II. LES CRÉDITS ET LES EMPLOIS DES OPÉRATEURS
En 2021, les programmes de la mission « Travail et emploi » seront chefs de file de sept opérateurs :
- Pôle emploi (programme 102) ;
- l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (Epide) (programme 102) ;
- France compétences (programme 103), bien que cette agence ne soit pas financée par les crédits de la mission mais par la contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance ;
- l'Agence nationale pour formation professionnelle des adultes (AFPA) (programme 103) ;
- le Centre INFFO (programme 103) ;
- l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) (programme 111) ;
- l'Institut national du travail, de l'emploi et la formation professionnelle (Intefp) (programme 155).
La mission concourt en outre au financement de l'Agence nationale de la sécurité sanitaire, de l'alimentation et de l'environnement et du travail (ANSES).
Dans la continuité des précédents exercices, les subventions pour charges de service public (SCSP) allouées aux opérateurs sont stables, hormis celle perçue par Pôle emploi qui diminuerait de près de 7 % en 2021 , après une diminution de 10 % en 2020. Le montant total de crédits de paiement versés aux opérateurs financés par la mission en 2021 s'élèverait à 4,3 milliards d'euros (dont 4,0 milliards pour le seul Pôle emploi), soit au même niveau que l'année précédente.
Évolution entre 2021 et 2020 des subventions pour charges de service public et des CP totaux versés aux opérateurs financés par la mission « Travail et emploi »
(en milliers d'euros et en pourcentage)
Opérateur (programme
|
SCSP 2020 |
SCSP 2021 |
Variation 2021/2020 |
CP 2020 |
CP 2021 |
Variation 2021/2020 |
Pôle emploi (P102) |
1 235 903 |
1 149 875 |
- 6,96 % |
3 999 989 |
3 978 971 |
- 0,53 % |
EPIDe (P102) |
55 993 |
61 841 |
+ 10,44 % |
83 993 |
93 841 |
+ 11,72 % |
Centre INFFO (P103) |
4 104 |
3898 |
- 5,02 % |
4 104 |
3898 |
- 5,02 % |
AFPA (P103) |
110 000 |
110 000 |
- |
162 700 |
176224 |
+ 8,31 % |
ANACT (P111) |
9 910 |
9 840 |
- 0,71 % |
11 910 |
11840 |
- 0,59 % |
INTEFP (P155) |
13 909 |
14 102 |
+ 1,39 % |
13 909 |
14 102 |
+ 1,39 % |
TOTAL |
1 429 819 |
1 349 556 |
- 5,61 % |
4 276 605 |
4 278 876 |
+ 0,05 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les emplois sous plafond des opérateurs augmentent de 2 114 ETPT en 2021, après une augmentation de 356 ETPT en 2020 . Cette évolution tient notamment :
- à la hausse très importante du plafond d'emploi de Pôle emploi (+2 433 ETPT) , qui, malgré la baisse continue de sa SCSP, bénéficie en 2021 de 319 millions de crédits de la mission « Plan de relance » (dont 69 millions d'euros spécifiquement fléchés sur l'accompagnement intensif des jeunes) ;
- la forte baisse des emplois sous plafond de l'AFPA (- 313 ETPT) , liée à l'actuel plan de transformation de cette agence.
Sur le long terme, les moyens de l'ANACT auront également fait l'objet d'une importante baisse , puisque, selon l'opérateur, sur les cinq dernières années :
- le budget aura diminué de près de 800 000 euros soit près de 8 % (en incluant les crédits mis en réserve) ;
- les ETPT sous plafond auront diminué de 8 postes soit une baisse de plus de 10 % des effectifs de l'établissement.
Évolution entre 2020 et 2021 des plafonds
d'emploi des opérateurs rémunérés
par la mission
« Travail et emploi »
(en ETPT)
Opérateur |
Plafond d'emplois 2020 |
Plafond d'emplois 2021 |
Variation 2021/ 2020 |
Pôle emploi (P102) |
46 995 |
49 428 |
+ 2 433 |
EPIDe (P102) |
1 090 |
1 090 |
- |
Centre INFFO (P103) |
77 |
75 |
- 2 |
AFPA (P103) |
6 055 |
5 742 |
- 313 |
ANACT (P111) |
70 |
68 |
- 2 |
INTEFP (P155) |
88 |
86 |
- 2 |
TOTAL |
54 375 |
56 489 |
+ 2 114 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La position d'Emmanuel Capus, rapporteur spécial La hausse de 3 % des crédits de la mission « Travail et emploi », à laquelle s'ajoutent près de 10 milliards d'euros issus de la mission « Plan de relance », est bienvenue dans un contexte économique et social radicalement bouleversé par la crise sanitaire . Cet effort est d'autant plus notable qu'il fait suite à plusieurs années de diminution puis de stabilité de ces crédits qui traduisait, dans le respect de la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 et dans un contexte de net reflux du taux de chômage, la nécessaire contribution du ministère du travail et de ses opérateurs au redressement des finances publiques. L'heure est désormais à la relance et au renforcement des politiques de l'emploi que les rapporteurs spéciaux avaient appelé de leurs voeux 11 ( * ) . L'éclatement du financement de la politique de l'emploi en 2021 se fait cependant au détriment de la lisibilité budgétaire pour le Parlement. Le cas de l'activité partielle est à cet égard emblématique : alors que le dispositif « de droit commun » était financé en LFI 2020 par le programme 103, le dispositif exceptionnel créé en LFR 1 a été pris en charge par la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », avant que la mission « Plan de relance » n'assure son financement en 2021. De même, les restes à payer des AE votées en troisième loi de finances rectificative pour 2020 pour les aides exceptionnelles aux employeurs de jeunes, d'apprentis et en contrats de professionnalisation seront financés en 2021 sur la mission « Plan de relance ». Le rapporteur relève également que les modalités précises du pilotage partagé des dispositifs du plan de relance relevant de la politique de l'emploi entre la direction du budget et la DGEFP ne sont pas encore arrêtées . La mise en oeuvre des dispositifs concernés devrait passer, selon les cas, par une délégation de gestion à la DGEFP ou un transfert de crédits sur les programmes concernés. Il convient d'acter celles-ci dans les meilleurs délais pour permettre une mise en oeuvre rapide et fluide du plan de relance. Il s'agira en tout état de cause d'un point de vigilance important lors de l'examen de la loi de règlement relative à l'exercice 2021. La poursuite de la trajectoire de diminution des effectifs du ministère du travail traduit quant à elle la continuation d'un effort structurel de maîtrise des finances publiques, sans remettre en cause la nécessaire réponse conjoncturelle à la crise qui a pu et pourra le cas échéant se traduire par le recrutement d'agents contractuels. Compte tenu des incertitudes en termes de besoins de personnels, il a été indiqué aux rapporteurs qu'une règle de gestion liant le recrutement de CDD à des indicateurs de charge des services déconcentrés est en cours d'élaboration et constituera un cadre partagé au niveau de l'État pour autoriser en cours d'année des recrutements en fonction de l'évolution du contexte sanitaire et économique. Peut d'ores et déjà être relevé le renforcement significatif du plafond d'emplois de Pôle emploi , afin de lui permettre de faire face à la forte hausse des besoins d'accompagnement liée à la montée du chômage, en particulier en direction des jeunes. En tant que prescripteur des contrats d'insertion, l'opérateur aura un rôle décisif à jouer pour la mise en oeuvre du plan de relance. En revanche, les efforts demandés à l'ANACT sur les dernières années semblent avoir atteint leur limite, l'opérateur considérant que les frais de fonctionnement ne peuvent désormais plus connaître de baisse sensible sans remise en cause de la programmation et de l'efficacité de ses actions. La position de Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale La rapporteure ne peut que se réjouir de l'effort accru consenti en faveur de la politique de l'emploi en 2021, en rupture avec la tendance austéritaire des années précédentes . Elle relève néanmoins que les crédits de la seule mission « Travail et emploi », qui doivent être interprétés comme le « socle » structurel que le Gouvernement entend accorder aux politiques du travail et de l'emploi, hors l'effort temporaire financé dans le cadre du plan de relance, s'établissent à un niveau qui reste insuffisant, et en tout état de cause bien en-deçà de celui constaté en début de quinquennat. La poursuite obstinée de l'effort de réduction des effectifs du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion est incompréhensible, alors que tout indique que les effets de la crise sociale pèseront durablement sur l'activité des services . Le recours à des agents supplémentaires pour colmater les brèches, aussi bien dans les services déconcentrés qu'à Pôle emploi, est certes indispensable dans le contexte de la crise, mais le fait que ces derniers soient vacataires renvoie dans le même temps le signal paradoxal d'un ministère chargé de l'amélioration de la qualité de l'emploi mais créateur de précarité pour ses propres agents La forte dégradation attendue de la situation sur le marché du travail et ses conséquences sociales de long terme appellent à l'inverse une augmentation pérenne des effectifs. Cette réduction touche tout particulièrement l'AFPA , affectée par un brutal plan de sauvegarde de l'emploi, lui-même conséquence de difficultés financières largement imputables à l'intégration dans le champ concurrentiel des missions de service public qu'elle exerce 12 ( * ) . C'est d'autant plus dommageable qu'elle a su, par le passé, démontrer une efficacité sociale élevée, avec un taux d'entrée en emploi supérieur à la moyenne des organismes de formation. À nouveau en 2021, l'Unédic voit sa contribution à Pôle emploi portée à 11 % de ses ressources (contre 10 % en 2019), alors même que la subvention pour charge de service public versée à l'opérateur continue de baisser. Comme l'avait déjà relevé la rapporteure l'année précédente, une telle mesure revient in fine à faire supporter aux chômeurs eux-mêmes le coût du service public de l'emploi. Cette décision a été prise alors même que la crise pèse lourdement sur les comptes de l'assurance-chômage dont le déficit devrait lourdement se creuser 13 ( * ) , en particulier du fait de la prise en charge d'un tiers du coût de l'activité partielle. C'est à l'inverse à une compensation au moins partielle de l'État à l'assurance-chômage de la charge exceptionnelle représentée par ce dispositif qu'il aurait fallu procéder. Il a certes été indiqué aux rapporteurs que le taux de contribution de l'Unédic à Pôle emploi pourrait de nouveau diminuer à compter de 2022, mais une telle évolution aurait en réalité dû intervenir dès 2021. Le maintien en 2021 de la réforme « OTE », qui concerne les ministères sociaux au premier chef, interroge également au vu des risques de désorganisation qu'elle entraîne, à l'heure où les services doivent être entièrement occupés à la gestion des conséquences de la crise. La gouvernance des futures directions départementales de l'emploi, du travail et de la solidarité (DDETS) constitue également un point de vigilance, avec la nécessité de préserver la chaîne hiérarchique du système d'inspection internationale, dont l'organisation découle de nos engagements internationaux dans le cadre de la charte de l'Organisation internationale du travail (OIT). |
* 11 Communiqué de presse d'Emmanuel CAPUS et de Sophie TAILLÉ-POLIAN, « Pour les rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat, la politique de l'emploi doit se montrer à la hauteur de la crise sociale qui arrive », 23 juillet 2020.
* 12 Ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016.
* 13 Le déficit de l'Unédic devrait se creuser - 18,7 milliards d'euros en 2020 et - 9,7 milliards d'euros en 2021 selon les dernières prévisions publiées au 21 octobre 2021, qui n'intègrent par conséquent pas l'effet de la seconde période de confinement.