B. DES AIDES À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES AU CoeUR DU PLAN DE SOUTIEN À LA FILIÈRE AUTOMOBILE ET DU PLAN DE RELANCE, MAIS POUR DES MONTANTS ENCORE INSUFFISANTS
1. 1,2 milliard d'euros sont prévus en 2021 en faveur des aides à l'acquisition de véhicules propres, mais cette somme paraît encore en-deçà des enjeux
Le dispositif incitatif du bonus-malus automobile , décidé en 2007 dans le cadre du Grenelle de l'environnement et renforcé par le Plan Automobile de 2012, se traduit par l'octroi d'aides à l'achat ou à la location de véhicules neufs émettant peu de CO 2 (« bonus ») ainsi qu'au retrait de véhicules qui émettent beaucoup de CO 2 (prime à la conversion) 14 ( * ) et par l'application d'une taxe additionnelle perçue sur le certificat d'immatriculation des véhicules les plus polluants (« malus »).
Jusqu'en 2018, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Aide à l'acquisition de véhicules propres » , également connu sous le nom de « CAS bonus-malus », retraçait en dépenses l'attribution des aides et en recettes le produit du « malus » .
Ce CAS a été supprimé à compter de 2020 , si bien que les aides à l'acquisition de véhicules propres sont désormais portées par l'action 03 du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Elles seront également en partie retracées en 2021 et en 2022 par des crédits de l'action 07 « Infrastructures et mobilités vertes » de la mission « Plan de relance ».
Le tableau ci-dessous permet en premier lieu de constater que ces aides, pour lesquelles un budget total de 800,0 millions d'euros avait été prévu en loi de finances pour 2020, bénéficient désormais en 2020 d'une enveloppe de 1 423,0 millions d'euros à la suite des mesures prévues par les différentes lois rectificatives pour venir en aide à la filière automobile dans le cadre du plan de soutien présenté le 26 mai par le Président de la République.
507 millions d'euros sont prévus en 2021 au titre de l'action 03 du programme 174, auxquels s'ajouteront 732 millions d'euros prévus par le plan de relance, soit un total de 1 239 millions d'euros .
Le rapporteur spécial regrette qu'à l'heure où elle écrit ces lignes la répartition précise des crédits entre bonus automobile et prime à la conversion au sein de l'enveloppe de 732 millions d'euros prévue pour les aides à l'acquisition de véhicules propres soit toujours inconnue .
Évolution des crédits (AE=CP) du consacrés aux bonus et à la prime à la conversion en 2021 et 2020, et exécution 2019
(en euros)
Programme |
Exécution 2019 |
LFI 2020 |
LFR 2020 |
PLF 2021 |
Bonus automobile |
326 127 720 |
395 000 000 |
623 000 000 |
379 000 000 + une partie des 732 millions d'euros du plan de relance |
Prime à la conversion |
823 500 000 |
405 000 000 |
800 000 000 |
128 000 00 + une partie des 732 millions d'euros du plan de relance |
Total |
1 149 627 720 |
800 000 000 |
1 423 000 |
1 239 000 |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
Les crédits consacrés par l'État aux aides à l'acquisition de véhicules propres atteindront en 2020, 2021 et 2022 des niveaux incontestablement très élevés .
Toutefois, le rapporteur spécial considère qu'il faut aller plus loin dans un contexte où la filière automobile doit faire face à l'effondrement de ses ventes .
Le plan de relance doit être l'occasion de donner une impulsion décisive au soutien du secteur automobile français tout en accompagnant une évolution profonde du parc automobile pour favoriser l'acquisition par les ménages et par les entreprises de véhicules moins polluants .
C'est pourquoi elle soutient l'amendement du rapporteur général sur les crédits de l'action 07 « Infrastructures et mobilités vertes » de la mission « Plan de relance » visant à augmenter de 500 millions d'euros les crédits destinés à financer davantage de primes à la conversion ainsi qu'un assouplissement des critères régissant ce dispositif .
2. Les critères du bonus écologique ont été significativement assouplis depuis le 1er juin 2020
Alors que 395 millions d'euros de crédits avaient été prévus en loi de finances initiale pour 2020 en faveur des bonus destinés à favoriser l'achat ou la location par les ménages de véhicules neufs émettant peu de dioxyde de carbone , 623 millions d'euros au total ont finalement été ouverts dans le cadre du plan de soutien de la filière automobile consécutif à la crise sanitaire de la Covid-19.
Du 1 er janvier au 1 er juin 2020, le bonus était réservé aux véhicules électriques neufs (voitures ou camionnettes) émettant moins de 20 grammes de CO 2 par kilomètre (c'est-à-dire des véhicules 100 % électriques).
Il s'élevait à 6 000 euros pour les personnes physiques achetant un véhicule de moins de 45 000 euros et à 3 000 euros pour les personnes physiques achetant un véhicule dont le prix était compris entre 45 000 euros et 60 000 euros , ainsi que pour les personnes morales .
Depuis le 1 er juin 2020, le bonus a été nettement renforcé avec :
- une hausse du bonus à 7 000 euros pour les particuliers achetant un véhicule de moins de 45 000 euros ;
- une hausse du bonus à 5 000 euros pour les personnes morales achetant un véhicule de moins de 45 000 euros ;
- l'instauration d'un bonus de 2 000 euros pour l'achat d'un véhicule hybride rechargeable neuf dont l'autonomie est supérieure à 50 kilomètres et dont le coût d'acquisition est inférieur ou égal à 50 000 euros .
Pour mémoire, la possibilité de bénéficier d'un bonus pour l'achat d'un véhicule hybride rechargeable avait disparu en 2018.
Alors que 51 057 bonus avaient été versés en 2019, 82 000 l'ont déjà été au 1 er novembre 2020 en dépit de la période de confinement du printemps.
Pour 2021, 379 millions d'euros sont prévus au titre de l'action 03 du programme 174 ainsi qu'une partie des 732 millions d'euros prévues pour les aides à l'acquisition de véhicules propres au titre de l'action 06 du programme « Écologie » de la mission « Plan de relance ».
Cette forte impulsion budgétaire donnée aux bonus va dans le bon sens et paraît bien calibrée, les critères de cette aide ayant été correctement assouplis depuis le 1 er juin 2020 : le Gouvernement avait envisagé de les durcir mais il y a heureusement renoncé compte tenu des graves difficultés auxquelles est de nouveau confrontée la filière automobile dans le contexte du deuxième confinement.
Les critères de la prime à la conversion , en revanche, paraissent désormais trop restrictifs .
3. Alors que l'assouplissement de la prime à la conversion décidé à compter du 1er juin 2020 a rencontré un grand succès, le Gouvernement a décidé de revenir aux conditions antérieures, ce qui paraît inadapté à la gravité de la situation
L e dispositif de « prime à la conversion » consiste à accorder une aide pour l'achat d'un véhicule peu polluant si cet achat s'accompagne de la mise au rebut d'un véhicule ancien et polluant .
Après un démarrage très difficile de 2015 à 2017, la prime à la conversion est devenue ces dernières années un outil majeur pour favoriser la transition énergétique du parc automobile français.
En 2018, près de 300 000 demandes de primes à la conversion ont ainsi été enregistrées et plus de 255 000 primes ont été distribuées , ce qui représentait une multiplication par 32 du nombre de primes attribuées par rapport à l'année 2017.
Le Gouvernement, désireux d'offrir des contreparties aux automobilistes victimes des coûts élevés du carburant, avait en outre annoncé à l'automne 2018 qu'il allait encore renforcer la prime à la conversion avec un doublement de la prime pour les 20 % de ménages les moins favorisés ainsi que pour les ménages des 5 premiers déciles habitant à plus de 30 kilomètre de leur lieu de travail ou effectuant plus de 12 000 km par an dans le cadre de leur activité professionnelle .
Toujours dans le cadre du GPI, il s'était fixé un objectif d' un million de primes versées au cours du quinquennat.
Conséquence de ces mesures, la dynamique de la prime à la conversion s'était encore amplifiée en 2019 avec 376 831 primes à la conversion versées et plus de 350 000 primes supplémentaires décidées.
Alors que la prime à la conversion connaissait le grand succès populaire décrit ci-dessus, le Gouvernement avait brusquement décidé de durcir ses conditions d'accès à compter du 1 er août 2019 pour des raisons purement budgétaires 15 ( * ) .
Les caractéristiques des véhicules mis au rebut restaient les mêmes, à savoir les véhicules qui fonctionnaient au diesel et avaient été immatriculés avant le 1 er janvier 2001 (avant le 1 er janvier 2006 pour les ménages non imposables) 16 ( * ) et les véhicules à essence immatriculés avant 1997 17 ( * ) .
En revanche, les véhicules éligibles et le montant des primes en fonction du véhicule acheté et des revenus du ménage étaient rendus moins favorables puisque :
- le plafond d'émissions de CO 2 des véhicules était fixé à 109 grammes par kilomètre et les véhicules de plus de 50 000 euros ou 60 000 euros étaient exclus (en fonction des cas) ;
- les véhicules Crit'Air 1 n'étaient pas éligibles pour les ménages les plus aisés . La prime s'élevait à 1 500 euros pour les ménages des cinq premiers déciles ;
- les véhicules Crit'Air 2 n'étaient pas éligibles , à l'exception de ceux immatriculés après le 1 er septembre 2019 ; là encore, la prime s'élevait à 1 500 euros pour les ménages des cinq premiers déciles ;
- la prime était de 2 500 euros pour l'achat d'un véhicule électrique ou hybride rechargeable à autonomie suffisante (>40 km), neuf ou d'occasion, quel que soit le niveau de revenu.
Le montant de ces primes était doublé pour les ménages très modestes (deux premiers déciles) et les ménages des cinq premiers déciles gros rouleurs 18 ( * ) , si bien qu'ils percevaient selon le cas 5 000 euros ou 3 000 euros .
En raison de ce durcissement des critères d'éligibilité de la prime à la conversion, le Gouvernement ne prévoyait de distribuer que 200 000 primes en 2020 .
Pour faire face à l'effondrement des ventes automobiles provoqué par la crise sanitaire et économique due à la Covid-19, les crédits consacrés à la prime à la conversion sont passés de 405 millions d'euros prévus en loi de finances initiale pour 2020 à 800 millions d'euros ouverts à l'issue de la troisième loi de finances rectificative pour 2020.
Pour relancer immédiatement l'activité à l'issue du confinement du printemps, la prime à la conversion a été temporairement renforcée à partir du 1 er juin 2020 , ces mesures exceptionnelles étant réservées à 200 000 primes seulement .
Celles-ci prévoyaient :
- un relèvement de 13 489 euros à 18 000 euros par part du seuil de revenu fiscal de référence permettant d'en bénéficier, ce qui permettait de rendre éligible 75 % de la population ;
- une hausse du montant des primes , avec des montants pouvant atteindre 5 000 euros pour l'achat d'un véhicule électrique ou hybride rechargeable et 3 000 euros pour l'achat d'un véhicule thermique ;
- l'éligibilité pour la mise au rebut des véhicules Crit'air 3 , c'est-à-dire des véhicules essence immatriculés avant 2006 et des véhicules diesel immatriculés avant 2011, soit 50 % du parc automobile .
Si cette dernière mesure, qui permet de renforcer considérablement le nombre de ménages et d'entreprises pouvant bénéficier d'une prime à la conversion , a bien été conservée , il a en revanche été mis un terme aux autres assouplissements exceptionnels qui étaient entrés en vigueur au 1 er juin 2020 depuis que les 200 000 primes visées à cette date ont été attribuées .
Ce sont donc désormais de nouveau les critères du 1 er août 2019 rappelés supra , plus restrictifs , qui s'appliquent.
Le rapporteur spécial considère que ne pas avoir maintenu les critères introduits en juin 2020 constitue une erreur et que ceux-ci doivent être rétablis pour 2021 afin de venir en aide à la filière automobile , de nouveau touchée de plein fouet par les effets du deuxième confinement.
Votre rapporteur note par ailleurs avec malice que les informations à destinations des citoyens disponibles sur le site gouvernemental jechangemavoiture.org ne sont pas toutes cohérentes entre elles. 19 ( * )
Il importe également d'accompagner efficacement l'achat de véhicules moins polluants par les ménages alors que de sévères hausses du malus automobile sont prévues à l'article 14 du présent projet de loi de finances pour 2021.
Tel est l'objet de l'amendement du rapporteur général sur les crédits de l'action 07 « Infrastructures et mobilités vertes » de la mission « Plan de relance » visant à augmenter de 500 millions d'euros les crédits destinés à financer davantage de primes à la conversion ainsi qu'un assouplissement des critères régissant ce dispositif .
* 14 C'est le Fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres, dont la gestion est assurée par l'Agence de services et de paiement, qui est chargé du suivi des dossiers des demandes d'aides et qui assure leur versement.
* 15 Décret n° 2020-955 du 31 juillet 2020 relatif aux aides à l'acquisition ou à la location des véhicules peu polluants.
* 16 Soit 7 millions de véhicules.
* 17 Soit 3 millions de véhicules.
* 18 Il s'agit des ménages qui habitent à plus de 30 kilomètres de leur lieu de travail ou effectuent plus de 12 000 kilomètres par an dans le cadre de leur activité professionnelle.
* 19 Pour exemples les informations sur le revenu fiscal de référence par part ne sont pas identiques entre la page internet https://jechangemavoiture.gouv.fr/jcmv/aide-achat.html?content=aides-nationales et une infographie à télécharger https://jechangemavoiture.gouv.fr/jcmv/aide-achat.html?content=aides-nationales