B. LE DÉFICIT DÉPASSE TRÈS LARGEMENT LES MONTANTS ATTEINTS LORS DE LA CRISE DE 2009-2010
Sur l'ensemble des trois premiers budgets rectificatifs , l'aggravation du déficit budgétaire est de 131,3 milliards d'euros, soit une multiplication par 2,4 du déficit initial prévu de 93,1 milliards d'euros.
Évolution des composantes du solde budgétaire de l'État en 2020
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances, à partir des textes budgétaires
Les recettes fiscales nettes sont inférieures de 65,8 milliards d'euros , soit 22,5 %, au montant prévu en loi de finances initiale , une diminution due principalement aux pertes de recettes d'impôt sur les sociétés et de TVA. Les dépenses nettes sont supérieures de 56,3 milliards d'euros , soit 16,7 %, à la prévision, dont 51,0 milliards d'euros au titre de la nouvelle mission « Plan d'urgence pour la crise sanitaire ».
Les comptes spéciaux sont également particulièrement mobilisés. Le solde des comptes d'affectation spéciale serait déficitaire de 0,9 milliard d'euros, contre une prévision d'excédent de 1,2 milliard d'euros, en lien avec l'annulation des recettes de privatisation attendues. Celui des comptes de concours financiers serait déficitaire de 6,4 milliards d'euros, contre 1,4 milliard d'euros en loi de finances initiale, en raison de la création de plusieurs dispositifs d'avances et de prêts aux entreprises et aux collectivités territoriales dans chacun des trois textes.
Le déficit budgétaire de l'État dépasse ainsi de plus de 75 milliards d'euros les niveaux déjà historiquement élevés atteints lors de la crise de 2009-2010.
Évolution du solde budgétaire depuis 2007
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires. Troisième projet de loi de finances rectificative : texte adopté par l'Assemblée nationale
C. LE FINANCEMENT DU BUDGET PAR LA DETTE PREND UNE DIMENSION NOUVELLE
Si la France a, jusqu'à présent, trouvé des conditions de financement favorables pour combler les besoins nés de sa dette, la dimension désormais considérable du déficit représentera un défi pour les années à venir , d'autant qu'il s'ajoute à une accumulation très importante de déficits au cours des années passées.
Le besoin de financement de l'année dépend en effet aussi bien du renouvellement du stock de dette existante, c'est-à-dire du poids des déficits passés, que du déficit nouveau de l'année qu'il convient de financer par de nouvelles émissions nettes.
L'État doit ainsi trouver des ressources de financement de 363,5 milliards d'euros en 2020 , contre 220,5 milliards d'euros en 2019, ce qui constituait déjà un niveau exceptionnellement élevé. Ce montant est supérieur de près de 120 milliards d'euros aux montants atteints lors de la crise financière de 2009-2010.
Ces ressources relèvent pour l'essentiel de l'émission de dette, soit à moyen et long terme (obligations assimilables du Trésor), soit à court terme.
Besoin de financement et émission de dette
par l'État depuis 2007
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances, à partir des textes budgétaires
Le Gouvernement prévoit de répartir le besoin nouveau de financement entre un volume d'émissions d'OAT à moyen et long terme qui serait supérieur de 60 milliards d'euros au niveau record de 200 milliards d'euros déjà atteint en 2019 et, surtout, une augmentation de l'endettement à court terme d'un volume également inédit (+ 82,2 milliards d'euros).
Le Gouvernement avait déjà eu recours à une augmentation très élevée de l'endettement à court terme en 2008 et 2009, suivie les années suivantes d'une diminution progressive de son encours.
Si les conditions de marché semblent favorables pour assurer cette année les émissions de dette prévues, cette hausse considérable des émissions demeure préoccupante . L'État ayant montré depuis plus de 45 ans son incapacité à diminuer son stock de dette, les émissions faites en 2020 à moyen et long terme devront probablement, pour nombre d'entre elles, être renouvelées dans cinq à dix ans. Une augmentation des taux d'intérêt - qui demeure tout à fait possible, rien ne garantissant le maintien sur le long terme de la situation actuelle de taux très bas - aurait un impact d'autant plus important sur les charges de l'État que les besoins de refinancement de la dette sont élevés .