CONCLUSION
Après un examen attentif des stipulations de cet accord, la commission a adopté ce projet de loi autorisant l'approbation autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes.
Cet accord franco-indien, en renforçant la coopération technique et opérationnelle dans la prévention de la consommation illicite et la réduction du trafic illicite de stupéfiants, participe à l'effort de santé publique et de sécurité en favorisant la lutte contre la criminalité internationale organisée et le terrorisme.
Les autorités indiennes ont notifié l'achèvement de leurs procédures internes en mai 2018.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 28 octobre 2020, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Gilbert Bouchet, sur le projet de loi n° 485 (2019-2020) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes
À l'issue de la présentation du rapporteur, un court débat s'est engagé.
M. Joël Guerriau. - Avant de choisir le sens de mon vote, je souhaiterais faire un lien avec ce qui a été dit par le chef d'état-major de la marine tout à l'heure. Les bateaux français en mer peuvent être amenés à arrêter des trafiquants de drogue : que se passe-t-il s'il s'agit d'un bateau qui vient de l'Inde ? Aujourd'hui, quand la marine française arrête un bâtiment en provenance d'un pays qui pratique la peine de mort, les marchandises sont confisquées mais les personnes arrêtées relâchées. Dans le cas qui nous concerne aujourd'hui, existe-t-il une possibilité pour que ces trafiquants soient renvoyés vers l'Inde sans qu'ils risquent la peine de mort ?
M. Christian Cambon, président. - Le rapporteur va répondre mais l'accord ne traite pas d'arraisonnement par des navires français.
M. Guillaume Gontard. - Nous nous accordons tous pour dire qu'il y a un problème concernant le trafic de stupéfiants et le financement du terrorisme. L'accord examiné pose cependant plusieurs questions. La première et non des moindres, c'est celle de la peine de mort. Le rapporteur a fait valoir que d'autres traités bilatéraux avec l'Inde apportaient des garde-fous. Même s'il existe effectivement d'autres traités, nous aurions aimé que la volonté de la France concernant la non-exécution de la peine de mort soit mentionnée de manière claire et précise alors qu'aucune clause de cet accord n'en fait mention.
Je m'interroge sur la possibilité pour l'autorité indienne d'avoir accès pendant dix ans au fichier des consommateurs de drogue en France, ce qui pose problème selon nous.
Je me pose des questions également sur les termes de « Justice en Inde » et notamment, sur la présomption d'innocence. En Inde, il y a un renversement de la preuve qui contrevient, selon nous, aux principes du droit français puisqu'il y a plutôt une présomption de culpabilité : c'est au suspect de prouver sa non-culpabilité. À cela s'ajoute enfin, la problématique de la peine de mort. Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires ne peut pas voter le texte en l'état.
Enfin, je m'interroge sur l'opportunité d'un examen en procédure simplifiée du projet de loi autorisant l'approbation de cet accord. Ce projet de loi nécessiterait un débat en présence du ministre. Ne vaudrait-il pas mieux privilégier une procédure normale ?
Mme Michelle Gréaume. - Le groupe CRCE votera contre cette convention pour deux raisons. En premier lieu, les tensions religieuses en Inde ont pris une nouvelle tournure depuis l'arrivée au pouvoir de Narendra Modi en 2014. Il a mis en oeuvre une politique qui est basée, selon nous, sur la répression. Outre les violences à New Dehli en février dernier, le régime politique et judiciaire a instauré un régime qui nous semble inégalitaire et discriminant.
En second lieu, contrairement à la France qui applique pour certaines infractions, une amende forfaitaire, le régime judiciaire indien applique la peine de mort en cas de possession, de consommation ou de trafic de drogue. Compte tenu de la faiblesse des garde-fous instaurés par les textes, il nous paraît évident que les relations bilatérales seront délicates, voire difficiles et peut-être même impossibles sur certains points.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Nous pouvons tous nous réjouir qu'un partenariat ait lieu entre nos deux pays pour lutter contre le trafic de drogue qui fait des ravages, notamment auprès des jeunes. Je voudrais remercier notre rapporteur pour l'attention qu'il a mise à s'assurer qu'il y ait, sur ce sujet très délicat, suffisamment de garde-fous. D'après ce que nous avons entendu, des réserves s'expriment au sein du groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain. Elles concernant notamment l'utilisation du conditionnel. Je sais bien qu'il s'agit d'un langage diplomatique, mais cela pose un problème d'interprétation. Vous dites : « La France pourrait refuser les transferts de données », au conditionnel. Est-ce que la France refusera ? L'emploi du futur nous fournirait une garantie que le conditionnel ne nous donne pas.
Par ailleurs, nous pouvons évidemment nous féliciter de la protection des données personnelles et de toutes les garanties que vous nous avez apportées sur ce point. Mais cet accord nous pose problème et c'est pourquoi plusieurs membres du groupe, Socialiste, Écologiste et Républicain souhaiteront s'abstenir, non pas sur le fond, que nous approuvons, mais en raison de garanties insuffisantes.
M. Richard Yung. - Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera en faveur de de l'adoption de cet accord car tout ce qui contribue à lutter contre le trafic de drogue est une bonne chose.
Je veux simplement rappeler que l'Inde est le premier producteur mondial de faux médicaments. L'Inde inonde le tiers-monde, l'Afrique, l'Amérique du Sud, de ses faux médicaments. Elle refuse d'enregistrer des brevets ; elle en copie. Peut-être cet accord permettra-t-il d'ouvrir la voie à des négociations dans le domaine de la lutte contre les contrefaçons ?
M. Hugues Saury. - Cet accord est délicat et peut poser un certain nombre de questions. Je comprends celle sur l'absence de clause explicite qui permettrait d'exclure la peine de mort ; mais en même temps on parle ici de combattre de véritables fléaux : trafic de drogue et toutes les conséquences que l'on en connaît : terrorisme, problèmes de santé publique, violence, délinquance sur notre territoire.
L'Inde est le principal producteur de faux médicaments et génériques. Un tel phénomène se traduit en centaines de milliers de morts chaque année, particulièrement en Afrique. Si de tels phénomènes sont toujours difficiles à quantifier, les derniers chiffres parlent de près de 800 000 morts victimes de médicaments contrefaits, notamment des enfants et presque toujours des Africains car les médicaments dont il est question sont souvent des antipaludéens ou des antituberculeux.
Bien sûr, nous pouvons regretter que l'accord ne soit pas parfait. S'il l'avait été, probablement n'aurait-il pas été signé. Pour ma part, je préfère voir son aspect positif qui est la lutte contre le trafic de drogue et contre la contrefaçon de médicament. Sur ce type de sujet, il me semble essentiel de continuer à avoir une relation bilatérale, comme le disait le Président en début de séance, si on ne parlait qu'avec des gens qui sont complètement vertueux comme nous considérons qu'ils doivent l'être, on ne parlerait pas à grand monde. Le meilleur moyen de lutter contre ces trafics, c'est de continuer à avoir ces relations, de continuer à avancer par le biais des traités et d'accords. Je vous remercie de votre attention.
M. Philippe Folliot. - Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail. Je voudrais simplement dire un mot sur les initiatives qui sont celles de la France ou des opérateurs français en matière de lutte contre les faux médicaments. La fondation Pierre Fabre mène un travail tout à fait remarquable dans ce cadre-là, en Afrique, en Asie mais aussi en Inde si je me souviens bien. C'est important que des acteurs privés, français, contribuent à cette lutte et que ceci puisse être mis en avant. Ça mérite d'être dit et d'être souligné.
M. Gilbert Bouchet, rapporteur. - Les informations susceptibles d'être échangées sur le fondement de cet accord, au-delà des coopérations purement techniques et des échanges de bonnes pratiques et d'expertise qui sont essentiellement de nature stratégique, pourront notamment concerner les organisations criminelles, des modes opératoires, des techniques de blanchiment. Je pense que les échanges ne porteront pas sur des enquêtes en cours qui relèvent en principe de la convention bilatérale d'entraide judiciaire en matière pénale.
La communication de données à caractère personnel ne sera susceptible d'intervenir que dans des situations très ponctuelles, par exemple dans le cadre d'une demande pré-judiciaire en cas d'analyse de l'environnement d'une personne. Donc je pense que les garde-fous ont été posés et nous en avons eu l'assurance lors de l'audition menée ces jours-ci. Je pense que les garde-fous nous garantissent bien contre ce fléau qu'est la drogue.
M. Christian Cambon, président. - Merci, chers collègues. Nous allons procéder maintenant, au vote.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi (4 abstentions, 3 votes contre).