse de 833 millions d'euros par rapport à l'année dernière. Les crédits pour 2021 sont toutefois en baisse par rapport à la totalité des crédits ouverts en 2020, puisque, au fil des lois de finances rectificatives (LFR), dont la quatrième a été votée hier soir, ces derniers s'élèvent à 17,5 milliards d'euros - j'y reviendrai.
Les dépenses fiscales atteignent un montant de 10,1 milliards d'euros, ce qui montre l'importance des dépenses extrabudgétaires pour les politiques du logement, de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire.
En cette année de crise sanitaire, la situation du logement va au-delà des seuls crédits budgétaires de la mission, puisque beaucoup d'éléments se retrouvent à l'extérieur de celle-ci au fil du temps. Le logement a été impacté par la crise, mais moins que les autres secteurs. En effet, les chantiers ont pu reprendre dès la mise en oeuvre de précautions sanitaires. Pour autant, les chiffres de la construction ne seront pas bons en 2020, qu'il s'agisse de l'accession ou du logement social, selon une tendance qui se poursuit depuis 2017. Plusieurs facteurs expliquent cette situation.
Le premier est le resserrement du crédit bancaire : les banques demandent aujourd'hui un minimum d'apport, et les autorités de contrôle leur ont demandé de ne plus prêter au-delà d'un seuil d'endettement de 33 % pour les ménages.
Ensuite, les bailleurs sociaux subissent les effets de la réduction de loyer de solidarité (RLS), qui a certes été suivie de mesures de compensation, mais qui reste porteuse d'inquiétude pour ces derniers.
Par ailleurs, les incertitudes sur l'avenir d'Action Logement animeront les débats en loi de finances. Action Logement collecte la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC), mais dispose aussi d'un patrimoine important, s'élevant à 80 milliards d'euros. Or, les intentions du Gouvernement sur le patrimoine d'Action Logement posent question : on observe une volonté de réorienter les crédits ou d'en récupérer une partie pour les utiliser. Le résultat de l'étude demandée à l'inspection générale des finances (IGF) laisse même penser que le démantèlement d'Action Logement pourrait être une solution envisagée. L'association finance pourtant 40 000 logements sociaux par an. De plus, sur les 10 milliards d'euros destinées au renouvellement urbain, quasiment 7 seront apportés par Action Logement. Cette incertitude s'observe d'autant plus que la première partie du PLF supprime la compensation de la remontée du seuil à 50 salariés pour les entreprises exonérées de cotisations sur la PEEC, soit 300 millions d'euros de compensations, et qu'un article non rattaché à la mission lui ponctionne 1 milliard d'euros supplémentaire. Tout cela pose question sur l'avenir d'Action Logement, et rejaillit sur l'ensemble des acteurs du secteur.
De plus, le report des élections municipales a pesé sur un certain nombre de projets de construction. Les changements de municipalités ont également pu avoir un impact, puisque certaines grandes métropoles, comme Bordeaux, ont décidé de geler les projets pour une durée indéterminée.
Si le chiffre de 500 000 logements par an est souvent évoqué comme objectif pour répondre à la demande, nous serons cette année plutôt aux alentours de 400 000. En matière de logements sociaux, la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), que nous avons auditionnée, est confiante et prévoit 100 000 logements supplémentaires. Mais l'Union sociale pour l'habitat (USH) et les autres acteurs du secteur évoquent plutôt le chiffre de 90 000. La situation est donc critique, à la fois pour le secteur privé et pour les logements sociaux.
Enfin, n'oublions pas que le problème de la suppression de la taxe d'habitation va se poser, puisque celle-ci doit être compensée par la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), dont les bailleurs sociaux et le logement intermédiaire sont exonérés. Il en résulte une mauvaise visibilité pour les acteurs du secteur.
Le plan de relance est assez décevant, car les mesures proposées ne sont pas de nature à relancer le secteur, malgré des crédits sur la rénovation énergétique. Lorsque l'on compare ces derniers aux crédits de 2019, qui étaient essentiellement basés sur le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), on retrouve finalement les mêmes montants. On ne peut donc pas parler d'effort budgétaire particulier.
Le tableau d'ensemble du secteur du logement n'est donc pas satisfaisant, même si les crédits de la mission ne permettent pas de se faire une idée globale du sujet.
S'agissant du programme 177, qui porte sur la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, les crédits en 2021 sont de 2,2 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 209 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. Ceux-ci sont toutefois inférieurs au total des crédits ouverts en 2020, s'élevant à 2,44 milliards d'euros. En effet, la crise sanitaire a conduit à ouvrir 450 millions d'euros supplémentaires en cours d'année. Je salue l'action du Gouvernement sur ce point. Cette crise aurait pu être dramatique pour les personnes privées de logement, et la réaction a été très forte, avec 34 000 places d'hébergement supplémentaires ouvertes. Le recours aux nuitées hôtelières a également été utile, et le fait que les hôtels soient vides a aidé le Gouvernement dans la mise en place de ce dispositif : 12 000 nuitées supplémentaires ont ainsi été mobilisées. Des centres d'hébergement spécialisés (CHS) ont également été ouverts pour les personnes sans domicile atteintes de covid sans gravité, mais ont finalement été assez peu utilisés. Cependant, la question de l'avenir de ces personnes temporairement logées se posera en sortie de crise, malgré l'existence du plan quinquennal pour le Logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme, qui n'est pas une grande réussite.
Les services intégrés de l'accueil et de l'orientation (SIAO), qui gèrent le 115, ont d'abord été surchargés, mais ont ponctuellement réussi à répondre à la demande. Par ailleurs, un projet de convergence informatique des systèmes d'accueil était prévu depuis longtemps, pour permettre d'avoir une plus grande vue d'ensemble sur les places disponibles. Sa mise en oeuvre à l'automne s'est soldée par un « plantage », qui a abouti à un blocage du système pendant trois semaines.
S'agissant du logement adapté, il faut saluer le relèvement du forfait journalier pour les pensions de famille. Toutefois, l'objectif du quinquennat de créer de 40 000 places en intermédiation locative et 10 000 places en pension de famille nécessitera un effort important dans les deux années à venir. Le budget est d'ailleurs en hausse de 18 % en 2021. Cependant, le problème ne provient pas nécessairement des crédits manquants, mais plutôt d'un nombre insuffisant de projets.
Le programme 109, relatif aux aides personnalisées au logement (APL), est à l'origine de la majeure partie du dépassement du budget en 2020, puisqu'il nécessite l'ouverture de près de 1,9 milliard d'euros de crédits dans le quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR4). D'une part, la réforme des APL, visant à prendre en compte les revenus actualisés des allocataires, a été repoussée : d'abord au 1 er avril de l'année en cours pour des raisons techniques, et ensuite, parce que le confinement en aurait compliqué considérablement la gestion, au 1 er janvier de l'année 2021, créant un manque à gagner de 1,2 milliard d'euros pour l'année 2020. D'autre part, la crise augmente le nombre de personnes éligibles à l'aide. Dans le même temps, la contribution des entreprises serait moins importante que prévu en 2020, via une probable diminution de la masse salariale.
Pour 2021, le Gouvernement a limité le coût des APL pour l'État par une ponction de 1 milliard d'euros sur le budget d'Action Logement. La même solution avait été trouvée l'an dernier, mais pour 500 millions d'euros. Cela s'ajoute à la suppression des 300 millions de la compensation du relèvement du seuil à 50 salariés pour les entreprises cotisantes à la PEEC. Comme je l'ai évoqué précédemment, le sujet d'Action Logement est très important pour le secteur, et le Gouvernement devrait jouer cartes sur table. Au total, les crédits budgétaires demandés pour les APL sont inférieurs de 1,4 milliard d'euros à ceux qui ont été effectivement ouverts en 2020, ce qui représente une diminution de 900 millions d'euros pour les aides versées aux bénéficiaires, si l'on prend en compte l'accroissement de la contribution d'Action Logement. Selon le Gouvernement, la réforme du mode de versement devrait apporter 750 millions d'euros d'économies, à mettre en relation avec les 1,2 milliard d'économies initialement prévus par la réforme des APL. Mais en fonction de l'évolution de la situation sanitaire, le Gouvernement sera probablement amené à abonder de nouveau les crédits destinés à couvrir les APL en cours d'année.
Le programme 135 concerne différentes actions liées à la construction et à l'habitat. Le coût de ces politiques est surtout porté par des dépenses fiscales. La politique privilégiée cette année est la rénovation énergétique. En effet, le plan de relance apporte 2 milliards d'euros à la rénovation des logements privés. Toutefois, l'année 2020 a connu un nouvel exercice de régulation budgétaire au sein de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), avec le programme « MaPrimeRénov' ». Ce programme fonctionnait très bien, voire trop bien : les professionnels ont eu tendance à augmenter leurs prix en conséquence, et certaines entreprises ont démarché des particuliers pour des chantiers de rénovation peu pertinents. La révision soudaine des subventions à l'isolation thermique par l'ANAH, le 14 juillet dernier, a abouti à une réduction des surfaces extérieures éligibles et du nombre de demandes. Les effets sur le secteur ont été considérables, et je dénonce cette politique permanente de « stop and go » de l'ANAH. Par ailleurs, la fin des restrictions sur les derniers déciles de l'impôt sur le revenu l'année prochaine permettra de rendre éligible l'ensemble des ménages.
En résumé, si ces crédits supplémentaires pour 2021 sont les bienvenus, ils sont comparables aux coûts vers 2019, si on inclut le crédit d'impôt transition énergétique. Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement pourrait donc faire un effort supplémentaire.
Il y a quelques années, l'aide aux maires bâtisseurs s'était finalement traduite par des montants peu élevés. Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement propose une nouvelle aide de 350 millions d'euros sur deux ans, et dont les conditions de versement sont contestables. En effet, elle sera accessible à toutes les communes, sans condition de potentiel financier. De plus, le système d'attribution découpe la France en cinq zones. Le nombre de mètres carrés à construire serait ensuite comparé à la moyenne dans la zone sur les années antérieures. Si la commune a des projets plus denses que la moyenne, 100 euros d'aide seraient attribués par mètre carré supplémentaire. Mais dans les faits, pour une année donnée, tous les permis de construire accordés seront pris en compte pour le calcul de l'aide, et si celle-ci dépasse l'enveloppe budgétaire, un coefficient réduira finalement l'aide au mètre carré.
Je terminerai par le programme 147, consacré à la politique de la ville. La crise sanitaire a conduit le Gouvernement au dégel de la réserve de précaution, mais aussi à une ouverture de crédits de 86,5 millions d'euros dans la troisième loi de finances rectificative, qui a créé l'opération « Vacances apprenantes » en lien avec plusieurs ministères, dont celui de l'éducation nationale. Le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) est en phase de lancement : les chantiers ont commencé dans la moitié des 450 quartiers concernés. Toutefois, les crédits consommés concernent encore très largement l'achèvement du programme de rénovation urbaine précédent. La contribution de l'État en 2021 au NPNRU étant de 80 millions sur 1 milliard promis, ce sont donc les prochains quinquennats qui en assumeront la charge.
L'an dernier, nous avions proposé le rejet des crédits. Cette année, considérant que les crédits budgétaires sont plus conformes à la réalité que par le passé et ne dénotent pas de sous-estimations, mais aussi qu'ils prennent également en compte l'hébergement d'urgence, nous vous proposons l'adoption des crédits. Cela ne nous empêche aucunement de porter un regard critique sur la politique du logement dans son ensemble.
M. Bernard Delcros , rapporteur spécial pour la mission « Cohésion des territoires » des programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l'État » - Les programmes 112 et 162 concernent plutôt les questions de ruralité. Il s'agit de montants assez faibles : 300 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 600 millions d'euros de dépenses fiscales adossées à des zonages. Toutefois, ces programmes traitent de sujets essentiels pour les territoires, comme les politiques contractuelles État-territoires, les maisons France Services, le portage de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) avec notamment le nouveau programme « Petites villes de demain », le programme des interventions territoriales de l'État, ou encore les dépenses fiscales attachées au zones de revitalisation rurales (ZRR), aux zones d'aide à finalité régionale (AFR) et aux autres zonages pour la ruralité.
Concernant les politiques contractuelles, une nouvelle génération de contrats de plan État-région (CPER) voit le jour, avec une enveloppe plus que doublée par rapport à 2020, passant de 108 millions à 222 millions d'euros. Cependant, les crédits attachés à ces nouveaux CPER sont répartis entre la mission « Cohésion des territoires » et la mission « Plan de relance ». Si cette répartition est compréhensible, les politiques contractuelles ne gagnent pas en lisibilité.
La première génération des contrats de ruralité a été mise en place en 2017 avec des crédits dédiés, qui ont ensuite glissé vers le programme 119, jusqu'à se retrouver dans des crédits de droit commun. Dans mon rapport présenté l'année passée sur les contrats de ruralité, j'avais souligné l'intérêt d'une deuxième génération de contrats. Celle-ci sera finalement mise en place à partir de 2021, probablement sous le nom de contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Mais, là encore, les financements pourraient porter sur le programme 112, mais aussi sur des crédits de droit commun du programme 119.
En 2021, un nouvel outil de contractualisation avec les territoires, le programme « Petites villes de demain » verra le jour. Il s'agit d'apporter une réponse positive à ces territoires ruraux constitués de petits bourgs qui ne remplissaient pas, notamment en termes de nombre d'habitants, les conditions d'accès au programme Action coeur de ville. Ce nouvel outil comporte deux avancées majeures. Tout d'abord, il concerne toutes les petites villes en dessous de 20 000 habitants, sans plancher de nombre d'habitants. Cela permet à des petits bourgs peu peuplés, mais jouant un vrai rôle de centralité dans un territoire, d'en bénéficier. Ensuite, les candidatures groupées à l'échelle des intercommunalités sont désormais possibles. Dans le cadre de ce programme, l'ANCT pourra notamment financer l'ingénierie.
Les onze pactes territoriaux continuent, mais également, avec des crédits répartis entre la mission « Cohésion des territoires » et la mission « Plan de relance ».
Les politiques contractuelles affichent de véritables avancées, que je viens de citer. En revanche, la manière dont les crédits sont répartis accentue le manque de lisibilité et de cohérence, avec une dispersion sur plusieurs missions. On a également pu constater des changements de règles du jeu en cours d'exécution de ces contrats, qui privent les acteurs locaux d'une stabilité dont ils auraient pourtant besoin. Il y aurait donc un réel intérêt à rassembler toutes les politiques contractuelles au sein d'une même mission, pour plus de lisibilité et d'efficacité.
L'ANCT est financée sur le programme 112 par une subvention pour charge de service public, qui progressera cette année de 52 à 61 millions d'euros, notamment du fait du doublement des crédits dédiés à l'ingénierie des territoires, qui augmentent de 10 à 20 millions d'euros. Il est aujourd'hui trop tôt pour juger de l'efficacité du travail conduit par l'agence, mais il faudra à terme examiner la plus-value qu'elle apporte sur les territoires. Quoi qu'il en soit, elle répond à un véritable besoin en termes d'ingénierie.
Les crédits des maisons France Services augmenteront en 2021, pour accompagner leur montée en puissance - elles sont aujourd'hui au nombre de 856, l'objectif étant d'en avoir une par canton - : 543 d'entre elles sont portées par les collectivités territoriales, 156 par des associations, 131 par La Poste, 19 par la Mutualité sociale agricole (MSA) et 11 par l'État. Je porte un regard positif sur ces maisons, qui améliorent les services dans les territoires, les rassemblent dans un même lieu et les rapprochent des habitants. Elles mobilisent une dizaine d'opérateurs. Aujourd'hui, le financement du fonctionnement et de l'accueil est assuré au travers d'un forfait de 30 000 euros par maison, alimenté à la fois par les opérateurs et par l'État via du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Toutefois, le passage d'une maison de service au public à une maison France services implique une montée en gamme et en nombre des services apportés. La question se pose donc de l'adéquation entre cet accompagnement financier et les critères requis pour pouvoir être labellisées.
Dix-huit dépenses fiscales sont rattachées au programme 112 pour un montant avoisinant les 600 millions d'euros, et correspondent à des zonages. Ces derniers sont en faveur des territoires ruraux, à l'image des ZRR et les AFR. Contrairement au rapport rendu par l'Assemblée nationale, je pense que ces exonérations fiscales ont un effet levier important, comme nous l'avions mis en lumière dans notre rapport d'information sur les ZRR, réalisé avec mes collègues Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau. La fin de ces dispositifs était prévue pour le 31 décembre 2020, mais un amendement du Gouvernement à l'Assemblée vient de proroger de deux ans sept d'entre eux, dont cinq concernent le programme 112 au travers de l'article rattaché 54 ter , sur lequel je vous proposerai de donner un avis favorable. Aujourd'hui, un chantier est ouvert pour réformer ces zonages. Nous y sommes favorables, et nous souhaitons qu'une véritable démarche de concertation soit mise en oeuvre. Nous suivrons donc ce sujet avec attention. Dans l'attente de cet éventuel futur zonage, il est important de proroger ceux qui sont existants : comme le Gouvernement a accepté de proroger les zones AFR pour deux ans, je vous propose de maintenir sur cette même période la prime d'aménagement du territoire (PAT) adossée à ce zonage.
Au sein du programme 162 « Interventions territoriales de l'État », six actions se poursuivent : l'action n° 2, Eau-Agriculture en Bretagne ; l'action n o 4, Programme exceptionnel d'investissements (PEI) en faveur de la Corse - qui sera complété par le plan de relance ; l'action n o 8, Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe ; l'action n o 9, Plan littoral 21 ; l'action n o 10, Fonds interministériel de transformation de la Guyane ; et enfin l'action n o 11, Reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de Loire. L'action n o 6, Plan gouvernemental sur le marais poitevin, est définitivement abandonnée, et l'action n o 12, Service d'incendie et de secours à Wallis-et-Futuna, est créée dans le PLF 2021. Ces services sont aujourd'hui gérés par l'État, dans l'attente de la révision du statut de l'assemblée territoriale.
Je vous propose d'adopter les crédits du volet politique des territoires de la mission « Cohésion des territoires ». Nous aurons également à nous prononcer sur l'amendement que je vous propose, qui vise à rétablir les crédits de la PAT pour un montant de 10 millions d'euros en AE et de 15 millions en CP, que nous prélèverions sur le programme 135. Enfin, nous nous prononcerons sur l'article 54 ter ajouté à l'Assemblée nationale .
M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires » . - Le budget pour 2021 est contrasté, avec des crédits en hausse grâce au plan de relance, le passage des crédits d'ingénierie de l'ANCT de 10 à 20 millions d'euros, le déploiement des crédits pour les maisons France Services, et enfin la prolongation de deux ans des zones AFR. Il reste toutefois quelques motifs d'inquiétude. D'abord, la suppression de la PAT est regrettée, elle était déjà passée de 20 à 6 millions d'euros. Selon le Gouvernement, les nouvelles politiques relatives aux territoires d'industries suffisent à encourager l'installation d'entreprises, bien que ces derniers ne concernent que 145 communes contre un total de 35 000 sur l'ensemble du territoire.
Ensuite, les crédits du programme 112 baissent de 15 % en AE et de 5 % en CP, bien que le Gouvernement indique que cette diminution sera compensée par le plan de relance. Il faudra donc s'assurer que le programme retrouve le niveau qui était le sien, afin d'éviter cette confusion entre les crédits du plan de relance et les crédits véritablement affectés au programme. Il y a ici un risque pour la visibilité des politiques d'aménagement du territoire.
Par ailleurs, l'articulation des nouvelles instances prévues par la circulaire du Premier ministre sur la mise en oeuvre territorialisée du plan de relance, avec à la fois des comités existants comme l'ANCT et des comités locaux, de cohésion territoriale ou encore régionaux, présente un risque de perte d'efficacité pour les territoires. Néanmoins, la commission émettra un avis favorable, compte tenu des crédits alloués aux territoires dans le plan de relance.
M. Olivier Henno , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » . - Un réel effort a été consenti pour la budgétisation de ce programme pour 2021, avec une enveloppe de crédits portée à 2,2 milliards d'euros. Trois enjeux se présentent néanmoins : le maintien - voire la hausse - des capacités d'accueil pour cet hiver compte tenu du rebond épidémique ; le maintien de l'accompagnement social, alors que le secteur peine à recruter des bénévoles ; enfin, la poursuite des évolutions structurelles du secteur de l'hébergement et de l'insertion pour le logement, avec le ralentissement de nombreux chantiers et l'incertitude persistante sur la capacité du secteur à rebondir en 2021. L'avis de la commission des affaires sociales sera sans doute favorable.
M. Claude Raynal , président . - Permettez-moi de poser deux questions au nom du rapporteur général.
Philippe Dallier, l'Assemblée nationale a prolongé jusqu'en 2024 le dispositif Pinel de réduction d'impôt pour l'investissement locatif intermédiaire, tout en prévoyant sa réduction progressive. Compte tenu des critiques souvent faites envers ce dispositif, parmi lesquelles sa rentabilité difficile à calculer pour le particulier qui investit, ou encore son coût élevé pour l'État par rapport aux effets, ne serait-ce pas une bonne chose d'explorer d'autres voies, d'autant que l'effort public devrait surtout porter aujourd'hui sur la rénovation du parc existant, qui est déjà une tâche considérable et difficilement rentable ?
Bernard Delcros, concernant le programme 162 et le plan chlordécone, le Sénat avait voté l'année passée une hausse de 1 million d'euros pour la réalisation de tests aux Antilles. Qu'en est-il cette année ? Les propositions du Gouvernement paraissent-elles assez ambitieuses ?
M. Patrice Joly . - Sur la question du logement, cela m'évoque un problème survenu dans mon territoire à la fin des années 1990, à savoir un effet d'éviction de la population locale par une population d'Europe du Nord arrivante. La question était de pouvoir loger la population locale, qui, au regard de ses moyens financiers, n'était plus en mesure d'acheter des biens immobiliers. Aujourd'hui, on constate le même type de phénomène. Quelle réflexion pourrions-nous avoir sur les moyens financiers apportés à la population locale pour construire et rénover sur les territoires ruraux ? La question de la rénovation fait en effet souvent l'objet d'une approche urbaine.
Les contrats de ruralité ont changé de nom, et je pense que c'est heureux. Mais la symbolique des dénominations témoigne de la considération portée à ces sujets. Cela vaut aussi pour le programme « Petites villes de demain » et les bourgs qui revendiquent des rôles de centralité. Je proposerai, par le biais d'un amendement, l'instauration d'une déclinaison particulière appelée « Villages du futur » pour les communes de moins de 2 000 habitants, qui ne sont pas des villes. Cela témoignera de l'attention portée à ces villages.
Les maisons France Services fonctionnent et constituent une véritable offre de services. Mais il ne faudrait pas les laisser devenir des sortes de « maisons administratives fourre-tout » ! Par exemple, on a pu me justifier la compensation de la fermeture d'une gendarmerie par l'instauration de permanences dans une maison de service public. Soyons attentifs !
Sait-on comment l'ingénierie des crédits dédiés à l'ANCT va fonctionner ? S'agit-il de financements, ou plutôt de prestations offertes par des tiers avec lesquels l'ANCT aura contractualisé ?
M. Vincent Segouin . - Existe-t-il une estimation de la fraude sur l'aide à la rénovation énergétique, et des moyens pour la contrer ?
Peut-on avoir une visibilité durable sur les ZRR ? En effet, je suis sidéré qu'aucune promotion de ce dispositif ne soit faite dans les campagnes, et qu'il soit sous-exploité.
M. Jean-Marie Mizzon . - Les nouveaux crédits affectés à l'ANCT sur l'ingénierie des territoires bénéficieront-ils à l'agence en tant que structure, ou plutôt aux territoires qui travaillent avec elle ? Si tel est le cas, quid des territoires qui se sont organisés avant l'émergence de l'ANCT ? Bénéficieront-ils également d'un soutien de l'État ?
M. Sébastien Meurant . - Le prix des logements augmente sur une partie du territoire français, qu'il s'agisse du territoire côtier ou des métropoles. La décorrélation du foncier et du bâti est-elle une piste à envisager ?
Le logement social est devenu un luxe pour une partie de la population. Les dispositifs d'aide d'urgence ne cessent de se développer, et ne sont pas une solution durable. Que préconisez-vous ?
L'État va-t-il prendre en compte l'épisode de la covid pour reporter les engagements triennaux sur l'obligation de construire 25 % de logements sociaux dans les communes en zone tendue de plus de 3 500 habitants ?
Dans le cadre des mesures sur les économies d'énergie, avez-vous des informations sur la situation difficile de certaines copropriétés en raison des travaux qu'elles ont engagés, qui contraignent les propriétaires à prendre des crédits importants qui les fragilisent financièrement ?
M. Jérôme Bascher . - Un vrai bilan de la fraude sur ce sujet est nécessaire, car les entreprises spécialisées dans la rénovation énergétique nous révèlent qu'il n'y a pas véritablement de rénovation à un euro.
À quels territoires profitera la hausse de 10 à 20 millions des crédits de l'ANCT ? Aux petites communes, aux intercommunalités, aux départements ? On s'est beaucoup plaint de l'absence d'ingénierie sur les territoires, pour finalement créer une agence centralisée à Paris. N'a-t-on pas inventé-là un nouveau comité Théodule pour départementaliser et distribuer ce soutien en ingénierie ?
M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - Le rapporteur pour avis a posé une question sur laquelle je veux revenir, celle de la gouvernance au niveau régional entre les CPER et le plan de relance. Sur cette question, les acteurs interrogés ont bien confirmé que seul le comité de programmation des crédits du CPER était décisionnaire.
Au sujet du plan Chlordécone, on passe effectivement de 5 millions d'euros l'année dernière à 3 millions aujourd'hui. En réalité, le PLF initial pour 2020 présenté par le Gouvernement prévoyait 3 millions, mais le débat budgétaire a conduit à porter les crédits à 5 millions. Cette année, le Gouvernement propose de nouveau 3 millions. Avec les reports des crédits autorisés et les transferts en gestion, on arriverait finalement à 5,2 millions, soit à peu près la même somme que l'an dernier. Toutefois, l'inspection générale des affaires sociales a conduit une mission d'information assez critique, qui a conclu que nous étions en réalité loin des niveaux de financements nécessaires, qu'ils estiment à 30 millions d'euros pour la seule dépollution des sols.
Je partage les propos de Patrice Joly sur la symbolique des noms, qui est très importante. Il serait dommage d'abandonner l'appellation « contrats de ruralité », car cela pourrait avoir pour effet de diluer les problématiques propres à la ruralité dans des enjeux nationaux qui pourraient être différents. Aujourd'hui, le terme CRTE est plutôt privilégié. La question de l'avenir de la ruralité s'est installée dans le débat public, et il convient d'attacher de l'importance aux termes.
Si un amendement vise à instaurer un programme spécifique « Villages du futur » pour les bourgs dont la population est inférieure à 2 000 habitants, je le soutiendrai.
Patrice Joly a relevé qu'un certain nombre de services d'État étaient dirigés vers les maisons France Services et a cité le cas des gendarmeries, je le découvre ! Nous devons être attentifs sur ce point : le transfert de services peut être envisagé, mais il doit être concerté et organisé. Et si l'on transfère des services de l'État, quid des financements ?
Pour répondre à Jérôme Bascher et Jean-Marie Mizzon, les crédits d'ingénierie de l'ANCT passent de 10 à 20 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 20 millions d'euros de crédits prévus dans le plan de relance. Ces crédits se déploieront sous deux formes principales : les territoires peuvent se doter d'ingénierie en interne, au travers de chefs de projet, financés en partie par l'ANCT, dans le cadre du programme Petites villes de demain ; ou l'ANCT peut, au travers d'un marché passé avec des bureaux d'études qu'elle finance intégralement apporter des prestations d'études thématiques.
Le dispositif des ZRR, sur lequel j'ai fait un rapport l'année dernière avec deux collègues, est très utile. Nous avions proposé une évolution des critères pour une plus grande efficience du dispositif et plaidé en faveur de la prorogation des ZRR en attendant. Une réflexion est actuellement menée pour les faire évoluer, ainsi que d'autres dispositifs de zonage. Le Gouvernement, par un amendement déposé à l'Assemblée nationale, a décidé de proroger les ZRR pour une durée de deux ans.
M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Pour répondre au rapporteur général sur le dispositif Pinel, je lui confirme qu'il a un certain coût, raison pour laquelle le Gouvernement souhaitait lui faire un mauvais sort ! Souvenons-nous qu'Emmanuelle Cosse avait choisi de mettre un terme au précédent dispositif de soutien : le rythme des constructions avait plongé ! Le Gouvernement a compris qu'il fallait un dispositif pour l'investissement locatif. Est-il trop généreux ? Des points pourraient être revus, mais l'année 2021 n'est pas la bonne pour décider de modifier les règles du jeu... Quand nous aurons retrouvé un rythme soutenu de construction, nous pourrons étudier des adaptations du dispositif. Le rapporteur général se demandait s'il ne fallait pas préférer la rénovation du parc existant. Mais il faut faire les deux : rénover le parc et construire 500 000 logements par an.
Patrice Joly, le phénomène que vous avez évoqué va s'amplifier. Après le confinement et avec le développement du télétravail, des Parisiens et des habitants des grandes villes ont décidé d'aller construire leur vie ailleurs. Dans le Berry, par exemple, des maisons en vente depuis des mois ont rapidement trouvé acquéreur. Cela pose problème pour les habitants du cru qui n'ont pas forcément les moyens de devenir propriétaires, surtout si les prix augmentent. Je n'ai pas de solution à proposer.
Vincent Segouin et Jérôme Bascher m'ont interrogé sur la fraude au dispositif « MaPrimeRénov' ». Des travaux réalisés dans des conditions épouvantables par des entreprises qualifiées, c'est à la limite de la fraude et de la malfaçon. L'ANAH dit être capable de contrôler 10 % des dossiers, travaux faits. Ce taux peut sembler faible, mais c'est beaucoup mieux qu'avant ! L'aide de 150 euros à l'assistance à maîtrise d'ouvrage me paraît faible. Cette aide ne suffira pas à rémunérer le professionnel dont vous aimeriez solliciter l'avis pour juger de la qualité du devis d'une entreprise. Des contrôles et un dialogue constant entre le ministère et les professionnels seront nécessaires. À l'époque de l'opération « La chaudière à 1 euro », le prix des chaudières avait flambé : les professionnels, réunis par le Gouvernement, avaient pris des engagements, dont je ne suis pas certain qu'ils se soient traduits par une atténuation des prix. Les subventions entraînent un effet d'aubaine, qui ne peut être qualifié de fraude.
Sébastien Meurant, la décorrélation du foncier et du bâti existe déjà. Cela permet à des familles d'accéder à la propriété. Ce mécanisme, qui est beaucoup plus développé dans d'autres pays comme les Pays-Bas, n'est toutefois pas la solution miracle.
Les loyers des logements sociaux sont-ils trop élevés ? Pour le prêt locatif aidé d'intégration (PLAI), non ; pour le prêt locatif social (PLS), oui ! Dans certains territoires, il est parfois difficile de trouver des familles correspondant aux critères pour les logements financés en PLS.
En ce qui concerne la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), j'ose espérer que, eu égard aux circonstances, pour la période triennale en cours, des consignes seront données pour tenir compte de la crise. Une réflexion va s'ouvrir au sein du Gouvernement sur la « barrière » de 2025. Il est clair que toutes les communes n'auront pas 20 % ou 25 % de logements sociaux à cette date. L'idée est de reporter l'échéance de six ans. Jusqu'à présent, les modifications apportées n'étaient pas très importantes, mais nous avons maintenant une perspective que le débat soit rouvert.
Pour éviter la fragilisation de certains propriétaires en cas de travaux dans une copropriété, des aides existent. Des personnes obligées de contracter un emprunt parce que des travaux ont été votés peuvent, en effet, se retrouver dans des situations difficiles. Mais le phénomène des copropriétés dégradées a pris une ampleur catastrophique dans certains territoires, comme au Chêne pointu à Clichy, en Seine-Saint-Denis. Il faut trouver un équilibre. La problématique est en tout cas mieux appréhendée aujourd'hui qu'elle n'a pu l'être par le passé.
M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - L'amendement n° II-4 vise à rétablir les crédits de la prime d'aménagement du territoire (PAT), ce qui est cohérent avec la décision du Gouvernement de prolonger les zones AFR de deux ans. La PAT est accordée aux entreprises qui s'installent dans les zones situées en AFR.
Aucun crédit n'était prévu en autorisations d'engagement : je propose de rétablir 10 millions d'euros de crédits. En crédits de paiement, je souhaiter relever à 10 millions d'euros le montant actuellement fixé à 6 millions d'euros.
L'amendement n° II-4 est adopté.
M. Patrice Joly . - Compte tenu de la ponction sur Action Logement, nous sommes, pour notre part, défavorables à l'adoption des crédits de la mission.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires », sous réserve de l'adoption de son amendement.
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - L'article 54 ter , qui résulte d'un amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale, prévoit de proroger jusqu'au 31 décembre 2022 un certain nombre de zonages, comme les ZRR et les AFR. Nous y sommes bien évidemment favorables.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 54 ter .
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires », sous réserve de l'adoption de son amendement. Elle a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 54 ter .
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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » tels que modifiés par son amendement. Elle a également confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption de l'article 54 ter sans modification.