Rapport n° 634 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER , rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 juillet 2020

Disponible au format PDF (2,2 Moctets)


N° 634

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 juillet 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances rectificative , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

Tome I : Exposé général

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

3074 , 3132 et T.A. 460

Sénat :

624 (2019-2020)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

PREMIÈRE PARTIE
UNE TRAJECTOIRE DES FINANCES PUBLIQUES UNE NOUVELLE FOIS DÉGRADÉE, MALGRÉ L'ABSENCE DE PLAN DE RELANCE

Scénario budgétaire du Gouvernement actualisé

(en points de PIB)

2019

2020 (LFR n° 2)

2020 (PLFR n° 3, texte transmis)

Solde nominal

- 3,0

- 9,1

- 11,5

Solde structurel

- 2,2

- 2,0

- 2,2

Prélèvements obligatoires

44,1

44

44,2

Dépense publique

54

60,9

63,6

Endettement

98,1

115,2

120,9

Précision : les votes de l'Assemblée nationale ont conduit à dégrader le solde effectif de 0,1 point, ce qui porterait celui-ci à - 11,5 % du PIB, contre - 11,4 % du PIB dans le texte initial.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Un mois et demi après l'adoption de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020, le scénario budgétaire gouvernemental pour 2020 est de nouveau significativement dégradé, ce qui reflète au premier chef la révision à la baisse de la prévision de croissance .

I. UNE PRÉVISION DE CROISSANCE RÉVISÉE À LA BAISSE MAIS QUI APPARAÎT DÉSORMAIS PRUDENTE POUR 2020

A. LE GOUVERNEMENT ANTICIPE DÉSORMAIS UN RECUL DU PIB DE 11 % EN 2020, AVANT UN REBOND SIGNIFICATIF EN 2021

1. Le scénario de croissance du Gouvernement est une nouvelle fois révisé à la baisse

Alors que le projet de loi de finances pour 2020 était fondé sur l'hypothèse d'une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 1,3 % en 2020, le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020 tablait pour sa part sur un recul du PIB de 8 % , du fait des conséquences économiques de la crise sanitaire.

Si cette hypothèse se situait dans la fourchette basse des principales estimations alors disponibles, le rapporteur général de la commission des finances avait souligné son caractère optimiste au regard des derniers développements conjoncturels, dès lors qu'elle supposait implicitement un retour de l'activité à son niveau d'avant-crise dès l'été 2020 1 ( * ) .

Sans surprise, le présent projet de loi de finances est donc marqué par une nouvelle révision à la baisse de cette hypothèse : le Gouvernement anticipe désormais un recul du PIB de 11 % en 2020 .

Évolution des prévisions de croissance gouvernementales
pour l'année 2020

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette révision tient avant tout à l'investissement , dont la baisse serait près de deux fois plus forte qu'anticipé précédemment.

Décomposition de la prévision de croissance pour 2020

(taux d'évolution en volume)

PLFR n° 3

Écart au PLFR n° 2

PIB réel

- 11,0

- 3,0

Consommation privée des ménages

- 10,0

0,0

Consommation publique

- 0,3

- 2,5

Investissement

- 19,3

- 8,3

Exportations

- 15,5

- 2,6

Importations

- 15,5

- 2,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Un tel recul du PIB n'aurait aucun précédent en période de paix .

Historique des principaux reculs du PIB en France depuis 1832

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Global Financial Data)

Il s'explique naturellement par les mesures de confinement mises en oeuvre pour lutter contre la diffusion de l'épidémie , qui se sont traduites par une véritable « mise à l'arrêt » de pans entiers de l'économie française.

L'Insee estime ainsi que l'activité aurait reculé de près d'un tiers en avril et resterait encore en juin près de 12 % inférieure à son niveau habituel, compte tenu du caractère progressif du retour à la normale.

Estimation par l'Insee de la perte d'activité instantanée
par rapport à la normale

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat (à partir de : Insee, point de conjoncture du 8 juillet 2020)

2. La France figurerait parmi les pays les plus affectés économiquement par la crise sanitaire

S'il est encore aujourd'hui difficile de réaliser des comparaisons internationales fiables, l'intensité et la durée des mesures de confinement mises en place en France laissent à penser que notre pays devrait figurer parmi les plus affectés économiquement par la crise sanitaire .

Ainsi que l'a déjà souligné la commission des finances 2 ( * ) , deux principaux types d'indicateurs sont utilisés pour apprécier l'ampleur des mesures de confinement mises en oeuvre :

- des indicateurs « normatifs » , qui s'appuient sur un recensement des mesures de confinement prises par les différents gouvernements (ex : fermeture des écoles, interdiction des rassemblements, etc .) ;

- des indicateurs « haute fréquence » , qui s'appuient sur le suivi en temps réel de certaines données corrélées aux mesures de confinement (ex : mobilité, consommation d'électricité, etc .) pour effectuer des comparaisons avec les niveaux habituellement observés.

Ces deux approches sont complémentaires : les indicateurs « normatifs » offrent une vision plus globale des mesures prises mais ne permettent pas de savoir avec quelle rigueur elles sont appliquées ; à l'inverse, les indicateurs « haute fréquence » portent sur des aspects plus circonscrits mais permettent d'apprécier en temps réel l'impact effectif des mesures décidées.

Quel que soit le type d'indicateur retenu, la durée et l'intensité des mesures de confinement apparaissent comparativement très fortes en France.

L'indice de restriction de l'Université d'Oxford - dit Oxford Stringency Index -, qui synthétise en un nombre unique compris entre zéro et cent l'intensité des différentes mesures de confinement, permet ainsi de mettre en évidence la sévérité du confinement français par comparaison à d'autres pays ayant pu mettre en place des mesures plus souples (ex : Allemagne) ou ayant refusé le confinement (ex : Suède).

Évolution de l'intensité des mesures de confinement en 2020

(en points)

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Oxford Covid-19 government response tracker)

Il en va de même pour les données en temps réels portant par exemple sur l'évolution de la mobilité.

Évolution des demandes d'itinéraires piétons depuis le 13 janvier 2020

(base 100, 13 janvier 2020=100)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les rapports sur les tendances de mobilité d'Apple)

Sans surprise, ces deux types d'indicateurs apparaissent fortement corrélés avec les évolutions du PIB mesurées par les comptables nationaux au premier trimestre , qui font de la France le pays européen au sein duquel le recul de l'activité aurait été le plus fort, aux côtés de l'Italie et de l'Espagne.

Évolution du PIB au premier trimestre en fonction de l'intensité du confinement

Note de lecture : l'écart d'intensité du confinement explique 70 % de l'écart de croissance entre les différents pays.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données d'Eurostat et du Oxford COVID-19 government response tracker)

Dans ce contexte, les principales organisations internationales placent donc logiquement la France parmi les pays qui devraient connaître le plus fort recul du PIB sur l'ensemble de l'exercice 2020 . À titre d'illustration, le différentiel de croissance avec les pays les moins affectés, tels que l'Allemagne et la Suède, atteindrait près de 5 points d'après l'OCDE.

Prévisions de croissance de l'OCDE pour 2020

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après : OCDE, Perspectives économiques de l'OCDE, n° 107, juin 2020)

3. Un rattrapage ambitieux est toutefois anticipé à compter de 2021

Si la chute du PIB français devrait donc être particulièrement marquée en 2020, le Gouvernement table néanmoins sur un rebond assez rapide en 2021 .

Le rapport transmis par le Gouvernement en vue du débat d'orientation des finances publiques (DOFP), qui ne fera pas cette année l'objet d'un rapport dédié compte tenu de sa concomitance avec le présent projet de loi de finances rectificative et des informations limitées qu'il apporte, fait ainsi état d'une prévision de croissance de + 8 % pour 2021.

À l'issue de l'exercice 2021, le PIB resterait dès lors inférieur de 3,9 points au niveau de 2019 et de 6,3 points au niveau anticipé avant la crise.

Évolution du scénario de croissance du Gouvernement pour 2020-2021

(PIB mensuel en volume, base 100, 2019=100)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Si le Gouvernement n'a pas communiqué son scénario de croissance au-delà de l'exercice 2021, il peut être observé qu' il n'a pas modifié sa trajectoire de PIB potentiel , qui correspond au niveau de production « soutenable » que peut atteindre l'économie sur longue période sans provoquer de déséquilibre sur les marchés des biens et du travail.

Cela signifie qu'il considère à ce stade que la crise n'aura aucun effet durable et que la perte d'activité liée à la crise a vocation à être entièrement rattrapée à moyen terme.

L'écart de production, qui correspond à la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel, resterait ainsi de - 5,1 points à l'issue de l'exercice 2021, après avoir atteint - 11,8 points en 2020.

Évolution de l'écart de production dans le scénario gouvernemental

(écart entre le PIB effectif et le PIB potentiel, en points de PIB potentiel)

2017

2018

2019

2020

2021

Écart de production

- 0,5

0,0

0,3

- 11,8

- 5,1

Croissance potentielle

1,25

1,25

1,25

1,25

1,3

Croissance effective

2,3

1,8

1,5

- 11,0

- 8,0

Note de lecture : la croissance effective a été supérieure de 0,5 point à la croissance potentielle en 2018, ce qui a résorbé d'autant l'écart de production.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire adressé au Gouvernement)

Le scénario gouvernemental suppose donc implicitement que la croissance effective reste fortement supérieure à la croissance potentielle (1,35 % à compter de 2022) bien au-delà de 2021, pour ramener progressivement l'écart de production au voisinage de zéro.

B. UNE CHUTE MOINS PRONONCÉE DU PIB EN 2020 EST VRAISEMBLABLE MAIS LA CRISE POURRAIT AVOIR DES EFFETS PLUS DURABLES QU'ANTICIPÉ

Au regard des principales prévisions disponibles et des derniers développements conjoncturels, le scénario de croissance gouvernemental apparaît prudent à court terme .

1. Le scénario de croissance 2020-2021 du Gouvernement présente un caractère central au regard des principales estimations disponibles

Pour 2020, la prévision gouvernementale présente un caractère central .

Comparaisons des prévisions de croissance pour 2020

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Commission européenne, prévisions économiques intérimaires, juillet 2020 ; Consensus Forecasts, édition de juin 2020 ; Banque de France, Projections macroéconomiques France, juin 2020 ; OCDE, Perspectives économiques de l'OCDE, n° 107, juin 2020 ; FMI, Mise à jour des perspectives de l'économie mondiale, juin 2020 ; Insee, point de conjoncture du 8 juillet 2020)

Si la prévision de croissance gouvernementale pour 2021 figure en revanche au sommet de la fourchette des prévisions disponibles, il s'agit d'un mauvais instrument de mesure . En effet, la vitesse de rebond en 2021 dépend de l'ampleur du recul du PIB anticipé en 2020, qui est très variable selon les instituts.

Comparaisons des prévisions de croissance pour 2021

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Commission européenne, prévisions économiques intérimaires, juillet 2020 ; Consensus Forecasts, édition de juin 2020 ; Banque de France, Projections macroéconomiques France, juin 2020 ; OCDE, Perspectives économiques de l'OCDE, n° 107, juin 2020 ; FMI, Mise à jour des perspectives de l'économie mondiale, juin 2020)

Dans ce contexte, c'est plutôt la trajectoire du PIB sur l'ensemble de la période 2020-2021 qu'il faut prendre comme base de comparaison , en rapportant le PIB 2021 au PIB 2019.

Écart entre le PIB 2019 et le PIB 2021

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Commission européenne, prévisions économiques intérimaires, juillet 2020 ; Consensus Forecasts, édition de juin 2020 ; Banque de France, Projections macroéconomiques France, juin 2020 ; OCDE, Perspectives économiques de l'OCDE, n° 107, juin 2020 ; FMI, Mise à jour des perspectives de l'économie mondiale, juin 2020)

Ainsi appréhendé, le scénario de croissance 2020-2021 du Gouvernement conserve son caractère central : l'activité resterait inférieure de 3,9 % au niveau atteint en 2019, soit une perte comparable à celle anticipée par le Consensus forecasts , la Banque de France et l'OCDE.

2. La réévaluation par l'Insee du niveau d'activité au premier semestre laisse espérer une chute moins prononcée du PIB en 2020 sans rebond de l'épidémie

Si l'hypothèse de croissance retenue par le Gouvernement présente donc un caractère central au regard des dernières estimations, aucune d'entre elles ne tient compte de la récente réévaluation à la hausse du niveau d'activité pendant le confinement et à sa sortie, à l'exception de la prévision de l'Insee.

Cette révision conduit à revoir significativement à la baisse la perte d'activité au premier semestre : l'acquis de croissance, ici défini comme le taux de croissance annuel qui serait observé en 2020 si l'activité stagnait tout au long du second semestre au niveau du mois de juin, est ainsi majoré de près de 2 points (- 12,6 %, contre - 14,4 % précédemment).

Estimations par l'Insee de la perte d'activité pendant le confinement

(PIB mensuel en volume, base 100)

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Insee, points de conjoncture du 27 mai et du 8 juillet 2020)

Il peut être noté que la Banque de France est encore plus optimiste , avec une chute de l'activité au deuxième trimestre réévaluée à 14 % 3 ( * ) , contre 17 % pour l'Insee.

Au regard de ces nouvelles informations, la prévision gouvernementale présente désormais un caractère prudent , ainsi que l'a d'ailleurs relevé le Haut conseil des finances publiques dans son avis 4 ( * ) .

Alors que l'activité s'est déjà redressée de 18 points depuis le point bas atteint au mois d'avril, pour s'établir à - 12 % par rapport à sa valeur d'avant-crise, il suffirait qu'elle s'améliore de trois points supplémentaires en juillet puis stagne à - 9 % jusqu'à la fin de l'année pour que la croissance s'établisse à - 11 % sur l'ensemble de l'exercice (scénario 1 ci-après). Autrement dit, la prévision de croissance gouvernementale implique désormais que le rattrapage soit déjà quasiment achevé.

Scénarios de croissance pour 2020 en fonction de la vitesse de la reprise au second semestre, en l'absence de deuxième vague épidémique

(PIB mensuel en volume, base 100, décembre 2019=100)

Source : commission des finances du Sénat

Dans le graphique ci-dessus, deux scénarios alternatifs ont été représentés afin de donner un ordre de grandeur des gains à attendre en cas de rebond plus rapide . Dans un scénario de rattrapage continu où l'activité reviendrait en décembre à son niveau d'avant-crise, la perte de PIB s'élèverait à 9 % en 2020 (scénario 2). Dans un scénario optimiste de reprise très rapide, où l'activité reviendrait à son niveau initial dès septembre avant de retrouver un rythme conforme à son potentiel, mais sans rattrapage du « terrain perdu », la chute du PIB serait limitée à 7,5 % (scénario 3).

Ces scénarios ont toutefois une visée purement illustrative et ne constituent pas des prévisions , tant l'incertitude reste forte sur la reprise de l'activité au second semestre.

À cet égard, l'évolution de la situation sanitaire constitue naturellement le principal aléa baissier .

En effet, une deuxième vague épidémique s'accompagnerait de nouvelles mesures de confinement , qui risqueraient de provoquer une rechute de l'activité. À titre d'illustration, l'OCDE, dont les prévisions sont très proches de celles du Gouvernement, anticipe une chute de PIB de 14,1 % en 2020 en cas de deuxième vague, contre 11,4 % dans le cas contraire.

À l'inverse, l'orientation de la consommation constitue le principal aléa haussier.

En effet, celle-ci s'est révélée très dynamique depuis la sortie du confinement : d'après l'Insee, les dépenses de consommation des ménages se situeraient en juin à 3 % en deçà de leur niveau habituel, contre 12 % pour l'activité dans son ensemble 5 ( * ) .

En outre, le Gouvernement suppose dans son scénario que l'épargne forcée accumulée par les ménages pendant le confinement restera entièrement thésaurisée jusqu'à la fin de l'exercice . Il s'agit là d'un réservoir de croissance important : par rapport aux projections d'avant-crise, l'OFCE estime ainsi que le surcroît d'épargne des ménages s'élèverait à 75 milliards d'euros 6 ( * ) en juillet, tandis qu'il atteindrait même 100 milliards d'euros sur l'ensemble de l'exercice d'après la Banque de France 7 ( * ) . Si les ménages décidaient de réinjecter ne serait-ce qu'une partie de l'épargne thésaurisée d'ici la fin de l'exercice, la reprise pourrait s'en trouver accélérée . À titre d'illustration, dans un scénario de croissance alternatif où le taux d'épargne baisserait rapidement sous son niveau de moyen terme, la Banque de France estime que la croissance du PIB pourrait être relevée de 1,0 point dès 2020 et de 1,5 point en 2021 8 ( * ) .

3. L'absence d'effet durable de la crise sur le potentiel de production de l'économie française apparaît en revanche optimiste et conduit vraisemblablement à minorer le déficit structurel

Si le scénario de croissance de court terme du Gouvernement apparaît donc prudent - ce dont le rapporteur général se félicite, car c'est bien de ce dernier dont dépend principalement la sincérité du présent projet de loi de finances rectificative -, l'hypothèse selon laquelle le potentiel de production de l'économie française ne serait pas affecté par la crise sanitaire apparaît en revanche optimiste .

Schématiquement, trois scénarios sont possibles .

Illustration des effets possibles de la crise sur le PIB à moyen terme

(PIB en volume, base 100, 2019=100)

Note méthodologique : le scénario de croissance 2020-2021 correspond à celui du Gouvernement, avec une baisse du PIB de 11 %, suivi d'un rebond de 8 %.

Source : commission des finances du Sénat

Dans le premier scénario, la crise n'a d'effet ni sur le PIB potentiel, ni sur la croissance potentielle . La perte d'activité n'est que transitoire et est progressivement rattrapée. C'est l'hypothèse implicite du Gouvernement, ainsi que cela a été précédemment rappelé.

Dans le deuxième scénario, la crise se traduit par une perte définitive de PIB qui n'est jamais rattrapée mais la croissance potentielle, qui correspond au rythme d'évolution du PIB potentiel, reste inchangée . Par rapport au premier scénario, le PIB suit donc graphiquement une tendance parallèle (croissance de 1,3 % par an) mais en partant d'un niveau inférieur. Un tel scénario est notamment susceptible de se réaliser si la crise engendre une destruction de capital productif et une hausse durable du chômage pesant sur l'employabilité de la main d'oeuvre.

Dans le troisième scénario, non seulement la perte initiale de production liée à la crise n'est pas entièrement rattrapée mais le rythme de croissance du PIB potentiel en sortie de crise est durablement atteint . Le coût de la crise est ainsi croissant, à mesure que le PIB diverge de sa tendance d'avant-crise. Un tel phénomène peut notamment se produire si l'investissement et la capacité d'innovation de l'économie sont durablement affectés.

Si ces différents scénarios n'ont qu'une visée purement illustrative, ils permettent de prendre conscience des enjeux : comparativement au premier scénario, la France serait 12 % moins riche dans le troisième scénario.

Toutefois, il est encore trop tôt pour trancher. Ainsi que le relève à juste titre le Gouvernement, « l'estimation de l'écart de production est très incertaine à l'heure actuelle vu le caractère inédit de la récession et les incertitudes autour du rebond de l'économie à venir » 9 ( * ) .

D'un côté, la nature exogène du choc à l'origine de la crise et l'ampleur du soutien monétaire et budgétaire peuvent laisser espérer un rattrapage rapide , en limitant les faillites et la montée du chômage, tout en prémunissant l'économie d'une consolidation budgétaire procyclique et d'un durcissement des conditions financières défavorable à l'investissement 10 ( * ) .

À titre d'illustration, après un brutal durcissement des conditions financières en mars, les interventions de la Banque centrale européenne ont permis de ramener rapidement le coût de financement des entreprises à des niveaux proches de ceux observés avant-crise , y compris sur les segments les plus risqués du marché obligataire.

Évolution de la prime de rendement exigée
sur les obligations européennes à haut risque

(en pourcentage)

Note méthodologique : les obligations européennes à haut risque sont celles émises par des entreprises dont la note financière est inférieure à BBB- ; l'écart de coût de financement est calculé par rapport aux obligations souveraines américaines.

Source : commission des finances du Sénat (à partir de : ICE BofA Euro High Yield Index Option-Adjusted Spread)

S'agissant des États, les coûts de financement de la France sont même aujourd'hui inférieurs à ce qu'ils étaient avant-crise .

Courbe des taux sur les emprunts de l'État français

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Agence France Trésor)

D'un autre côté, l'ampleur inédite du choc sur le PIB et les précédentes sorties de crise ne plaident pas en faveur de l'optimisme .

L'OFCE anticipe ainsi une hausse de presque 80 % des défaillances d'entreprises 11 ( * ) , en dépit des mesures de soutien mises en oeuvre, tandis que l'examen des récessions passées conduit récemment par Rexecode montre qu'elles ont presque toujours abouti à une baisse de la croissance potentielle : pour les 28 épisodes récessifs subis par huit économies avancées depuis les années 1970, la dégradation moyenne de la croissance potentielle s'élève à 0,9 point par an 12 ( * ) .

Dans ce contexte, le rapporteur général observe que la plupart des organisations internationales et des instituts de conjoncture ont retenu une hypothèse plus prudente que le Gouvernement.

À titre d'illustration, la Banque de France table sur une perte définitive de PIB potentiel de l'ordre de 1,5 point mais considère que la croissance potentielle ne serait en revanche pas affectée 13 ( * ) , tandis que la Commission Européenne a d'ores et déjà revu à la baisse de 0,1 point sa prévision de croissance potentielle 2021 pour la France à l'occasion des prévisions économiques du printemps.

Aussi, il serait souhaitable de retenir à l'avenir un scénario intermédiaire plus prudent où la crise aurait un effet sur le PIB potentiel, sans nécessairement grever la croissance potentielle.

Cela permettrait notamment de porter une appréciation plus prudente sur la situation structurelle des comptes publics. En effet, le solde structurel dépend directement de l'écart entre le PIB effectif et le PIB potentiel : plus le PIB est éloigné du PIB potentiel, plus la part du déficit effectif attribuée au cycle économique est importante. À titre d'exemple, considérer que la crise affecte négativement le PIB potentiel de 1,5 point, à l'image de la Banque de France, majorerait le déficit structurel français de près d'un point de PIB.

L'estimation du déficit corrigé du cycle économique
et du déficit structurel par la Commission européenne

Pour déterminer le déficit structurel, la Commission européenne commence par calculer pour chaque État membre le déficit corrigé du cycle économique, en appliquant la formule suivante :

Déficit corrigé du cycle = Déficit effectif + Écart de production * Semi-élasticité budgétaire

Intuitivement, l'écart de production constitue une estimation du « potentiel de rebond » de l'économie ou, à l'inverse, de son niveau de « surchauffe ». Le niveau du déficit corrigé du cycle économique dépend donc directement de ce dernier : plus le PIB est éloigné de son potentiel, plus la part cyclique du déficit effectif est importante.

La semi-élasticité budgétaire mesure quant à elle la sensibilité du déficit effectif à l'écart de production. Sa valeur, mise à jour tous les six ans, est calculée pour chaque État membre à partir de l'estimation économétrique de l'élasticité individuelle des recettes et des dépenses sensibles à la conjoncture et de leur poids moyen dans le PIB. Pour la France, la semi-élasticité budgétaire est actuellement estimée à 0,63. Cela signifie que lorsque l'écart de production français se résorbe de 1,0 point, la part conjoncturelle du déficit effectif diminue de 0,6 point du PIB.

Une fois le déficit corrigé du cycle, le déficit structurel est obtenu en retranchant les mesures ponctuelles et temporaires.

Source : commission des finances du Sénat

En l'absence d'un tel choix, l'appréciation portée par le Gouvernement sur la situation structurelle des comptes publics risque de diverger rapidement de celle de la Commission européenne, comme ce fût déjà le cas lors de la crise financière - ce qui avait d'ailleurs conduit la commission des finances à établir pour la première fois un « consensus de la croissance potentielle » puis un « consensus de l'écart de production », sur la base d'une consultation des principaux instituts de conjoncture 14 ( * ) .

II. UNE DÉGRADATION DU SCÉNARIO BUDGÉTAIRE ESSENTIELLEMENT LIÉE À LA RÉVISION DE L'HYPOTHÈSE DE CROISSANCE, DANS L'ATTENTE DU PLAN DE RELANCE

A. LE REDIMENSIONNEMENT A MINIMA DU PLAN DE SOUTIEN PLACE LA FRANCE DANS UNE SITUATION ATYPIQUE À L'ÉCHELLE INTERNATIONALE

1. Le coût des différentes composantes du plan de soutien gouvernemental est une nouvelle fois revu à la hausse

Outre la révision du scénario de croissance, le présent projet de loi de finances rectificative est également marqué par un nouveau renforcement des mesures de soutien à l'économie française (+ 36 milliards d'euros) , dont le coût total s'élèverait désormais à 462,5 milliards d'euros, soit 21,1 % du PIB .

Évolution des différentes composantes du plan de soutien français
(avant examen à l'Assemblée nationale)

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Parmi les trois composantes du plan de soutien, les mesures ayant un impact sur le déficit public connaissent une nouvelle fois la croissance la plus dynamique , avec une hausse de 15,5 milliards d'euros.

Si les différentes mesures feront l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de la deuxième partie du présent rapport, il peut déjà être noté que la principale évolution tient à la réévaluation à la hausse du montant consacré à l'activité partielle (+ 6,8 milliards d'euros) , et non à la mise en place de nouveaux outils.

Évolution du coût des mesures ayant un impact sur le déficit public
(avant examen à l'Assemblée nationale)

(en milliards d'euros)

Nature

PLFR n° 2

PLFR n° 3

Activité partielle

24,0

30,8

Fonds de solidarité pour les entreprises

7,0

7,95

Dépenses de santé exceptionnelles

8,0

8,0

Plan tourisme (exonérations de charges)

0,0

3,0

Ouverture de crédits en PLFR 3 (dont plan automobile)

0,0

2,5

Crédits supplémentaires d'urgence portés par l'État

2,5

1,6

Prime pour les indépendants

0,0

0,9

Inclusion sociale et protection des personnes

0,0

0,9

Assurance chômage

0,5

0,4

Avances remboursables aux PME

0,0

0,5

Crédits pour masques non chirurgicaux

0,0

0,3

Report en arrière des déficits (« carry back »)

0,0

0,4

Total

42

57,5

Précision : les montants de la colonne « PLFR n° 3 » incluent le coût des mesures du « PLFR n° 2 ».

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

S'agissant des mesures sans impact immédiat sur le déficit public, le renforcement tient d'abord à la majoration du coût de trésorerie lié aux reports d'échéances fiscales et sociales (+ 7 milliards d'euros), ainsi qu'à l'apport de nouvelles garanties au FMI et aux programmes européens.

Évolution du coût des mesures sans impact immédiat sur le déficit public
(avant examen à l'Assemblée nationale)

(en milliards d'euros)

Mesures de trésorerie et recapitalisations

Nature

PLFR n° 2

PLFR n° 3

Report d'échéances fiscales et sociales de mars à juin 2020

25,5

32,5

Remboursement anticipé de crédits d'impôt et de créances fiscales

23

23

Apports en capitaux

20

20

Abondement du fonds de développement économique et social

1,0

1,0

Total

69,5

76,5

Garanties apportées par l'État

Nature

PLFR n° 2

PLFR n° 3

Garanties de l'État pour les prêts

300

300

Réassurance des encours d'assurance-crédit

10

10

Réassurance des crédits-export

5,0

5,0

Banque européenne d'investissement

0,0

4,7

Instrument temporaire d'urgence pour atténuer les risques de chômage

0,0

4,4

Prêt à la Polynésie Française

0,3

0,3

Fonds monétaire international

0,0

3,0

Total

315

327,5

Précision : les montants de la colonne « PLFR n° 3 » incluent le coût des mesures du « PLFR n° 2 ».

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. La France continue de se singulariser par un moindre recours à des instruments de soutien qui pèsent sur le déficit public

Par comparaison avec les autres économies avancées, le plan de soutien français continue de présenter un caractère singulier , déjà relevé lors de l'examen du deuxième projet de loi de finances rectificative 15 ( * ) .

Ainsi, la France figure parmi les pays mobilisant le plus les mesures de soutien sans impact immédiat sur le déficit public (ex : garanties, reports d'échéances, remboursements anticipés, etc .).

Mesures de soutien sans impact sur le déficit public
annoncées dans les économies avancées

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'actualisation de juin 2020 du Moniteur des finances publiques du FMI)

À l'inverse, le montant des mesures ayant un impact sur le déficit public est le plus faible de l'ensemble des économies avancées dont les plans de soutien et de relance ont fait l'objet d'une analyse du FMI. Il s'agit pourtant en général de mesures permettant d'apporter un soutien plus direct et durable à l'économie.

Mesures de soutien ayant un impact sur le déficit public
annoncées dans les économies avancées

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'actualisation de juin 2020 du Moniteur des finances publiques du FMI)

Ce différentiel apparaît d'autant plus paradoxal que la France figure parmi les pays où la chute du PIB anticipée pour 2020 est la plus importante , ainsi que cela a été précédemment rappelé.

Ces comparaisons doivent toutefois être interprétées avec prudence, dès lors qu'elles souffrent de deux biais majeurs .

D'une part, elles agglomèrent des mesures dont le calendrier de mise en oeuvre est très différent . Cela joue en défaveur de la France, car le coût des mesures comptabilisées par le Gouvernement correspond uniquement à l'impact budgétaire prévu sur le seul exercice 2020.

D'autre part, les montants annoncés peuvent différer fortement des sommes effectivement dépensées . Ainsi, 14 milliards d'euros ont été consommés en Allemagne sur les 50 milliards d'euros de subventions prévues pour les très petites entreprises et les indépendants 16 ( * ) , contre 5 milliards d'euros en France sur les 8 milliards d'euros budgétés pour le fonds de solidarité.

Si la correction de ces deux biais réduit les écarts, elle ne paraît toutefois pas de nature à remettre en cause le diagnostic .

À titre d'illustration, une récente étude a montré que restreindre l'analyse à l'exercice 2020 conduit à diviser par deux la taille du plan de soutien américain 17 ( * ) - qui resterait toutefois plus de deux fois supérieur au plan français.

S'agissant du plan allemand, la Bundesbank anticipe dans ses dernières prévisions que les mesures de soutien et de relance auront un impact budgétaire effectif de l'ordre de 5,5 % du PIB en 2020 18 ( * ) , ce qui resterait là encore deux fois supérieur aux mesures françaises.

3. Cette singularité s'explique d'abord par une situation budgétaire initialement plus dégradée

Une partie de ce différentiel peut légitimement se justifier par l'importance plus grande des « stabilisateurs automatiques » en France , en lien notamment avec la taille plus élevée de son secteur public. Une chute du PIB équivalente se traduit mécaniquement par une perte de recettes publiques et une augmentation des dépenses sociales plus forte dans notre pays, si bien que les administrations publiques prennent automatiquement à leur charge une partie plus significative du coût de la crise.

Importance des « stabilisateurs automatiques » dans l'Union européenne

(en pourcentage)

Note méthodologique : l'importance des « stabilisateurs automatiques » est ici appréhendée par le niveau de la semi-élasticité budgétaire, qui correspond à la sensibilité du solde public à la variation de l'écart de production. Un coefficient de 63 signifie qu'une baisse de la croissance française d'un point conduit à une hausse du déficit public de 0,63 point de PIB.

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Gilles Mourre, Aurélien Poissonnier et Martin Lausegger, « The Semi-Elasticities Underlying the Cyclically-Adjusted Budget Balance : An Update & Further Analysis », Commission européenne, European Economy - Discussion Paper 098, mai 2019)

Ce premier facteur n'explique toutefois qu'une faible part de l'écart avec les autres pays européens. Une chute du PIB de 10 points entraîne ainsi automatiquement une hausse du déficit public de l'ordre de 6,3 points de PIB en France, contre 5,4 points de PIB en Italie et 5,0 points de PIB en Allemagne.

En réalité, le principal facteur explicatif tient aux moindres marges de manoeuvre dont dispose la France sur le plan budgétaire, compte tenu de l'absence d'inflexion de l'endettement public lors de la période précédant la crise financière, que le rapporteur général avait à plusieurs reprises regretté 19 ( * ) .

Tout comme ses homologues espagnols et italiens, le Gouvernement cherche vraisemblablement à minimiser le coût des mesures de soutien sur les indicateurs maastrichtiens, alors que des pays comme l'Allemagne peuvent davantage se permettre de « dépenser sans compter ».

Évolution de la dette publique entre 2006 et 2019

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee et de la Commission européenne)

Un dernier facteur tient aux choix du Gouvernement de différer les mesures de relance générales à la rentrée , alors que certains pays tels que l'Allemagne ont déjà annoncé leur plan. Sur le soutien budgétaire allemand de 5,5 points de PIB anticipé par la Bundesbank en 2020, le programme de relance du gouvernement fédéral annoncé le 4 juin 2020 20 ( * ) , qui n'a pour l'instant pas d'équivalent en France, compte ainsi pour 1,5 point de PIB.

Là encore, ce choix n'est certainement pas sans lien avec la situation budgétaire initiale de la France , qui pousse le Gouvernement à attendre de voir dans quelle mesure l'économie est capable de redémarrer sans soutien additionnel ainsi que l'issue des négociations sur le volet européen de la relance afin de calibrer au plus juste son propre plan. Cette stratégie attentiste est toutefois critiquable, compte tenu du risque qu'elle emporte pour la reprise, qui fera l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de la troisième partie du présent rapport.

B. LA NOUVELLE DÉGRADATION DE LA TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE REFLÈTE PRINCIPALEMENT LA RÉVISION À LA BAISSE DE L'HYPOTHÈSE DE CROISSANCE

1. La dégradation de la conjoncture explique 70 % de la révision à la hausse du déficit public

La révision à la baisse de l'hypothèse de croissance et le redimensionnement du plan de soutien impliquent mécaniquement une nouvelle dégradation du solde public , qui atteindrait - 11,5 % du PIB en 2020, contre - 9,1 % dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative, soit un différentiel de 2,4 points de PIB.

Décomposition de l'évolution du solde public

(en points de PIB)

LFI 2020

LFR 2020 n° 1

LFR 2020 n° 2

PLFR 2020 n° 3 (texte transmis)

2018

2019

2020

2019

2020

2019

2020

2019

2020

Solde structurel (1)

- 2,3

- 2,2

- 2,2

- 2,2

- 2,2

- 2,0

- 2,0

- 2,2

- 2,2

Solde conjoncturel (2)

0,0

0,0

0,1

0,0

- 1,3

0,0

- 5,3

0,2

- 7,0

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

- 0,2

- 0,9

- 0,1

- 0,9

- 0,4

- 1,0

- 1,7

- 1,0

- 2,4

Solde effectif (1 + 2 + 3)

- 2,5

- 3,1

- 2,2

- 3,1

- 3,9

- 3,0

- 9,1

- 3,0

- 11,5

Précision : les votes de l'Assemblée nationale ont conduit à dégrader le solde effectif de 0,1 point, ce qui porterait celui-ci à - 11,5 % du PIB, contre - 11,4 % dans le texte déposé.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ainsi que l'illustre la décomposition ci-dessus, seulement 30 % de cette dégradation du solde public s'explique par le redimensionnement du plan de soutien , qui se traduit par une révision à la hausse du coût des « mesures exceptionnelles et temporaires » de 0,7 point de PIB.

Le reliquat tient à la dégradation de la conjoncture, qui explique ainsi 70 % de la révision à la baisse de la prévision du solde public.

Le renforcement du plan de soutien et la baisse concomitante du PIB conduisent également à une révision à la hausse de 2,7 points du poids de la dépense publique dans la richesse nationale , qui atteindrait un niveau record de 63,6 % du PIB.

Dépenses et recettes publiques dans le scénario budgétaire gouvernemental

(en points de PIB)

2019

2020
(PLFR n° 2)

2020
(PLFR n° 3)

Recettes publiques

52,6

51,8

52,2

...dont : prélèvements obligatoires

44,1

44,0

44,2

Dépenses publiques

55,6

60,9

63,6

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La part des recettes publiques dans la richesse nationale est en revanche quasiment stable , dès lors que le Gouvernement retient une élasticité unitaire des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB et n'a pas renoncé aux baisses d'impôts initialement prévues.

Enfin, si le solde structurel est revu à la baisse (- 2,2 % du PIB, contre - 2,0 % dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative), cela tient exclusivement à la reprise en base de la révision du partage entre solde structurel et solde conjoncturel intervenue au titre de l'exécution 2019. Comparé à 2019, le solde structurel reste ainsi stabilisé.

Ce constat appelle toutefois deux réserves majeures . D'une part, le partage entre solde structurel et solde conjoncturel repose sur l'hypothèse optimiste que la crise n'aura aucun effet sur le PIB potentiel, ainsi que cela a déjà été souligné. D'autre part, le Gouvernement continue de comptabiliser la totalité du plan de soutien en « mesures exceptionnelles et temporaires », ce qui permet de ne pas dégrader le solde structurel, alors même que certaines mesures « pourraient être prolongées au-delà de 2020 », ainsi que le souligne le Haut Conseil des finances publiques 21 ( * ) .

À l'avenir, il serait souhaitable que le caractère ponctuel et temporaire des mesures soit de nouveau apprécié au cas par cas par le Gouvernement, afin de donner une vision plus réaliste de la situation structurelle des comptes publics .

2. Cette dégradation s'accompagne mécaniquement d'une nouvelle hausse de l'endettement, dont la charge d'intérêt devrait néanmoins rester orientée à la baisse

Le redimensionnement du plan de soutien et la dégradation de l'hypothèse de croissance conduisent également à une nouvelle révision à la hausse de l'endettement, qui atteindrait 120,9 % du PIB en 2020 , contre 115,2 % du PIB dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative.

Par rapport à la prévision de la loi de finances initiale (98,7 % du PIB) , la majorité de la hausse provient toutefois de l'effet « dénominateur » (diminution du PIB), ce qui laisse espérer un reflux significatif en cas de rattrapage.

Décomposition de l'évolution de la prévision d'endettement
du Gouvernement pour 2020

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

En outre, ce surcroît d'endettement ne devrait pas se traduire immédiatement par un renchérissement de la charge de la dette , qui resterait orientée à la baisse en 2020 .

Le Gouvernement anticipe ainsi une diminution de 3,7 milliards d'euros de la charge des administrations publiques, qui atteindrait 31,6 milliards d'euros en 2020, contre 35,3 milliards d'euros en 2019. La diminution est plus forte qu'initialement anticipé en loi de finances initiale, qui tablait sur une charge de la dette de 33,7 milliards d'euros, compte tenu essentiellement de la révision à la baisse de la prévision d'inflation, qui minore le coût des titres indexés.

La baisse de la charge de la dette pourrait même être encore plus forte qu'escompté , car la prévision gouvernementale reste fondée sur l'hypothèse d'une remontée des taux de long terme (10 ans) à 0,7 % et des taux de court terme (3 mois) à - 0,3 % d'ici la fin de l'année, alors qu'ils se situent respectivement à - 0,1 % et - 0,5 % à l'heure actuelle. La Cour des comptes estime ainsi à un milliard d'euros le potentiel d'économies supplémentaires si les taux restaient à leur niveau actuel 22 ( * ) , ce qui paraît vraisemblable compte tenu du renforcement du soutien monétaire de la Banque centrale européenne.

Dans ce contexte, l'analyse formulée par le rapporteur général dans son rapport sur le précédent projet de loi de finances rectificative demeure valide 23 ( * ) :

- dès lors que le soutien au tissu productif ne devrait pas se traduire par une hausse de la charge de la dette à court terme et permet de préserver le potentiel de l'économie française, il serait contreproductif de chercher à augmenter les impôts ou à diminuer les dépenses pour contenir la dégradation des comptes publics en 2020 ;

- à moyen terme, il sera en revanche indispensable d'engager un redressement progressif des comptes publics , afin de retrouver des marges de manoeuvre en vue des futures crises et de nous prémunir contre le risque de remontée des taux d'intérêt.

3. De fortes incertitudes demeurent

S'il n'est pas entaché de biais manifeste, le scénario gouvernemental reste entouré de fortes incertitudes, à la hausse comme à la baisse.

L'hypothèse de croissance constitue naturellement la principale source d'interrogation, ainsi que cela a été précédemment rappelé .

À titre d'ordre de grandeur, un recul supplémentaire de la croissance d'un point pèserait sur le déficit public à hauteur de 0,6 point de PIB environ (et inversement en cas de surcroît de croissance), compte tenu de l'importance des « stabilisateurs automatiques » en France.

La différence d'appréciation sur le niveau de la croissance 2020 constitue ainsi le principal facteur explicatif des écarts entre la prévision de solde public gouvernementale et celle des autres instituts.

Comparaisons des prévisions de solde public
pour la France en 2020

(en points de PIB)

Précision : les votes de l'Assemblée nationale ont conduit à dégrader le solde effectif de 0,1 point, ce qui porterait celui-ci à - 11,5 % dans le scénario gouvernemental.

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Banque de France, Projections macroéconomiques France, juin 2020 ; OCDE, Perspectives économiques de l'OCDE, n° 107, juin 2020 ; FMI, Mise à jour des perspectives de l'économie mondiale, juin 2020)

À prévision de croissance inchangée, l'élasticité des recettes à la conjoncture constitue également un aléa important .

Si le Gouvernement table désormais sur une élasticité des prélèvements obligatoires à l'activité économique unitaire, le Haut Conseil des finances publiques a rappelé qu'une baisse plus forte qu'anticipé n'était pas à exclure, compte tenu de la brutalité du choc 24 ( * ) .

Le coût des mesures de soutien annoncées pour faire face à la crise sanitaire constitue un troisième aléa majeur , qui fera l'objet de développements approfondis dans la deuxième partie du rapport.

Enfin, le Gouvernement a confirmé sa volonté de mettre en oeuvre un plan de relance d'ici la fin de l'année , ce qui devrait là aussi se traduire par une dégradation supplémentaire des comptes publics en 2020.

DEUXIÈME PARTIE
LE BUDGET DE L'ÉTAT

I. LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT ATTEINT UN NIVEAU HISTORIQUE DE 224,4 MILLIARDS D'EUROS

A. LA CHUTE DES RECETTES COMME L'AUGMENTATION DES DÉPENSES CREUSENT LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT DE 39,0 MILLIARDS D'EUROS SUPPLÉMENTAIRES

Le troisième projet de loi de finances rectificative prévoit une aggravation du déficit budgétaire , qui passerait de 185,5 milliards d'euros dans la précédente loi de finances rectificative à 222,1 milliards d'euros dans la version du texte déposé à l'Assemblée nationale, et 224,4 milliards d'euros dans le texte adopté en première lecture par cette assemblée, soit une augmentation de 39,0 milliards d'euros .

Le déficit est donc d'une ampleur considérable, liée à la prise en charge par l'État d'une part importante des conséquences économiques de la crise sanitaire : les dépenses nettes du budget général sont 2,2 fois supérieures aux recettes nettes, une fois déduits les prélèvements sur recettes 25 ( * ) . En loi de finances initiale, le surcroît des dépenses par rapport aux recettes était de 38 %.

Tous les facteurs se conjuguent pour accroître le déficit : la chute des recettes fiscales nettes est de 23,2 milliards d'euros , principalement due aux pertes de recettes des impôts directement liés à l'activité économique, et les dépenses nettes augmentent de 10,2 milliards d'euros , aussi bien par des mesures d'urgence liées à la période du confinement que par des dispositions de soutien sectoriel.

Facteurs d'évolution du solde budgétaire de l'État entre la deuxième loi de finances rectificative et le présent texte

(en milliards d'euros)

(P)LFR : (projet de) loi de finances rectificative. AN : Assemblée nationale. Prél. recettes : prélèvements sur recettes. Solde BA et CS : solde des budgets annexes et des comptes spéciaux.

Source : commission des finances, à partir des textes budgétaires

L' examen du texte en première lecture à l'Assemblée nationale a été quasiment neutre sur les recettes, une diminution de 300 millions d'euros des recettes brutes prévisionnelles étant plus que compensée par une diminution de 330 millions d'euros des remboursements et dégrèvements. En revanche les dépenses nettes augmentent de 1,9 milliard d'euros et les prélèvements sur recettes de 0,5 milliard d'euros, d'où une aggravation supplémentaire du solde budgétaire de 2,3 milliards d'euros .

Ces évolutions en recettes et en dépenses sont présentées plus en détail infra .

B. LE DÉFICIT DÉPASSE TRÈS LARGEMENT LES MONTANTS ATTEINTS LORS DE LA CRISE DE 2009-2010

Sur l'ensemble des trois premiers budgets rectificatifs , l'aggravation du déficit budgétaire est de 131,3 milliards d'euros, soit une multiplication par 2,4 du déficit initial prévu de 93,1 milliards d'euros.

Évolution des composantes du solde budgétaire de l'État en 2020

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des textes budgétaires

Les recettes fiscales nettes sont inférieures de 65,8 milliards d'euros , soit 22,5 %, au montant prévu en loi de finances initiale , une diminution due principalement aux pertes de recettes d'impôt sur les sociétés et de TVA. Les dépenses nettes sont supérieures de 56,3 milliards d'euros , soit 16,7 %, à la prévision, dont 51,0 milliards d'euros au titre de la nouvelle mission « Plan d'urgence pour la crise sanitaire ».

Les comptes spéciaux sont également particulièrement mobilisés. Le solde des comptes d'affectation spéciale serait déficitaire de 0,9 milliard d'euros, contre une prévision d'excédent de 1,2 milliard d'euros, en lien avec l'annulation des recettes de privatisation attendues. Celui des comptes de concours financiers serait déficitaire de 6,4 milliards d'euros, contre 1,4 milliard d'euros en loi de finances initiale, en raison de la création de plusieurs dispositifs d'avances et de prêts aux entreprises et aux collectivités territoriales dans chacun des trois textes.

Le déficit budgétaire de l'État dépasse ainsi de plus de 75 milliards d'euros les niveaux déjà historiquement élevés atteints lors de la crise de 2009-2010.

Évolution du solde budgétaire depuis 2007

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires. Troisième projet de loi de finances rectificative : texte adopté par l'Assemblée nationale

C. LE FINANCEMENT DU BUDGET PAR LA DETTE PREND UNE DIMENSION NOUVELLE

Si la France a, jusqu'à présent, trouvé des conditions de financement favorables pour combler les besoins nés de sa dette, la dimension désormais considérable du déficit représentera un défi pour les années à venir , d'autant qu'il s'ajoute à une accumulation très importante de déficits au cours des années passées.

Le besoin de financement de l'année dépend en effet aussi bien du renouvellement du stock de dette existante, c'est-à-dire du poids des déficits passés, que du déficit nouveau de l'année qu'il convient de financer par de nouvelles émissions nettes.

L'État doit ainsi trouver des ressources de financement de 363,5 milliards d'euros en 2020 , contre 220,5 milliards d'euros en 2019, ce qui constituait déjà un niveau exceptionnellement élevé. Ce montant est supérieur de près de 120 milliards d'euros aux montants atteints lors de la crise financière de 2009-2010.

Ces ressources relèvent pour l'essentiel de l'émission de dette, soit à moyen et long terme (obligations assimilables du Trésor), soit à court terme.

Besoin de financement et émission de dette
par l'État depuis 2007

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des textes budgétaires

Le Gouvernement prévoit de répartir le besoin nouveau de financement entre un volume d'émissions d'OAT à moyen et long terme qui serait supérieur de 60 milliards d'euros au niveau record de 200 milliards d'euros déjà atteint en 2019 et, surtout, une augmentation de l'endettement à court terme d'un volume également inédit (+ 82,2 milliards d'euros).

Le Gouvernement avait déjà eu recours à une augmentation très élevée de l'endettement à court terme en 2008 et 2009, suivie les années suivantes d'une diminution progressive de son encours.

Si les conditions de marché semblent favorables pour assurer cette année les émissions de dette prévues, cette hausse considérable des émissions demeure préoccupante . L'État ayant montré depuis plus de 45 ans son incapacité à diminuer son stock de dette, les émissions faites en 2020 à moyen et long terme devront probablement, pour nombre d'entre elles, être renouvelées dans cinq à dix ans. Une augmentation des taux d'intérêt - qui demeure tout à fait possible, rien ne garantissant le maintien sur le long terme de la situation actuelle de taux très bas - aurait un impact d'autant plus important sur les charges de l'État que les besoins de refinancement de la dette sont élevés .

II. L'ENSEMBLE DES RECETTES FONT L'OBJET D'UNE DIMINUTION IMPORTANTE DE LEUR PRÉVISION

La plupart des recettes de l'État ont une prévision en baisse par rapport à la deuxième loi de finances rectificative.

A. LES RECETTES FISCALES NETTES SONT EN DIMINUTION DE 23,2 MILLIARDS D'EUROS

Le présent projet de loi de finances rectificative se fonde sur une prévision de recettes fiscales nettes de 227,1 milliards d'euros, en diminution de 23,2 milliards d'euros , soit 9,3 %, par rapport à la deuxième loi de finances rectificative du 23 mai 2020 (250,3 milliards d'euros).

Par rapport à la loi de finances initiale (293,0 milliards d'euros), la diminution est de 65,9 milliards d'euros , soit 22,5 %.

Les prévisions de remboursements et dégrèvements n'ayant que peu évolué dans le même temps (142,3 milliards d'euros dans le présent projet de loi de finances rectificative, contre 140,8 milliards d'euros en loi de finances initiale), la différence est comparable pour ce qui concerne les recettes fiscales brutes 26 ( * ) , qui diminuent de 64,4 milliards d'euros, soit 14,9 %.

Cette perte massive de recettes fiscales reflète l'importance du choc connu par l'économie . Elle est supérieure à la prévision de diminution du produit intérieur brut en 2020 (- 11 %), ce qui résulte notamment de l'élasticité importante du produit de l'impôt sur les sociétés brut, qui diminuerait à lui seul de 28,7 milliards d'euros, soit de 38,6 %.

B. LES MESURES FISCALES PRISES DANS LES TROIS PREMIERS COLLECTIFS BUDGÉTAIRES N'ONT QU'UN IMPACT LIMITÉ SUR LES RECETTES FISCALES DE L'ÉTAT

Lors de la crise financière de la fin des années 2000 , qui avait débuté de manière plus progressive vers la fin de l'année 2008, la perte de recettes fiscales nettes par rapport à la prévision avait été comparable, à hauteur de 11,6 milliards d'euros sur l'exercice 2008 et de 61,6 milliards d'euros sur l'exercice 2009 27 ( * ) , soit 73,2 milliards d'euros.

Toutefois cette diminution, contrairement à celle de l'année 2020, ne reflétait pas seulement le choc subi par l'économie, mais aussi l'effet des mesures fiscales du plan de relance alors mis en oeuvre dès la fin 2008. Dans son rapport sur le budget de l'État en 2009, la Cour des comptes a estimé à 16,3 milliards d'euros l'effet du volet fiscal du plan de relance. Les remboursements et dégrèvements ont été au total supérieurs de 9,0 milliards d'euros à la prévision en 2008 et de 21,8 milliards d'euros en 2009, alors qu'ils sont proches de la prévision cette année.

En 2020, les mesures prises dans les trois premiers collectifs budgétaires devraient avoir un effet beaucoup plus limité sur les recettes fiscales de l'État , aussi bien brutes que nettes :

- les deux premières lois de finances rectificatives comprenaient des mesures fiscales telles que le taux réduit de TVA pour le secteur sanitaire qui, malgré leur importance pour les secteurs concernés, n'ont que des conséquences marginales pour les recettes de l'État ;

- dans le présent projet de loi de finances rectificative, le remboursement anticipé des créances de report en arrière de déficits (article 2) accroît de 0,4 milliard d'euros le montant des remboursements et dégrèvements ; il s'agit d'ailleurs d'une mesure de trésorerie. Les deux autres mesures fiscales prévues par le projet de loi de finances rectificative dans sa version initiale, à savoir le dégrèvement de cotisation foncière des entreprises (article 3) et le déblocage exceptionnel de l'épargne retraite (article 4), ont un impact non chiffré ou qualifié de négligeable en 2020 par l'évaluation préalable ;

- l'examen du projet de loi de finances rectificative en première lecture par l'Assemblée nationale n'a pratiquement pas modifié le niveau attendu des recettes fiscales nettes ou non fiscales. Les recettes fiscales brutes ont été minorés de 300 millions d'euros en raison de l'augmentation du plafond de la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie (CCI) et de la modification de la chronique de suppression du tarif réduit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour le gazole non routier, mais dans le même temps les remboursements et dégrèvements ont également diminué de 330 millions d'euros, notamment en raison du maintien de l'exonération de la taxe d'habitation des retraités de condition modeste.

Par ailleurs, l'annulation des redevances d'occupation du domaine public de l'État et de ses établissements publics (article premier) diminue de 6 millions d'euros environ les revenus du domaine public non militaire, qui font partie des recettes non fiscales.

C. TOUS LES GRANDS IMPÔTS CONNAISSENT UNE BAISSE DE LEUR PRÉVISION, SAUF L'IMPÔT SUR LE REVENU

La diminution des recettes fiscales nettes dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative concerne tous les grands impôts, sauf l'impôt sur le revenu .

Évolution des recettes fiscales nettes en 2020

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La stabilité de la prévision du produit de l'impôt sur le revenu peut surprendre , alors que les perspectives économiques ont été revues à la baisse.

La chute prévisionnelle du produit intérieur brut est ainsi désormais de 11 %, contre 8 % dans les hypothèses macroéconomiques du deuxième collectif budgétaire. S'agissant de la situation de l'emploi, malgré la mise en oeuvre d'un important dispositif de soutien à l'activité partielle, le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi n'ayant exercé aucune activité (catégorie A) a augmenté de 246 100 au mois de mars puis de 843 000 au mois d'avril pour atteindre un niveau record de 4,6 millions, tandis qu'un reflux de 149 900 constaté au mois de mai s'explique principalement par le passage en activité réduite, qui se développe fortement 28 ( * ) .

Il est donc à craindre que le produit de l'impôt sur le revenu connaisse finalement une contraction plus importante que les prévisions faites dans le présent projet de loi de finances rectificative.

Le produit de l' impôt sur les sociétés net poursuit dans le présent texte la chute historique qu'il connaissait déjà avec les estimations réalisées lors des deux premières lois de finances rectificatives. Son produit net serait en diminution de plus des deux tiers par rapport à la prévision.

Cet impôt, qui porte sur les bénéfices des entreprises, amplifie les mouvements de l'économie, surtout lorsqu'il est mesuré net des remboursements et dégrèvements.

La taxe sur la valeur ajoutée nette connaît une diminution de prévision de 8,5 milliards d'euros par rapport à la deuxième loi de finances rectificative et de 19,8 milliards d'euros par rapport à la prévision en loi de finances initiale. En termes bruts, la diminution du produit est de 23,2 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale de 187,1 milliards d'euros, soit 12,4 %, ce qui correspond, comme c'est souvent le cas pour cet impôt, à une élasticité au PIB légèrement supérieure à 1.

Parmi toutes les recettes fiscales et non fiscales du budget général présentes à l'état A annexé au présent projet de loi de finances rectificative, la seule recette dont le produit brut augmente est la taxe sur les installations nucléaires de base, qui retrouve son niveau prévu en loi de finances initiale après avoir vu sa prévision de rendement diminuer de 14 millions d'euros dans la première loi de finances rectificative du 25 mars 2020. Les documents budgétaires ne donnent pas d'explication à cette évolution.

D. LES PREMIERS RÉSULTATS DE L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE CONFIRMENT LA PERTE DE RECETTES FISCALES

Les premiers résultats budgétaires publiés par le Gouvernement pour l'exécution en 2020 permettent de constater une diminution marquée des recettes fiscales nettes à partir du mois de mars 2020 .

Recettes fiscales de janvier à mai 2020 comparées à 2019

(en milliards d'euros)

Lecture : en avril 2020, les recettes fiscales ont été de 15,4 milliards d'euros, contre 22,1 milliards d'euros en 2019. La perte de recettes cumulée sur les quatre premiers mois de 2020 est de 8,3 milliards d'euros. Les comparaisons sont faites à périmètre constant.

Source : commission des finances, à partir des situations mensuelles budgétaires de l'État

La diminution des recettes fiscales nettes, à périmètre constant, est ainsi de 2,8 milliards d'euros au mois de mars, de 6,7 milliards d'euros au mois d'avril, le plus touché par le confinement, et de 1,1 milliard d'euros au mois de mai.

Ce dernier chiffre doit toutefois être considéré avec prudence, car le point de comparaison, à savoir le mois de mai 2019, avait été marqué par une baisse ponctuelle importante du produit de l'impôt sur les sociétés, en raison de la constatation de remboursements et dégrèvements importants ce mois-là : la baisse de recettes au mois de mai 2020 serait certainement plus élevée de plusieurs milliards d'euros sans ce phénomène ponctuel.

E. LES RECETTES NON FISCALES CONNAISSENT UNE DIMINUTION LIMITÉE

Le présent projet de loi de finances rectificative prévoit une diminution des recettes non fiscales de 302,5 millions d'euros .

Cette évolution est beaucoup plus limitée que l'augmentation dont ces recettes avaient fait l'objet dans la première loi de finances rectificative du 23 mars dernier (+ 3,5 milliards d'euros, correspondant principalement à des recettes d'amendes et de sanctions) et leur diminution dans la deuxième loi de finances rectificative du 25 mai (- 2,2 milliards d'euros, avec notamment la renonciation de l'État à percevoir des dividendes de la part des entreprises dans lesquelles il détient des participations).

Cette diminution correspond pour l'essentiel au recul de 296,5 millions d'euros des prévisions de reversements au titre des procédures de soutien financier au commerce extérieur . Ces reversements proviennent du compte de concours financiers « Soutien financier au commerce extérieur » lorsqu'un excédent est constaté sur les procédures d'assurance-crédit réalisées par Bpifrance.

III. LES DÉPENSES DE L'ÉTAT S'ACCROISSENT ENCORE DE 14,0 MILLIARDS D'EUROS

A. TROIS BUDGETS RECTIFICATIFS APPORTENT 56,1 MILLIARDS D'EUROS SUPPLÉMENTAIRES AUX MISSIONS DU BUDGET GÉNÉRAL

Les lois de finances rectificatives du 23 mars et du 25 avril 2020, ainsi que le présent projet de loi de finances rectificative dans le texte transmis au Sénat, ouvrent des crédits de 58,0 milliards d'euros au total sur les missions du budget général.

Ce montant entraîne une hausse de 12,1 % des crédits ouverts sur le budget général , qui s'élevaient à 478,5 milliards d'euros en loi de finances initiale.

La mission « Plan d'urgence pour la crise sanitaire » a été le principal véhicule des ouvertures de crédit au cours des deux premières lois de finances rectificatives, et le demeure avec le présent texte : dotée initialement de 6,3 milliards d'euros, elle a vu ses moyens accrus de 37,2 milliards d'euros dans la deuxième loi de finances rectificative et encore de 8,9 milliards d'euros dans le présent projet de loi de finances rectificative (dont 1,4 milliard d'euros ouverts par voie d'amendement à l'Assemblée nationale), soit un total de 52,8 milliards d'euros.

Cette mission est désormais la seconde mission du budget général (hors remboursements et dégrèvements), après la mission « Enseignement scolaire » (74,1 milliards d'euros 29 ( * ) ) et devant la mission « Défense » (46,1 milliards d'euros).

Les ouvertures de crédit sur la mission
« Plan d'urgence pour la crise sanitaire »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des première et deuxième lois de finances rectificatives et du troisième projet de loi de finances rectificative (texte adopté par l'Assemblée nationale)

Contrairement aux deux premières lois de finances, le présent texte , surtout dans la version adoptée par les députés en première lecture, affecte de nombreuses missions du budget général . Ces ouvertures de crédit sont décrites plus en détail infra.

Ouvertures totales de crédit en cours d'année, hors plan d'urgence, remboursements et dégrèvements et engagements financiers de l'État

(en millions d'euros)

Note : ouvertures nettes de crédit hors remboursements et dégrèvements, plan d'urgence pour la crise sanitaire et engagements financiers de l'État. Aucune ouverture de crédit n'a eu lieu sur ces missions dans la première loi de finances rectificative du 23 mars 2020.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

S'agissant de la mission « Crédits non répartis » , le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles », qui a fait l'objet d'une ouverture de crédits très importante de 1 620,0 millions d'euros dans la deuxième loi de finances rectificative, complétant une dotation initiale de 124,0 millions d'euros, a fait l'objet de consommations à hauteur de 384,2 millions d'euros au 6 juillet 2020 :

- un premier décret du 17 avril 2020 a permis de prélever 100 millions d'euros sur cette enveloppe afin de financer le fonds de solidarité pour les entreprises, dans l'attente de la promulgation de la deuxième loi de finances rectificative ;

- un second décret du 18 mai 2020 a transféré 284,2 millions d'euros vers le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » afin de financer l'achat de masques (voir infra ).

Le disponible budgétaire est donc de 1359,8 millions d'euros sur ce programme 30 ( * ) .

B. LE TROISIÈME PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE OUVRE DES CRÉDITS RÉPARTIS ENTRE UN LARGE ÉVENTAIL DE POLITIQUES PUBLIQUES

Le présent projet de loi de finances rectificative ouvre dans sa version initiale des crédits à hauteur de 13,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 12,2 milliards d'euros en crédits de paiement sur les missions du budget général. À l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, les ouvertures de crédits sont de 15,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 14,0 milliards d'euros en crédits de paiement , les amendements adoptés ayant pour effet l'ouverture de 1,9 milliard d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement supplémentaires.

Les deux premières lois de finances rectificatives ouvraient des crédits d'urgence sur un petit nombre de dispositifs.

Le présent projet de loi de finances rectificative, dans sa version transmise au Sénat, ouvre des crédits sur 17 missions du budget général en autorisations d'engagement et 16 missions en crédits de paiement , dans le cadre de nombreux dispositifs différents dont certains recouvrent plusieurs missions budgétaires.

Il sera donc proposé infra une représentation des crédits ouverts en fonction des dispositifs ou des secteurs concernés.

Politiques soutenues par les ouvertures de crédits dans
le troisième projet de loi de finances rectificative

(en millions d'euros)

Source : regroupement des dépenses par la commission des finances du Sénat, à partir du projet de loi de finances rectificative et des amendements adoptés par l'Assemblée nationale

S'il ne s'agit pas uniquement de mesures d'urgence portant, comme lors des deux premières lois de finances rectificatives, sur la durée du confinement, ces dispositifs correspondent pour la plupart à une prise en compte des conséquences immédiates de la crise sanitaire et de la nécessité d'apporter un soutien à des entreprises et des personnes particulièrement affectées par ses conséquences économiques.

Certaines mesures , comme la rétrocession d'intérêts négatifs au Mécanisme européen de solidarité ou la mesure d'exonération de taxe d'habitation à destination de certains publics, n'ont toutefois aucun lien avec la crise sanitaire et ses conséquences .

Le rapport présentera infra les aides aux entreprises, notamment les aides sectorielles présentées par le Gouvernement comme s'inscrivant dans un plan de 40 milliards d'euros, les aides à l'emploi, le dispositif « vacances apprenantes », les autres ouvertures de crédit sur le budget général et enfin les dispositifs temporaires d'avances, hors budget général.

C. LE GOUVERNEMENT PRÉSENTE UN PLAN SECTORIEL DE 40 MILLIARDS D'EUROS, DONT MOINS DE 10 % CORRESPONDENT À DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES NOUVEAUX

Selon l'exposé général, le présent projet de loi de finances rectificative traduit les conséquences de plans sectoriels d'un montant de plus de 40 milliards d'euros tendant à soutenir les secteurs les plus touchés par la crise, à savoir le tourisme, les secteurs automobile et aéronautique, la culture et la presse, ainsi que le secteur des nouvelles technologies.

En fait, les ouvertures de crédit proposées par le projet de loi de finances rectificative correspondent à peine à 10 % de ce montant .

Les montants annoncés par le Gouvernement consistent majoritairement en prêts garantis par l'État et en sommes déjà versées au titre de l'activité partielle, tandis que des dépenses importantes sont reportées sur les années 2021 et suivantes, laissant prévoir un impact notable de ces dispositifs sur le montant des dépenses de l'État dans les années à venir - indépendamment des mesures de relance économique qui pourraient être présentées ultérieurement.

1. Les crédits budgétaires nouveaux représentent 10 % du plan de soutien à la filière automobile annoncé à plus de 8 milliards d'euros

Selon le Gouvernement, le plan de soutien au secteur automobile représente un montant de 8 milliards d'euros .

Les crédits effectivement inscrits dans le présent projet de loi de finances rectificative sont de :

- 623 millions d'euros sur la mission « Écologie, développement et mobilités durables » dans le présent projet de loi de finances rectificative.

Cette enveloppe concerne pour 228 millions d'euros le renforcement du bonus écologique pour les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables, entre le 1 er juin 2020 et la fin de l'année, et pour 395 millions d'euros l'augmentation du montant de la prime à la conversion et un assouplissement des critères d'éligibilité, dans la limite de 200 000 primes ;

- 200 millions d'euros en autorisations d'engagement et 100 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » afin de soutenir l'investissement de la filière ;

- 65,9 millions d'euros , en autorisations d'engagement uniquement, sur le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », par un amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale, afin de contribuer au financement du projet franco-allemand de construction de ligne de production de batteries automobiles . Cette ligne est ouverte afin de compenser le manque de ressources du fonds pour l'innovation dans l'industrie (FII), qui ne peut mobiliser que 314,1 millions d'euros pour ce projet, contre un engagement prévu de 380 millions d'euros.

Le montant supérieur à 8 milliards d'euros annoncé le 26 mai 2020 par le président de la République 31 ( * ) inclut des mesures de natures diverses. Il s'agit en majorité de dispositifs de prêt garanti par l'État , en particulier un prêt de 5 milliards d'euros à Renault, qui ne constituerait une dépense qu'en cas d'appel de la garantie, et dans une moindre mesure de sommes versées aux sites industriels au titre du chômage partiel, estimées à plusieurs centaines de millions d'euros.

Ce plan inclut également des crédits redéployés depuis le programme d'investissement d'avenir (PIA) et le fonds pour l'innovation dans l'industrie (FII) : l'État devrait apporter par ce biais 150 millions d'euros pour soutenir l'innovation et la recherche et développement de l'industrie automobile française et 690 millions d'euros dans le cadre du projet précité d'usine pilote de fabrication de batteries électriques 32 ( * ) .

2. Le plan de soutien à l'aéronautique civile, annoncé à 15 milliards d'euros, contient 135 millions d'euros de crédits de paiement sur le budget général de l'État et 3 milliards d'euros d'avances en compte courant d'actionnaire

Le Gouvernement a annoncé également un plan de soutien au secteur de l'aéronautique de 15 milliards d'euros 33 ( * ) .

a) Une ouverture de crédits de 135 millions d'euros finance la recherche et le tissu des entreprises du secteur

Les ouvertures de crédit dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative représentent 497 millions d'euros en autorisations d'engagement et 183,8 millions d'euros en crédits de paiement , se répartissant sur trois dispositifs :

- le soutien à la recherche technologique et au développement dans le domaine de l'aéronautique civile , pour 165 millions d'euros en autorisations d'engagement et 85 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ;

- le soutien aux projets de diversification, de modernisation et d'amélioration de la performance environnementale des procédés de production des PME et ETI de la filière de l'aéronautique civile pour 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et 50 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » ;

- suite à l'adoption par les députés d'un amendement présenté par le Gouvernement, l' acquisition d'hélicoptères par la gendarmerie et par la sécurité civile, ce qui donne lieu à une ouverture de crédits de 200 millions d'euros en autorisations d'engagement et 20 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 152 « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités » et de 32 millions d'euros en autorisations d'engagement et 28,8 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 161 « Sécurité civile » de la même mission. Comme l'indique l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement, la dépense porte en partie sur des commandes qui seront exécutées après l'année 2020.

b) Le plan de soutien consiste majoritairement en des prêts garantis

Le plan de soutien annoncé de 15 milliards d'euros inclut également une aide de 7 milliards d'euros au groupe Air France-KLM , constituée d'un prêt bancaire garanti par l'État de 4 milliards d'euros et d'une avance en compte courant d'actionnaire de l'État de 3 milliards d'euros.

Par ailleurs, le plan de soutien prévoit une participation de l'État au travers de BPI France pour 200 millions d'euros à un fonds d'investissement de 1 milliard d'euros pour la filière, ainsi que la prise en garantie de nouveaux crédits à l'export pour la vente d'avions Airbus. Ce fonds serait également abondé par les grands donneurs d'ordre de la filière, qui sont pourtant également affectés par la crise.

Sont prévus enfin des rehaussements de crédits sur le programme d'investissements d'avenir (PIA). Le plan anticipe également une participation du plan de relance européen à hauteur de 200 millions d'euros par an.

c) Une avance remboursable de 300 millions d'euros aide les exploitants d'aérodromes à financer les dépenses de sécurité et de sûreté

300 millions d'euros sont ouverts, hors budget général, sur le programme 823 « Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics » du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » afin de financer, à titre d'avance, les dépenses de sécurité et de sûreté des exploitants d'aérodromes .

Ce programme finance des avances accordées pour une durée déterminée et assorties d'un taux qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d'échéance la plus proche. En l'occurrence, les avances sont octroyées avec un taux plancher de 0 %, quand les taux d'emprunt de l'État de maturité équivalente sont négatifs. Les avances doivent être remboursées et les besoins couverts par les avances doivent pouvoir être assurés ultérieurement par des ressources durables et certaines.

Le compte de concours financier permet de répondre à des besoins urgents : c'était le cas lorsqu'il a financé en 2019, à hauteur de 45 millions d'euros, les besoins en trésorerie du fonds d'assurance formation des chefs d'entreprises artisanales et de CMA France. Ce programme finance également des services ou organismes qui ne peuvent recourir au marché bancaire et accorde ainsi régulièrement des avances à l'AEFE.

L'Assemblée nationale a toutefois adopté, sur la proposition du Gouvernement, un amendement qui transfère ce financement vers un programme nouveau intitulé « Avances aux exploitants d'aéroports touchés par la crise de covid-19 au titre des dépenses de sûreté-sécurité » au sein du même compte de concours financiers.

L'octroi de 300 millions d'euros pour les dépenses de sécurité et de sûreté sur les aérodromes est justifié par les difficultés de financement rencontrées par les aéroports , financés notamment par la taxe d'aéroport assise sur les billets d'avion.

Cette taxe est due par toute entreprise de transport aérien public, à raison des passagers et de la masse de fret et de courrier embarqués sur les aérodromes dont la liste est définie par arrêté ministériel. Les produits de cette taxe sont en effet affectés sur chaque aérodrome ou groupement d'aérodromes pour financer des services de sécurité . Or, les produits devraient décroître cette année, le secteur aérien ayant été fortement touché par la crise .

L'Union des aéroports français estimait le 25 mai dernier à 500 millions d'euros le déficit de financement 2020 des missions régaliennes de sûreté et sécurité aéroportuaires 34 ( * ) .

Sans prise en charge publique, les dépenses de sûreté devraient probablement être financées par une augmentation marquée de la taxe d'aéroport en 2021, et donc des billets d'avion, avec pour conséquence une dégradation importante de la compétitivité des aéroports français .

Au total, il apparaît ainsi que le plan de soutien au secteur aéronautique pèsera probablement plus sur les finances publiques au cours des prochaines années qu'en 2020 . Par exemple, le plan de soutien précité à la recherche et développement pour la décarbonation de la filière, annoncé à 300 millions d'euros en 2020 (dont en fait, comme indiqué supra , 85 millions d'euros de crédits budgétaires), devrait ainsi doubler à 600 millions d'euros en 2021 et 2022.

3. Le plan de soutien au tourisme repose pour plus de 2 milliards d'euros sur les exonérations de charges

Le Gouvernement annonce également un plan de 18 milliards d'euros en faveur du tourisme 35 ( * ) .

Dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative, si aucun crédit budgétaire n'est ouvert spécifiquement en faveur du tourisme, le secteur devrait être l'un des principaux bénéficiaires de plusieurs dispositifs mis en place.

En premier lieu, l'article 18 institue une exonération de cotisations sociales relatives à la période de mars à juin 2020. Cette exonération, qui pèse normalement sur le budget des administrations de sécurité sociale, est compensée pour un montant prévisionnel de 3 milliards d'euros, réévalué à 3,9 milliards d'euros lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, par le biais du programme 360 « Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire » (nouveau), créé au sein de la mission « Plan d'urgence pour la crise sanitaire » (voir infra ). Le secteur du tourisme devrait être concerné par cette exonération pour un montant de 2,2 milliards d'euros .

En second lieu, l'article 3 prévoit la possibilité, pour les collectivités territoriales, de prononcer un dégrèvement de contribution foncière dont la moitié du coût serait prise en charge par l'État. L'évaluation préalable de cet article se refuse à proposer un chiffrage de cette mesure, au motif qu'elle dépend d'une délibération des collectivités. Il serait nécessairement inférieur à 350 millions d'euros, montant correspondant à l'hypothèse théorique où la totalité des collectivités instaureraient ce dégrèvement exceptionnel.

Les collectivités pourront également exonérer temporairement tous les redevables de la taxe de séjour afin de simuler le tourisme (article 17), mesure dont le coût maximal théorique, si toutes les collectivités l'instauraient, serait de 285 millions d'euros mais ne porterait que sur le budget de ces collectivités.

Enfin l'article premier prévoit l'annulation des redevances d'occupation du domaine public de l'État et de ses établissements publics pour des établissements relevant de plusieurs secteurs, dont le tourisme. L'impact de cette mesure pour le budget de l'État est probablement négligeable 36 ( * ) .

Si la décomposition du montant de 18 milliards d'euros annoncé pour ce plan paraît insuffisamment documentée, il en ressort que la plus grande partie du plan en faveur du tourisme relève de mesures ne portant pas sur le budget de l'État , notamment des prêts accordés par des institutions publiques tels que le prêt « tourisme » de Bpifrance renforcé à 1 milliard d'euros, les prêts de la Caisse des dépôts pour 500 millions d'euros et les investissements en fonds propres de 1,3 milliard d'euros de la Banque des Territoires et Bpifrance.

4. Un plan de 434,4 millions d'euros soutient le secteur des médias et de la culture

S'agissant des secteurs des médias et de la culture, plusieurs plans de soutien sont mis en place par le présent projet de loi de finances rectificative, portant sur les missions « Culture » et « Médias, livres et industries culturelles ». Les montants sont identiques en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

a) L'aide à la restructuration de Presstalis (100 millions d'euros)

Des besoins de trésorerie conséquents comme la complexité des modes de financement fragilisaient avant la crise sanitaire la gestion quotidienne de la société commerciale de messagerie de presse Presstalis. La crise a accru ces difficultés : les points de vente fermés pendant le confinement ont représenté jusqu'à 19 % du chiffre d'affaires de Presstalis et que les volumes fournis ont fortement baissé (66 % pour certains trimestriels).

Le 15 mai dernier, le tribunal de commerce de Paris a placé la société en redressement judiciaire avec poursuite d'activité et une période d'observation de deux mois. Il a, en revanche, prononcé la liquidation sans poursuite d'activité des sociétés SAD et Soprocom, ses filiales locales. Une offre de reprise, présentée par la Coopérative des quotidiens, a par ailleurs été acceptée.

L'activité de la messagerie ne pourra cependant se poursuivre sans une aide de l'État. Celle-ci représenterait 83 % des créances impayées par Presstalis aux éditeurs. Le versement de cette aide serait effectué en contrepartie de son réinvestissement à 70 % dans la nouvelle messagerie appelée à succéder à Presstalis. La moitié de l'aide serait versée sous la forme d'une subvention et l'autre moitié sous la forme d'un prêt d'une durée de six ans, la résiliation du contrat avec la nouvelle messagerie qui succèdera entrainant un remboursement immédiat. Il s'agit également de régler 24 millions d'euros dus par Presstalis aux diffuseurs de presse.

C'est dans ce contexte que le présent projet de loi de finances rectificative prévoit une ouverture de crédits de 100 millions d'euros sur le programme 180 « Presse et médias » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ainsi que la mobilisation de la réserve de précaution à hauteur de 6,26 millions d'euros en autorisations d'engagement et 4,45 millions d'euros en crédits de paiement.

b) Un plan de soutien aux médias (70 millions d'euros)

En complément des mesures destinées à la restructuration de Presstalis, l'Assemblée nationale a adopté un amendement déposé par le Gouvernement prévoyant la mise en oeuvre d'un plan de soutien de 70 millions d'euros à destination des entreprises des secteurs des médias et de la presse.

30 millions d'euros seraient destinés à soutenir la diffusion hertzienne et numérique des radios privées et des télévisions locales présentes en métropole et en outre-mer. Il s'agit de compenser les pertes de revenus, notamment publicitaires, et de préserver le pluralisme.

La filière presse ferait l'objet de trois dispositifs de soutien :

- une aide exceptionnelle de 19 millions d'euros serait ainsi attribuée aux diffuseurs de presse indépendants et spécialistes ;

- 8 millions d'euros seraient versés aux éditeurs d'information politique et générale fragilisés par la crise de la distribution de la presse ;

- 3 millions d'euros seraient spécifiquement dédiés aux éditeurs de titres ultramarins d'information politique et générale.

Enfin, 10 millions d'euros devraient être fléchés vers la mise en oeuvre d'un « plan de filière » à destination de la presse. Le Gouvernement entend notamment soutenir les projets d'investissement contribuant à la transformation du secteur, en veillant notamment à la transition écologique (5 millions d'euros envisagés sur ce seul point).

c) Un soutien aux industries culturelles (214 millions d'euros)

Les crédits ouverts au sein du programme 334 « Livre et industries culturelles » visent à appuyer trois secteurs : le cinéma, le livre et le spectacle musical .

Aux 214 millions d'euros ouverts par le présent texte, dont 178 millions d'euros dans le texte déposé à l'Assemblée nationale et 36 millions d'euros rajoutés par cette assemblée, s'ajoutent par ailleurs 7,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 4,8 millions d'euros en crédits de paiement, mobilisés au sein de la réserve de précaution.

(1) L'indemnisation des tournages affectés par la crise (50 millions d'euros)

490 films et séries ont été mis à l'arrêt en raison de la crise sanitaire (préparations de tournage, tournages français et à visée internationale, postproductions). Seules 15 % des polices d'assurance prévoyaient de couvrir le risque lié à une pandémie pour les tournages. Par ailleurs, depuis la reprise du 11 mai, la plupart des grands assureurs ont refusé de prendre en charge cet aléa.

Le présent projet de loi de finances prévoit donc que 50 millions d'euros soient fléchés vers un fonds d'indemnisation temporaire pour les tournages qui auraient repris à l'issue de la période de confinement mais seraient par la suite annulés ou reportés en raison de la circulation du virus sur le plateau. Ce fonds, créé le 1 er juin dernier et abondé par l'État, doit permettre de couvrir, à partir du mois de juin, jusqu'à 20 % du coût d'un film, dans la limite d'un plafond de 1,2 million d'euros. Les producteurs, les collectivités territoriales, les assureurs, les banques et les instruments de financement (SOFICA) sont invités à abonder dans un deuxième temps ce dispositif placé sous l'égide du Centre national du cinéma et de l'image animée.

Les assureurs-mutualistes Aréas assurances, la Matmut et la Macif ont ainsi annoncé leur participation au fonds à hauteur de 50 millions d'euros. Dans ces conditions, le dispositif devrait être mis en oeuvre en deux temps. Il sera, dans un premier temps, activé pour les interruptions liées à un cas de covid-19 pour une durée maximale de cinq semaines. La prise en charge sera effectuée par l'État. Au-delà, le relais sera assuré par les assureurs mutualistes qui prendront à leur compte les arrêts plus longs ou l'abandon des films. Cette faculté ne sera cependant proposée que dans le cas d'une offre groupée avec un contrat d'assurance classique à un taux de marché. Une franchise de 15 % reste à la charge du producteur.

Le fonds devrait cesser son activité le 31 décembre 2020.

(2) La majoration de la subvention versée au Centre national de la musique (50 millions d'euros)

Le présent projet de loi prévoit également la majoration de 50 millions d'euros de la subvention pour charge de service public versée au Centre national de la musique (CNM). Mis en place le 1 er janvier dernier, celui-ci a succédé au Centre national des variétés (CNV). Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), le CNM est appelé à devenir l'équivalent, dans le domaine de la musique, du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).

Le CNM dispose en principe de plusieurs sources de financement. Il perçoit ainsi le produit de la taxe sur les spectacles de variétés anciennement versée au CNV (42,5 millions d'euros initialement attendus en 2020). Les crédits budgétaires dédiés à différents organismes appelés à intégrer progressivement le CNM - centre d'informations et de ressources pour les musiques actuelles (IRMA), fonds pour la création musicale (FCM), club action des labels et disquaires indépendants (CALIF) et Bureau export de la musique - viennent également abonder son budget.

Subventions de l'État aux organismes ayant intégré
le CNM (hors CNV)

(en millions d'euros)

Organisme

Montant du financement public

Bureau export de la musique

- dont programme 131

- dont programme 185

3,0

2,8

0,2

IRMA

0,8

FCM

0,2

CALIF

0,25

Total

4,25

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Enfin, les organismes de gestion collective peuvent affecter au CNM les contributions actuellement destinées à l'action culturelle et sociale.

Ces sommes sont complétées, dans la loi de finances initiale pour 2020, par une subvention du ministère chargé de la culture d'environ 8 millions d'euros. Le présent projet de loi de finances devrait permettre de porter cette dotation à près de 58 millions d'euros.

Cette majoration, annoncée par le Président de la République le 6 mai dernier, doit permettre de répondre aux difficultés que rencontre actuellement le CNM. Celui-ci est en effet confronté à une baisse du produit de la taxe sur les spectacles de variétés en raison du confinement. La perte en billetterie de la filière spectacle sur l'année était estimée à la fin mai à 500 millions d'euros.

La majoration de la subvention apparaît d'autant plus nécessaire qu'afin de faire face aux incidences des annulations de spectacles dans le secteur musical, le Centre national de la musique a mis en place un fonds d'urgence doté de 11,5 millions d'euros. Ce dispositif prend la forme d'aides de trésorerie, plafonnées à 11 500 euros, versées aux TPE/PME disposant d'une licence d'entrepreneur de spectacle et exerçant dans le domaine de la musique et des variétés.

Aucune enveloppe budgétaire n'avait toutefois jusque-là été octroyée au CNM pour financer cette aide , ses ressources existantes devant être mises à contribution.

Pour mémoire, la commission des finances avait relevé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 que le financement complémentaire apporté par l'État au CNM, soit 7,5 millions d'euros, se situait en deçà des orientations du rapport de la mission de préfiguration du Centre 37 ( * ) , qui insistait sur une dotation de 20 millions d'euros.

(3) Des moyens étendus pour l'IFCIC (78 millions d'euros)

L'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) est un établissement de crédit spécialisé dans le financement du secteur culturel et détenu à 49 % par l'État. L'activité de garantie de l'IFCIC atteint 441 millions d'euros en 2019, soit 94 % de son activité. L'Institut a, par ailleurs, octroyé 26,5 millions d'euros de prêts la même année.

Un financement de 25 millions d'euros, issu du plan d'investissement d'avenir géré par la Caisse des dépôts et consignations, a déjà été octroyé à l'IFCIC début 2020 afin de développer les prêts participatifs. Ceux-ci sont assimilables à des quasi-fonds propres et minorent ainsi la perception de l'endettement global des entreprises. Ce financement complémentaire a permis de porter la capacité totale d'intervention en prêts et prêts participatifs de l'IFCIC à plus de 100 millions d'euros.

L'IFCIC a présenté, le 16 mars dernier, plusieurs mesures tendant à répondre à la crise de financement que pourraient rencontrer les entreprises culturelles, directement affectées par les mesures de confinement :

- garantie aux banques portée à 70 % (contre 50 % habituellement) pour tous les types de crédits accordés dans ce contexte de crise. Le prêt ne doit pas être supérieur à 300 000 euros, la garantie est ramenée à 50 % pour les crédits d'un montant supérieur ;

- prolongation systématique des garanties des crédits auprès des banques à leur demande, afin de favoriser leur réaménagement ;

- acceptation, sur demande motivée, de la mise en place de franchise de remboursement en capital sur ses propres prêts.

De nouvelles mesures ont été annoncées le 28 mai dernier. L'IFCIC va ainsi accorder jusqu'au 31 décembre 2020 des prêts de trésorerie liés au contexte sanitaire d'une durée maximum de 6 ans, dont 12 mois de franchise, avec un taux d'intérêt fixe bonifié. Ces prêts peuvent intervenir en complément des prêts garantis par l'État (PGE). Leur montant dépendra du besoin de financement et des capacités d'endettement des structures demandeuses.

Le présent projet de loi de finances rectificative prévoit de doter l'IFCIC de 85 millions d'euros supplémentaires aux fins d' octroi de prêts destinés notamment à la chaîne du livre, aux industries culturelles et créatives et aux éditeurs de presse. La Banque des territoires devrait également abonder la capacité de prêts de l'IFCIC d'environ 20 millions d'euros. Au final, sur ces 105 millions d'euros, 40 millions d'euros devraient être spécifiquement dédié aux acteurs du livre.

Il convient de rappeler que la mise en place du prêt garanti par l'État, plus avantageux, a remis en cause l'attractivité de la garantie à 70 % (contre 90 % prévu dans le cadre du PGE). L'IFCIC n'est ainsi pas intervenu à ce titre auprès de la filière cinéma. La majoration de sa dotation prévue dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative devrait donc permettre, en premier lieu, le financement des prêts de trésorerie, qui viendront en complément du PGE.

(4) Un plan de soutien à la filière livre (36 millions d'euros)

Le Centre national du livre (CNL) a mis en oeuvre, le 16 mars dernier, un plan d'urgence doté de 5 millions euros, afin de répondre aux difficultés immédiates des éditeurs, des auteurs et des libraires.

Les subventions versées par le CNL aux manifestations littéraires annulées pour des raisons sanitaires sont, par ailleurs, considérées comme acquises, une attention particulière devant être portée à la rémunération des auteurs qui devaient participer à ces salons. Le CNL devait, en outre, reporter les échéances des prêts à taux zéro qu'il accorde aux libraires et aux éditeurs.

Un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale finance la mise en place d'un plan de soutien pour les entreprises du livre , doté de 36 millions d'euros sur le programme 334. Il se décompose de la façon suivante :

- 25 millions d'euros à destination des librairies , afin de surmonter les difficultés financières liées à la crise sanitaire. Le Gouvernement entend ainsi leur permettre de poursuivre leur travail en faveur de la création éditoriale, de l'animation des territoires et de la promotion de la lecture ;

- 6 millions d'euros dédiés aux projets de modernisation des librairies , affectés par une fragilisation de leur capacité d'investissement, faute de trésorerie suffisante ;

- 5 millions d'euros fléchés vers les maisons d'édition dont le chiffre d'affaires est modeste, afin de leur permettre d'honorer leurs engagements, en particulier vis-à-vis des auteurs et contribuer ainsi au soutien à la diversité éditoriale.

S'il convient d'être salué, ce plan peut apparaître insuffisant au regard des difficultés du secteur.

S'agissant des libraires, la chute de leur activité a été estimée à 93,5 % pendant la période de confinement par l'Observatoire de la librairie. La baisse de chiffre d'affaires serait ainsi comprise entre 20 et 30 % sur l'ensemble de l'année 2020.

d) Un soutien aux secteurs du patrimoine et de la création a été introduit à l'Assemblée nationale (50,4 millions d'euros)

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale, sur la proposition du Gouvernement, a permis d'ouvrir des crédits supplémentaires dans les secteurs du patrimoine et de la création.

Cet amendement ouvre en premier lieu des crédits de 27,4 millions d'euros sur le programme 175 « Patrimoines » de la mission « Culture », en soutien aux opérateurs et établissements confrontés à une baisse de recettes durant la période de confinement. Le dégel de 9 millions d'euros de crédits est également envisagé pour compléter ce dispositif. Ces sommes peuvent apparaître limitées au regard des pertes constatées par certains opérateurs : le musée du Louvre table sur une moindre recette de 62,4 millions d'euros en 2020, les musées d'Orsay et de l'Orangerie de 33,3 millions d'euros. Le ministère de la culture a également annoncé le dégel de 15 millions d'euros de crédits en faveur de l'édition 2020 du Loto du patrimoine.

Le même amendement ouvre des crédits de 23 millions d'euros sur le programme 131 « Création » de la même mission « Culture » :

- 13 millions d'euros sont destinés au soutien des opérateurs et établissements confrontés à des pertes de ressources propres importantes en raison des mesures de confinement. Le montant peut, là encore, paraître limité au regard des pertes enregistrées par certains opérateurs . L'impact de la crise sanitaire pour le seul Opéra de Paris est estimé à 26 millions d'euros ;

- 10 millions d'euros sont destinés à abonder un fonds en faveur des festivals annulés , qui devrait être mis en place prochainement et bénéficier aussi du financement des régions. La réserve de précaution du programme 131 devrait, dans le même temps, être intégralement dégelée : 27 millions d'euros devraient ainsi être fléchés vers le soutien aux labels et réseaux du spectacle vivant. Les établissements publics de coopération culturelle devraient, au niveau local, être particulièrement soutenus. Le dégel devrait également permettre de renforcer le fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS), afin d'accompagner les professionnels non concernés par l'année blanche.

5. Le secteur des nouvelles technologies bénéficie de certains crédits nouveaux ainsi que de ceux du programme d'investissements d'avenir

L'exposé général des motifs présente enfin des mesures prises en faveur du secteur des nouvelles technologies .

Dans ce cadre, les crédits budgétaires mobilisés sont de 30 millions d'euros , abondant un dispositif de garantie de prêts accordés par Bpifrance à des entreprises en difficulté (programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » de la mission « Recherche et enseignement supérieur »).

Des crédits sont également redéployés au sein d'autres dispositifs. Dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA), une enveloppe de 150 millions d'euros, dénommée « French tech souveraineté », doit permettre d'investir dans des start-ups afin d'éviter leur prise de contrôle par des acteurs étrangers, l'objectif d'indépendance technologique et numérique ayant été renforcé par la crise sanitaire. La constitution de cette enveloppe fait l'objet, par un amendement adopté à l'Assemblée nationale sur la proposition du Gouvernement, d'un transfert d'autorisations d'engagement de 150 millions d'euros entre les programmes 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » et 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » de la mission « Investissements d'avenir ».

D. LES AUTRES AIDES AUX ENTREPRISES

1. L'extension du fonds de solidarité nécessite de nouvelles ouvertures de crédits

Le fonds de solidarité pour les entreprises a été créé par une ordonnance du 25 mars 2020 38 ( * ) et ses modalités sont précisées dans un décret du 30 mars 39 ( * ) . Ces dispositions ayant été plusieurs fois modifiées dans le sens d'un assouplissement des modalités et d'un renforcement des contrôles, les modalités d'attribution des aides seront rappelées infra.

Il est financé par le programme 357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire », qui fait partie de la mission budgétaire « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » créée par la première loi de finances rectificative du 23 mars 2020. Sa responsabilité a été confiée au ministère de l'action et des comptes publics.

a) Le dispositif vise à compenser partiellement les pertes subies pendant la période d'urgence

Le fonds de solidarité est accessible aux très petites entreprises (TPE), indépendants, micro-entrepreneurs et professions libérales qui ont 10 salariés au plus, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 million d'euros et dont le bénéfice annuel imposable est inférieur à 60 000 euros.

Les deux premiers seuils sont relevés par décret du 20 juin dernier 40 ( * ) à 20 salariés et 2 millions d'euros de chiffre d'affaires pour les entreprises exerçant leur activité dans un secteur prioritaire (notamment tourisme, hôtellerie, restauration, culture) ou très lié à un secteur prioritaire.

Ces entreprises ou entités doivent avoir fait l'objet d'une fermeture administrative ou avoir subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % pendant la période d'urgence. Les conditions sont réexaminées chaque mois.

L'aide comprend trois volets .

Le premier volet , égal à la perte de chiffre d'affaires plafonnée à 1 500 euros , est accordé sur simple demande par la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Le second volet , qui peut aller jusqu'à 5 000 euros , est accordé une seule fois, et non mensuellement, sur instruction du dossier par les régions, pour les entreprises connaissant le plus de difficultés. Le décret précité du 20 juin 2020 accroît à 10 000 euros le plafond du second volet pour les entreprises employant au moins un salarié et appartenant à un secteur d'activité prioritaire ou lié à un secteur prioritaire.

Les conditions d'accès à ce second volet ont été également assouplies par ce décret : la condition d'avoir subi un refus de demande d'un prêt de trésorerie par une banque a été supprimée.

Le troisième volet peut être accordé par le département, la commune ou l'intercommunalité à un établissement bénéficiaire du deuxième volet, sur délibération de l'organe délibérant avant le 31 juillet 2020. Cette aide complémentaire peut aller jusqu'à 3 000 euros.

L'objet du fonds n'est donc pas de couvrir toutes les pertes subies par les entreprises , mais de prévenir la fermeture des entreprises de petite taille particulièrement affectées par la crise sanitaire.

b) Le financement est apporté majoritairement par l'État

Le financement est assuré par l'État, les régions et les collectivités d'outre-mer, ainsi que par des donations. Les régions ont annoncé une participation de 500 millions d'euros et les compagnies d'assurance une contribution de 400 millions d'euros.

Le montant total des fonds de concours était au 3 juillet 2020 de 765,3 millions d'euros, apportés par onze arrêtés successifs 41 ( * ) .

D'après les éléments obtenus par le rapporteur général, ces fonds ont en effet été apportés presque exclusivement par les assureurs et les régions, mais des ainsi que par d'autres collectivités et entreprises pour des montants mineurs :

Organisme

Montant versé au fonds de solidarité

Fédération française de l'assurance

380,0

Régions

381,5

Départements

0,5

Municipalités et EPCI

0,2

Hermès

3,0

Meridiam

0,1

Total

765,3

Source : Gouvernement, chiffres établis au 24 juin 2020

Pour mémoire, des fonds ont également été versés, le 17 avril dernier, dans l'attente de l'adoption et de la promulgation de la deuxième loi de finances rectificative, par un décret de transfert de 100 millions d'euros depuis l'enveloppe des dépenses accidentelles et imprévisibles de la mission « Crédits non répartis » 42 ( * ) et par un décret de virement de 15 millions d'euros depuis le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » 43 ( * ) . Selon les éléments obtenus par le Gouvernement, cette dernière somme a vocation à être reversée sur le programme 156.

c) Le dispositif est monté rapidement en charge

Après la promulgation de la première loi de finances rectificative le 23 mars, la relative simplicité de la procédure prévue par le premier volet a permis de procéder aux premières mises en paiement dès le début du mois d'avril, comme l'a expliqué le directeur général des finances publiques devant la commission des finances 44 ( * ) .

Au 3 juillet 2020, le montant total des crédits consommés sur le programme était de 4 944,3 millions d'euros 45 ( * ) pour un total de crédits ouverts de 7 130,3 millions d'euros 46 ( * ) .

Les montants versés au titre du volet 2 demeurent toutefois très faibles en comparaison de ceux relevant du volet 1.

Évolution hebdomadaire des paiements
au titre des volets 1 et 2

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents transmis par le comité de suivi du fonds de solidarité

La région Île-de-France a reçu 21,9 % des aides, suivie des régions Auvergne-Rhône-Alpes (13,0 %), Provence-Alpes-Côte d'Azur (10,8 %) et Occitanie (10,5 %).

d) Le dispositif est abondé à hauteur de 1,7 milliard d'euros

Le présent projet de loi de finances rectificative, dans la version déposée à l'Assemblée nationale, ouvrait 1,2 milliard d'euros sur le programme 357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire » afin de financer l'extension du fonds de solidarité après le 1 er juin, notamment en faveur des secteurs liés au tourisme.

Lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale, un amendement a été adopté sur la proposition du Gouvernement, ajoutant 500 millions d'euros supplémentaires de crédits.

Ce complément doit financer l'extension du fonds de solidarité au mois de juin pour les petites entreprises et indépendants, hors secteur du tourisme, ainsi que la suppression de la condition de refus du prêt garanti par l'État. Il s'agit d'évolutions, non encore traduites dans les textes réglementaires , mais qui ont été annoncées par le ministre de l'économie et des finances le 29 juin 2020 dans le cadre d'un plan en faveur du commerce de proximité, de l'artisanat et des indépendants 47 ( * ) .

Répartition par région des aides apportées

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données au 2 juillet 2020 publiées par le Gouvernement

2. Des crédits de 3,9 milliards d'euros sont ouverts sur un nouveau dispositif d'exonération de charges

Le projet de loi de finances rectificative crée, au sein de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », un nouveau programme 360 « Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire » , comprenant une seule action dotée de 3,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, dont 900 millions d'euros ont été rajoutés par l'Assemblée nationale, sur la proposition du Gouvernement, en raison d'une estimation affinée des besoins.

Ce dispositif comporte plusieurs dimensions : exonération de cotisations patronales, aide au paiement des cotisations, remises de dettes et plans d'apurement pour les entreprises affectées par la crise sanitaire, décrites en détail dans le commentaire de l'article 18 48 ( * ) .

Le dispositif de performance est similaire à celui prévu par la première loi de finances rectificative du 23 mars dernier pour les programmes 356 « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire » et 357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire ». Il comprend deux objectifs et sept indicateurs.

Le dispositif de performance du programme 360

Objectif

Indicateur

Assurer l'accès rapide des employeurs au dispositif

Taux de consommation des autorisations d'engagement au 31 juillet 2020 et au 30 septembre 2020

Taux de consommation des crédits de paiement au 31 juillet 2020 et au 30 septembre 2020

Montant mensuel d'aide au paiement des cotisations et contributions sociales rapporté au total des cotisations et contributions dues aux URSSAF pour les entreprises bénéficiaires

Contribuer à la pérennité de l'activité et de l'emploi dans les secteurs affectés

Nombre d'entreprises et de travailleurs indépendants ayant bénéficié de l'exonération de cotisations et contributions sociales

Niveau moyen de l'exonération de cotisations et contributions sociales

Nombre d'entreprises ayant bénéficié de l'aide au paiement de cotisations et contributions sociales

Niveau moyen de l'aide au paiement de cotisations et contributions sociales

Source : projet de loi de finances rectificative

L'obligation de mesurer la consommation des crédits à la date du 31 juillet, prévue par les deux premiers indicateurs, risque toutefois d'être difficile à respecter, dans la mesure où le calendrier d'examen du projet de loi de finances rectificative pourrait ne pas permettre d'assurer la promulgation du texte avant la fin du mois de juillet.

3. D'une manière générale, les dispositifs de soutien aux entreprises se limitent à certains secteurs

Les dispositifs de soutien d'urgence aux entreprises mis en oeuvre par les deux premières lois de finances rectificatives ont apporté une aide indispensable aux entreprises qui en bénéficient.

En revanche, les mesures proposées après la fin du déconfinement se limitent à certains secteurs et leur périmètre pourrait donc se révéler insuffisant.

Le doublement des seuils et de l'aide apportée par le deuxième volet du fonds de solidarité sont ainsi accessibles à un nombre limité de secteurs jugés comme « prioritaires » ou liés à un secteur prioritaire 49 ( * ) . Ces secteurs correspondent pour l'essentiel aux secteurs du tourisme, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l'événementiel.

Les mêmes secteurs , dans l'ensemble, sont visés par le dispositif d' exonération de cotisations de février à mai 2020 institué (article 18 et programme 360 nouveau), ainsi que par l' exonération de cotisation foncière sur délibération des collectivités territoriales (article 3) et l' exonération de redevance d'occupation du domaine public de l'État et de ses établissements publics (article 1 er ).

Certaines catégories d'entreprises n'appartenant pas à ces secteurs, telles que celles employant moins de 10 salariés dont l'activité implique l'accueil du public, bénéficient du dispositif d' exonération de cotisations pour une période limitée aux mois de février à avril 2020. Par ailleurs, des travailleurs particuliers (indépendants, artistes-auteurs) bénéficient d'une réduction partielle de cotisations et des procédures de plans d'apurement avec remise partielle des dettes de cotisations sont également prévues pour les travailleurs indépendants et les employeurs de moins de 50 salariés (article 18).

Si ces mesures sont appréciables, elles laissent de côté des secteurs qui ont particulièrement souffert du confinement .

Les exonérations de cotisation foncière des entreprises ne concernent pas les commerces , dont la plupart, hors alimentaire, ont pourtant dû fermer pendant la période du confinement. Il conviendra d'examiner les modalités précises de l'extension du fonds de solidarité annoncée dans le cadre du plan pour l'artisanat le 29 juin.

Le secteur du bâtiment et des travaux publics , qui a été autant atteint que celui de l'hôtellerie et de la restauration 50 ( * ) , ne bénéficie pas de l'ensemble des mesures d'exonération de cotisation foncière des entreprises ni de cotisations sociales, dans la mesure où il n'accueille pas de public. Alors que le Gouvernement annonçait, le 10 juin dernier, un plan de soutien au secteur dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative, avec notamment une prise en compte des surcoûts liés à l'application des normes sanitaires sur les chantiers, la seule mesure inscrite dans le texte est la possibilité, pour des employeurs de moins de 50 salariés, de demander sous conditions une remise partielle de cotisations. Par ailleurs les collectivités peuvent utiliser à cette fin les dotations de l'État, qui font l'objet d'un abondement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative (voir infra) 51 ( * ) .

Au total, le rapporteur général souligne que le dispositif de soutien sectoriel « oublie » des secteurs et entreprises qui ont pourtant, autant ou presque que ceux visés par les dispositifs inscrits dans le projet de loi de finances rectificative, souffert d'une chute, voire d'une absence totale d'activité liée aux effets directs du confinement.

4. Le remboursement anticipé des créances de report en arrière des déficits a un impact d'au moins 400 millions d'euros en trésorerie

Des crédits de 1,7 milliard d'euros sont ouverts en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » de la mission « Remboursements et dégrèvements » afin de prendre en compte l'ajustement des prévisions de recettes fiscales.

Au sein de ce montant, le remboursement anticipé des reports en arrière des déficits institué par l' article 2 représente un montant estimé de 400 millions d'euros. L'évaluation préalable de l'article premier qualifie ce coût de « minimal », car il tient compte du stock de créances de report en arrière de déficits d'ores et déjà acquises, mais pas des créances qui seront constatées en 2020.

Il s'agit d'une mesure de trésorerie, qui devrait donc être compensée sur le budget de l'État sur les cinq exercices suivants.

5. Le coût des appels en garantie fait l'objet d'une première estimation à 182 millions d'euros

Un montant de 182 millions d'euros , en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, est ouvert sur le programme 114 « Appel en garanties de l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État ». Des crédits de 94,1 millions d'euros ayant été ouverts sur ce programme en loi de finances initiale, c'est donc un montant total de 276,1 millions d'euros qui est prévu au titre des appels de garantie de l'État.

Ce montant, s'il se réalisait, serait très supérieur au montant des appels de garantie constatés sur ce programme dans les années récentes, généralement inférieur à 150 millions d'euros 52 ( * ) .

Cette ouverture se justifie par l'existence de fortes incertitudes sur la sinistralité à venir des garanties autorisées par les deux premières lois de finances rectificatives pour 2020 et donc sur le montant des crédits potentiellement « appelables », d'autant que ces dispositifs visent des prêts accordés à des entreprises de toutes tailles.

Le montant des crédits ouverts sur ce programme n'est toutefois pas prévisible avec précision , puisque l'appel en garantie n'a lieu qu'en cas de défaut du débiteur. Les crédits sont d'ailleurs évaluatifs, conformément à l'article 10 de la loi organique relative aux lois de finances, c'est-à-dire qu'ils peuvent faire l'objet d'un dépassement en cours d'exécution.

Pour mémoire, les deux premières lois de finances rectificatives ont mis en place plusieurs dispositifs bénéficiant de la garantie de l'État :

- prêts garantis par l'État (PGE) pour un montant maximal de 300 milliards d'euros (article 6 de la première loi de finances rectificative du 23 mars 2020, modifié par les articles 16 sexies à 16 octies du présent projet de loi de finances rectificative) ;

- garantie de l'État relative aux opérations d'assurance et de réassurance pratiquées par la caisse centrale de réassurance, dans la limite de 10 milliards d'euros (article 7 de la même loi, réécrit sans modification du plafond par l'article 15 du présent projet de loi de finances rectificative) ;

- relèvement de 2 à 5 milliards d'euros du plafond de l'assurance-crédit export de court terme (article 15 de la deuxième loi de finances rectificative du 25 avril 2020) ;

- relèvement de 2 à 10 milliards d'euros de la garantie de l'État aux emprunts contractés par l'Unédic (article 17 de la même loi), plafond encore relevé à 15 milliards d'euros par l'article 16 quinquies du présent projet de loi de finances rectificative ;

- octroi de la garantie de l'État à un prêt de l'Agence française de développement (AFD) à la Collectivité de Nouvelle-Calédonie, dans la limite de 240 millions d'euros (article 18 de la même loi).

Le présent projet de loi de finances rectificative prévoit également d'accorder la garantie de l'État :

- à la Banque de France au titre du prêt que celle-ci consent, à compter du 1er janvier 2020, au compte « Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance » du Fonds monétaire international , dans la limite d'un montant cumulé en principal de 2 milliards de droits de tirage spéciaux, soit environ 2,5 milliards d'euros (article 12) ;

- à l' Union européenne au titre des prêts accordés aux États membres dans le cadre de l'instrument temporaire d'urgence « SURE » 53 ( * ) institué pour atténuer les risques de chômage dans l'Union européenne, dans la limite de 4,4 milliards d'euros (article 13) ;

- à la Banque européenne d'investissement (BEI), au titre de la quote-part de la France dans le fonds paneuropéen de garantie , dans la limite de 4,7 milliards d'euros (article 14).

6. Le soutien à l'export bénéficie de crédits de 8,3 millions d'euros

Par un amendement adopté sur la proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a approuvé l'ouverture de 8,3 millions d'euros , en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » afin de renforcer les moyens alloués en 2020 aux opérateurs principalement chargés de soutenir les entreprises exportatrices et permettre la mise en place de dispositifs spécifiquement dédiés au soutien à l'export.

E. LES AIDES À L'EMPLOI

1. Près de quatre milliards d'euros supplémentaires sont ouverts pour le financement de l'activité partielle

Le présent projet de loi de finances rectificative pour 2020 prévoit une nouvelle ouverture de crédits sur le programme 356 « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire » de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », portant à 20,5 milliards d'euros la contribution de l'État au financement du dispositif exceptionnel d'activité partielle. La règle de répartition de ce coût entre l'État (deux tiers) et l'Unédic (un tiers) demeurant inchangée, le coût global du dispositif atteindrait donc 31 milliards d'euros . Cet effort budgétaire est équivalent à celui qui a été consenti en Allemagne, où les crédits débloqués pour le financement du programme Kurzarbeit s'élèvent à 32 milliards d'euros.

L'effort financier en faveur du dispositif est encore plus élevé si l'on tient compte du coût des exonérations applicables aux indemnités d'activité . L'OFCE estime à 13,6 milliards d'euros le manque à gagner en termes de cotisations sociales 54 ( * ) , tandis que l'Union des transports publics et ferroviaires évalue à 2 milliards d'euros les pertes de recettes liées au versement mobilité affecté aux collectivités territoriales, dont la majeure partie est imputable au dispositif d'activité partielle. L'impact global du dispositif sur les finances publiques pourrait ainsi dépasser les 45 milliards d'euros.

Au 7 juillet 2020, les demandes d'autorisation ont concerné 14 millions de salariés. Les demandes d'indemnisation effectivement déposées concernent 6,5 millions de salariés au titre du mois de mars, 7,6 millions de salariés au titre du mois d'avril et 5,4 millions de salariés au titre de mai 55 ( * ) .

Ces chiffres ne sont pas encore stabilisés et la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) estime que le nombre de salariés effectivement placés en activité partielle pourrait avoir atteint un pic de 8,6 millions de salariés en avril 56 ( * ) (soit 44 % des salariés du privé) et 7,8 millions de salariés en mai 57 ( * ) .

Nombre de demandes d'autorisation préalable de placement en activité partielle déposées depuis le 1 er mars 2020

Source : DARES

Le dispositif exceptionnel d'activité partielle est amené à connaître des évolutions dans le contexte du déconfinement et de la reprise économique.

Depuis le 1 er juin, les allocations d'activité partielle sont passées de 70 % à 60 % du salaire brut jusqu'à 4,5 SMIC, le solde de l'indemnité (10 points de salaire brut) étant désormais à la charge de l'employeur 58 ( * ) . En application de l'ordonnance n° 2020-770 du 24 juin 2020 relative à l'adaptation du taux horaire de l'allocation d'activité partielle , le taux d'allocation reste cependant inchangé pour les secteurs les plus frappés par la crise (soit ceux du tourisme, de l'hôtellerie-restauration, du sport, de la culture, du transport aérien, de l'évènementiel) et ceux qui en dépendent. Un nouvel abaissement du taux d'indemnisation comme du taux de l'allocation est attendu au 1 er octobre.

En outre, la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire 59 ( * ) a instauré un régime spécifique d'activité partielle de longue durée , visant à accompagner dans la durée les entreprises dont l'activité sera durablement réduite.

L'entrée dans le dispositif sera soumise soit à la conclusion d'un accord d'entreprise, soit à l'élaboration d'un document par l'employeur conformément à un accord de branche. Cet accord ou ce document devra ensuite être homologué par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), avec un contrôle renforcé dans le second cas.

L'accompagnement passera par une indemnisation majorée des heures chômées (84 % du salaire net, soit au même niveau que dans le cadre du dispositif exceptionnel d'activité partiel) et des allocations afférentes (80 % de l'indemnité, avec une majoration de 5 points pour les accords conclus avant le 1 er octobre) par rapport à l'activité partielle de droit commun. Contrairement à celle-ci, son bénéfice sera conditionné à la formalisation d'engagements de l'employeur en termes de maintien de l'emploi. Le plan de soutien en faveur du secteur aéronautique a d'ores et déjà prévu la mobilisation de ce dispositif.

L'ouverture de crédits prévue par le présent projet de loi de finances rectificative doit notamment permettre de financer le lancement de ce nouveau dispositif, entré en vigueur au 1 er juillet 2020. Des précisions sont attendues sur sa traduction budgétaire globale.

2. La création d'une prime exceptionnelle pour le recrutement d'apprentis

Le présent projet de loi de finances rectificative ouvre des crédits de 400 millions d'euros en autorisations d'engagement et 200 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi ». Complétés par des redéploiements internes, ces crédits financeront un dispositif de prime exceptionnelle pour l'apprentissage représentant un coût prévisionnel de 500 millions d'euros en autorisations d'engagement et 300 millions d'euros en crédits de paiement pour 2020 .

D'un montant de 8 000 euros, cette prime se substituerait à l'aide unique pour les employeurs d'apprentis existante (4 125 euros) pour la première année du contrat d'apprentissage. Alors que l'aide unique ne concerne que les entreprises de moins de 250 salariés et les recrutements d'apprentis préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalant au plus au baccalauréat, le bénéfice de la prime exceptionnelle serait étendu aux entreprises de plus de 250 salariés recrutant au moins 5 % d'apprentis et aux recrutements d'apprentis jusqu'en licence professionnelle.

Le rapporteur général considère que l'emploi et en particulier l'emploi des jeunes constitue l'un des défis majeurs posés par la crise économique actuelle , et qu'il convient de prendre des mesures fortes pour éviter un phénomène de « génération sacrifiée » 60 ( * ) .

F. LE DISPOSITIF « VACANCES APPRENANTES »

Le dispositif « Vacances apprenantes », annoncé par le Gouvernement le 6 juin 2020, a pour objectif de permettre à certains élèves de combler des retards qui ont pu s'accumuler pendant la période de confinement et, sur le plan social, de faciliter le départ en vacances à certains enfants. Un million d'enfants seraient bénéficiaires du programme 61 ( * ) .

Il se fonde notamment sur le dispositif « école ouverte », qui accueille des jeunes dans les écoles afin de leur proposer aussi bien un renforcement scolaire que des activités sportives et culturelles.

L'imputation budgétaire est particulièrement complexe, puisque ce programme fait intervenir trois ministères (éducation nationale, cohésion des territoires et culture) et quatre missions budgétaires . Toutes les ouvertures de crédits sont identiques en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Financement du dispositif « Vacances apprenantes »

(en millions d'euros)

QPV : quartier prioritaires de la politique de la ville.

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de finances rectificative

Le dispositif étant ciblé tout particulièrement sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), 86,5 millions d'euros sont ouverts sur le programme 147 « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires », afin de financer la mise en place du dispositif pour les élèves de ces quartiers et un accompagnement renforcé des élèves lié à la crise sanitaire dans le volet « école ouverte ».

Ce volet est également doté de 56,6 millions d'euros sur le programme 230 « Vie de l'élève » de la mission « Enseignement scolaire ».

Le même programme finance, à hauteur de 70 millions d'euros, le dispositif « sport, santé, culture et civisme » (2S2C), qui consiste en un accueil des élèves par les collectivités locales. Ce financement est rendu nécessaire par les mesures sanitaires.

50 millions d'euros sont ouverts sur le programme 163 « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » afin de financer l'accueil de mineurs recevant des activités éducatives hors temps scolaires.

Enfin, le volet culturel est doté de 10 millions d'euros, sur le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture ». S'y ajouteront 10 millions d'euros de crédits redéployés, pour un total de 20 millions d'euros.

G. LES AUTRES OUVERTURES DE CRÉDIT SUR LE BUDGET GÉNÉRAL

1. Des aides d'urgence sont apportées aux personnes précaires ou fragiles dont la situation a été menacée par la crise
a) Le soutien à l'hébergement dans la mission « Cohésion des territoires »

Le projet de loi de finances rectificative ouvre 286,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur la mission « Cohésion des territoires », dont 200 millions d'euros afin de tirer les conséquences de la crise sanitaire sur les dépenses d'hébergement du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ».

Ces dépenses comprennent la prolongation de la trêve hivernale jusqu'au 10 juillet, le financement de centres d'hébergement spécialisés (CHS) pour l'accueil de personnes atteintes de covid, des ouvertures supplémentaires de places d'hébergement et la distribution de chèques services à destination des personnes sans abri pour leurs dépenses d'alimentation et d'hygiène pendant la crise sanitaire.

Sur la même mission, 86,5 millions d'euros sont ouverts sur le programme 147 « Politique de la ville » dans le cadre du dispositif « vacances apprenantes » (voir supra ).

En revanche, le dispositif des aides personnelles au logement (APL), porté par le programme 109, pour un montant de crédits en loi de finances initiale de 12,0 milliards d'euros, ne fait toujours pas l'objet d'une ouverture de crédits .

Or la budgétisation initiale de ce dispositif était fondée sur l'hypothèse de la mise en application le 1 er avril 2020 d'un nouveau mode de calcul des aides, entrainant une diminution de leur coût 62 ( * ) . Cette réforme a été repoussée d'au moins 6 mois, ce qui devrait représenter un besoin de dépense supplémentaire de 600 millions d'euros .

Même dans l'hypothèse où cette réforme serait effectivement mise en oeuvre à l'automne, ce chiffrage est certainement sous-estimé car il faut lui rajouter la demande supplémentaire, non encore chiffrable, résultant des nouvelles demandes d'aide au logement présentées par les personnes dont la situation se dégradera certainement en conséquence de la crise économique.

b) Les dispositifs d'aide aux personnes de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

Plusieurs dispositifs d'aide aux personnes sont financés par des ouvertures de crédits sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », principalement sur le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes ».

Une ouverture de crédits de 80 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement permet de financer une aide exceptionnelle de 200 euros à 400 000 jeunes de moins de 25 ans, non étudiants et bénéficiant d'une aide au logement. Cette enveloppe s'ajoute à celle de 880 millions d'euros ouverte par la deuxième loi de finances rectificative sur le même programme afin de financer une aide exceptionnelle de solidarité destinée aux familles les plus modestes.

Sur la proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement ouvrant 94 millions d'euros de crédits supplémentaires, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur le programme précité 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », afin de prendre en charge une partie des dépenses des associations qui se consacrent à l' aide alimentaire , sur l'ensemble de l'année 2020.

Le surcoût occasionné pour les départements jusqu'à la fin de l'année en cours par la prise en charge des jeunes au titre de l' aide sociale à l'enfance (ASE) fait également l'objet d'une ouverture de crédits de 50 millions d'euros sur le même programme, par un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale.

Enfin, la période du confinement a eu pour conséquence une recrudescence de 30 à 40 % des signalements d'actes de violence conjugale . Des crédits de 4 millions d'euros sont ouverts en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » afin de financer, d'une part, des associations d'aide aux victimes de violences conjugales et, d'autre part, l'accompagnement et l'hébergement des auteurs de violences conjugales éloignés du foyer afin de protéger leurs victimes.

c) L'aide d'urgence aux jeunes précaires

Une autre aide est financée par une ouverture de crédits de 75 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme 231 « Vie étudiante » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Cette aide est destinée aux étudiants ayant perdu un stage ou emploi rémunéré du fait de la crise sanitaire, ainsi qu'aux étudiants ultramarins qui, pour la même raison, n'ont pas pu rejoindre leur domicile.

Des crédits sont également ouverts sur le même programme :

- à hauteur de 30 millions d'euros , pour permettre de prolonger au mois de juillet le versement de bourses sur critères sociaux à des étudiants dont les concours ou examens sont repoussés au-delà du 30 juin ;

- à hauteur de 45 millions d'euros , pour compenser la perte de loyers subie par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) en raison du départ d'étudiants pendant la crise.

d) L'indemnisation des professionnels de santé

L'Assemblée nationale a adopté, sur la proposition du Gouvernement, un amendement ouvrant des crédits de 5 millions d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».

Ces crédits financent la mise en oeuvre de l'article 24 du présent projet de loi de finances rectificative, qui prévoit l'indemnisation des professionnels de santé libéraux contaminés par le SARS-CoV2 et ne bénéficiant pas d'une couverture obligatoire au titre des risques « accidents du travail » et « maladies professionnelles ». Ils devraient ainsi bénéficier de la même indemnisation que les autres professionnels de santé relevant du régime général ou des régimes de la fonction publique.

2. Une aide de 155 millions d'euros en crédits budgétaires est apportée aux Français de l'étranger et au réseau d'enseignement français à l'étranger

Le projet de loi de finances rectificative demande l'ouverture de 155 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur la mission « Action extérieure de l'État ».

En premier lieu, un montant de 50 millions d'euros est ouvert sur le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » afin que l' Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) puisse venir en aide aux établissements qui en auront besoin , quel que soit leur statut. À ces 50 millions d'euros s'ajoutent 50 millions d'euros d'avances remboursables de l'Agence France Trésor 63 ( * ) .

Cette ouverture de crédits diffère de ce qui avait été annoncé le 30 avril 2020 par le Gouvernement 64 ( * ) , qui prévoyait 100 millions d'euros en avances remboursables pour l'AEFE mais pas d'ouvertures de crédits. La transformation de la moitié des avances remboursables en subvention est une bonne nouvelle pour l'Agence.

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale, sur la proposition du Gouvernement, a complété de 5 millions d'euros les crédits ouverts sur ce programme afin de soutenir Atout France, opérateur chargé du tourisme, et de l'aider à accompagner la reprise dans ce secteur.

Enfin s'ajoute, comme cela était prévu dans les annonces précitées, une ouverture de crédits de 100 millions d'euros sur le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » de la même mission, dont 50 millions d'euros pour augmenter l'enveloppe des bourses scolaires et 50 millions d'euros pour financer des aides sociales d'urgence en faveur des Français de l'étranger.

3. Le soutien aux collectivités territoriales est de 2,1 milliards d'euros sur les crédits du budget général et les prélèvements sur recettes

Le Gouvernement a annoncé le 29 mai dernier un plan de mesures d'urgence en faveur des collectivités territoriales , doté de 4,5 milliards d'euros 65 ( * ) , repris dans l'exposé général du présent projet de loi de finances rectificative.

Les mesures affectant le budget général de l'État inscrites dans le présent projet de loi de finances rectificative en faveur des collectivités territoriales sont de 2,1 milliards d'euros , dont 1 milliard d'euros de crédits budgétaires et 1 067,9 millions d'euros résultant d'une augmentation du prélèvement sur recettes à destination des collectivités territoriales :

- une enveloppe de crédits de 1 milliard d'euros est ouverte, uniquement en autorisations d'engagements, sur le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leur groupements » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Ces crédits doivent abonder la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), dont le montant était de 0,6 milliard d'euros en loi de finances initiale, afin d'aider les collectivités territoriales à s'engager dans des projets locaux, notamment dans le cadre de la résilience sanitaire, de la transition écologique et de la rénovation du patrimoine public ;

- l' article 5 du projet de loi de finances rectificative institue dans sa version initiale, sous forme de prélèvement sur les recettes de l'État, une dotation tendant à compenser les pertes de recettes fiscales des communes et intercommunalités (voir infra ), pour un coût budgétaire estimé de 750 millions d'euros, dont 500 millions d'euros au titre de 2020. Plusieurs amendements adoptés par l'Assemblée nationale ont eu pour effet d'augmenter cette dotation de 492,9 millions d'euros supplémentaires, dont 425 millions d'euros au titre de l'extension du bénéfice de ce prélèvement à l'établissement public Île-de-France Mobilités ;

- l'a rticle 6 crée également, en faveur des collectivités d'outre-mer , un nouveau prélèvement sur recettes tendant à compenser les pertes de recettes d'octroi de mer et de taxe spéciale de consommation constatées en 2020 du fait de la crise sanitaire, pour un montant de 60 millions d'euros ;

- l' article 6 bis , introduit par l'Assemblée nationale, institue une dotation destinée à compenser, pour la collectivité de Corse , la perte de certaines recettes en 2020 résultant des effets de la crise sanitaire et économique due à l'épidémie de covid-19, pour un montant de 8 millions d'euros ;

- enfin l' article 7 bis , également introduit par l'Assemblée nationale, crée une dotation poursuivant le même objectif au bénéfice des collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna , pour un montant de 7 millions d'euros .

Le montant de 4,5 milliards d'euros annoncé par le Gouvernement correspond en fait, pour plus de la moitié, à une mesure de trésorerie à destination des départements et autres collectivités de niveau département (Ville de Paris et métropole de Lyon). Une ouverture de crédits de 2 milliards d'euros sur le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » permet d'accorder à ces collectivités des avances, qui auront vocation à être remboursées en 2021 et 2022, afin de les aider à absorber les pertes de recettes subies au titre des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Cette ouverture de crédit fait l'objet de la création d'un programme 834 nouveau « Avances remboursables de droits de mutation à titre onéreux destinées à soutenir les départements et d'autres collectivités affectés par les conséquences économiques de l'épidémie de covid-19 », représentant une section nouvelle au sein du compte de concours financiers. Une ouverture de crédits supplémentaires de 700 millions d'euros est d'ores et déjà prévue sur ce programme en 2021.

4. Un déblocage de crédits non répartis a apporté les moyens nécessaires pour l'acquisition de stocks de masques

Le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie », qui fait l'objet dans le présent projet de loi de finances rectificative d'une ouverture de crédits ayant pour objet le soutien à la filière aéronautique (voir supra ), a également, après la promulgation de la dernière loi de finances rectificative, fait l'objet d'une ouverture de crédits de 284,2 millions d'euros prélevés par un décret du 18 mai 2020 66 ( * ) sur l'enveloppe des dépenses accidentelles et imprévisibles de la mission « Crédits non répartis ».

Selon le rapport relatif à ce décret, ces crédits ont financé l'achat de masques textiles à usage non sanitaire par le ministère de l'économie et des finances, pour répondre aux mesures de prévention imposées par la crise sanitaire liée au covid-19.

L'enveloppe des dépenses accidentelles et imprévisibles, qui avait fait l'objet d'un nouvel abondement à hauteur de 1,6 milliard d'euros par la deuxième loi de finances rectificative, a ainsi servi à couvrir les besoins importants en masques à la sortie de la période de confinement.

5. Certaines mesures sans lien avec la crise sanitaire sont insérées dans le projet de loi de finances rectificative

Certaines mesures ont aussi été insérées dans le projet de loi de finances rectificative, soit dans sa version initiale, soit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, alors qu'elles n'ont pas de lien avec la crise sanitaire.

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale, sur la proposition du Gouvernement, augmente ainsi de 100 millions d'euros , en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, les crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » afin d'assurer le versement, jusqu'à la fin de l'année, de la nouvelle aide « Ma Prime Rénov' » qui remplace le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et le programme « Habiter Mieux Agilité » de l'Agence nationale pour l'habitat (ANAH).

Selon le Gouvernement, le succès rencontré par ce dispositif, doté de 390 millions d'euros en loi de finances initiale, nécessiterait cette ouverture de crédits. Force est toutefois de constater que, à la mi-juin, moins de 50 000 dossiers avaient été déposés 67 ( * ) pour un objectif annuel initial de 200 000 dossiers . Le rapporteur général de l'Assemblée nationale considérait également, lors de l'examen de la loi de règlement pour 2019 que l'objectif du versement de 200 000 primes en 2020 était compromis 68 ( * ) . La consommation des crédits ainsi ouverts supposerait probablement que le montant versé pour chaque prime soit plus élevé que le montant initialement prévu.

Sur le programme 336 « Dotation du Mécanisme européen de stabilité » de la mission « Engagements financiers de l'État », une ouverture de crédits de 98 millions d'euros permet de rétrocéder au Mécanisme européen de stabilité (MES) les intérêts perçus sur les dépôts effectués par lui auprès de la Banque de France. Le MES est un dispositif européen qui apporte une aide financière aux États membres connaissant ou risquant de connaître de graves problèmes de financement.

Cette mesure n'a guère de lien avec les conséquences de la crise sanitaire . C'est au contraire une pratique récurrente du Gouvernement, très critiquée par le rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État ».

Lors de l'analyse de l'exécution budgétaire de 2018, on avait ainsi regretté qu'un décret ait dû être pris le 26 décembre 2018 pour ouvrir des crédits, à hauteur de 100 millions d'euros, sur la dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité (MES), en recourant au programme « dépenses accidentelles et non prévisibles » de la mission « Crédits non répartis ».

Or, ces dépenses sont loin d'être imprévisibles : elles sont liées à un engagement de la France de rétrocéder au MES les intérêts perçus par la Banque de France sur les dépôts de celui-ci placés auprès d'elle, le taux d'intérêt de la facilité de dépôt étant aujourd'hui négatif. Cet engagement est conditionné à un engagement réciproque de l'Allemagne 69 ( * ) .

Le Gouvernement refuse pourtant d'ouvrir les crédits dès la loi de finances initiale en expliquant qu'à ce moment-là, l'Allemagne n'a pas encore formalisé officiellement son engagement à faire de même pour l'année en cours.

La loi de finances rectificative pour 2019 a ouvert 2,5 millions d'euros de crédits pour assurer la compensation intégrale des rétrocessions dues au titre de l'année 2018 (102,5 millions d'euros). La troisième loi de finances rectificative pour 2020 est l'occasion de réaliser la même opération pour les rétrocessions dues au titre de l'année 2019 : dans ce cas également, aucune ouverture n'était prévue en loi de finances initiale ni dans les deux premières lois de finances rectificatives.

TROISIÈME PARTIE
LA NÉCESSITÉ D'AMPLIFIER SANS ATTENDRE LE SOUTIEN À L'ÉCONOMIE FRANÇAISE PAR LA MISE EN oeUVRE
D'UN PLAN DE RELANCE

I. UN PLAN DE RELANCE CORRECTEMENT CALIBRÉ ET RAPIDEMENT MIS EN oeUVRE EST INDISPENSABLE POUR FACILITER LE REBOND DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE

A. LE SOUTIEN À L'ÉCONOMIE FRANÇAISE RESTE INSUFFISANT POUR PRÉSERVER LE TISSU PRODUCTIF ET L'INVESTISSEMENT

En l'état, le redimensionnement a minima du plan de soutien du Gouvernement porté par le présent projet de loi de finances rectificative n'est pas à la hauteur des enjeux et doit être amplifié sans attendre par la mise en place d'un plan de relance, afin de conforter la reprise.

1. Plus d'un tiers de la perte de revenu liée à la crise resterait à la charge des ménages et des entreprises...

En cas de choc macroéconomique négatif, le rôle de la puissance publique est de stabiliser l'activité dans une logique contra-cyclique . En l'espèce, ce rôle d'« assureur en dernier ressort » est d'autant plus légitime et nécessaire que la présente crise n'est pas liée aux comportements fautifs des acteurs économiques et se traduit par une chute du PIB d'une ampleur inédite en temps de paix, ainsi que cela a été précédemment rappelé.

Pour stabiliser l'activité, les économistes considèrent, à titre d'ordre de grandeur, qu'il faut que l'accroissement du déficit public soit équivalent à la chute de l'activité conjoncturelle 70 ( * ) .

Or, si beaucoup a déjà été fait en France, tel n'est pas encore le cas . En effet, la prévision de déficit public pour 2020 est de 250,4 milliards d'euros dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative, contre 53,5 milliards d'euros en loi de finances initiale, soit une dégradation de l'ordre de 200 milliards d'euros, tandis que la révision à la baisse du niveau du PIB 2020 s'élève à environ 290 milliards d'euros. L'écart s'élève donc à environ 4 points de PIB.

Évolution des prévisions de solde public et de PIB
du Gouvernement pour 2020

(solde en points de PIB, taux de croissance du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Si la politique monétaire exerce également un rôle stabilisateur en complément de la politique budgétaire, celui-ci est plus modeste et ne devrait pas permettre de le combler. Sur le fondement des études ayant mesuré l'efficacité des mesures non conventionnelles de la BCE mises en oeuvre pour lutter contre la crise financière, le soutien monétaire supplémentaire apporté depuis le début de la crise sanitaire pourrait ainsi stimuler l'activité en zone euro à hauteur d'un point de PIB environ 71 ( * ) .

Même en considérant qu'une partie de la chute de l'activité reflète une diminution du PIB potentiel - estimée à 1,5 point par la Banque de France, ainsi que cela a été précédemment rappelé - liée à des contraintes sur l'offre, il resterait donc un déficit de demande à combler de l'ordre de 2 points de PIB 72 ( * ) .

Dans ce contexte, le risque que l'économie française bascule dans une spirale négative où la chute de la demande privée s'auto-entretient ne peut aujourd'hui être écarté .

En effet, une part très importante du coût de la crise reste à la charge des entreprises et, dans une moindre mesure, des ménages . Ainsi, les analyses de la Banque de France 73 ( * ) et de l'OFCE 74 ( * ) convergent pour considérer que les administrations publiques n'ont pris en charge à ce stade qu'environ 60 % de la perte de revenu subie par l'économie française, tandis que le Gouvernement estime que le niveau de socialisation des pertes serait légèrement supérieur à deux tiers sur l'ensemble de l'exercice.

Répartition des pertes de revenu liées au confinement d'après l'OFCE

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat (d'après : OFCE, policy brief n° 75, 26 juin 2020)

Au regard de ces estimations, la situation apparaît particulièrement préoccupante pour les entreprises - qui assumeraient 33 % du coût du confinement d'après l'OFCE, contre 24 % de la perte de revenu subie sur l'ensemble de l'année 2020 pour la Banque de France - et les entrepreneurs individuels . Si les mesures de trésorerie et de garantie des prêts ont permis à court terme de lisser ce coût, le surcroît d'endettement qui en résulte pourrait se révéler trop important pour éviter la faillite et risque, pour les entreprises solvables, de freiner fortement l'investissement.

2. ...au risque de fragiliser le tissu productif et l'investissement

Ainsi, l'OFCE anticipe une hausse de presque 80 % du taux de défaillances d'entreprises , qui passerait de 1,8 % à 3,2 %, tandis que la proportion d'entreprises faisant face à des problèmes de liquidités serait multipliée par 2,5, pour atteindre 10 % 75 ( * ) .

Le risque pour l'investissement paraît d'autant plus grand que le comportement des sociétés durant les récessions est généralement attentiste : les dirigeants sont incertains quant à l'évolution future de la demande et suspendent préventivement les projets dont les coûts sont irréversibles, ce qui accroît l'effet du ralentissement 76 ( * ) . Un même phénomène est observé pour l'investissement des ménages (construction de logements neufs et entretien-rénovation), qui dépend négativement de l'incertitude conjoncturelle 77 ( * ) .

Sans surprise, le repli de l'investissement des entreprises et des ménages est ainsi beaucoup plus marqué (entre 20 % et 25 %) que celui du PIB dans les dernières prévisions du Gouvernement et des conjoncturistes.

Décomposition des prévisions de croissance pour 2020

(taux d'évolution en volume)

Banque de France

OCDE

Gouvernement

PIB réel

- 10,3

- 11,4

- 11,0

Consommation privée des ménages (52 % du PIB)

- 9,3

- 12,6

- 10,0

Consommation publique (23 % du PIB)

0,7

0,1

- 0,3

Investissement total (23 % du PIB)

- 21,2

- 20,3

- 19,3

...dont : investissement des entreprises

- 23,3

- 19,3

- 24,2

...dont : investissement des ménages

- 24,5

n.c.

- 19,5

...dont : investissement public

- 7,3

n.c.

n.c.

Exportations (31 % du PIB)

- 14,3

- 12,7

- 15,5

Importations (32 % du PIB)

- 12,9

- 12,9

- 15,5

n.c : non communiqué.

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Banque de France, Projections macroéconomiques France, juin 2020 ; OCDE, Perspectives économiques de l'OCDE, n° 107, juin 2020)

Il peut être noté qu'un recul encore plus fort n'est pas à exclure , les élasticités historiques de l'investissement des entreprises au PIB en période de récession suggérant une contraction pouvant dépasser 40 % 78 ( * ) .

Un tel choc serait à la fois préoccupant pour la demande , dont l'investissement est une composante essentielle, mais aussi pour l'offre , la capacité productive de l'économie française se trouvant affaiblie.

3. Un plan de relance national de l'ordre de 2 points de PIB permettrait de stabiliser l'activité et de faciliter la reprise

Aussi, après avoir dans un premier temps permis aux entreprises et aux ménages de surmonter le choc inédit qu'a représenté le confinement, il paraît aujourd'hui indispensable d'amplifier le soutien à l'économie française, en mettant en place un plan de relance visant à faciliter la reprise .

Ainsi que l'a déjà indiqué le rapporteur général 79 ( * ) , son coût budgétaire devrait se situer autour de 2 points de PIB pour stabiliser l'activité, soit une quarantaine de milliards d'euros, en tenant compte des incertitudes qui demeurent sur la chute de l'activité et du soutien mis en place au niveau européen.

Cela rapprocherait la France du niveau de soutien annoncé en Allemagne , qui atteindrait 5,5 % du PIB en 2020 d'après la Bundesbank, contre 2,7 % du PIB en France actuellement, ainsi que cela a été précédemment rappelé.

B. LE PLAN DE RELANCE DOIT ÊTRE CORRECTEMENT CALIBRÉ POUR MAXIMISER L'EFFET D'ENTRAINEMENT SUR L'ACTIVITÉ ET LIMITER LE COÛT POUR LES FINANCES PUBLIQUES

Compte tenu des marges de manoeuvre limitées dont dispose la France sur le plan budgétaire, ce plan de relance doit toutefois être calibré de manière à maximiser son efficacité et limiter son coût pour les finances publiques .

De ce point de vue, les travaux théoriques et empiriques sur les relances budgétaires mises en oeuvre par le passé ont dégagé de façon assez claire les critères d'un « bon » plan de relance, résumés dans la règle dite des « 3T » : le plan de relance doit être timely (ponctuel), temporary (temporaire) et targeted (ciblé) 80 ( * ) .

1. L'importance des délais de mise en oeuvre plaide pour ne pas différer la relance

Le premier « T » ( timely ) renvoie à l'importance des délais de mise en oeuvre .

Il est nécessaire de calibrer le plan de relance de manière à ce que les mesures puisent déployer leurs effets suffisamment rapidement pour soutenir la demande au moment opportun .

À cet égard, le rapporteur général regrette la décision du Gouvernement de différer la mise en oeuvre du plan de relance à la rentrée .

En effet, les ménages et plus encore les entreprises ont besoin de visibilité pour prendre leurs décisions d'investissement et de consommation . En tardant à annoncer les mesures qu'il entend mettre en oeuvre, le Gouvernement risque donc de renforcer l'attentisme des acteurs économiques et d'accélérer la chute de la demande privée.

En outre, ce report semble faire fi des délais incompressibles entre l'annonce des mesures et leur mise en oeuvre effective , qui sont souvent relativement longs, en particulier lorsqu'il s'agit de déployer des projets d'investissement. Cette difficulté avait d'ailleurs réduit l'efficacité du précédent plan de relance mis en oeuvre pour juguler les effets économiques de la crise financière de 2008 81 ( * ) .

Aussi, il apparaît nécessaire de déployer de premières mesures de relance dès le présent projet loi de finances rectificative , sans attendre la rentrée.

2. La nécessité de préserver les finances publiques invite à privilégier les mesures réversibles

Le deuxième « T » ( temporary ) met l'accent sur la nécessité de préserver les finances publiques .

Les mesures qui ont un caractère pérenne ou qui sont difficilement réversibles (ex : hausse de l'emploi public) sont à éviter car elles conduisent à une dégradation structurelle et non conjoncturelle des comptes publics.

Ainsi que le recommande la Cour des comptes, les mesures accompagnant le rebond de l'économie doivent donc « conserver un caractère clairement temporaire » et « prévoir des clauses d'extinction » 83 ( * ) .

3. L'impératif d'efficacité plaide pour une relance centrée sur l'investissement et un soutien ciblé à la consommation et à l'emploi

Enfin, le dernier « T » ( targeted ), qui renvoie à la nécessité de retenir les mesures les plus efficaces, présente une double dimension.

D'une part, il invite à adopter une approche sectorielle consistant à soutenir les activités les plus pénalisées.

De ce point de vue, la présente crise présente la particularité de concentrer ses effets dans certains secteurs pour lesquels les règles de distanciation sociale impliquent un ralentissement considérable de l'activité . Il s'agit en particulier de l'hébergement-restauration, des activités culturelles et sportives, du tourisme, de l'événementiel, du transport aérien et de la construction.

Estimation de la perte d'activité en juin, par rapport à une situation « normale »

Part dans le PIB
(en %)

Perte d'activité en juin
(en %)

Contributions à la perte d'activité totale
(en points de PIB)

Agriculture, sylviculture et pêche

2

- 4

- 0,1

Industrie

14

- 14

- 1,9

Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac

2

- 4

- 0,1

Cokéfaction et raffinage

0

- 9

0,0

Fabrication d'équipements électriques, électroniques, informatiques ; fabrication de machines

1

- 16

- 0,2

Fabrication de matériels de transport

1

- 41

- 0,6

Fabrication d'autres produits industriels

6

- 15

- 0,9

Industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution

2

- 3

- 0,1

Construction

6

- 31

- 1,7

Services principalement marchands

56

- 13

- 7,3

Commerce ; réparation d'automobiles et de motocycles

10

- 16

- 1,7

Transports et entreposage

5

- 28

- 1,3

Hébergement et restauration

3

- 20

- 0,6

Information et communication

5

- 7

- 0,4

Activités financières et d'assurance

4

- 6

- 0,2

Activités immobilières

13

- 1

- 0,1

Activités scientifiques et techniques ; services administratifs et de soutien

14

- 13

- 1,8

Autres activités de services

3

- 44

- 1,3

Services principalement non marchands

22

- 7

- 1,5

Total

100

- 12

- 12

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Insee, point de conjoncture du 8 juillet 2020, p. 5)

D'autre part, ce troisième critère invite à privilégier les mesures permettant de soutenir fortement l'activité à court terme , c'est-à-dire celles dont « l'effet multiplicateur » sur l'activité est le plus élevé.

À cet égard, les études théoriques et empiriques sur les multiplicateurs suggèrent :

- qu'il est plus efficace de soutenir l'économie par une hausse des dépenses plutôt que par une baisse des impôts , du fait notamment du risque de déperdition par l'épargne ;

- qu'il est plus efficace de cibler les ménages à bas revenus , qui ont une plus forte propension à consommer.

Effet multiplicateur sur l'activité à court terme (un an) en bas de cycle

(effet sur le PIB d'une hausse de 1 %)

Multiplicateurs des dépenses

Investissement

1,2

Emploi public

1,6

Prestations sociales

1,0

Multiplicateurs des recettes

Cotisations sociales employeurs

1,2

Cotisations sociales employés

0,8

CSG

0,8

TVA

0,6

Note de lecture : une hausse de l'investissement de 1 % augmente le PIB de 1,2 % au bout d'un an.

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Maya Bacache-Beauvallet, Dominique Bureau, Francesco Giavazzi et Xavier Ragot, « Quelle stratégie pour les dépenses publiques ? », Notes du Conseil d'analyse économique 2017-7, n° 43)

En outre, entre deux mesures ayant un effet d'entraînement assez proche sur l'activité à court terme, il convient de privilégier celle ayant les effets les plus favorables sur le potentiel de croissance de l'économie à long terme , dans une logique de « double dividende ».

De ce fait, la relance doit donner la priorité à l'investissement , qui est la composante de la demande la plus touchée par la crise et dont l'effet d'entraînement sur la croissance est très forte, tant à court terme qu'à moyen terme 84 ( * ) .

L'accent mis sur l'investissement doit être accompagné d' un soutien plus ciblé à la consommation et à l'emploi, ce qui impose concrètement de se concentrer en priorité sur les ménages modestes, les nouveaux entrants sur le marché du travail et les secteurs les plus fragilisés par la crise.

À l'inverse, une relance indiscriminée de la consommation par la baisse de la TVA, à l'image de ce qui a été annoncé en Allemagne, paraît peu pertinente en France , compte tenu notamment des déperditions par les marges des entreprises 85 ( * ) et les importations, qui réduisent fortement l'effet d'entraînement sur l'activité.

Les premières données sur la reprise de la consommation attestent d'ailleurs la réalité de ce risque.

Il apparaît en effet que la consommation des ménages a d'abord rebondi dans les secteurs très riches en importations , tels que la fabrication de machines et d'équipements électriques, électroniques et informatiques.

Décomposition de l'évolution de la consommation finale des ménages

(en %)

Part dans la consommation finale

Contenu en importations

Écart au niveau de consommation finale pré-covid en juin

Agriculture, sylviculture et pêche

3

52,3

4

Industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution

5

25,4

0,0

Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac

15

40,2

5

Cokéfaction et raffinage

4

72,4

- 10

Fabrication d'équipements électriques, électroniques, informatiques ; fabrication de machines

3

92,5

23

Fabrication de matériels de transport

6

84,3

5

Fabrication d'autres produits industriels

13

79,9

11

Construction

2

20,3

- 31

Commerce ; réparation d'automobiles et de motocycles

1

13,6

16

Transports et entreposage

3

24,0

- 43

Hébergement et restauration

7

14,9

- 20

Information et communication

3

24,4

0

Activités financières et d'assurance

6

13,1

0

Activités immobilières

19

2,5

0

Activités scientifiques et techniques ; services administratifs et de soutien

2

14,1

- 18

Administration publique, enseignement, santé humaine et action sociale

5

6,7

- 17

Autres activités de services

4

13,5

- 29

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Insee, point de conjoncture du 8 juillet 2020 ; Alexandre Bourgeois et Antonin Briand, « Le ”made in France” », Insee Première n° 1756, 5 juin 2019)

Ce diagnostic conforte ainsi la nécessité d'adopter une approche ciblée et sectorielle pour la relance de la consommation .

II. 40 MILLIARDS D'EUROS POUR ACCÉLÉRER LA REPRISE

Sur la base de cette grille d'analyse, le rapporteur général a récemment présenté 86 ( * ) une série de mesures à mettre en place de façon prioritaire pour accélérer la reprise - et dont plusieurs font l'objet d'amendements dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative -, pour un montant global de l'ordre de 40 milliards d'euros .

Si ce montant peut paraître important, il correspond au niveau de soutien attendu au plan macroéconomique. En outre, le plan a été calibré de façon à limiter son coût pour les finances publiques : il inclut notamment 10 milliards d'euros de mesures assimilables à de simples avances de trésorerie et 6 milliards d'euros au titre de l'accélération d'investissements déjà programmés. Certaines dépenses s'étalent sur plusieurs années. Enfin, il est important de préciser qu'il s'agit d'un coût brut ne tenant pas compte du surcroît de recettes publiques et des moindres dépenses sociales liés à la relance de l'activité. En retenant un effet multiplicateur unitaire, le coût net correspondrait à seulement 37 % du coût brut 87 ( * ) .

A. LE SOUTIEN À L'INVESTISSEMENT (32 MILLIARDS D'EUROS)

1. Relancer l'investissement public (26 milliards d'euros)
a) Au niveau de l'État, un « plan d'accélération de l'investissement public »

S'agissant de l'État, le rapporteur général préconise de lancer sans tarder un « plan d'accélération de l'investissement public » (PAIP) d'un montant prévisionnel de près de 20 milliards d'euros.

Se fixant pour objectif de répondre à l'impératif de relance économique de la façon la plus opérationnelle possible, le plan s'efforce de couvrir des besoins clairement identifiés par le financement d'actions pouvant rapidement être mises en oeuvre. Le constat qui sous-tend le plan repose par ailleurs en bonne partie sur des enjeux identifiés par les rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat.

De nombreuses propositions contenues dans le plan visent ainsi à accélérer des chantiers en cours ou programmés à brève échéance (par exemple dans le cadre de la loi de programmation militaire, des programmes immobiliers des ministères ou de la future loi de programmation pluriannuelle pour la recherche) ou à renforcer des dispositifs existants et présentant un intérêt particulier pour la relance (rénovation énergétique des bâtiments, aides à l'innovation).

Les cinq axes proposés se rattachent à des chantiers prioritaires et consensuels de politique publique. Ils sont de nature à produire des effets positifs sur l'activité à court-terme (soutien à la demande, en particulier via la commande publique) et sur la croissance potentielle (développement durable, innovation, infrastructures). La plupart des actions proposées peuvent être lancées dès 2020 ou début 2021.

Cette démarche pragmatique ne viserait donc à se substituer ni au troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3), ni au grand plan d'investissement (GPI) - et encore moins à leur succéder (ce qui repousserait à 2022 l'entrée en vigueur du plan).

Synthèse des mesures proposées dans le cadre du plan d'investissement

(en millions d'euros)

Mesure

Programmes budgétaires

Période

Coût total sur la période

Axe 1 : Transition écologique et mobilités durables

3 655

Doubler dès la mi-2020 la contribution de l'État au budget de l'ANAH pour la rénovation thermique de logements privés sous condition de ressources dans le cadre du dispositif « Habiter mieux »

135

2020-2022

275

Renforcer les crédits de la prime pour la rénovation énergétique

181

2020-2022

330

Renforcer le fonds « chaleur » et le fonds « air et mobilité » de l'ADEME

181

2020-2022

450

Accompagner sur le long terme la SNCF dans sa stratégie de développement du fret ferroviaire

203

2021-2030

2 000

Maintenir à bon niveau l'investissement de rénovation du réseau ferré structurant, afin de prévenir un décrochage par rapport à la trajectoire prévue par la LOM

203

2020

400

Accélérer, l'effort d'investissement pour la remise à niveau du réseau fluvial prévue par la LOM

203

2020-2030

200

Axe 2: Recherche et innovation

3 550

Accélérer la remise à niveau de l'ANR pour accroître le taux de sélection des projets de recherche, le montant de financement moyen, et le financement du préciput

172

2020-2023

2 300

Renforcer les aides à l'innovation de Bpifrance

192

2020-2022

250

Mener un effort exceptionnel de rénovation du patrimoine immobilier de la recherche et de l'enseignement supérieur

150, 172 et 348

2021-2025

1 000

Axe 3 : Défense et sécurité

9 050

Accélérer la trajectoire de croissance des investissements de l'agrégat « équipement » prévue par la LPM

146

2020-2022

6 000 88 ( * )

Financer un renouvellement complet du parc de véhicules légers de la police et de la gendarmerie nationale en véhicules électriques

176 et 152

2020-2024

1 700

Engager les nécessaires travaux de rénovation du patrimoine immobilier de la police et de la gendarmerie

177 et 152

2021-2023

1 350

Axe 4 : Patrimoine

1 460

Relever l'ambition du plan de rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants

348

2021-2025

1 000

Accélérer la mise en oeuvre des projets immobiliers du ministère de la Culture

175, 134 et 224

2020-2023

460

Axe 5 : Territoires

1 610

Renforcer la participation de l'État au plan « France très haut débit »

112

2020-2021

560

Renforcer la participation de l'État au Nouveau programme national de renouvellement urbain

147

2020-2054

525

Aider la rénovation du bâti dans les centre-villes et centre bourgs

135

2020-2025

600

Total

19 325

Source : commission des finances du Sénat

b) En complément, un soutien indispensable à l'investissement local

En complément, l'investissement local doit être largement soutenu, dès lors qu'il représente 56 % de l'investissement public total et devrait être fortement pénalisé cette année par le cycle électoral , dans un contexte marqué par le report du second tour des élections municipales, qui risque de retarder la mise en oeuvre des programmes d'investissement des nouveaux exécutifs locaux.

À cet égard, il peut être noté que le Gouvernement anticipe une baisse de 4,5 % de l'investissement local dans son scénario macroéconomique , malgré l'abondement de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) prévu par le présent projet de loi de finances rectificative.

Loin de compenser la baisse de l'investissement privé, l'investissement public risque donc également d'être orienté à la baisse .

Aussi, le rapporteur général estime nécessaire de :

- procéder à la « contemporanéisation » du FCTVA, afin que les dépenses engagées au cours de l'année donnent lieu à des versements au cours de cette même année, pour un coût de trésorerie estimé à 5,1 milliards d'euros en 2020 ;

- mieux répartir les crédits supplémentaires de soutien à l'investissement local en mobilisant, en plus de la DSIL, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Par ailleurs, le rapporteur général considère que garantir les ressources des collectivités territoriales constitue une dimension essentielle du soutien à l'investissement local . Aussi, il estime utile :

- de mieux compenser les baisses de recettes subies par Ile-de-France Mobilité, en accordant notamment à cet établissement public des avances remboursables à hauteur de 800 millions d'euros ;

- de s'assurer que toutes les collectivités bénéficieront bien d'une garantie de ressource suffisante en 2020 , y compris pour les régions.

2. Aider les entreprises à financer leurs projets d'investissement (6 milliards d'euros)

Ainsi que cela a été précédemment rappelé, les mesures de soutien mises en oeuvre depuis le début de la crise ont permis d'accompagner efficacement les entreprises pour faire face à la chute brutale d'activité induite par les mesures de confinement. En suspendant certaines de leurs dépenses par le recours à l'activité partielle et les reports d'échéances fiscales et sociales, ou en facilitant l'accès à des liquidités via le prêt garanti par l'État, ces mesures ont soulagé la trésorerie des entreprises .

Passée l'urgence, les entreprises vont désormais publier leurs comptes semestriels et évaluer l'impact des derniers mois sur leurs résultats, puis tenter d'envisager l'avenir.

Au-delà du soutien immédiat à la trésorerie, les pertes d'activité affecteront profondément les résultats des entreprises en 2020 , ce que reflète la nouvelle correction à la baisse des prévisions de recettes de l'impôt sur les sociétés, divisées par trois depuis le début de la crise sanitaire, de 48,2 milliards d'euros à 15,7 milliards d'euros.

Face à cette situation, le Gouvernement se contente pour l'instant d'aménager à la marge les outils existants.

Tout en proposant un remboursement anticipé des créances de report en arrière des déficits (« carry back ») 89 ( * ) , il n'opère aucun assouplissement du dispositif, dont les modalités ont été bridées en 2011 après son utilisation en réponse à la crise financière 90 ( * ) . Les entreprises n'auront d'autre choix que de reporter en avant leurs déficits, traînant dans leurs comptes les effets de la crise sanitaire et limitant la participation ultérieure des salariés. À défaut de dégager rapidement des bénéfices, dans un contexte où de nombreuses entreprises devront commencer dès l'année prochaine à rembourser les prêts de trésorerie contractés, elles ne pourront rapidement imputer leur déficit.

Un tel choix n'est pas de nature à orienter positivement les décisions d'investissement des entreprises , pour lesquelles le Gouvernement n'envisage de surcroît aucune mesure d'incitation.

C'est pourquoi le rapporteur général estime indispensable de mobiliser plus largement le « carry back » comme outil d'absorption rapide des pertes , à l'image de ce qu'a déjà annoncé l'Allemagne, et d'orienter les investissements des entreprises, en prenant en compte l'impératif de transition écologique . Ces décisions doivent être prises rapidement , afin que les entreprises puissent en tenir compte dans leurs projections et que leurs effets positifs se ressentent.

À cette fin, le rapporteur général propose dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative :

- d'assouplir, de façon puissante mais temporaire, le « carry back » , en autorisant, sans limitation de montant, le report sur les deux exercices précédents des déficits constatés au titre d'un exercice clos entre le 15 juillet 2020 et le 31 décembre 2021 ;

- d'instaurer un mécanisme de « fusion verte » des entreprises , en élargissant les possibilités de transfert de déficits en cas de fusion ou d'opération assimilée, permettant ainsi à l'administration fiscale de donner son agrément à une opération entraînant un changement significatif d'activité dès lors qu'il s'accompagne de la mise en oeuvre, par la société absorbante, d'une stratégie de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, étayée par un plan d'investissement ;

- de renforcer les coefficients d'amortissement dégressif pour les biens acquis ou fabriqués jusqu'au 31 décembre 2021.

S'il est élevé 91 ( * ) , le coût des mesures proposées par le rapporteur général relève essentiellement d'un impact de trésorerie pour l'État . En effet, sauf à considérer que l'ensemble des entreprises feront faillite à l'avenir, l'arbitrage entre report en arrière et report en avant est neutre pour les finances publiques. Il en est de même pour l'accélération de l'amortissement dégressif. Seul le mécanisme de « fusion verte » pourrait se traduire par une perte de recettes. Elle ne peut être estimée faute de données sur les fusions susceptibles d'intervenir mais resterait malgré tout limitée.

En parallèle, il est nécessaire d'apporter un soutien aux fonds propres des entreprises, en ciblant particulièrement les PME , qui accèdent plus difficilement au crédit bancaire pour financer leurs investissements.

À cette fin, le rapporteur général propose dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative :

- de renforcer temporairement la réduction d'impôt sur le revenu « Madelin » accordée en cas de souscriptions au capital de jeunes PME , avec une majoration du taux à 50 % et un relèvement des limites annuelles de versement, pour un coût d'environ 250 millions d'euros ;

- de renforcer temporairement le « PEA-PME » , en exonérant les investissements réalisés de prélèvements sociaux, et non plus seulement d'impôt sur le revenu, pour un coût de l'ordre de 10 millions d'euros ;

- de moduler l'imposition au prélèvement forfaitaire unique des produits issus de l'assurance vie selon le degré d'investissement dans les produits de fonds propres , ainsi que cela a été proposé dans le cadre du rapport d'évaluation de la réforme de la fiscalité du capital de la commission des finances 92 ( * ) et adopté par le Sénat dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

En complément de ces mesures transversales, un soutien sectoriel à l'investissement pourrait également être envisagé , en particulier dans le domaine des transports, particulièrement fragilisé par la crise.

Dans cette perspective, des mécanismes de suramortissement permettraient d'inciter les entreprises de transport à acheter des véhicules plus propres , avec :

- la création d'un suramortissement à hauteur de 30 % de la valeur d'origine pour l'achat d'avions émettant 15 % de CO2 de moins que ceux qu'ils remplacent. Cette mesure constituerait un soutien tant pour les compagnies aériennes françaises que pour les constructeurs aéronautiques et leurs sous-traitant ;

- le renforcement du suramortissement pour l'achat de poids lourds utilisant des énergies moins émettrices de CO2 (gaz naturel, énergie électrique, hydrogène, carburant B 100, etc .). Cette mesure permettrait d'aider tant les transporteurs routiers de marchandise que les constructeurs spécialisés dans la construction de poids lourds ;

- de soutenir les chantiers navals de Saint-Nazaire , qui devraient être affectés par les difficultés des compagnies de croisière, en prévoyant un renforcement du suramortissement pour l'achat d'équipements permettant l'utilisation d'énergie moins émettrice de CO2 (énergie électrique, hydrogène, gaz naturel liquéfié, etc .) pour la propulsion des navires et bateaux de transport de marchandises ou de passagers.

3. Soutenir les ménages dans leurs travaux de rénovation énergétique

L'investissement des entreprises ne doit pas conduire à négliger celui des ménages (construction de logements neufs et entretien-rénovation), qui représente près de 5 % du PIB et avait fortement pénalisé la reprise lors de la précédente crise - au point d'expliquer les deux tiers du différentiel de croissance entre la France et l'Allemagne sur la période 2008-2015 93 ( * ) .

Le soutien à la rénovation énergétique des logements doit naturellement être au coeur de la relance de l'investissement des ménages .

De ce point de vue, le plan d'investissement public déjà présenté contient des mesures fortes, avec notamment le renforcement pour les années à venir du budget de l'Anah (275 millions d'euros pour le programme « Habiter mieux ») et de la prime pour la rénovation énergétique (330 millions d'euros).

En complément de ces mesures ciblées sur les plus modestes, il apparaît nécessaire de soutenir les dépenses de rénovation énergétique réalisées en 2020 par les ménages aux revenus « intermédiaires » . Pour mémoire, ces derniers sont toujours éligibles au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) mais pour un champ de dépenses éligibles substantiellement réduit. 20 % des ménages, appartenant aux deux derniers déciles de revenus, sont quant à eux exclus du bénéfice du crédit d'impôt.

Aussi, le rapporteur général propose :

- d'une part, d' étendre le bénéfice du CITE aux bailleurs privés, sous conditions de ressources . Dès lors qu'il n'appartient pas aux locataires de supporter la charge financière des travaux de rénovation énergétique, il apparaît nécessaire d'étendre le bénéfice du CITE aux propriétaires bailleurs, d'autant plus que le coût de cette mesure devrait être particulièrement limité, puisqu'il peut être estimé à environ 15 millions d'euros par an ;

- d'autre part, de maintenir le CITE pour les ménages des 9 ème et 10 ème déciles de revenus , pour les dépenses les plus importantes, dites de « rénovation globale » (bouquet de travaux), et de prolonger ce bénéfice pour 2021. Le coût de cette mesure est estimé à 10 millions d'euros par an.

B. LE SOUTIEN À L'EMPLOI (4 MILLIARDS D'EUROS)

Au-delà de l'investissement, le rapporteur général considère que le soutien à l'emploi - et en particulier à l'emploi des jeunes - constitue également un élément indispensable du plan de relance , et qu'il convient de prendre rapidement des mesures fortes pour éviter un phénomène de « génération sacrifiée ».

C'est la raison pour laquelle il propose l'instauration d'un dispositif d'aide à l'embauche, qui serait bonifiée pour tout recrutement de jeunes de moins de 26 ans en sortie de formation initiale . En effet, le recours à ce type de dispositif a fait les preuves de son efficacité en bas de cycle économique, pourvu que son recours soit strictement délimité dans le temps .

Celui-ci pourrait prendre la forme d'une prime versée pour toute embauche réalisée sur une période d'un an, en contrat à durée indéterminée (CDI) ou en contrat à durée déterminée (CDD) de plus de 6 mois , dont le montant pourrait s'élever à 500 euros par trimestre réalisé pour une durée de 2 ans (soit 4 000 maximum ), avec une majoration de 50 % pour l'emploi d'un jeune de moins de 26 ans en sortie de formation initiale (6 000 euros maximum) . Afin de limiter les effets d'aubaine, son bénéfice pourrait être limité aux entreprises de moins de 250 salariés et aux embauches de salariés jusqu'à 1,6 SMIC (sauf pour les embauches de jeunes). Un tel dispositif devrait fluidifier les renouvellements de CDD, une enquête de la DARES ayant montré que leur non-renouvellements constituent la principale cause de réduction des effectifs lors de la crise sanitaire 94 ( * ) . Les précédentes expériences (dispositif « zéro charges TPE » de 2009, « aide à l'embauche PME » de 2016) indiquent qu'il devrait bénéficier spontanément à des secteurs fortement touchés par la crise (hôtellerie-restauration, industrie etc. ).

Son coût pourrait représenter un total d'environ 4 milliards d'euros, dont le versement serait mécaniquement étalé sur 3 ans.

C. LE SOUTIEN À LA CONSOMMATION (4 MILLIARDS D'EUROS)

Sur le plan de la consommation, la priorité consiste à cibler les secteurs les plus touchés par la crise et les ménages modestes , afin de limiter les « effets de fuite » par l'épargne et les importations.

Le soutien pourrait ainsi prendre la forme d'un dispositif de « bons d'achat » ou « chèques-loisirs » , utilisables dans des secteurs particulièrement touchés par les effets du confinement et qui pourraient tirer profit de la période estivale pour combler leur perte d'activité. Sur le modèle des « chèques-énergie », la valeur faciale de ces bons pourrait être modulée en fonction des revenus et de la composition des foyers. Un budget de l'ordre de 2,5 milliards d'euros pourrait être mobilisé à cet effet.

Cette mesure, qui rejoint les propositions déjà formulées par des personnalités politiques de tous bords, aurait le mérite d'être à la fois restreinte dans son usage , ciblée sur les ménages modestes - qui sont les plus susceptibles d'utiliser rapidement les moyens supplémentaires dont ils disposent - et de bénéficier aux secteurs parmi les plus touchés par la crise et les moins riches en importations. Le rapporteur général regrette que cette mesure ne soit pas déjà mise en oeuvre , compte tenu de l'importance que revêt la saison estivale pour le secteur touristique.

En complément, la mobilisation de l'épargne salariale pourrait constituer un levier efficace pour solvabiliser les ménages fragilisés par la crise , en créant temporairement une exception au principe d'indisponibilité des sommes attribuées au titre de la participation ou de l'intéressement des salariés. Ce déblocage pourrait être permis pour des motifs plus larges que ceux actuellement prévus par le code du travail, tels que l'achat de certains biens de consommation ou des prestations. Ainsi, sur le modèle du dispositif de déblocage exceptionnel de l'épargne retraite des indépendants prévu par l'article 4 du présent projet de loi, le déblocage de l'épargne salariale pourrait être possible sur demande du salarié, d'ici à la fin de l'année, dans une limite et un cadre fiscal à définir pour qu'il soit suffisamment attractif.

Enfin, pour inciter les ménages à réinjecter l'épargne accumulée pendant le confinement dans l'économie, le rapporteur général souhaite faciliter la transmission entre les générations , sous condition que la donation soit mobilisée à brève échéance pour financer un projet de création d'entreprise, une opération d'achat immobilière ou la réalisation de gros travaux de rénovation dans un logement existant.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS PRÉPARATOIRES

A. AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES (10 JUIN 2020)

Réunie le mercredi 10 juin 2020, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'audition de M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques.

M. Vincent Éblé , président . - Nous retrouvons aujourd'hui avec plaisir Pierre Moscovici, nommé la semaine dernière Premier président de la Cour des comptes et, à ce titre, nouveau président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

En cette qualité, il vient nous présenter l'avis du Haut Conseil relatif au troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020.

Permettez-moi d'abord en votre nom à tous de le féliciter pour sa nomination, qui s'inscrit dans un contexte inédit puisque la France traverse ce que d'aucuns considèrent comme sa plus grave crise économique de l'après-guerre, qui s'accompagne naturellement d'une forte dégradation de nos comptes publics.

L'avis du Haut Conseil est donc particulièrement important pour éclairer la représentation nationale sur le scénario macroéconomique et budgétaire retenu par le Gouvernement.

Je vous laisse donc la parole pour une présentation de l'avis du Haut Conseil, après quoi, comme le veut la tradition parlementaire que vous connaissez bien, mes collègues et moi-même vous poserons des questions.

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques . - Je vous remercie de m'inviter à présenter les conclusions de l'avis du Haut Conseil des finances publiques sur le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020, que nous avons rendu ce matin.

Je me suis présenté à de nombreuses reprises devant votre commission dans mes fonctions précédentes. Je suis très heureux de vous retrouver à nouveau ; vous pouvez compter sur ma totale disposition. Le lien avec le Parlement sera essentiel à mes yeux, car nous sommes, la Cour des comptes comme le Haut Conseil, à équidistance entre l'exécutif et le législatif.

Cet avis est mon premier acte en tant que premier président de la Cour des comptes. Quelques heures après que le Président de la République m'eut confié la mission de diriger la Cour des comptes, le Haut Conseil était saisi pour avis sur ce troisième collectif budgétaire.

J'ai un attachement particulier pour le HCFP, que j'ai porté sur les fonts baptismaux en 2012 en tant que ministre de l'économie et des finances. Commissaire européen aux affaires économiques et financières à partir de 2014, j'ai voulu maintenir un dialogue étroit avec les institutions budgétaires des États membres, à commencer, naturellement, par le Haut Conseil. À Bruxelles, j'ai toujours fait en sorte que ses avis soient pris en compte par la direction générale des affaires économiques et financières (DG ECFIN). À Paris, j'ai été convié par de nombreuses institutions, dont votre commission et le HCFP, pour alimenter un dialogue constructif sur les règles de gouvernance des finances publiques et leur mise en oeuvre.

C'est nourri de ces expériences que je présiderai cette institution, qui se tient au coeur de la gouvernance des finances publiques, tout en étant très orientée vers l'Europe. Comme vous le savez, le Haut Conseil est chargé de veiller à la sincérité des prévisions macroéconomiques et de finances publiques, ainsi qu'à la cohérence de la trajectoire de ces finances avec les engagements européens. Finances publiques, France, Europe : autant d'enjeux qui me sont chers. En 1997, alors ministre des affaires européennes, j'ai accompagné les premières années du pacte de stabilité et de croissance. C'est un fil directeur de ma vie publique - je n'ose dire de ma vie politique puisque celle-ci s'est achevée il y a une semaine, le Premier président de la Cour des comptes ayant un devoir d'indépendance et d'impartialité. Vous pouvez compter sur moi pour y veiller scrupuleusement.

J'aurai à coeur de répondre à toutes vos invitations, en qualité de Premier président de la Cour des comptes comme de président du Haut Conseil. Voici le message que je souhaite vous transmettre : les liens entre nos institutions doivent se resserrer. Je le dis en tant qu'ancien parlementaire, mais aussi par conviction : le Haut Conseil doit éclairer le législateur, parce qu'un examen indépendant est indispensable à la qualité et à la sincérité des prévisions gouvernementales sur lesquelles sont établis les textes financiers qui vous sont soumis, que vous débattez et que vous votez.

Dans les prochains mois, je m'attacherai à étendre la portée du travail du Haut Conseil et ses moyens pour tirer tout le profit de son potentiel. Au niveau européen, une institution de ce type existe dans tous les États membres, dans la plupart des cas avec des moyens et des compétences plus importants. Le Haut Conseil emploie deux équivalents temps plein (ETP), quatre en période de pointe, qui travaillent en un temps record : nous avons été saisis de cet avis jeudi dernier. Le Gouvernement et le Parlement ont besoin de ce tiers de confiance, indépendant et disposant d'une vision plus large. Je compte sur vous pour m'aider à élargir la focale.

J'aborde maintenant le contexte de la saisine. Le Haut Conseil est saisi d'un avis sur un PLFR pour 2020 pour la troisième fois en moins de trois mois. C'est sans précédent depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), et bien sûr dans la jeune histoire de cette institution. N'y voyez nulle critique : c'est le reflet de la crise économique et sanitaire. L'incertitude qui pèse sur le contexte économique amène effectivement de fréquentes révisions des textes financiers pour tenir compte des évolutions macroéconomiques ainsi que des mesures décidées par les pouvoirs publics face à cette crise dont personne, il y a trois mois, ne pouvait prédire l'ampleur. Chaque PLFR a donc apporté des ajustements très significatifs aux prévisions.

Ainsi, dans le troisième PLFR, la prévision de baisse du PIB est augmentée de trois points, celle de l'augmentation du déficit de plus de deux points et celle de l'augmentation de la dette de plus de cinq points. Entre la loi de finances initiale et ce PLFR, la croissance prévue pour 2020 est passée de + 1,3 % à - 11 %, le déficit public s'est dégradé de 9,2 points, la dette de 22,2 points. C'est considérable et à la hauteur du choc que nous traversons.

Quelques éléments de cadrage général sur l'environnement économique. Ce PLFR intervient dans le contexte de la crise économique la plus grave que le monde ait connue depuis la seconde guerre mondiale. L'épidémie a touché l'ensemble de la planète, conduisant à des mesures de confinement dans presque tous les États. D'où une récession inédite dont l'impact se fait sentir dès le premier trimestre : la Chine a vu son PIB baisser de 9,8 %, les États-Unis de 1,3 % et l'Union européenne de 3,2 % par rapport au quatrième trimestre 2019.

Dans la plupart des pays, la chute est encore plus forte au deuxième trimestre, les économies ayant été mises volontairement à l'arrêt. Un rebond est attendu au second semestre, mais malgré une réaction massive et rapide, la baisse du PIB sera marquée sur toute l'année 2020. Ainsi, la Banque centrale européenne, dans sa dernière estimation, prévoit une baisse de PIB de 8,7 % sur la zone euro. La France, naturellement, n'y échappe pas, avec une baisse de 5,3 % au premier trimestre et, d'après l'Insee, une baisse de l'ordre de 20 % au deuxième. Depuis un mois, les efforts de déconfinement et le redémarrage partiel ont entraîné un rebond qui se poursuivra au second semestre. Le Haut Conseil et tous les prévisionnistes que nous avons entendus estiment toutefois que cela ne permettra pas un retour au niveau de la fin 2019. La Banque de France estime même que ce retour n'interviendra pas avant mi-2022.

Contrairement au scénario retenu dans le deuxième PLFR, le troisième ne repose pas sur l'hypothèse d'un retour rapide à la normale. Nous nous rapprochons de la vérité des prix : ce PLFR prévoit un niveau d'activité qui restera très inférieur au second semestre à son niveau de fin 2019. Dans les deux hypothèses retenues d'une fin de l'État d'urgence sanitaire au 10 juillet et d'une levée progressive des restrictions sur les déplacements internationaux, le Gouvernement prévoit ainsi une baisse du PIB de 11 % en 2020.

Le Haut Conseil estime que d'importants aléas pèsent sur cette prévision. Les aléas négatifs sont le risque de résurgence de l'épidémie, qui n'est pas à écarter, et une dégradation de la situation financière des entreprises entraînant une augmentation des faillites et un repli de l'investissement encore plus marqué. Il y a deux aléas positifs : le dispositif d'activité partielle et les exonérations sectorielles de cotisations, qui pourraient entraîner un rebond de l'activité, et l'importance de l'épargne contrainte des ménages, estimée à 100 milliards d'euros, qui, utilisée en partie, pourrait relancer la consommation et contenir la chute du PIB.

Même si l'aléa pèse dans les deux sens, la prévision d'une baisse de PIB de 11 % semble prudente. Il n'est pas impossible que la récession soit moins importante qu'attendu. Ces analyses sont globalement congruentes avec les autres prévisions, dont celles de l'OCDE qui sont plus pessimistes, mais dans un scénario de très forte dégradation de la situation sanitaire.

Le Haut Conseil a examiné les scénarios d'emploi et d'inflation du Gouvernement. Sous l'effet du recul de la demande globale et de la baisse du prix des matières premières, l'inflation est estimée à 0,4 %, ce qui, aux yeux du Haut Conseil, semble encore légèrement surévalué - en revanche, cette prévision est compatible avec une reprise d'activité plus forte que prévu.

Le recul de l'emploi sera très important : 1,2 million d'emplois en moins à la fin 2019 selon le scénario du Gouvernement, avec des pertes d'emploi non limitées par l'activité partielle. Par conséquent, le Haut Conseil estime que les destructions d'emplois pourraient être légèrement inférieures.

Au total, le scénario retenu par le Gouvernement nous semble donc crédible et raisonnable.

J'en viens aux prévisions du Gouvernement relatives aux finances publiques. La trajectoire est révisée pour prendre en compte la dégradation des hypothèses macroéconomiques et les nouvelles mesures de soutien. Le montant prévisionnel de certaines de ces mesures, en particulier l'activité partielle et le fonds de soutien pour les entreprises, dont le Haut Conseil avait pointé un risque de dépassement, se confirme. Ce PLFR est donc plus réaliste.

Le déficit prévisionnel est estimé à 11,4 points de PIB. C'est une dégradation de 9,2 points par rapport à la loi de finances initiale et de 2,3 points par rapport au deuxième PLFR.

Les prévisions de recettes ont été abaissées, dans une hypothèse de recul des prélèvements obligatoires équivalent à celui du PIB, soit une élasticité unitaire. C'est une prévision atteignable mais il y a des aléas négatifs sur l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux, dont les prévisions n'ont pas été révisées entre le deuxième et le troisième PLFR.

Le montant prévisionnel de dépenses exceptionnelles pesant sur le déficit public passe de 42 à 57 milliards d'euros. C'est une composante du plan d'ensemble de 133,5 milliards d'euros présenté par le Gouvernement, qui inclut aussi 76,5 milliards d'euros de mesures sans impact immédiat sur les finances publiques. Le soutien à l'économie prend également la forme de garanties de prêts aux entreprises d'un montant de 327 milliards d'euros. Là aussi, le Haut Conseil estime qu'il existe des aléas à la baisse et à la hausse.

Au total, des aléas à la hausse et à la baisse portent sur les recettes et les dépenses des administrations publiques. D'un côté, des évolutions macroéconomiques plus favorables pourraient permettre de rehausser les recettes publiques et limiter à due concurrence le creusement du déficit public. De l'autre, les mesures de soutien de l'activité annoncées par le Gouvernement, notamment les plans sectoriels de relance, n'ont pas toutes été traduites dans ce PLFR - c'est le cas d'une partie des annonces faites sur l'aéronautique - et certaines mesures que le Gouvernement considère comme n'ayant pas d'effet direct sur le solde pourraient finalement avoir un impact sur le déficit dès cette année.

J'en viens maintenant au solde structurel et à sa cohérence avec la trajectoire pluriannuelle prévue. Pour mémoire, le solde structurel est le solde public corrigé des fluctuations conjoncturelles et des mesures ponctuelles et temporaires. Il est estimé par le troisième PLFR à 2,2 points de PIB en 2019 et 2020, contre 2,0 points dans le précédent PLFR sur ces deux années. Le Gouvernement tient compte des modifications apportées par l'Insee à l'estimation du PIB sur les années 2017 à 2019 : le déficit structurel est ainsi révisé en hausse de 0,2 point en 2019, à 2,2 points de PIB.

En cumul sur les années 2018 et 2019, le déficit structurel est in fine supérieur d'un peu moins de 0,4 point à l'objectif qui avait été fixé en loi de programmation : cet écart reste inférieur au seuil de déclenchement du mécanisme de correction du Pacte de stabilité et de croissance, mais supérieur à celui estimé dans le projet de loi de règlement pour 2019 sur lequel s'est prononcé le Haut Conseil à la mi-avril et actuellement examiné par le Parlement. Notre présent avis sur le PLFR actualise donc notre avis sur le projet de loi de règlement.

Pour 2020, le solde structurel de 2,2 points de PIB estimé par le Gouvernement s'écarterait désormais de 0,6 point de PIB de celui inscrit dans la loi de programmation de janvier 2018. Un tel écart, s'il se confirmait lors de l'examen du projet de loi de règlement de 2020 par le Haut Conseil au printemps 2021, conduirait alors à déclencher le mécanisme de correction.

À l'automne dernier, avant même que la récession ne frappe durement la France, la Commission européenne avait conclu que le projet de loi de finances pour 2020 risquait d'être non-conforme au Pacte de stabilité et de croissance. En effet, le projet de loi de finances initiale était construit sur un objectif d'ajustement structurel quasi nul, alors que l'objectif requis par les règles européennes s'établissait à plus de 0,5 point de PIB, soit environ 15 milliards d'euros. Je dois néanmoins nuancer ma propre appréciation : le Pacte est désormais de facto suspendu et sa révision en profondeur est nécessaire. Dans le contexte extraordinaire que nous connaissons, les règles ne s'appliquent plus comme elles s'appliquaient ordinairement. Notre trajectoire budgétaire s'écartait donc déjà de nos engagements européens, avant la crise.

Le Haut Conseil considère que le déficit structurel pourrait être plus élevé que prévu.

D'une part, certaines des dépenses supplémentaires liées à la crise sanitaire pourraient être prolongées au-delà de 2020 et donc ne plus être considérées comme des mesures ponctuelles et temporaires.

D'autre part, l'évaluation du PIB potentiel pourrait être revue à la baisse en raison de la crise sanitaire : la hausse du chômage pourrait entraîner des pertes considérables de capital humain ; la hausse des faillites d'entreprises et la baisse des investissements devraient affecter les capacités de production ; enfin, la productivité pourrait ressortir affaiblie de la crise sanitaire en raison de la mise en oeuvre des mesures de protection sanitaire.

Le déficit structurel pourrait donc s'éloigner encore un peu plus que prévu dans ce PLFR de la trajectoire programmée. Ce sont des éléments de réalisme que nous devons garder en tête.

Les conséquences de la crise sur nos finances publiques sont tout à fait exceptionnelles. L'augmentation exceptionnellement forte des dépenses publiques prévue par le Gouvernement - + 6,3 % en 2020 par rapport à 2019 -, jointe à la baisse du PIB, conduirait les dépenses publiques à 63,6 % du PIB, un niveau jamais atteint au cours des soixante-dix dernières années. Ce taux traduit une solidarité et une socialisation extrêmement fortes de l'économie.

Ce troisième PLFR révise la prévision de dette publique rapportée au PIB de plus de 5 points par rapport au précédent PLFR et de 22 points par rapport à la loi de finances initiale - on passe de 98 % à plus de 120 %. Depuis la création de l'euro en 1999, un tel niveau de dette n'avait été atteint que par très peu de pays. Aujourd'hui, la crise entraîne, partout, une poussée de la dette et l'on s'éloigne, partout, du critère des 60 % fixé dans le Pacte de stabilité et de croissance.

Notre jugement doit être très équilibré. Certes, les conditions de financement de la dette française sont favorables, la signature de l'État français est de très bonne qualité et l'action résolue de la BCE y contribue. Mais cette hausse de la dette fait suite à une augmentation quasi ininterrompue depuis dix ans et toute dette doit un jour être remboursée : elle ne peut s'évaporer ni être totalement mutualisée ou monétisée - ce n'est pas la mission de la BCE. Nous devons donc faire preuve de vigilance et d'intelligence collective, loin de tout catastrophisme et de tout irénisme.

Je me tiens prêt à répondre à vos questions, dans le cadre de mes fonctions de président du Haut Conseil des finances publiques. À l'Assemblée nationale, ce matin, vos collègues députés attendaient parfois de moi des jugements de valeur et des appréciations personnelles ; cela ne fait pas partie de ma mission, mais j'aurai néanmoins l'audace d'essayer de vous faire part de quelques positions personnelles.

M. Vincent Éblé , président . - La crise sanitaire a conduit à l'activation de la clause pour récession économique sévère, prévue par le Pacte de stabilité et de croissance. Le Haut Conseil considère en outre que cette crise relève des circonstances exceptionnelles au sens de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Cela autorise le Gouvernement à s'écarter de ses obligations budgétaires en 2020. Mais qu'en est-il pour 2021 et les exercices suivants ? Lors de la précédente crise, les pays de la zone euro, en cherchant à redresser leurs comptes publics trop rapidement, ont fragilisé la reprise...

Des réflexions avaient été lancées avant la crise sanitaire afin de faire évoluer les règles budgétaires. Ces réflexions doivent-elles être reprises, voire accélérées ? Qu'en est-il au niveau national ?

Le Haut Conseil n'est pas le gardien des engagements européens de la France, mais celui des engagements gouvernementaux au regard de la loi de programmation budgétaire. Or celle-ci n'a pas été révisée depuis le début du quinquennat, ce qui rend l'exercice de plus en plus artificiel. Appelez-vous, comme moi, à sa révision rapide ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je m'associe aux propos du président Éblé pour vous souhaiter la bienvenue dans vos nouvelles fonctions. Le sous-titre du Soulier de satin de Paul Claudel est : « le pire n'est pas toujours sûr », ce qui ressemble un peu à ce que vous nous dites. Mais la difficulté de l'exercice est flagrante.

Le Gouvernement anticipe un recul du PIB de 11 % en 2020 - le pire recul depuis la guerre -, mais ne nous fournit pas le profil infra-annuel de sa prévision, ce qui rend très difficile d'en apprécier la crédibilité. Cela semble néanmoins supposer un retour de l'activité instantanée au niveau d'avant-crise avant la fin de l'année. Avez-vous des éléments à nous apporter sur cette question ?

On estime à 100 milliards d'euros le montant de l'épargne de précaution. Cela peut se comprendre pour des actifs qui risquent de perdre leur emploi, mais cela se justifie moins pour des retraités ou des fonctionnaires. Comment inciter cette épargne à aller vers la consommation et l'investissement ? Quel pourcentage de cette épargne pourrait être utilisé ? C'est sans doute l'une des clés de la reprise.

Je suis un peu déçu à la lecture de ce projet de loi de finances rectificative, qui comporte essentiellement la prorogation de dispositifs existants. Le Sénat a soutenu et amélioré ces dispositifs - chômage partiel, garantie des prêts par l'État - tant dans le premier que dans le deuxième PLFR. Mais ce troisième PLFR comporte assez peu de mesures de relance, hormis quelques mesures sectorielles pour l'automobile, le tourisme ou encore l'aéronautique. Certaines mesures présentées ne sont pas chiffrées. Ne faudrait-il pas arrêter la « perfusion » de l'économie pour passer à des mesures de relance de l'investissement des entreprises et de la consommation des ménages ? Quelles sont les impasses de ce PLFR ?

M. Pierre Moscovici . - Je reprends volontiers à mon compte le sous-titre de Paul Claudel, « le pire n'est pas toujours sûr », et suis même prêt à faire mienne cette devise.

Pour 2021, aucune prévision ne figure dans le PLFR.

Par rapport à la crise de la zone euro, soyons conscients que nous ne sommes pas dans le même contexte, le niveau des taux d'intérêt n'était pas le même, les réactions de marché étaient différentes et la BCE n'avait pas déployé le même arsenal. Nous pouvons donc nous permettre une réaction différente. Et nous avons tiré les leçons de la crise de 2008 : nous n'avons pas perdu de temps et la réponse européenne au sens large - celle de l'Union européenne et celle des États membres - a été rapide et très forte.

Sur la question des règles budgétaires européennes, permettez-moi de m'exprimer en tant qu'ancien commissaire européen. Je vous l'avais dit lors de ma dernière audition devant vous dans mes anciennes fonctions : nous atteignons les limites du Pacte de stabilité et de croissance, mais il en faut un ! Il est indispensable d'avoir des règles de finances publiques. La Cour des comptes doit veiller à la bonne gestion des deniers publics. Quand on dépense beaucoup d'argent - cela peut être justifié par des circonstances exceptionnelles, voire historiques -, il faut que cela soit une dépense publique de qualité. La révision du Pacte de stabilité et de croissance va s'imposer, car il est trop rigide, trop automatique, peu lisible, extrêmement complexe et ses effets sont souvent procycliques. Il faudra donc collectivement réfléchir à de nouvelles règles plus lisibles, plus intelligentes et plus favorables à la croissance. Mais nous avons absolument besoin de règles de finances publiques.

Il me semble difficile en revanche de construire une nouvelle loi de programmation tant que la visibilité est aussi faible.

Le Gouvernement n'a manifestement pas l'intention de déposer de quatrième projet de loi de finances rectificative. Toutes les prochaines mesures - mesures sectorielles ou plan de relance - devront donc faire partie du projet de loi de finances pour 2021.

Sur le profil de l'activité en 2020, le Gouvernement ne prévoit pas un retour à la normale si rapide. La Banque de France évoque un retour à la normale du PIB trimestriel à la mi-2022.

Les administrations comme les économistes constatent qu'une surépargne de l'ordre de 100 milliards d'euros s'est constituée très rapidement. Tout ce qui ira dans le sens de son dégonflement, total ou partiel, sera bénéfique à la consommation et à la croissance. Nous avons là un gisement massif de croissance - ou de moindre récession. Comment transformer cette épargne en consommation et en investissement ? C'est tout l'enjeu des mois qui viennent et cela a été bien identifié.

M. Jean Bizet . - Permettez-moi d'abord de vous féliciter pour votre nomination au poste de Premier président de la Cour des comptes. Dans un article de ce jour, Le Monde explique que l'euro a décroché et n'a pas réussi à concurrencer le dollar comme monnaie internationale : la part de l'euro - que ce soit pour les réserves financières, le libellé des contrats, les prêts internationaux... - s'effrite depuis une décennie. Cette part avait atteint 24 % avant la crise financière de 2008. Elle est désormais de 19 %, contre 60 % pour le dollar. Comment redonner à l'euro cette dimension géopolitique qui lui permettrait de faire obstacle à l'extraterritorialité des lois américaines ? Vous avez aussi affirmé votre volonté de rapprocher l'institution de la rue Cambon des institutions européennes. Quelle sera votre politique en la matière ?

M. Éric Bocquet . - Comment expliquez-vous la différence de croissance de 0,5 % entre la zone euro et l'Union européenne ? Le ralentissement est de - 3,2 % dans l'Union européenne, mais de - 3,6 % dans la zone euro.

En avril 2019, vous aviez déclaré que répondre à la crise des Gilets jaunes par la dette serait un mauvais calcul. Le Gouvernement a fait le choix de la dette, refusant de taxer les gros patrimoines. Or vous venez de nous dire qu'il ne fallait pas sombrer dans le catastrophisme à propos de la dette française et que la France a une bonne signature. Je m'en réjouis, mais comment comprendre ce décalage entre vos propos d'il y a un an et ceux d'aujourd'hui ?

Enfin l'épargne atteint des niveaux exceptionnellement élevés. Pourrait-on envisager un emprunt d'État populaire qui permettrait de rémunérer les souscripteurs tout en desserrant l'étreinte des marchés financiers ?

M. Marc Laménie . - Toutes mes félicitations pour votre nomination. Quelles sont les perspectives d'évolution à long terme des finances publiques, alors que les dépenses de l'État et de la sécurité sociale augmentent fortement tandis que les recettes baissent ? Vous n'avez pas évoqué la situation des collectivités territoriales, que le Sénat représente. Elles sont pourtant des investisseurs importants, des donneurs d'ordre, et contribuent à soutenir l'emploi ou la relance économique. Or les élus sont inquiets. Quelle est votre analyse ?

M. Philippe Dallier . - Vous regrettez de disposer de peu de moyens pour remplir votre mission, mais le Parlement est un petit peu dans la même situation ! Il est regrettable que nous n'ayons pas la capacité de mener nos propres analyses et simulations.

Je veux revenir sur votre analyse. Est-elle trop optimiste ou pas assez pessimiste ? Telle est la question. Lors de l'examen du PLFR 2, on avait tous estimé que les prévisions du Gouvernement semblaient optimistes. Il me semble cette fois, en écoutant les ministres du budget et de l'économie, qu'elles sont plutôt pessimistes.

La hausse de l'épargne s'explique parce que les Français n'ont pas pu dépenser pendant la période récente ou alors mettent de l'argent de côté par précaution. Vous espérez que l'on pourra débloquer une partie de ces sommes. Toutefois, on a aussi constaté une hausse de l'épargne après la crise des Gilets jaunes, en dépit des mesures du Gouvernement pour inciter à consommer. Le comportement d'épargne et de consommation des Français ne dépendra-t-il pas de la confiance des Français dans la situation économique ou face à l'évolution du chômage ? N'êtes-vous pas trop optimiste à cet égard ? J'ai du mal à croire que les Français se mettent à consommer massivement : en dépit d'une hausse ponctuelle lors du déconfinement, les signaux actuels laissent craindre une baisse de la consommation.

Enfin, j'ai été très heureux d'entendre vos propos sur la dette et le risque qu'elle fait peser sur les finances publiques, même si M. Bocquet a retenu un autre versant de votre analyse... Voilà longtemps que notre commission des finances alerte sur le risque d'une dette trop élevée. À 120 % du PIB, on atteint un sommet. Il faudra trouver les moyens d'inverser la courbe. Nous n'avons pas su le faire après la crise de 2008, à la différence des Allemands. Il ne faudrait pas que les taux d'intérêt remontent, sinon la situation serait difficile...

M. Jean-François Rapin . - Le plan de relance européen ne peut être pris en compte dans les comptes de l'année, mais peut-être aura-t-il un effet les années suivantes, car la Commission souhaite aller vite dans sa mise en oeuvre. Comment estimez-vous son impact sur la croissance, notamment par rapport au plan de relance du Gouvernement ? Il va s'accompagner aussi d'un surcroît de dette. Comme vous le dites, celle-ci n'est pas monétisable et sera à rembourser. À partir de 2028, il faudra commencer à rembourser ce que l'on peut appeler les avances remboursables de l'Europe. Cela aura alors un impact non négligeable sur nos finances publiques.

M. Patrice Joly . - Ce PLFR est-il, selon vous, en termes de dépenses, au niveau de ce que font nos voisins, en particulier l'Allemagne ? Vous avez rappelé que la signature de la France était reconnue et que sa capacité d'emprunt restait bonne. L'épargne est importante. Comment faire pour la réorienter vers l'achat des emprunts français et donc le financement du budget national, ce qui permettrait de préserver notre souveraineté en exposant moins la France aux aléas du marché ? Enfin, que pensez-vous des analyses d'économistes sérieux qui considèrent que la dette pourrait, au moins en partie, faire l'objet d'une annulation et que l'on pourrait réduire sa charge par des mécanismes budgétaires et comptables ?

M. Gérard Longuet . - Je vous félicite pour votre nomination comme Premier président de la Cour des comptes et me réjouis que ce poste soit occupé par une personne ayant une expérience parlementaire et ministérielle, comme c'était aussi le cas de vos deux derniers prédécesseurs. Le HCFP a-t-il pu établir une correspondance entre les 76 milliards d'euros de dépenses nouvelles présentées et la totalité des sommes qui ont été annoncées par le Gouvernement pour soutenir des secteurs exposés, comme l'aéronautique, la culture, l'automobile ou le tourisme ?

Ma deuxième question concerne les concepts séduisants, mais difficiles à manier, de déficit structurel et de PIB potentiel. Certains facteurs macroéconomiques pourraient-ils affecter à moyen terme notre PIB potentiel ? Je pense en particulier à la durée du travail moyenne par Français, qui est l'une des plus faibles d'Europe.

Mme Christine Lavarde . - Il me semble, après avoir lu l'avis du Haut Conseil, que l'on a connu des avis plus tranchés... Le conditionnel est très largement employé. Avez-vous pu réaliser des simulations selon différentes hypothèses pour préciser la fourchette d'incertitude dans laquelle s'inscrit le scénario du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici . - Si le Haut Conseil emploie le conditionnel, c'est parce que nous avons le sentiment que le scénario du Gouvernement se rapproche d'une certaine plausibilité. Je n'étais pas en fonction pour les deux précédentes lois de finances rectificatives, mais, à chaque fois, on pouvait pressentir qu'une dégradation plus poussée de la situation économique allait suivre. Désormais, le confinement est terminé, on voit mieux comment évoluent la crise sanitaire et l'économie, et un certain consensus se dégage sur le plan macroéconomique. L'écart entre le scénario du Gouvernement et le consensus des économistes est réduit, et ce dernier est même légèrement plus optimiste. Le HCFP en tient compte, tout en envisageant, avec prudence, les aléas à la hausse ou à la baisse, mais les écarts sont faibles et nous pouvons estimer que le scénario du Gouvernement est robuste. Le métier du Haut Conseil n'est pas de faire des prévisions ni des simulations, mais il serait sans doute utile qu'il puisse se voir doté de cette capacité. Donc notre avis n'est pas un avis mièvre, mi-figue mi-raisin, mais il résulte de l'analyse des membres du Haut Conseil qui estiment que la prévision est solide.

Monsieur Bizet, vos questions dépassent mon champ de compétences en tant que président du HCFP. Le « décrochage », que vous évoquez, de l'euro comme monnaie de réserve par rapport au dollar, n'a pas commencé avec la crise. Celle-ci ne fait que l'accentuer. Les solutions sont à définir au niveau européen ; elles passent par l'approfondissement de l'Union des marchés de capitaux et la création d'un véhicule permettant de développer le rôle international de l'euro, deux sujets mis en avant par la Commission européenne. Ce dernier point est important si l'on veut éviter les sanctions extraterritoriales. Souvenons-nous de l'accord de Vienne avec l'Iran sur le nucléaire : l'Union européenne ne souhaitait pas dénoncer l'accord, mais nos entreprises étaient dans une situation de grande vulnérabilité en raison de la menace des sanctions. Pour y répondre, il faut créer un véhicule financier. La Commission pourrait sans doute le proposer.

J'ai exprimé, et je le referai demain lors de mon installation, mon souhait de renforcer la visibilité de la Cour des comptes et du Haut Conseil au niveau européen. Il ne s'agit pas là de l'expression d'un narcissisme d'institutions, mais, simplement, j'ai pu constater à Bruxelles que les institutions indépendantes sont un gage de crédibilité fort pour les finances publiques nationales. Il est important que les perspectives budgétaires soient discutées, soumises à expertise, et c'est la raison pour laquelle je vous demanderai de soutenir ma démarche en ce sens. Un de mes premiers déplacements aura d'ailleurs lieu, de manière symbolique, à la Commission européenne. La Cour des comptes et le Haut Conseil doivent se situer à l'interface entre le Gouvernement et le Parlement, mais aussi entre l'administration nationale et l'administration européenne. Monsieur Longuet, je crois, indépendamment de ma personne, qu'il est bon que le Premier président de la Cour des comptes ait à la fois une expérience parlementaire et ministérielle, comme vous l'avez souligné, et même une expérience européenne. J'essaierai de mettre cette expérience au service de l'institution et du pays.

Monsieur Bocquet, je n'ai pas l'impression d'avoir changé ! L'écart de croissance entre l'Union européenne dans son ensemble et la zone euro n'est pas forcément significatif, car les instituts de statistiques ne mesurent pas nécessairement de la même façon l'activité pendant la phase de confinement. Il faut aussi prendre en considération les différences qui tiennent aux dates d'entrée et de sortie du confinement entre les pays. Au final, je pense que les écarts vont s'ajuster.

En ce qui concerne la dette, il ne faut faire preuve ni de catastrophisme, ni d'irénisme. La dette créée à la suite de la crise des Gilets jaunes était de fonctionnement, tandis que la dette créée actuellement vise à répondre à la crise sanitaire, à un choc macroéconomique de grande ampleur, et est détenue en grande partie par la Banque centrale européenne. Il ne s'agit pas de dire qu'il y a une bonne et une mauvaise dette, mais on ne peut pas comparer les deux, la seconde s'inscrivant aussi dans le cadre d'une réponse européenne. Nous aurons à vivre avec des dettes publiques élevées pendant des années et j'aurai certainement à évoquer ce sujet de nombreuses fois au cours de mon mandat.

Il ne m'appartient pas de trancher la question de l'annulation ou de la monétisation de la dette. La BCE a fait un effort considérable, mais il n'est pas dans sa mission de la prendre en charge en totalité. Un effort de mutualisation commence à se mettre en place au niveau européen. Dès lors que la BCE achète une grande partie de la dette, que les taux d'intérêt restent bas et que la signature du pays est bonne, la dette peut être soutenable à court terme. Nous ne sommes pas dans la même situation qu'en 2008. Pour autant, être endetté à hauteur de 120 % du PIB n'est pas anodin. La dette doit être remboursée. Nous devons aussi penser aux générations futures : qui sait si les taux d'intérêt ou l'inflation ne remonteront pas à moyen terme. La dette doit être soutenable et l'objectif doit rester de la diminuer. Je n'ai pas changé à cet égard.

L'épargne a augmenté de 100 milliards d'euros ces derniers mois. C'est considérable. Nul ne sait si elle sera, in fine , consommée intégralement, mais son niveau laisse de la marge pour une hausse de la consommation. Le HCFP estime que cette hypothèse constitue un aléa positif, qui n'est pas certain, mais qui n'est pas impossible. Si l'évolution de la pandémie était favorable, comme semblent le penser les épidémiologistes, on pourrait assister à une amélioration de la situation plus rapide et importante que prévu. Il vous appartiendra alors de trouver politiquement les moyens de flécher cette épargne vers la consommation. Le niveau d'épargne en France a toujours été élevé en France, même si les niveaux actuels sont historiquement hauts.

Vous m'avez aussi interrogé sur les collectivités territoriales. Je serai très attentif à ce qui se passe au Sénat. En tant que Premier président de la Cour des comptes, je suis aussi le chef des juridictions financières et donc des chambres régionales et territoriales des comptes. J'aurai à coeur de les associer aux travaux et aux réflexions de la Cour. Un de mes premiers déplacements sera d'ailleurs pour la chambre régionale des Hauts-de-France, début juillet, ce qui témoigne symboliquement de ma volonté de soutenir le développement de ces instances. Quant à l'impact de la crise sur les comptes des collectivités territoriales, il est important, à cause de la baisse des recettes fiscales ou tarifaires, mais il est, au total, moindre que pour l'État ou la sécurité sociale : de l'ordre de quelques milliards contre plus de 180 milliards d'euros pour les comptes publics.

J'en viens au plan de relance européen. J'observe des évolutions importantes au niveau européen. Plusieurs tabous ont été levés : alors que traditionnellement nos voisins, notamment allemands ou néerlandais, évoquaient la nécessité de maintenir l'équilibre entre le partage et la réduction des risques - autrement dit privilégier la responsabilité à la solidarité -, aujourd'hui un choix a été fait, celui de la solidarité, notamment dans l'initiative franco-allemande puis dans le plan de la Commission. Un autre tabou s'est estompé, notamment en Allemagne : celui de la mutualisation de la dette. Nous verrons si ce plan aboutit, mais je ne suis pas pessimiste. Si tel est le cas, il renforcera les plans de relance nationaux, même si je ne suis pas capable de dire à quel moment il sera intégré dans les comptes : au moment du plan de relance national ? L'année prochaine ? Mais, incontestablement, le plan de relance fournira une ressource supplémentaire pour aider notre économie à sortir de l'ornière.

Il est difficile de faire des comparaisons entre les plans allemands et français. Certains dispositifs sont plus favorables en Allemagne, notamment ceux en faveur des petites entreprises, ou moins favorables, comme le chômage partiel. N'oublions pas non plus que l'Allemagne est un petit peu moins touchée que la France par le Covid-19. Nous verrons à la fin, dans le plan allemand, ce qui est destiné à soutenir la consommation. En attendant gardons-nous des prévisions à l'emporte-pièce.

Nous ne sommes pas en mesure d'apprécier les mesures nouvelles dans leur totalité. Nous constatons, toutefois, une prise en compte sérieuse dans le PLFR des mesures qui ont été annoncées en faveur de l'automobile, de la culture ou du tourisme. Celles en faveur de l'aéronautique le sont partiellement. Nous aurons une vision d'ensemble lors de la prochaine loi de finances initiale. Il ne m'appartient pas de dire si un PLFR 4 sera nécessaire, même si, par définition tout n'a pas pu être totalement pris en compte, car le plan de soutien à l'aéronautique a été annoncé la veille de la présentation du PLFR 3. Comme le disait le président Chirac, c'est à la fin de la foire que l'on peut faire les comptes...

En ce qui concerne le PIB potentiel et le déficit structurel, je partage vos interrogations, mais les relativise. Je les partage, car j'ai constaté quand j'étais commissaire européen, qu'il nous arrivait de nous tromper sur le déficit structurel ou le potentiel de croissance. Cela pose la question de la lisibilité. Ces notions ne sont pas simples - peut-être pourront-elles évoluer le moment venu -, mais elles constituent en même temps des ancres utiles pour fonder des jugements ou des appréciations. Elles ne sont pas dénuées de sens. Le PIB potentiel est le PIB qui résulte, indépendamment des évolutions conjoncturelles, de la capacité de production d'un pays. On peut l'apprécier à travers l'évolution de ses composantes : la consommation, l'épargne, l'investissement, le capital humain, etc . Autant de signaux utiles. Nous redoutons une évolution négative du PIB potentiel de la France. Il en va de même pour le déficit structurel, qui est indépendant de la conjoncture. Cette notion est utile, même si on devrait s'efforcer de trouver mieux. Peut-être la Cour des comptes pourrait-elle faire des propositions à cet égard. En tout cas, ces notions constituent, en l'état, les indicateurs les plus solides dont nous disposions.

En conclusion, je voudrais vous dire mon plaisir d'être parmi vous. J'essaierai de venir aussi souvent que possible, comme Premier président de la Cour des comptes, chef des juridictions financières régionales ou président du HCFP. Comme le Conseil constitutionnel, je pense que la Cour des comptes doit être à équidistance du Parlement et du Gouvernement. Je serais ainsi heureux de venir vous présenter, si vous le souhaitez, à la fin du mois, le rapport substantiel de la Cour sur la situation des finances publiques, qui comportera des éléments de perspective et permettra de débattre de la dette.

M. Vincent Éblé , président . - Nous aurons plaisir à vous entendre. Je vous remercie.

B. AUDITION DE MM. BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES, ET OLIVIER DUSSOPT, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUPRÈS DU MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS (11 JUIN 2020)

Réunie le jeudi 11 juin 2020, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'audition de MM. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, et Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

M. Vincent Éblé , président . - Je souhaite la bienvenue à MM. les ministres, ainsi qu'à nos collègues présents dans cette salle ou reliés à nous par téléconférence.

Nous entendons ce matin le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, et le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, Olivier Dussopt, sur le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020. Le premier PLFR nous avait été soumis le 18 mars, le deuxième le 15 avril, il s'agit donc du troisième collectif budgétaire en moins de trois mois. Cette cadence tout à fait exceptionnelle montre la gravité de la crise que nous traversons et la nécessité d'y répondre rapidement.

Nous avons entendu hier Pierre Moscovici, nouveau président du Haut Conseil des finances publiques, qui nous a fait part des analyses du Haut Conseil sur le cadrage macroéconomique et les équilibres de ce troisième collectif budgétaire. Nous constatons, tout comme lui, la forte dégradation de nos indicateurs macroéconomiques et, par conséquent, de nos finances publiques. Ainsi, la France devrait connaître une récession historique, de - 11 % du PIB en 2020, et un déficit de 11,4 % du PIB. La dette publique progresserait quant à elle de 22,8 points de PIB.

D'après le Gouvernement, sur ce déficit de 11,4 % du PIB, une part de 2,2 % est structurelle et préexistait à la crise, une large part de 7,0 % est conjoncturelle et liée à la crise et environ 2,3 % seraient dus aux mesures temporaires prises depuis mars. Vous nous détaillerez ce que contient ce troisième collectif budgétaire par rapport aux mesures déjà adoptées dans les deux premiers, je pense en particulier au chômage partiel et au fonds de solidarité pour les entreprises, mais aussi aux dispositifs propres aux collectivités territoriales, dont les comptes sont durement touchés. Alors que beaucoup espéraient un véritable plan de relance, désormais annoncé pour le projet de loi de finances pour 2021, vous nous direz aussi ce que ce texte ne contient pas encore et qui pourrait faire l'objet d'une présentation ultérieure au Parlement. Toutes les annonces présidentielles et gouvernementales - sur le tourisme, la culture, l'aéronautique, etc. - pourront-elles se traduire rapidement ? Quelles mesures restent-elles à mettre en oeuvre ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances . - Nous sommes confrontés à une crise économique sans équivalent en France depuis 1929 par son ampleur et sa brutalité.

Avant de penser à construire le monde d'après, souvenons-nous du monde d'avant. En janvier 2020, la France affichait une croissance de 1,5 % - l'une des croissances les plus fortes de la zone euro, largement au-dessus de la croissance allemande - et un taux de chômage à 8 % - l'un des plus faibles que nous ayons eu depuis des années ; la France était le pays européen le plus attractif pour les investissements étrangers ; sa dette publique était stabilisée et son déficit public se situait sous la barre des 3 % du PIB. Preuve que la politique économique que nous avions bâtie avec le Président de la République, le Premier ministre et l'ensemble de la majorité donnait des résultats. Les salariés et les entrepreneurs français avaient réussi à redresser notre pays.

Tout s'est effondré avec la crise, mais nous la surmonterons. Nous reconstruirons une France prospère avec de la croissance, de la compétitivité et une orientation encore plus marquée vers la décarbonation de notre économie. Nous réussirons parce que les Français sont un peuple travailleur, parce que nous allons faire le choix de l'innovation et des nouvelles technologies et parce que nous allons nous fixer collectivement une ambition environnementale.

Nous avons réussi à éviter l'effondrement complet de nos capacités de production grâce à l'intervention immédiate et massive des pouvoirs publics. L'intervention de l'État en matière économique et financière a été à la hauteur des enjeux historiques. Dès la fin du mois de février, j'étais le premier des ministres des finances à annoncer une crise comparable à celle de 1929 ; dès le 6 mars, je remettais un plan d'action au Président de la République ; puis un premier PLFR est venu, un deuxième le 15 avril et un troisième aujourd'hui. Notre réaction a donc été massive, immédiate et appréciée par le monde économique.

Les mesures déployées représentent au total 460 milliards d'euros, soit 20 % de notre richesse nationale et l'équivalent du PNB de l'Autriche. Cette réponse est en tous points comparable, y compris dans ses montants, à ce que font les autres pays européens. Il faut considérer les chiffres réels et non pas les chiffres affichés. Par exemple, s'agissant des prêts garantis par l'État, la France a annoncé 300 milliards d'euros, l'Allemagne 550 ; mais la France en a décaissé 88 et l'Allemagne seulement 40.

Quelque 3 millions d'entreprises ont reçu 4 milliards d'euros d'aides en provenance du fonds de solidarité ; 12 millions de salariés ont bénéficié de l'activité partielle ; les reports de charges fiscales et sociales devraient atteindre 56 milliards d'euros. Ces sommes considérables visent à sauver notre économie.

S'ouvre maintenant un deuxième temps, celui de la reconstruction et de la relance. Il appelle d'abord un retour au travail et une relance de l'activité massifs. La crise sanitaire a évidemment un impact sur la population et nous devons rester vigilants, mais ne sous-estimons pas l'impact de la crise économique, en particulier sur les plus fragiles. Cette crise aura des conséquences invisibles, muettes, mais douloureuses pour des millions de nos compatriotes. Je pense en particulier aux jeunes qui, au sortir de leur centre de formation d'apprentis (CFA) ou de leur université, vont chercher un emploi ; je pense à l'ouvrier de 52 ans qui a été licencié ; je pense à l'employé du secteur du textile, de l'habillement ou de la restauration, qui s'inquiète. C'est pour eux que nous devons relancer la machine économique.

C'est pourquoi, dans ce PLFR, nous soutenons les secteurs dans lesquels les risques d'effondrement économique sont les plus importants. Il s'agit d'abord du secteur du tourisme - avec l'événementiel, les hôtels, les restaurants, les bars, les cafés, les centres de loisirs, les centres sportifs, les campings - qui a été frappé de plein fouet, mais aussi l'industrie automobile et le secteur aéronautique. Dans ce dernier secteur, la crise risque d'être plus durable parce que ses effets sont plus lents : les compagnies aériennes annulent des commandes par dizaines et le carnet de commandes d'Airbus, qui était plein, s'est substantiellement allégé. Il s'agit aussi du secteur des start-up qui bénéficiera de 1,3 milliard d'euros de soutien afin d'éviter qu'elles ne soient rachetées par des fonds ou des géants digitaux étrangers. Il s'agit du secteur du bâtiment qui souffre de surcoûts. Il s'agit, en dernier lieu, du commerce de proximité, dans les villages et les villes moyennes.

Le premier volet de ce PLFR est donc constitué de plans de relance sectoriels qui visent à sauver des emplois dans ces secteurs et à accompagner leur transformation. Ces plans comportent bien évidemment des mesures de demande : c'est le cas des bonus prévus dans le secteur automobile - 7 000 euros pour un véhicule électrique, 2 000 euros pour un véhicule hybride rechargeable, prime à la conversion - qui vont nous permettre de revenir, en juin 2020, au volume d'achats de véhicules automobiles de juin 2019, alors qu'en avril nous n'étions qu'à 10 %. Dans le plan de 15 milliards d'euros en faveur du secteur aéronautique, 4 milliards d'euros sont prévus pour sécuriser les commandes d'avions civils et militaires : l'État va prendre à sa charge le report des commandes afin d'éviter leur annulation sèche, ce qui représente une charge de 3,5 milliards d'euros en trésorerie pour l'État. Enfin, il y a dans ce plan 800 millions d'euros d'achats directs d'avions ravitailleurs et d'hélicoptères.

Nous devons aussi accélérer la transformation de ces secteurs, et notamment la numérisation et la robotisation de nos PME. Nous prévoyons ainsi 300 millions d'euros pour numériser et robotiser nos PME de l'aéronautique. Nous mettons en place un fonds spécifique afin d'accélérer la mutation de l'industrie automobile vers le véhicule électrique, puis vers le véhicule à hydrogène. Nous allons augmenter les fonds du Conseil pour la recherche aéronautique civile de 1,5 milliard d'euros, avec l'objectif d'être le premier continent au monde à disposer d'un avion zéro émission carbone, dès 2035. Pourquoi les rêves industriels seraient-ils réservés aux Américains ? Soyons ambitieux pour la France et pour l'Europe !

Nous devons trouver un équilibre entre le sauvetage des emplois, le soutien aux entreprises menacées de faillite et le maintien de la croissance potentielle française. Si nous n'investissons pas, si nous ne soutenons pas l'innovation et si nous nous contentons de mesures de demande, nous risquons de retrouver une croissance potentielle inférieure à celle d'avant-crise parce que nous aurions laissé détruire du capital humain, du capital technologique et du capital physique. Nous laisserions une France appauvrie et reléguée économiquement, comme l'ont été certains États européens au lendemain de la crise de 2008. C'est, pour moi, l'enjeu stratégique de cette sortie de crise.

Le deuxième volet de ce plan est relatif au soutien à l'emploi, et en particulier l'emploi des jeunes qui est notre première préoccupation. Certains d'entre vous, en particulier Les Républicains, ont d'ailleurs fait d'utiles propositions à ce sujet. Nous allons soutenir l'apprentissage avec l'augmentation massive des primes à l'embauche, portées à 8 000 euros pour les majeurs et à 5 000 euros pour les mineurs. Nous engageons également une discussion avec les partenaires sociaux au sujet d'une activité partielle de longue durée. Ma philosophie, c'est l'emploi, l'emploi, l'emploi, et encore l'emploi : mieux vaut un salarié qui reste dans l'entreprise, en partie payé par l'État, plutôt qu'un salarié licencié. Car passer par la case chômage, c'est douloureux et ce n'est pas économiquement efficace. J'assume d'envisager un modèle différent dans lequel, temporairement, l'État va prendre à sa charge une partie des salaires pour éviter la perte d'emploi. Entre des licenciements massifs et une activité partielle financée en partie par l'État, je choisis clairement la deuxième option.

Le dernier volet de ce PLFR est constitué des mesures européennes disponibles : les prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI) et le mécanisme de chômage partiel. Les financements de la BEI pour soutenir les PME nous permettent de dégager 40 milliards d'euros de prêts. En revanche, les mesures d'investissements directs et de subventions du plan de relance européen ne seront disponibles que dans quelques mois, car ce plan ne sera adopté qu'au prochain Conseil européen de début juillet. Le plan de relance français, qui devrait être financé à la fois par l'État et par des mesures européennes, ne sera donc pas mis en place avant le début du mois de septembre.

Dans un premier temps, nous avons donc eu une réponse immédiate et massive. Nous sommes aujourd'hui dans le deuxième temps, celui de la relance, secteur par secteur, avec des mesures de demande, mais aussi des mesures destinées à conserver un niveau de croissance potentielle satisfaisant. Le troisième et dernier temps interviendra d'ici à la fin de l'été sur la base de consultations que j'ouvrirai avec vous dans les jours qui viennent, pour faire de la France, une des économies les plus compétitives et les plus décarbonées de la planète.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - En complément de ce que vient de vous présenter M. le ministre de l'économie et des finances, j'articulerai ma présentation autour de quatre points.

En premier lieu, nous garantissons le financement des mesures que nous avons prises pendant la crise, ainsi que celui des nouvelles mesures. Le périmètre du fonds de solidarité va être élargi afin de lui permettre de soutenir les entreprises du secteur du tourisme et de l'hôtellerie-restauration jusqu'à la fin de l'année 2020. Il sera désormais doté de 8 milliards d'euros, soit 1,5 milliard d'euros supplémentaires par rapport au deuxième PLFR. Les crédits prévus pour l'activité partielle passent de 26 à 31 milliards d'euros, avec une augmentation de 3,3 milliards d'euros pour la part État. Nous finançons aussi les plans sectoriels que vous a présentés Bruno Le Maire.

En deuxième lieu, nous prévoyons d'exonérer de charges et de cotisations sociales patronales, pendant quatre mois, les entreprises de moins de 250 salariés des secteurs les plus touchés - hôtellerie-restauration, événementiel, sport, transport aérien, culture. Une même exonération, d'une durée de trois mois, est prévue en faveur des TPE de moins de 10 salariés qui ont subi une fermeture administrative en vertu du décret de mars 2020. Ces mesures représentent 1,3 milliard d'euros d'annulations. Ces entreprises bénéficieront également d'un crédit de cotisations pour les aider à payer les échéances à venir, à hauteur de 20 % de la masse salariale pendant la période de référence. En effet, certaines de ces entreprises ont dû garder leurs salariés sans pouvoir les mettre en activité partielle. Ce crédit de 1,2 milliard d'euros leur permettra d'affronter plus sereinement les semaines à venir. Enfin, les indépendants ne sont pas oubliés, avec des exonérations forfaitaires à hauteur de 500 millions d'euros. Au total, ce sont 3 milliards d'euros qui sont prévus à ce titre.

Pour toutes les entreprises de moins de 50 salariés, quel que soit leur secteur, nous procéderons, à leur demande, à des remises de cotisations patronales au cas par cas. Pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, nous procéderons à des étalements exceptionnels pouvant aller jusqu'à 36 mois.

En troisième lieu, nous allons accompagner les collectivités territoriales en 2020 grâce à ce PLFR, mais nous aurons aussi l'occasion de travailler, avec le Parlement et les associations d'élus, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2021. Nous avons choisi de ne pas compenser leurs dépenses - à l'exception de dispositifs très spécifiques, comme la participation de l'État à l'achat de masques -, mais plutôt de garantir leurs recettes. Au bénéfice du bloc local - communes et intercommunalités -, nous prévoyons une dotation qui leur garantira un niveau de recettes fiscales et domaniales au moins équivalent au niveau moyen observé entre 2017 et 2019. Nous estimons cette dotation à 750 millions d'euros, mais son montant exact ne sera connu qu'à la clôture de l'exercice 2020. Une régularisation aura lieu à ce moment-là.

Pour les départements, nous allons leur garantir une recette de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) au moins égale à la recette moyenne observée entre 2017 et 2019. Cette garantie prendra la forme d'avances remboursables. Le terme du remboursement fait encore l'objet de discussions, mais il tiendra compte de l'évolution de la situation économique et sociale et des discussions actuellement ouvertes avec les départements sur le financement des minima sociaux. Ces avances sont estimées à 2,7 milliards d'euros pour 2020, car nous évaluons la baisse des DMTO en 2020 à - 28 %. Ici encore, nous procéderons aux régularisations nécessaires.

Nous allons également soutenir l'investissement des collectivités territoriales en 2020, avec 1 milliard d'euros de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) supplémentaire, sur des priorités telles que la santé, l'école ou l'environnement. Si les crédits n'étaient pas consommés en 2020, un report sera possible.

Pour les collectivités d'outre-mer, nous compenserons la baisse des recettes d'octroi de mer et de taxe spéciale de consommation. Un article spécifique nous permet en outre de garantir un prêt de la Polynésie française à hauteur de 240 millions d'euros, comme nous l'avions fait dans le deuxième PLFR pour la Nouvelle-Calédonie.

En quatrième et dernier lieu, afin de soutenir les plus fragiles, nous prévoyons 200 millions d'euros supplémentaires pour l'hébergement d'urgence, 7 millions d'euros pour la lutte contre les violences faites aux femmes, 150 millions d'euros pour des aides exceptionnelles aux étudiants et aux jeunes précaires, ainsi que, pour les Français de l'étranger en difficulté, 50 millions d'euros de bourses et 50 millions d'euros d'aide sociale.

Il s'agit d'un plan d'aide massif, avec 60 milliards d'euros de dépenses publiques supplémentaires, 80 milliards de crédits pour des prêts, des prises de participation et des mesures de trésorerie et 330 milliards d'euros de garantie supplémentaires. Dans le même temps, nos recettes fiscales devraient baisser de 66 milliards d'euros. Le déficit de l'État s'établira donc, en 2020, à 222 milliards d'euros. Celui de la sécurité sociale sera de 52 milliards d'euros. Le déficit public atteindra 11,4 % du PIB. Notre dette publique s'établira à 121 % du PIB.

Nous avons su prendre nos responsabilités, mais nous devons garder en tête ces chiffres, qui sont massifs, afin de garantir la solidité de nos finances publiques et la crédibilité de nos engagements à financer ces mesures.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je vous remercie de venir devant notre commission ce matin. Jusqu'à présent, nous pouvions nous féliciter de la réactivité du Gouvernement dans cette crise : le premier PLFR était insuffisant, mais il a été corrigé par le deuxième PLFR qui a levé les difficultés qui existaient sur le chômage partiel, le fonds de solidarité ainsi que les prêts garantis par l'État. Le Sénat a pris sa part dans ce travail et a amélioré ces textes. La réaction du Gouvernement a été à la hauteur de l'enjeu.

En revanche, je suis inquiet sur l'application concrète des mesures que nous avons votées. J'ai la faiblesse de croire aux engagements prononcés en séance publique et M. Dussopt nous avait promis que le dispositif d'aide prévu pour les parcs zoologiques s'appliquerait aussi aux centres équestres ; or nous n'avons toujours pas de décret en ce sens. Nous avons voté le 21 avril un taux réduit de TVA pour les tenues de protection : c'était il y a deux mois et le texte d'application n'est toujours pas paru. Les entreprises et les collectivités territoriales n'y comprennent plus rien. Il faut arrêter ces tergiversations administratives : le texte doit sortir ! Fin avril, vous avez annoncé le doublement des seuils d'application du fonds de solidarité pour le secteur du tourisme ou encore de la restauration. C'est une mesure très attendue, je reçois des courriers de professionnels inquiets : quand sera-t-elle enfin applicable ? Le Gouvernement a, jusqu'à présent, été réactif et le Parlement, conscient de sa responsabilité, a travaillé dans des conditions difficiles. Mais nous constatons maintenant un « retard à l'allumage » pour des mesures pourtant très attendues par les entreprises.

Les chiffres relatifs à la situation économique française sont inquiétants. Dans ses nouvelles prévisions économiques, l'OCDE indique que la chute du PIB en France, estimée à - 11,4 %, devrait être supérieure de près de 5 points à celle constatée en Allemagne, qui sera de - 6,6 % en 2020. Mais il y a une différence d'approche. Dans ce troisième PLFR, la France prend des mesures de soutien et de relance sectorielles - que nous approuvons globalement. Pendant ce temps, l'Allemagne adopte déjà un plan de relance de grande ampleur. Or, dans ce PLFR, il n'y a quasiment rien ni sur les investissements des entreprises - hors secteurs spécifiques -, par exemple sur l'amortissement, ni comme mesure de soutien général à la consommation, ni sur le fonds de compensation de la TVA (FCTVA) pour les collectivités territoriales. Pourquoi cette différence d'approche ? L'Allemagne, qui a pourtant moins besoin de relancer son économie, fait beaucoup plus et plus vite que la France. Cela s'explique-t-il par notre handicap initial de comptes publics ? La France avait, avant la crise, près de 100 milliards d'euros de déficit, alors que l'Allemagne était à l'équilibre primaire. L'impact du plan allemand est estimé à 5,5 points de PIB, celui du plan français à 2,6 points : l'écart est important ! Quelle sera l'articulation entre les mesures de ce PLFR et un plan de relance plus général qui comporterait des mesures d'incitation à l'investissement et à la consommation ?

Quelques 100 milliards d'euros d'épargne seraient thésaurisés. Comment les faire sortir et les orienter vers la consommation ? Il ne s'agit pas que d'une épargne de précaution : certains sont inquiets de perdre leur emploi, mais les retraités par exemple ont aussi augmenté leur taux d'épargne.

Hier, nous avons entendu Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. Il a émis deux petites réserves sur ce PLFR : les prévisions de pertes de recettes d'impôt sur le revenu pourraient être sous-évaluées ; une partie des effets de la crise n'aurait pas été prise en compte, à la hausse comme à la baisse. Ce PLFR reflète-t-il donc bien intégralement toutes les évolutions attendues, en recettes comme en dépenses ?

Enfin, j'approuve votre philosophie : il faut donner du travail aux gens et relancer l'activité. Mais pourquoi ne décide-t-on pas l'ouverture complète des restaurants à Paris, comme cela est désormais le cas en Italie et en Espagne ? Ce serait le meilleur moyen de les aider.

M. Bruno Le Maire, ministre . - Je rejoins M. le rapporteur général sur la nécessité de faire diligence. Le taux réduit de TVA, qui a été voulu par le Président de la République, doit être mis en oeuvre rapidement. Un arrêté est en cours de signature. Ce taux réduit s'appliquera avec effet rétroactif au 24 mars, afin que personne ne soit pénalisé.

Sur le fonds de solidarité, le texte sortira la semaine prochaine. Des centaines de milliers d'entrepreneurs pourront bénéficier du dispositif. J'ai aussi simplifié l'accès au deuxième étage du fonds, qui permet de recevoir une somme de 10 000 euros.

En matière de relance, les stratégies allemande et française sont comparables : une réponse immédiate, massive, et des mesures ciblées. Ils soutiennent Lufthansa comme nous soutenons Air France. Ils ont fait un plan automobile ; nous aussi. Le nombre de salariés ayant bénéficié du chômage partiel en Allemagne est quasiment équivalent à celui que l'on a constaté en France. J'y vois la preuve qu'un modèle économique et social européen est en train de se dessiner autour des réponses françaises et allemandes. Il y a toutefois une différence : pour la France, une baisse générale de la TVA sur le modèle de ce qu'a fait l'Allemagne serait une erreur économique.

D'abord, en Allemagne, la TVA représente 20 % des recettes fiscales totales de l'État, contre 15 % en France. Le taux moyen de TVA est plus élevé outre-Rhin. Le nôtre est l'un des plus faibles de l'OCDE, en raison des nombreux taux réduits.

Ensuite, nos décisions doivent être efficaces du point de vue stratégique. La France reste malheureusement une économie d'importation quand l'Allemagne est une économie d'exportation. Nous importons presque 72 % de la valeur ajoutée des biens que nous consommons. Réduire la TVA sur des produits qui ne sont pas fabriqués en France, c'est financer le développement économique de la Chine ou des États-Unis.

Enfin, une baisse massive de la TVA, c'est 25 milliards d'euros. Je préfère consacrer une telle somme à l'innovation, à la digitalisation, à la robotisation des PME ou, plus généralement, à toute mesure permettant de garder une croissance potentielle importante.

Notre économie doit exporter plus et être plus compétitive. Ne maintenons pas la France dans un modèle d'importation avec une production insuffisante sur notre territoire. Pour relocaliser l'industrie, mieux vaut investir dans la reconquête industrielle.

Je proposerai que les mesures de soutien à l'investissement, notamment le suramortissement, l'amortissement accéléré et la baisse des impôts de production - j'y suis, vous le savez, très attaché -, figurent dans le plan de relance à la rentrée.

L'épargne supplémentaire des Français sera sans doute de 100 milliards d'euros à la fin de l'année. Pour inciter nos concitoyens à consommer, il faut retrouver des perspectives économiques positives. Tout est affaire de confiance. C'est pourquoi nous ne voulons pas augmenter les impôts. Nous maintenons aussi des mesures de soutien à la demande très ciblées, comme la prime à la casse ou le déplafonnement du chèque-restaurant.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . - Le décret sur les centres équestres, qui a été signé par tous les ministres concernés, devrait sortir dans les tous prochains jours.

Notre estimation du niveau réel des recettes se fonde sur ce dont nous disposons à date : les travaux des différentes institutions et les analyses de l'Insee ou de la Banque de France. Des corrections seront peut-être nécessaires en fonction de l'évolution de la situation.

À un versement anticipé du FCTVA, nous avons préféré une DSIL supplémentaire à hauteur d'un milliard d'euros. Le FCTVA voté en loi de finances initiale pour 2020 est très élevé, et les sections d'investissement sont globalement très bien équilibrées. Mieux vaut préserver cet outil si les virements des sections de fonctionnement vers l'investissement étaient moins importants en 2021.

M. Claude Raynal . - Si je partage les objectifs de M. le ministre en matière économique, j'apprécie moins la présentation qui est faite du soutien de l'État : les 450 milliards d'euros qui sont évoqués recouvrent aussi bien des dépenses réelles que des prêts et des garanties. Cela étant, je salue moi aussi la réactivité de l'État.

Le soutien aux ressources des départements se limite au versement d'une avance de DMTO, certes sur des chiffres significatifs, mais qui devront être remboursés en 2021 et 2022. Ne faut-il pas envisager la prise en charge d'une fraction des pertes de droits de mutation ou un étalement plus important du remboursement ?

Le texte ne prévoit rien s'agissant de la soutenabilité du fonds de péréquation des DMTO. Les besoins ont-ils été identifiés ? Quelles sont les pistes pour rééquilibrer ce fonds ?

Il n'y a pas non plus de dispositif de soutien aux régions, dont l'action pourrait pourtant avoir des effets multiplicateurs et permettre de mieux penser la relance dans les territoires. Est-ce envisagé pour l'avenir ?

M. Charles Guené . - La France consacre 1 milliard d'euros à l'investissement local via la DSIL, contre 4 milliards d'euros pour l'Allemagne. N'est-ce pas insuffisant ? En outre, la gouvernance de la DSIL soulève des interrogations chez les élus locaux. Certes, c'est un bon outil pour cibler les investissements. Mais n'aurait-on pas pu avoir plutôt recours à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), voire au plan État-région ?

N'aurait-on pas pu imaginer une compensation de l'État aux allégements de taxe de séjour, comme pour la cotisation foncière des entreprises (CFE) ?

Les compensations attribuées aux collectivités locales sur certaines pertes de ressources concerneront-elles aussi les syndicats mixtes sans fiscalité propre ? À défaut, il faudrait prévoir un autre dispositif.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . - Les avances de DMTO aux départements sont une dépense de l'État, de 2,7 milliards d'euros. C'est tout à fait conforme aux discussions que nous avons eues avec l'Assemblée des départements de France (ADF). L'échéance du remboursement pourra se discuter en fonction de l'évolution de la situation. Nous souhaitons réfléchir à des clauses de retour à bonne fortune. L'ADF n'a pas exprimé le souhait d'une remise en cause des mécanismes de péréquation relatifs aux DMTO. Elle a indiqué publiquement que les mesures proposées par le Gouvernement sur ce point correspondaient aux attentes des départements.

Nous n'avons pas prévu de dispositif relatif aux régions pour deux raisons. D'une part, si les régions vont connaître en 2020 une légère baisse de la TVA, elles devraient aussi bénéficier d'une augmentation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ; les clauses constitutionnelles de révision des allocations de compensation pour les compétences transférées joueront aussi en leur faveur. D'autre part, la loi prévoit déjà des garanties de ressources, tant pour la TVA que pour la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

Nous avons d'ores et déjà indiqué aux préfets de département et de région qu'il faudrait faire preuve de souplesse sur l'engagement des crédits de DETR et de DSIL. Pour la deuxième moitié de l'exercice 2020, les préfets auront beaucoup plus de latitude pour réaffecter des projets et tenir compte des nouvelles priorités nées de la crise ou de l'installation tardive des exécutifs municipaux et communautaires. En outre, d'ordinaire, seulement 70 % des 2 milliards d'euros consacrés à la DETR et à la DSIL sont réellement consommés.

À nos yeux, la possibilité d'exonérer de taxe de séjour sans compensation est un outil à la main des collectivités : lorsque c'est décidé par la collectivité, il n'y a pas de compensation par l'État. Nous n'envisageons pas d'étendre le dispositif de compensation partielle de la CFE, qui a un caractère exceptionnel.

Le financement des syndicats mixtes sans fiscalité propre est le plus souvent assis sur la taxe foncière et sur la taxe d'habitation, dont les recettes sont dynamiques en 2020. Toutefois, nous examinerons avec attention les cas particuliers s'il y en a.

M. Philippe Dallier . - Comment pourrait-on réorienter l'épargne supplémentaire si elle ne servait pas à la consommation ?

Comment appréciez-vous la mise en place, dont il est fait mention aujourd'hui dans Le Figaro , d'un groupe de travail au sein de la BCE sur la création d'une bad bank pour venir en aide aux banques susceptibles d'être en difficulté ? Si la BCE travaille sur un tel sujet, c'est que certains doivent avoir des craintes...

La compensation de l'État concernera les pertes de recettes fiscales ou celles qui sont liées au compte 703. Or, pour nombre de collectivités locales, les pertes de recettes tarifaires seront plus importantes. En plus, si l'on prend comme référence la moyenne des trois dernières années, il y aura des effets de bord.

M. Roger Karoutchi . - Nul ne conteste la réactivité du Gouvernement : la violence de la crise sanitaire et de la crise économique et sociale nécessite à l'évidence une réaction massive. Mais cela implique aussi que les Français soient psychologiquement prêts. Avez-vous le sentiment que les mesures prises par le Gouvernement et adoptées par le Parlement aient rétabli la confiance ? Nos concitoyens, qui se demandent s'il y aura un rebond de la crise sanitaire, voire un reconfinement, ne sont-ils pas dans une attitude attentiste peu propice à la consommation ?

M. Philippe Dominati . - Selon les économistes, la baisse de la TVA après la crise financière de 2010 a fait gagner un demi-point de PIB au Royaume-Uni. Vous évoquez souvent la convergence fiscale franco-allemande. Mais, sur une mesure aussi efficace que la baisse temporaire, jusqu'au 31 décembre, de la TVA, il n'y en a aucune ! Mme Merkel, qui ne passe pas précisément pour une dépensière, pense à la relance de la consommation.

Qui paie la TVA ? Le consommateur ! Or il suffira de traverser le Rhin pour payer 4 points de TVA de moins sur le même produit. Nos commerçants seront pénalisés.

Le chiffre de 25 milliards d'euros, que vous avancez, représente le triple de ce qui a été versé à Air France. Les Français ont le sentiment qu'il y a des aides sectorielles ou des mesures telles que la prime à la casse ou à l'économie verte, mais que rien n'est fait pour les contribuables qui consomment - sauf quand c'est l'État qui choisit ce qu'ils consomment...

M. Jean-François Husson . - Sur la participation à hauteur de 50 % à l'acquisition des masques par les collectivités, on a d'abord parlé de la date de commande, puis de la date de facturation. C'est kafkaïen. L'État doit participer quelle que soit la date d'acquisition jusqu'au 1 er juin.

Quels mécanismes comptez-vous utiliser pour mobiliser l'épargne disponible des Français, qui est effectivement abondante, au service du redressement du pays ?

Nos concitoyens ont des doutes sur la volonté affichée du Gouvernement de mettre en oeuvre une politique qui prenne en compte les préoccupations environnementales. Voilà quelques mois, vous n'entendiez pas nos appels en la matière. Aujourd'hui, vous donnez l'impression de faire volte-face.

Nombre d'acteurs économiques craignent les pertes de recettes liées à la crise du Covid-19 ou les fermetures administratives. Avec le soutien de plus de 150 collègues, j'ai déposé une proposition de loi visant à associer l'État et les assureurs sur un dispositif permettant de faire face à des épisodes comme celui que nous connaissons aujourd'hui. Je n'ai pas bien compris la position du Gouvernement sur ce texte, que le Sénat a adopté à l'unanimité. Je participe également au groupe de travail sur les risques exceptionnels que vous avez mis en place à Bercy. Nous devons créer un climat de confiance. La réflexion en cours a, me semble-t-il, l'avantage d'associer l'État et les acteurs économiques.

M. Éric Bocquet . - J'aurais tendance à nuancer le portrait quelque peu idyllique que M. le ministre dresse du monde d'avant janvier 2020. Mais l'heure est à l'urgence économique et sociale.

Vous aviez appelé à la modération en matière de versement de dividendes. Une ordonnance prévoit d'autoriser des reports des assemblées générales des actionnaires au 30 septembre. Cette modération pour le moins souhaitable se prolongera-t-elle au-delà ?

Où en sommes-nous s'agissant de la taxe GAFA, sur laquelle vous avez été très velléitaire voilà quelque temps ?

Vous aviez également annoncé au mois d'avril que vous seriez très vigilants sur l'attribution d'aides publiques à des grandes entreprises ayant des filiales dans les paradis fiscaux. Quels éléments pouvez-vous nous communiquer à cet égard aujourd'hui ?

Mme Nathalie Goulet . - La démarche volontariste qui a été engagée a largement ouvert les vannes de l'argent public. Or nous avons beaucoup de cas de fraude au chômage partiel. Quels contrôles avez-vous mis en place ?

Pourquoi le préfet de l'Orne a-t-il saisi le tribunal administratif contre l'aide directe aux entreprises instituée par le département - c'était d'abord une mesure d'appel - en complément du fonds de solidarité ? Pourquoi les départements ne peuvent-ils pas verser une telle aide, certes relativement modeste, mais bien utile aux entreprises ?

Mme Christine Lavarde . - Le texte exclut Île-de-France Mobilités de l'aide aux autorités organisatrices de transports instituée à l'article 5. Selon la présidente de la région Île-de-France, également présidente de cet établissement, les pertes pour le transport en Île-de-France sont de 2,6 milliards d'euros. Que prévoyez-vous pour aider Île-de-France Mobilités ?

L'exonération de taxe de séjour s'appliquera aussi aux taxes additionnelles. Or une taxe additionnelle dont les recettes sont destinées à la Société du Grand Paris (SGP) a été votée au mois de décembre 2018. Pour cette dernière, la perte serait de 10 millions d'euros si toutes les collectivités franciliennes concernées décidaient d'une exonération. Avez-vous échangé avec elle sur les conséquences d'une telle situation si elle était avérée ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . - Monsieur Dallier, nous ne compensons pas les recettes tarifaires dans ce PLFR. S'agissant des agents à temps non complet, qui sont souvent nombreux dans les services périscolaires ou pour la gestion d'équipements culturels, nous avons apporté des aides sous forme d'indemnités journalières aux collectivités dans le cadre du placement des agents en autorisation spéciale d'absence (ASA). Jacqueline Gourault l'a dit, le PLFR apporte des aides mais ne clôt pas les discussions avec les collectivités.

Sur la question de la taxe de séjour au profit de la SGP, nous veillerons à ce que la SGP ne soit pas handicapée dans son fonctionnement, soit par des mécanismes budgétaires ou de garantie, soit par des formes de compensation en fonction du recours effectif ou non aux dispositions sur l'exonération de taxe de séjour, y compris sur la part additionnelle.

En ce qui concerne Île-de-France Mobilités, la perte est estimée à 2,6 milliards d'euros. Nous avons des discussions sur la réalité de la baisse du versement mobilité dans les mois qui viennent. Sur ces 2,6 milliards d'euros, il y a 1,6 milliard de baisse de recettes tarifaires, y compris liée à des décisions unilatérales de suppression de facturations ou de baisse de tarifs. C'est sur la base de ces éléments que nous devrons débattre avec Île-de-France Mobilités.

M. Georges Patient . - Mes questions concernent les collectivités d'outre-mer.

La première porte sur la compensation par le Gouvernement des pertes de recettes fiscales liées à la crise. Dans le PLFR figurent l'octroi de mer et la taxe sur les carburants, mais pas la taxe sur le tabac. Cela peut porter un préjudice important aux départements d'outre-mer, en particulier à la Réunion.

La seconde porte sur la DSIL. C'est une très bonne chose qu'elle soit augmentée d'un milliard d'euros, mais son fléchage sur les secteurs de la santé et de la transition écologique risque de causer préjudice aux outre-mer, qui ont d'autres besoins - je pense au problème de l'eau aux Antilles et aux infrastructures de base. Une adaptation pourrait-elle être faite pour nos territoires ?

M. Gérard Longuet . - Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir rappelé que le monde d'avant n'était pas un monde catastrophique et que cette tragédie du coronavirus n'est pas, comme le pensent certains, le dernier signal d'alarme tiré par la planète pour son autodéfense. Vous avez fait le choix, qu'ici, au Sénat, notre majorité a souvent approuvé, de soutenir une politique de l'offre pour mettre la production française au niveau de celle de ses compétiteurs.

Je voudrais exprimer deux voeux.

Le premier est que la politique de l'offre soit poursuivie dans le plan de relance et que la fiscalité des investissements et de l'épargne - une vraie réussite de ces trois dernières années - soit maintenue. Il faut nécessairement une gestion optimisée des moyens humains de notre pays, la France étant l'un des pays d'Europe où la durée du travail par habitant est la plus faible, ce qui signifie en contrepartie que les charges pesant sur le travail sont les plus fortes. Il faut poursuivre une politique de l'offre qui ne soit pas sensible à des règlements de comptes de court terme ou à des mécaniques risquant de susciter la défiance. Il faut respecter l'épargne forcée des ménages qui n'ont pas pu consommer pendant trois mois pour entretenir la confiance des Français.

Mon second voeu porte sur les plans sectoriels. Ce qui a été fait pour l'automobile et l'aéronautique est parfaitement pertinent. Ce qui importe, c'est de décarboner notre économie. Le nucléaire fait partie de cet effort, et permet à la France d'être le pays qui émet le moins de tonnes de carbone par habitant pour sa production d'énergie. Le moteur thermique - vous ne l'avez pas écarté - a tous ses droits, car nous devons tenir compte du coût de la décarbonation de notre économie. La CSPE commence à être pesante sur une facture électrique, et les subventions aux voitures électriques sont certes légitimes, mais coûteuses pour le contribuable, alors que d'autres solutions de plus court terme, moins prometteuses mais immédiatement utilisables, doivent être mobilisées.

L'IFI n'est pas un impôt négligeable. Nous pourrions imaginer de l'alléger d'investissements d'économies d'énergie, et donc d'émissions de carbone.

Dernière remarque, sans la construction européenne et sans « l'open bar » de la BCE, nous ne discuterions pas aujourd'hui de la meilleure façon de garantir plus de 300 milliards d'euros de prêts et de nous endetter jusqu'à 120 % du PIB. Je le rappelle à ceux qui ont une attitude sceptique à l'égard de l'Europe.

M. Jean-Marc Gabouty . - Je commencerai, comme notre rapporteur général, par relever des points positifs avant d'aborder des sujets plus préoccupants.

Je voudrais vous féliciter du bon fonctionnement des chaînes de paiement, qu'il s'agisse du fonds de solidarité comme de la prise en charge du chômage partiel, puisque les versements se faisaient en une semaine. Ceux qui au ministère préparent les arrêtés et les décrets devraient s'en inspirer en termes de délai - un clin d'oeil à la demande de notre rapporteur général sur ce sujet !

Nous avons évité le pire à court terme grâce à l'intervention massive de l'État. Les dispositifs mis en place nous ont surtout permis de gagner du temps. Il faut tenir un langage de vérité aux acteurs économiques et aux Français en général. Quand on parle de 460 milliards d'euros, il faut distinguer ce qui est de l'aide directe, qui a des conséquences budgétaires lourdes, de ce qui relève de facilités.

En ce qui concerne la relance, le plus difficile est vraiment devant nous. Nous avons beaucoup trop ralenti dans le secteur public comme dans le secteur privé, au point de mettre en péril même des circuits de première nécessité : on a failli manquer d'emballages pour l'industrie pharmaceutique ou l'industrie agroalimentaire parce que les déchetteries ne fonctionnaient plus. Il faut faire attention à ce redémarrage poussif, car la récession et la croissance répondent à des logiques de spirale : si deux maillons d'une grande chaîne sont rouillés, l'ensemble se trouve grippé. Des secteurs resteront en sous-activité, des reconfigurations d'entreprises seront nécessaires pour s'adapter à des niveaux d'activité moins importants, des filiales à l'étranger de certaines entreprises devront réduire la voilure et des défaillances seront inévitables.

J'entends parler de soutien à l'emploi et d'augmentation du temps de travail. Mais ce qui commande l'emploi, c'est le niveau d'activité. Il faut aussi avoir un langage de vérité sur le chômage : on dit qu'on va perdre 800 000 emplois, mais en réalité on va augmenter le nombre de chômeurs de 3 à 4 millions. Le chômage a déjà augmenté de 1 million de personnes en mars et en avril. On doit dire aux Français que les choses vont être difficiles, qu'il faut se retrousser les manches.

Quel est le meilleur levier pour un plan de relance ? De grands travaux liés à la décarbonation - je pense en particulier au fret ferroviaire - pourraient-ils en faire partie ?

M. Julien Bargeton . - Comment peut-on orienter l'épargne, notamment vers la transition écologique des entreprises ? Pouvez-vous nous en dire plus sur le contour du plan de soutien à nos pépites, les start-up ?

Dans le secteur de la culture, d'autres aides seront-elles annoncées en septembre, notamment à la presse et aux librairies ?

À combien de places correspondent les 200 millions d'euros consacrés à l'hébergement d'urgence ?

Enfin, quel sera le taux de prélèvement ? Le prélèvement à la source, que plus personne ne conteste, permet des adaptations.

M. Jean Bizet . - On s'occupe, et à juste titre, de l'aérien, mais quid des liaisons maritimes transmanche, victimes d'une double peine entre le Covid-19 et les conséquences du Brexit ? Une entreprise comme Brittany Ferries va connaître des difficultés importantes. Quel est le plan national en matière de transport maritime ?

Je voudrais souligner que l'Allemagne renforce actuellement sa compétitivité économique. Car si nous avions, grâce au nucléaire, un avantage en termes de coût de l'énergie, ce pays est en train de baisser drastiquement sa CSPE et d'investir largement dans la filière hydrogène et la 5G. L'Allemagne aura demain le « hub » gazier européen avec Nord Stream 2. N'oublions pas le nucléaire, qui est très important en France.

Il faut également travailler la question de l'extraterritorialité des lois américaines qui handicape beaucoup l'industrie européenne, en particulier française.

Mme Sylvie Vermeillet . - Ma contribution ne sera pas financière. La reprise économique se fait progressivement en France, mais je voudrais vous faire part de mon inquiétude sur un sujet qui me paraît constituer aujourd'hui un frein majeur à la reprise économique : la faiblesse d'accueil des enfants dans les secteurs scolaire et périscolaire. Avez-vous les moyens de faire pression pour que les protocoles d'accueil soient desserrés ?

Les parents qui n'ont pas de solution pour l'accueil de leurs enfants ne peuvent pas aller travailler dans leurs entreprises - des employeurs le comprennent, et d'autres pas du tout. Cette situation génère des difficultés. On constate une sous-activité : c'est du gâchis au regard de toutes les mesures de soutien économique et financier mises en place par le Gouvernement. J'ai le sentiment que notre économie est en train de patiner pour une raison qui ne me semble plus justifiée.

M. Sébastien Meurant . - L'Allemagne avait une dette bien inférieure à la nôtre et avait des excédents, alors que nous gérons les déficits. S'agissant de l'économie décarbonée, ne serait-ce pas le moment de revenir en arrière sur les fermetures de centrales nucléaires et d'arrêter de subventionner massivement d'autres formes d'énergie, notamment l'éolien ? Ces énergies coûtent très cher et leur avantage écologique n'est pas prouvé ; l'Allemagne revient d'ailleurs sur la filière éolienne très largement dépendante de la Chine.

Je regrette que la filière diesel, dans laquelle l'excellence française était mondialement reconnue et où nos constructeurs avaient des atouts compétitifs liés à des décennies de recherche, ait été condamnée avant même que la filière des batteries n'ait été créée.

Pour terminer sur un point positif, je me réjouis que l'État ait été capable de sauver les meubles grâce à une ouverture de chéquier rendue possible par l'Europe et l'euro. Combien de temps cela va-t-il durer ?

La clé pour régler une dette, c'est la croissance. Il faut absolument que l'État ait un message clair dans tous les domaines, notamment économique et sanitaire, pour que les Français reprennent confiance.

M. Bruno Le Maire, ministre . - Monsieur le président, je vais essayer d'être concis, même si la qualité des questions appelle des réponses précises.

Monsieur Dallier, vous m'avez interrogé sur l'emploi de l'épargne des Français. Y a-t-il davantage d'épargne de précaution aujourd'hui qu'en temps habituel ? La réponse est clairement oui. Je confirme le chiffre donné par Albéric de Montgolfier : nous devrions arriver à 100 milliards d'euros d'épargne supplémentaires d'ici à la fin de l'année, alors que nous avons déjà un taux d'épargne très élevé. Le montant des dépôts sur le Livret A au mois d'avril était de 7 milliards d'euros, contre 3 milliards d'euros en temps ordinaire.

La confiance, elle ne se décrète pas. C'est la clarté et la constance de la politique économique du Gouvernement qui permettra de rétablir la confiance des ménages. Je crois non pas au changement de pied tous les quatre matins, mais à la stabilité des politiques et du ministre de l'économie et des finances dans ses fonctions - ce n'est pas usuel sous la V e République.

Sur la situation des banques et le risque bancaire, je partage votre évaluation. Avec un tel montant de prêts, même garantis par l'État, il y a un risque que l'augmentation des défauts et des faillites conduise à des difficultés de remboursement des prêts bancaires. L'idée de constituer une bad bank , pour reprendre les termes de la BCE, revient à sortir les prêts en défaut du bilan des banques : c'est ce qui avait été fait après la crise financière de 2008. Nous ne sommes pas dans la même situation pour le moment, car les banques ont été renforcées, mais on peut envisager cette option pour certaines banques qui seraient fragilisées. Je le dis à tous ceux qui tapent contre les banques : ils font une erreur. En cette période de crise, avoir des banques solides est probablement un des atouts majeurs que la France a à sa disposition, y compris par rapport à notre grand voisin allemand, pour surmonter cette crise.

M. Karoutchi m'a interrogé sur le rétablissement de la confiance. Je le redis, c'est la constance et la stabilité qui permettront de rétablir la confiance des Français. Je confirme ma volonté de ne pas baisser la garde sur un certain nombre de mesures d'offre qui permettent justement de rétablir cette confiance.

Monsieur Dominati, vous défendez avec beaucoup de talent votre proposition sur la TVA que j'ai étudiée avec beaucoup d'attention. Le problème économique français est un problème d'offre. Notre offre, et les biens que nous produisons, ne sont pas encore assez compétitifs, n'intègrent pas assez d'innovation et de nouvelles technologies pour justifier d'être vendus à un prix plus élevé et donc de créer du profit pour les entreprises et des emplois pour les Français. C'est ce problème stratégique que je souhaite parvenir à régler dans les années qui viennent. Il faut améliorer la qualité de l'offre française par de l'investissement dans l'innovation et les nouvelles technologies et par la formation des salariés.

Quant à la consommation, nous la soutenons, notamment avec un dispositif de chômage partiel qui est le plus généreux de tous les pays européens, y compris l'Allemagne. Le taux de remboursement des salariés est plus élevé que celui des salariés allemands. Cela nous coûte quelques milliards d'euros : je ne peux pas payer deux fois, en finançant en plus une baisse de la TVA.

Parce que les situations de l'Allemagne et de la France sont différentes, il est logique que l'Allemagne baisse temporairement son taux de TVA. On comprend cette décision quand on voit le vieillissement de la population de ce pays, le système de chômage partiel moins généreux que le nôtre mis en place et par le fait que l'économie soit exportatrice.

Comme nous avons, pour notre part, une économie importatrice, que nous avons dépensé beaucoup d'argent pour le remboursement du chômage partiel et que notre épargne est abondante, la baisse de la TVA ne me paraît pas la bonne solution.

Quant à la comparaison avec les 7 milliards d'euros d'Air France, je rappelle qu'il s'agit non pas de dépense budgétaire, mais d'un prêt garanti par l'État.

Monsieur Husson, vous avez évoqué le verdissement de la politique économique. C'est le choix stratégique de la relance : nous voulons une relance verte parce que c'est une attente forte des Français autour de laquelle nous pouvons nous rassembler et parce que cette orientation doit être le juge arbitre de toutes les décisions de politique économique.

S'agissant des garanties du Trésor, je ne donnerai plus de garanties pour les exportations sur des produits ou des activités « charbon ». Nous allons nous attacher à verdir les garanties à l'exportation du Trésor public. Idem pour la rénovation énergétique des bâtiments, avec le grand projet de relance, qui concernera les territoires et qui nous permettra de réduire les émissions de CO 2 : cette orientation est positive, à la fois, pour l'activité économique, les travaux publics et le climat, car les bâtiments sont l'une des principales sources d'émission de carbone dans notre pays.

Je rejoins votre propos sur les assureurs : il est indispensable que soit mise en oeuvre le plus rapidement possible une couverture du risque de pandémie.

Monsieur Bocquet, je vous confirme que les grandes entreprises qui veulent bénéficier des prêts garantis par l'État ou de l'exonération de charges ne doivent pas avoir de présence économique dans les paradis fiscaux - cette condition est systématiquement vérifiée. Elles doivent s'engager à ne pas verser de dividendes. Je constate d'ailleurs que les dividendes annoncés ou versés en France ont diminué de 40 % par rapport à 2019 pour les entreprises cotées.

La taxe GAFA est un enjeu absolument stratégique pour le XXI e siècle. Qui sont les grands gagnants de cette crise économique ? Les géants du numérique. Pour autant, ces très grandes multinationales, qui sont parfois en position monopolistique, continuent à payer des impôts dérisoires. Je ne compte pas abandonner ce combat pour une juste taxation des activités du numérique.

La négociation à l'OCDE montre qu'une immense majorité d'États veulent cette taxation numérique et sont prêts, si jamais il n'y a pas d'accord international, à mettre en oeuvre une taxe au niveau national, comme la France l'a fait. Notre pays a ouvert la voie et peut être fier d'avoir défendu un modèle de taxation du numérique plus juste et plus efficace.

Pouvons-nous parvenir à un accord à l'OCDE d'ici à la fin de l'année 2020 ? La réponse est oui ! Nous ne parviendrons pas à un accord global, mais on aura au moins une taxation minimale concentrée sur les activités numériques des géants du digital. Il nous reste à convaincre les États-Unis, le dernier État qui bloque l'accord - tous les autres se sont ralliés à cette proposition. Je suis en discussion étroite avec le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, pour le convaincre de franchir cette première étape.

La France a toujours été très claire : nous privilégions un accord international à l'OCDE, qui nous permettrait de bâtir la fiscalité du XXI e siècle avec - premier pilier - une taxation des activités numériques et - second pilier - une taxation minimale à l'impôt sur les sociétés pour éviter l'optimisation fiscale des grandes multinationales. Tout cela est à portée de main.

Si nous n'arrivons pas à un accord international d'ici à la fin de l'année, nous sommes prêts à mettre en oeuvre tout de suite la taxe nationale sur les activités numériques que vous avez votée.

Il est préférable, y compris pour les grandes entreprises du numérique, d'avoir une solution internationale plutôt qu'une multiplication de taxes nationales. Nous allons donc poursuivre ce combat de justice et d'efficacité fiscale. Quoi qu'il arrive, les géants du numérique paieront ce qu'ils doivent comme impôts, comme n'importe quelle autre entreprise, en 2020 en France.

Madame Goulet, j'ai déjà répondu à la question sur les moyens de contrôle. Sur la fraude au chômage partiel, Muriel Pénicaud a indiqué qu'elle suivait ce dossier de près. La moindre fraude n'est pas acceptable.

Madame Lavarde, sur les transports en Île-de-France, Olivier Dussopt vous a répondu, mais Valérie Pécresse nous a saisis à juste titre de ce sujet.

Monsieur Patient, sur les départements et territoires d'outre-mer, nous allons transmettre votre question aux services d'Olivier Dussopt et de Gérald Darmanin pour vous apporter une réponse écrite.

Monsieur Longuet, je vais exaucer vos deux voeux.

D'abord, oui, il faut maintenir une politique de l'offre, même si cela n'exclut pas des mesures complémentaires sur la demande, que Philippe Dominati appelle de ses voeux. Ce qui doit structurer notre politique économique, c'est l'amélioration de l'offre française qui, sur le long terme, nous permettra de rester une grande nation économique. Cette voie est plus difficile et plus exigeante, parce qu'elle exige des transformations très concrètes.

Prenons l'exemple du moteur thermique, qui nécessite des centaines de pièces et donc tout un écosystème - PME, sous-traitants, fondeurs, ouvriers qui travaillent dans le décolletage dans la vallée de l'Arve. La solution de facilité serait de ne toucher à rien. Mais si on investit massivement dans le moteur thermique, l'industrie automobile française sera morte dans cinq ou dix ans, parce que nos concitoyens exigeront, notamment dans les métropoles mais peut-être aussi rapidement dans les campagnes quand il y aura un marché de l'occasion et davantage de bornes, des véhicules électriques ou des véhicules hybrides rechargeables. On importera alors tout de l'étranger. Donc, oui, nous investissons sur le moteur électrique et sur la chaîne de traction électrique.

Il existe déjà une usine pilote à Nersac qui travaille sur les batteries. Nous allons ouvrir une usine de production de batteries, qui comptera de 1 000 à 2000 ouvriers d'ici à 2022, dans le nord de la France pour PSA. Renault a rejoint « l'alliance des batteries électriques », pas simplement comme client mais également comme partenaire.

Si le diesel n'est plus l'avenir de l'automobile, il faut changer les lignes de production, et accompagner systématiquement ceux qui travaillent dans ce secteur. Je pense aux fondeurs : un moteur thermique nécessite 70 kilos de pièces de fonderie, contre 4 kilos pour un moteur électrique. Les métiers doivent évoluer.

Rester les deux pieds dans le même sabot en ne changeant rien serait une erreur majeure. Il faut accompagner cette transformation, car c'est ainsi que la France restera une grande puissance économique. Cela suppose effectivement, cher Gérard Longuet, de faire preuve de constance en matière de fiscalité de l'investissement et de l'épargne. C'est dur, car tout le monde veut toucher à la fiscalité, mais la constance sera payante au bout du compte.

Les plans sectoriels constituent un bon exemple de notre volonté de ne pas être dogmatiques : ce n'est pas tout pour le zéro CO2 et rien pour des solutions plus progressives. Dans la prime à la conversion, nous avons gardé les véhicules essence Crit'Air 1 et les véhicules diesel Crit'Air 2 et accordé une prime aux véhicules hybrides rechargeables.

La moyenne d'émission de CO2 d'un véhicule en France est de 120 grammes, contre 20 grammes pour une voiture hybride rechargeable. Certains diront que c'est toujours trop et qu'il faudrait arriver à zéro. Personnellement, je préfère une approche pragmatique, qui va nous permettre d'accélérer la décarbonation, à une approche trop dogmatique.

Sans la BCE, je le confirme, la France et d'autres pays auraient pu se trouver dans une situation comparable à celle de l'Argentine. L'intégration monétaire européenne a sauvé de nombreux États européens, y compris l'Allemagne.

Monsieur Gabouty, je suis tout à fait d'accord avec vous sur les politiques de relance liées à la décarbonation, notamment sur la rénovation thermique. Cela peut être l'un des grands engagements du plan de relance.

Monsieur Bargeton, sur le soutien aux start-up, nous avons mis en place un fonds d'investissement de 1,3 milliard d'euros. S'agissant du soutien aux libraires, que j'ai toujours fortement défendus, nous avons annoncé avec Franck Riester un plan de 42 millions d'euros, dont 36 millions d'euros dans le PLFR 3 et 6 millions en 2021.

Monsieur Bizet, la compétitivité dépendra effectivement de la politique de l'offre et de l'investissement dans quelques secteurs clés : l'hydrogène, la 5G, le stockage des données. Sur tous ces sujets, nous avançons main dans la main avec l'Allemagne  - je pense notamment aux batteries et au projet GAIA-X sur le stockage des données.

Madame Vermeillet, sur l'accueil scolaire des enfants, en tant que père de famille, je partage votre avis. Il est très important que les enfants soient tous bien accueillis à l'école.

Enfin, monsieur Meurant, le nucléaire fait partie du mix énergétique français. L'objectif, c'est que sa part passe à 50 % dans quelques années. Il ne faut jamais oublier, comme vous l'avez dit, que si nous émettons peu de CO 2 en France, c'est parce qu'une grande partie de la production électrique est d'origine nucléaire.

M. Vincent Éblé , président . - Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir répondu aux questions des commissaires, qu'ils aient été présents dans cette salle ou qu'ils aient suivi cette audition en téléconférence.

C. AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES (1er JUILLET 2020)

Réunie le mercredi 1 er juillet 2020, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'audition de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

M. Vincent Éblé , président . - Nous recevons ce matin M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques. M. Pierre Moscovici est accompagné de M. Christian Charpy, président de la première chambre, de Mme Michèle Pappalardo, rapporteure générale, ainsi que des magistrats qui ont préparé les travaux de la Cour.

Ce rapport préliminaire de la Cour, établi en application de l'article 58-3° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), sort en même temps qu'est déposé le rapport du Gouvernement sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques, que nous avons reçu hier soir. Comme l'an dernier, le rapport préliminaire de la Cour est publié conjointement avec son rapport sur la situation de la sécurité sociale. Un débat sur l'orientation de nos finances publiques aura lieu en séance le jeudi 16 juillet prochain.

L'exercice présente cette année un caractère particulier, compte tenu de la chute historique du PIB - 11 % - attendue en 2020 par le Gouvernement, qui amène à repenser la conduite de la politique budgétaire. Par ailleurs, le programme de stabilité présenté en avril 2020 ne faisait mention d'aucune trajectoire prospective de nos finances publiques au-delà de 2020, compte tenu des incertitudes entourant la situation économique. Vous nous direz ce que, sur la base de ses constats, la Cour peut dire de l'état actuel de nos finances publiques mais aussi si elle a mené certaines projections sur leur évolution dans les prochaines années.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes . - Je vous remercie de m'avoir invité à vous présenter aujourd'hui le rapport de la Cour sur la situation et les perspectives des finances publiques. J'ai beaucoup de plaisir à retrouver cette commission, où je suis souvent intervenu dans le cadre d'autres fonctions, en particulier comme ministre de l'économie et des finances et comme Commissaire européen aux affaires économiques et financières. Ce n'est toutefois pas la première fois que je suis auditionné par votre commission depuis que j'ai pris mes fonctions de Premier président de la Cour des comptes. Quelques heures en effet après ma nomination, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) était saisi d'un troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, et a rendu un avis que je vous ai présenté le 10 juin dernier.

L'audition d'aujourd'hui est toutefois la première occasion pour moi depuis ma prise de fonction d'intervenir devant vous pour vous présenter un rapport de la Cour des comptes.

Sont présents à mes côtés, outre les personnalités que vous avez mentionnées, Jean-Pierre Laboureix, président de section, ainsi que les trois membres de l'équipe de rapporteurs ayant réalisé le travail qui nous réunit aujourd'hui, Nicolas Carnot, Vladimir Borgy et Vianney Bourquard. Je salue également la présence de Jean-Pierre Viola, président de section à la sixième chambre.

Le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques est établi, je le rappelle, dans le cadre de la LOLF et de la mission d'assistance au Parlement qui nous est confiée par la Constitution. Je suis extrêmement attaché à cette mission et, plus généralement, aux liens étroits qui unissent notre institution à la représentation nationale. Cet attachement n'est pas uniquement lié à ma sensibilité d'ancien parlementaire et d'élu local, mais aussi aux convictions d'un Premier président attentif à l'équilibre des pouvoirs et à la coopération fructueuse entre acteurs institutionnels. La Cour des comptes, par ses travaux, entend éclairer la décision publique, et non s'y substituer, et nourrir le débat démocratique, et non le saturer. La place qu'elle occupe, à équidistance du Parlement et du Gouvernement, est à cet égard tout à fait singulière dans la République. Soyez donc assurés, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs : j'attacherai à la relation qui nous unit une attention particulière, et même prioritaire.

Ma présidence débute dans un contexte absolument inédit, celui d'une crise majeure et multidimensionnelle, qui a durement touché nos concitoyens, frappé de plein fouet notre économie et qui marquera durablement le paysage de nos finances publiques.

Par conséquent, cette année, l'exercice de présentation de cette production attendue de la Cour, un exercice rituel que vous connaissez bien, sera profondément différent.

Tout d'abord, les modalités de préparation du rapport ont dû être adaptées. Il a en effet été élaboré en plein contexte d'urgence sanitaire, avec des hypothèses macroéconomiques et des prévisions de finances publiques plusieurs fois révisées, amenant le Gouvernement à présenter trois projets de loi de finances rectificative en moins de trois mois, au fur et à mesure du déroulement des évènements, et avec des administrations mobilisées par la gestion de la crise. Face à cette situation extrêmement évolutive, nous avons analysé les informations disponibles au 25 juin 2020.

Le contenu lui-même du rapport s'est ensuite adapté à la crise. Nos analyses sur les perspectives portent d'ordinaire sur les projections du programme de stabilité. Cette année et de manière inédite, celui de la France ne présente pas de scénario au-delà de 2020. En l'absence de prévision du Gouvernement, nous avons centré nos analyses sur l'enjeu décisif de soutenabilité de la dette publique. Lors de ma précédente audition, en tant que président du Haut Conseil, j'avais indiqué que la dette devait être un jour remboursée et que la situation actuelle appelait une vigilance et une intelligence collectives. J'y reviendrai plus en détail dans un instant dans le cadre de ce rapport de la Cour.

Nous nous sommes ainsi efforcés de remplir au mieux notre mission malgré les circonstances. Je tiens à remercier devant vous l'équipe de rapporteurs pour leur travail.

Notre rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques est cette année entièrement tourné vers les conséquences de la crise majeure que nous traversons.

Il est traversé par trois questions, qui en constituent les différents volets. Dans quelles conditions et avec quelles marges de manoeuvre financières la France a-t-elle abordé ce choc ? Quelle est l'ampleur de son impact pour nos finances publiques en 2020 ? Quelles perspectives pouvons-nous dessiner pour l'avenir, notamment pour assurer la soutenabilité de notre dette publique ?

Je vais commencer par la première question, qui correspond à la première partie du rapport, à savoir l'exercice écoulé.

Le constat du rapport est clair, la Cour en a fait le diagnostic depuis plusieurs années, je ne m'y attarderai donc pas trop longuement : en 2019, à la veille de la crise, du point de vue de ses finances publiques, la France ne se trouvait pas dans une position aussi favorable que d'autres États européens pour affronter un tel choc.

Dix ans après la crise financière de 2009, le redressement des finances publiques était encore inachevé.

Ne cédons pas à l'autoflagellation ! La dernière décennie n'a pas été exempte d'efforts budgétaires, notamment en recettes au début de la période. Ceux-ci ont permis à la France de réduire progressivement son déficit public, qui s'élevait à 7,2 % du PIB en 2009, et de sortir de la procédure pour déficit excessif - dont j'ai eu à connaître comme Commissaire européen.

Ces efforts se sont toutefois progressivement essoufflés au fil des ans. Les baisses de prélèvements obligatoires ont succédé aux hausses alors que l'équilibre structurel de nos comptes n'était pas rétabli, et la dépense publique s'est insuffisamment infléchie ; elle a même augmenté de deux points de PIB entre 2007 et 2019. Les objectifs fixés en lois de programmation des finances publiques ont quant à eux été repoussés à plusieurs reprises, et n'ont jamais été atteints.

Le redressement structurel s'est donc ralenti en France. La situation des finances publiques en 2019 en témoigne.

Le déficit public s'établissait à 3 points de PIB, dont 0,9 point lié à l'effet ponctuel de la transformation du crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE) en allègement de cotisations sociales. Il s'élevait en comparaison à 2,3 points en 2018 - ce qui est une marche modeste en période de croissance... Le déficit structurel, quant à lui, n'a pas été réduit et est resté stable à 2,2 points de PIB, demeurant éloigné de l'objectif à moyen terme d'équilibre structurel. Cette situation résulte de deux facteurs : les baisses de prélèvements obligatoires ont été intensifiées à la suite de la crise des gilets jaunes, et la dépense publique a connu dans le même temps une accélération, ce qui n'a pas permis de financer les baisses de recettes.

Je n'entrerai pas ici dans le détail des différents niveaux d'administrations publiques. Le rapport sur les résultats de la sécurité sociale en 2019, également rendu public aujourd'hui, et celui sur les finances publiques locales, qui sera publié le 6 juillet prochain, détailleront pour leur secteur respectif les éléments d'analyse relatifs à l'exercice écoulé.

La situation de nos finances publiques nous distingue au total de certains de nos principaux partenaires de la zone euro. En 2019, notre déficit public était le plus élevé de la zone, supérieur de 2,4 points à la moyenne des États qui la composent. Le Portugal, l'Allemagne ou encore les Pays-Bas affichaient quant à eux des excédents budgétaires.

La France n'a donc pas réussi à maintenir une trajectoire de réduction forte de son déficit public, en dépit d'un contexte conjoncturel assez favorable ces dernières années.

Cette évolution du déficit a conduit à un niveau de dette publique déjà très élevé avant même le déclenchement de la crise sanitaire en 2020.

Depuis la crise de 2009, la France n'a pas engagé une décrue de son endettement. Le ratio de dette sur PIB a ainsi augmenté de plus de 33 points de PIB entre 2007 et 2019, alors que certains de nos partenaires, comme l'Allemagne, les Pays-Bas mais aussi le Portugal et l'Espagne, sont parvenus depuis 2014 à faire baisser leur dette rapportée au PIB. Alors que la dette de l'Allemagne se situait à un niveau proche du nôtre en part de PIB en 2007, elle est revenue en dessous du seuil de 60 % du PIB en 2019, tandis que notre ratio de dette rapportée au PIB n'a cessé d'augmenter pour approcher les 100 %.

Le constat global est donc le suivant : la France fait partie des pays de la zone euro qui ont abordé la crise avec des niveaux de déficit et de dette plus importants que la moyenne de la zone, mais également avec des niveaux de prélèvements obligatoires et de dépense publique élevés. D'autres États s'étaient dotés de marges de manoeuvre plus importantes.

La Cour a plus d'une fois pointé, par le passé, les risques que pouvait faire peser une telle situation en cas de choc économique ou social.

Ce choc s'est matérialisé en 2020 de façon brutale, dans des conditions évidemment totalement imprévisibles et, à proprement parler, extraordinaires.

J'en viens à la deuxième partie du rapport, qui porte sur les conséquences de la crise actuelle sur nos comptes publics en 2020. Elles sont évidemment considérables et entourées d'incertitudes d'une ampleur sans précédent.

D'abord et avant tout sanitaire, cette crise a conduit à restreindre fortement l'activité économique pendant plusieurs semaines et a rapidement entraîné la suspension du Pacte de stabilité et de croissance.

La forte incertitude résultant de la situation sanitaire a conduit à réviser fréquemment les prévisions macroéconomiques et les trajectoires de finances publiques. Trois projets de loi de finances rectificative ont été préparés en trois mois, en intégrant à chaque fois des ajustements très significatifs. Entre la loi de finances initiale et le troisième projet de loi de finances rectificative, les prévisions se sont considérablement modifiées : l'évolution du PIB, prévue en hausse de 1,3 % en volume, est désormais attendue à - 11 % ; le déficit public atteindrait 250 milliards d'euros, contre une prévision initiale de 53,5 milliards d'euros, et la dette publique s'aggraverait de 22 points de PIB.

Ces niveaux sont tout à fait inédits et reflètent les conséquences absolument exceptionnelles de la plus grave crise qu'ait connue la France depuis la Seconde Guerre mondiale.

Les dernières prévisions du Gouvernement estiment ainsi le recul du PIB à 11 % ; je rappelle que ce recul n'a été que de 2,9 % en 2009. Cette hypothèse, que le HCFP a qualifiée de prudente, apparaît également plausible à la Cour. Même, comme le montrent les dernières enquêtes de conjoncture et sauf recrudescence de l'épidémie, la récession pourrait être moins marquée que prévu par le Gouvernement.

Le déficit public s'établirait quant à lui à 11,4 points de PIB. Cette prévision apparaît globalement équilibrée à la Cour.

L'explosion du déficit résulte en majorité de l'effet de la crise sur les recettes publiques, avec une très forte chute des prélèvements obligatoires, à peu près proportionnée à celle du PIB. Cette hypothèse nous paraît raisonnable.

La hausse du déficit public s'explique également par une réponse budgétaire vigoureuse, matérialisée par les mesures exceptionnelles qui ont été adoptées pour lutter contre l'épidémie et soutenir l'économie. Leur coût direct est estimé dans la dernière loi de finances rectificative à 57,5 milliards d'euros, soit 2,6 points de PIB. Il est en grande partie porté par l'État - à hauteur de 63 % - et par les administrations de sécurité sociale.

Alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoyait un déficit de 5,4 milliards d'euros du régime général et du fonds de solidarité vieillesse, il atteindrait 52 milliards d'euros en 2020 selon les dernières prévisions de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

Du fait des mesures d'ampleur adoptées pour limiter les effets de la crise sanitaire sur les acteurs économiques, les dépenses publiques progresseraient de 6,4 points en 2020 par rapport à 2019. Elles représenteraient un niveau inégalé de 63,6 % du PIB.

D'autres mesures de soutien, annoncées ultérieurement, n'ont pas reçu à ce stade de traduction dans une loi financière. Je pense aux dispositifs en faveur des personnels hospitaliers, au plan de soutien au petit commerce ou encore aux annonces récentes relatives à la réforme de l'activité partielle - sans parler, bien sûr, du plan de relance.

Au-delà de ces mesures, le Gouvernement a adopté plusieurs dispositifs de soutien qui n'auraient pas, selon lui, d'effet sur le solde public en 2020. Il a notamment accordé sa garantie pour un très ample programme de prêts aux entreprises et entrepris des opérations de sauvetage d'entreprises par des prises de participations ou des prêts.

Au total, face à cette crise majeure et sans précédent, la France a réagi en acceptant la chute des recettes publiques et en adoptant un plan de soutien considérable pour soutenir les revenus et préserver autant que possible les capacités productives. Pas d'autodénigrement ! Cette approche est en vérité commune aux grandes économies de la planète, et en particulier aux pays de la zone euro. Nos principaux partenaires devraient également connaître en 2020 un recul très marqué de leur activité et une forte dégradation des comptes publics, bien que les niveaux de déficit et de dette atteints dépendent aussi de la situation de leurs finances publiques à la veille du choc.

Si la crise a déjà eu pour certains de nos concitoyens des conséquences dramatiques, l'essentiel de son coût économique a été transféré sur notre dette publique, la hausse du déficit en 2020 absorbant les trois quarts de la perte de PIB. Notre niveau de dette atteindrait, d'après les dernières prévisions, 120 points de PIB, soit une augmentation de près de 270 milliards d'euros en 2020. En montant, la dette représenterait 40 000 euros par Français. Ce n'est pas anodin ! Les conséquences de cette crise sur les finances publiques de la France sont absolument considérables.

J'en arrive à la troisième partie du rapport, qui examine les évolutions possibles des finances publiques au cours de la prochaine décennie, et je le fais avec une analyse centrale : la soutenabilité de la dette constitue plus que jamais un enjeu essentiel.

D'ordinaire, la Cour analyse les projections à moyen terme du programme de stabilité. Il n'y a pas eu de telles projections cette année.

Dans ce contexte, la Cour a innové et envisage trois scénarios. Ces derniers n'ont pas vocation à constituer des prévisions mais simplement à illustrer différentes trajectoires possibles en fonction d'hypothèses d'évolution de la croissance. Le premier scénario, dit de rattrapage, prévoit que le PIB revient à sa trajectoire d'avant-crise au bout de quelques années. Dans le deuxième scénario, dit de perte limitée, le PIB ne rattrape pas intégralement le terrain perdu pendant la crise, mais suit une tendance de croissance identique à celle d'avant-crise. Dans le troisième scénario, celui de faiblesse persistante, le niveau et le taux de croissance du PIB diminuent de manière durable par rapport à ceux observés avant la crise.

Ces trois évolutions se distinguent par l'ampleur du rebond de l'activité après 2020 et par le degré de récupération de l'économie à court et moyen terme. Je vais les détailler.

Dans le scénario de rattrapage, le PIB connaît un net rebond à partir de 2020 et le déficit se réduit rapidement vers un niveau proche de 2 %. Ce scénario s'appuie sur l'hypothèse que la croissance potentielle ne serait pas affectée par le choc, notamment grâce aux dispositifs de soutien adoptés.

Je précise d'emblée que, malgré la nature particulière de la crise sanitaire, cette hypothèse nous paraît optimiste. En effet, plusieurs facteurs, comme les faillites d'entreprise ou les conséquences différées de la crise du Covid-19 sur le marché du travail, peuvent amputer les capacités de production. Il apparaît donc plus vraisemblable que la crise laissera sur nos capacités économiques des séquelles durables, avec un impact persistant sur les ressources publiques.

Dans le deuxième scénario, de perte limitée - le plus central - la croissance potentielle ne serait pas non plus altérée par la crise mais le rebond du PIB serait moins marqué à court terme et les pertes ne seraient pas intégralement rattrapées. Le niveau du PIB resterait alors durablement inférieur à celui qui aurait prévalu en l'absence de crise, représentant environ deux années et demie de croissance perdues du fait du choc - comme le dit la Banque de France. Le rééquilibrage des comptes publics serait un peu plus lent et incomplet, avec un déficit public qui resterait supérieur à 4 points de PIB.

Le troisième scénario, de faiblesse persistante, s'appuie sur un rebond encore plus modéré de l'activité au sortir de la crise et sur un potentiel de croissance durablement réduit. Le déficit resterait élevé, revenant à peine sous 6 % du PIB au milieu des années 2020.

Pour chacun des scénarios, les trajectoires de croissance et de déficit ont un impact direct sur la trajectoire de la dette. Ainsi, dans l'hypothèse d'un rattrapage, la dette baisserait rapidement en part de PIB, puis de façon plus graduelle. Le ratio de dette resterait encore, dix ans après la crise, supérieur à 100 points de PIB. Dans le scénario de perte limitée, ce ratio serait maintenu un peu au-dessus de 115 points de PIB à horizon 2030. Enfin, dans le scénario de faiblesse persistante, la dette augmenterait de façon quasi continue, atteignant 140 points de PIB en 2030.

Ces trois options ne recouvrent naturellement pas tout le champ des possibles mais elles nous apportent plusieurs enseignements. En premier lieu, la convalescence des finances publiques sera, dans le meilleur des cas, progressive. En second lieu, même dans le scénario le plus favorable, la dette ne reviendrait pas à l'horizon 2030 à son niveau d'avant-crise.

Sans céder au catastrophisme, la soutenabilité de la dette sera donc, dans les prochaines années, un enjeu décisif pour les finances publiques. Il serait en effet imprudent de tabler seulement sur la croissance pour maîtriser notre trajectoire d'endettement. Un tel choix nous exposerait à terme à des difficultés majeures en cas de remontée des taux. Certes, la dette de la France se finance aujourd'hui de façon satisfaisante : l'action conduite par la Banque centrale européenne (BCE), le niveau des taux d'intérêt, la perspective d'une initiative d'endettement à l'échelle européenne, la qualité de la signature de la France y contribuent.

Il serait tentant, dans ce contexte, de s'en remettre à l'insouciante formule de Balzac dans sa pièce de théâtre Le Faiseur : « Est-il un seul État en Europe qui n'ait ses dettes ? ». Il n'en demeure pas moins qu'une dette doit in fine être remboursée et que réduire notre dette publique est nécessaire à la fois pour restaurer des marges d'action face à de nouveaux chocs et pour renouer avec une trajectoire plus proche de celle de nos partenaires de la zone euro.

Pas de pessimisme, donc, mais du pragmatisme. L'expérience d'autres pays, et de la France dans un passé plus lointain, nous montre qu'il est possible de réduire le poids de la dette sans peser durablement sur la croissance.

C'est le défi qui nous attend dans les prochaines années.

La France doit donc désormais fixer les principes d'une stratégie de redressement de ses finances publiques. Cette dernière s'inscrit dans un cadre européen que je connais bien et qui fait aujourd'hui l'objet de réflexions portant sur l'évolution du Pacte de stabilité et de croissance après la crise sanitaire, dont il est question de faire un instrument plus simple et plus lisible, et autorisant des actions contracycliques.

Au niveau national, cette stratégie devra s'insérer dans un horizon pluriannuel adapté.

Dans l'immédiat, la priorité va évidemment à la maîtrise de la situation sanitaire et au redémarrage de l'activité. Il apparaît à cet égard essentiel, pour soutenir l'économie, de privilégier des mesures de soutien temporaires et ciblées qui favorisent le potentiel de croissance. Certaines actions de relance pourraient être financées par une initiative européenne, si elle venait à se matérialiser, plutôt que par un recours à l'endettement national.

Ensuite, il faudra nous inscrire dans un rythme soutenu mais régulier de redressement des finances publiques. Je l'ai déjà dit, je crois au sérieux, mais pas à l'austérité. Cet effort ne devra donc pas être trop brutal en sortie de crise, afin de ne surtout pas infléchir la reprise, mais il importe en revanche qu'il s'inscrive dans la durée. Une nouvelle loi de programmation des finances publiques constitue le vecteur le plus approprié pour porter cette stratégie de moyen terme. Il importe qu'elle soit rapidement présentée afin de fixer cette orientation. La perspective qu'elle tracera devra s'appuyer sur des hypothèses économiques réalistes, sur la base desquelles la programmation pluriannuelle pourra fixer des objectifs crédibles de progression de la dépense publique.

Enfin, la stratégie de redressement des comptes publics aura pour piliers non seulement la soutenabilité de la dette mais aussi la qualité de la dépense publique.

L'évolution, en toute hypothèse durable, de nos finances publiques appellera un effort de hiérarchisation des priorités politiques, notamment par des revues de dépenses plus substantielles que par le passé et au bénéfice des dépenses jugées prioritaires, et dont l'efficacité a été démontrée.

Elle implique aussi une amélioration de leur efficience, pour dégager des marges de manoeuvre sans sacrifier la qualité de nos services publics. Si de nouvelles baisses de prélèvements obligatoires devaient être envisagées, comme certains le souhaitent, elles devraient s'accompagner de hausses d'autres prélèvements ou de suppression de niches, ou bien trouver leur contrepartie dans de nouveaux efforts de maîtrise de la dépense.

Le réexamen de la qualité de la dépense publique devra cependant, et ce point est à mes yeux très important, préserver l'investissement public. Lorsque ses bénéfices socio-économiques sont démontrés, celui-ci constitue en effet un puissant vecteur de croissance. Cette orientation nous permettra par exemple d'accompagner davantage la transition écologique ou de renforcer notre dispositif de santé, mais elle suppose que soient respectés deux prérequis. Le premier, c'est que les autres dépenses publiques fassent l'objet d'un effort accru de maîtrise. Le second, c'est que les décisions d'investissement soient mieux éclairées, c'est-à-dire que leur efficacité et leur pertinence socio-économique soient davantage prises en compte dans les choix arrêtés.

Sur ce dernier point, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur la Cour. J'aurai en effet à coeur, lors de ma présidence, de développer nos capacités d'évaluation et notre dimension prospective et comparative. Cette expertise renforcée, je souhaite la mettre à votre disposition, à celle du Gouvernement et à celle du citoyen, pour aider, à notre niveau, à construire le futur paysage des finances publiques de notre pays.

Si je devais résumer notre rapport et l'ensemble de mon propos, cela tiendrait en trois mots : le passé, le présent et l'avenir. Le passé, c'est le redressement inachevé des finances publiques à la veille de la crise, notamment par rapport à certains autres États européens. Le présent, c'est le choc considérable que subit notre économie et qui se répercute durement et durablement sur nos comptes publics. L'avenir, c'est la sortie progressive de crise, c'est la trajectoire de retour à l'équilibre de nos finances publiques, c'est la soutenabilité de notre dette et la qualité de notre dépense publique.

Nous vous avons présenté les orientations de la Cour pour retrouver la maîtrise de notre endettement dans les années à venir : nous les avons voulues équilibrées et réalistes, attentives bien sûr aux risques d'une dette non maîtrisée mais totalement conscientes de la nécessité de favoriser la croissance après la crise éprouvante que notre pays traverse. Je n'ai pas voulu que la Cour se tienne en dehors de la société. Elle doit en repérer les fractures, selon la boussole qui est la sienne : la bonne gestion des finances publiques.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Merci pour ce rapport, dont j'ai beaucoup apprécié la tonalité, et qui est largement centré sur la dette, qui nous préoccupe aussi beaucoup. Avant 2008, la France et l'Allemagne étaient au même niveau d'endettement, autour de 60 % du PIB. Elles ont divergé ensuite. Le Gouvernement a annoncé un plan de relance en septembre. Comment sera-t-il financé ? Vous écrivez, en page 14  que ces mesures complémentaires « devraient désormais (...) ne pas être financées par de la dette ». Faudra-t-il les financer par des économies ? N'est-ce pas contradictoire avec l'idée même d'un plan de relance ?

Je partage l'analyse de la Cour des comptes sur la nécessité de préserver l'investissement public. Nous pourrions d'ailleurs privilégier les investissements dans des projets qui sont déjà prêts. Or, selon vous, cela suppose « des efforts d'économies accrus sur le reste des finances publiques ». Contrairement à d'autres éditions du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour est toutefois silencieuse sur les leviers d'économies qu'elle considère comme prioritaires. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les catégories de dépenses offrant le plus de marges de manoeuvre selon vous ?

D'après la presse, le Gouvernement envisage de cantonner la dette issue de la crise, à hauteur de 100 ou 150 milliards d'euros, et de prolonger la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) jusqu'en 2042. Les mauvais esprits y verront un moyen de faire payer les Français... Est-ce une solution ? Quid des coûts de refinancement ? Il n'y a pas de problème à court terme, mais toute remontée des taux d'intérêts aurait de fortes conséquences, vu les montants en jeu.

M. Vincent Éblé , président . - Dans son rapport, la Cour semble considérer que la totalité de l'effort de redressement des comptes publics doit passer par une maîtrise des dépenses, sans hausse du niveau des prélèvements obligatoires. Pourquoi un tel choix ? N'est-ce pas ignorer les leçons du passé, où des formes de contributions exceptionnelles imposées aux contribuables les plus fortunés ont souvent été mises en oeuvre pour infléchir l'endettement en sortie de crise ?

Dans le scénario économique et budgétaire le plus pessimiste de la Cour, la dette s'élèverait à 140 % du PIB en 2030, mais la charge d'intérêt atteindrait 3 % du PIB - soit un niveau équivalent à 2008, ce qui peut paradoxalement paraître rassurant ! Comment convaincre nos concitoyens de la nécessité de redresser les comptes publics dans ce contexte de taux bas, voire négatifs ?

Vous insistez dans le rapport sur la nécessité de renforcer la bonne application des règles budgétaires, en augmentant ce que vous appelez le coût politique d'un manquement et en renforçant le rôle d'analyse et de pédagogie du HCFP. Pouvez-vous préciser vos idées en la matière ?

M. Yvon Collin . - Dans quelle mesure le Pacte de stabilité pourrait-il faire l'objet d'une révision dans un contexte de chômage de masse et de dette publique élevée ? Est-il soutenable que la dette publique atteigne les 120 % du PIB fin 2020, comme cela est désormais annoncé ? Au plan budgétaire, notre pays compte parmi les plus fragilisés au sein de l'Union européenne. On entend parler du déclassement de la France. Qu'en pensez-vous ?

M. Jean-François Husson . - Sur la dette liée au Covid-19, évoquée par le rapporteur général, considérez-vous que le projet de cantonnement répond aux impératifs de bonne gestion des deniers publics ? Le montant de notre dette est inédit dans l'histoire du pays. Votre rapport souligne que sa soutenabilité constitue désormais un enjeu central. La mutualisation des dettes au niveau européen, si un accord politique est trouvé lors du Conseil, pourrait limiter les risques. Il est temps d'ouvrir un débat sur la dette pour faire bouger les lignes. Que pensez-vous de l'idée selon laquelle il existerait une bonne dette, orientée vers l'investissement de long terme ? Le Japon connaît un endettement de 250 % de son PIB, dont les titres sont majoritairement détenus par ses ressortissants. Quels enseignements pour la France pouvez-vous tirer de l'exemple japonais ?

M. Éric Bocquet . - Monsieur le Premier président de la Cour des comptes, j'ai un peu de mal à suivre votre cheminement au sujet de la dette. Le 17 mai 2012, ministre de l'économie, vous avez dit que « la dette publique est un ennemi ». Le 23 août 2018, commissaire européen, vous avez déclaré : « la dette se vengera si le Gouvernement ne gagne pas la bataille du désendettement ». Enfin, dans le journal L'opinion du 11 juin 2020, vous avez affirmé qu'une « dette publique à 120 % du PIB ne constitue pas en soi une catastrophe », idée que vous reprenez ce matin. Le 10 juin 2020, devant notre commission, vous avez rappelé que la dette ne peut s'évaporer, être totalement mutualisée ou monétisée. Vous rejetez d'emblée l'option d'un nouveau rôle que la BCE pourrait jouer - et qu'elle a déjà commencé à jouer, en fait, depuis 2015, avec sa politique d'assouplissement quantitatif. Cela renvoie à une renégociation des traités mais, justement, l'heure n'est-elle pas venue de poser clairement la question du rôle de la banque centrale, qui n'est pas une banque commerciale, mais la banque qui crée la monnaie pour les États ? Au fond, un État ne rembourse pas ses dettes, il les refinance. L'accroissement de l'endettement de la France risque-t-il d'entraîner une baisse de la notation de notre pays par les agences de notation ?

M. Michel Canevet . - Dans le scénario que vous présentez en page 17, on voit un solde public qui n'est guère meilleur que celui de l'année dernière - même si celui de 2020 n'est pas représentatif. Nous ne pouvons pas espérer avant dix ans une amélioration du solde public dans notre pays. Est-ce tenable ? Pouvons-nous continuer ainsi ? Quelles sont les pistes à suivre pour réaliser des économies et faire rentrer des recettes ?

M. Pierre Moscovici . - Pour la relance, il n'y a pas de mesures magiques ou indolores, il n'y a pas de mesures qui permettent de relancer l'activité sans coût ou sans risque supplémentaire pour les finances publiques. C'est pourquoi il faut surtout avoir des principes directeurs. Les mesures retenues devront être temporaires, pour ne pas grever durablement les finances publiques. Elles devraient être compensées par de vraies économies, sur les dépenses, les niches fiscales ou par des hausses d'impôts. Et les mesures adoptées dans le cadre d'un plan de relance doivent être efficaces et ciblées, car la dette émise pour les financer devra aussi être remboursée. Il est souhaitable, aussi, autant que possible, de financer certaines actions par l'initiative européenne de relance, si elle se confirme, comme je le souhaite, à l'issue du Conseil européen. Il est inutile d'emprunter encore davantage au niveau national.

Sur l'investissement, il n'appartient pas à la Cour de faire des propositions précises sur le choix de tel ou tel projet. Mais nous voulons éclairer la problématique. Actuellement, nos dépenses publiques représentent 63,6 % du PIB. Il ne nous paraît pas dès lors scandaleux de dire qu'il n'y a pas d'austérité, mais qu'il faut rester sérieux. Dans la mesure où il y aurait des investissements à prioriser - on a cité le soutien au système sanitaire ou la transition écologique - il faudra privilégier les dépenses évaluées, et dont l'impact socio-économique et écologique est positif. Et nous devrons être capables de faire des économies sur les autres. Sinon, nous serons confrontés à une forme d'engorgement du système de production français.

Nous ne sommes pas entrés, dans ce rapport, dans la définition de pistes d'économies. Ce n'est pas notre rôle, d'autant que cela n'est possible et envisageable que dans des scénarios qui doivent être fixés par le Gouvernement. Pour autant, la Cour des comptes revient constamment, dans ses rapports, sur cette thématique.

Sur le cantonnement de la dette, certains des éléments qui figurent dans le rapport sur la sécurité sociale peuvent orienter un raisonnement. En réalité, transférer la dette d'une poche des administrations publiques à une autre n'en diminue pas le total ! Le cantonnement est donc une procédure essentiellement formelle, qui ne diminue pas le montant total de la dette. Cela ne signifie pas qu'il est sans effet. Il envoie un signal positif, en confirmant que la dette de crise a bien vocation à être remboursée, intérêts et capital, par une ressource spécifique. Il n'y a donc pas d'évaporation de la dette ou de dette perpétuelle. Le prolongement de la CRDS, qui consiste à prélever 0,5 % de tous les revenus, jusqu'en 2042, permettra de conserver une ressource pour rembourser la dette de crise. Cependant, à côté de ce signal positif, je voudrais marquer une nuance importante. Le remboursement de cette dette de crise se faisant à long terme, il importe d'éviter qu'entre-temps une nouvelle dette se reconstitue au détriment des générations futures. Le cantonnement doit donc être, en quelque sorte, double. Sinon, on fait rouler devant soi une dette qui ne cesse de croître, et on n'améliore pas la dynamique générale. Il faut donc une stratégie globale qui fixe la trajectoire de moyen terme de l'ensemble des finances publiques. N'opposons pas l'idée de la Cour, selon laquelle il faudrait une trajectoire des finances publiques, et le cantonnement de la dette.

Vous avez évoqué l'augmentation des impôts. Ce n'est pas à la Cour de se positionner sur les mesures de redressement qui devraient être décidées, mais à la représentation nationale d'en décider. Et je veillerai au cours de mon mandat à ce que la Cour reste dans le périmètre de ses missions. J'ai suffisamment exercé de fonctions exécutives et législatives pour savoir jusqu'où ne pas aller trop loin ! Indépendance et impartialité sont deux sceaux que je veux apposer à ma présidence.

Néanmoins, nous sommes là pour éclairer les débats. Les efforts de redressement peuvent être globalement de trois ordres : diminuer les dépenses publiques, augmenter les prélèvements obligatoires, ou réduire les dépenses fiscales. La Cour note aussi que le taux de prélèvements obligatoires français est le plus élevé d'Europe, et même le plus élevé parmi les pays de l'OCDE. J'ai eu aussi l'occasion de souligner que l'acceptabilité des prélèvements n'est pas des plus élevées... Et je ne retire rien, monsieur le président, de ce que j'avais dit à l'époque, qui traduisait un sentiment assez populaire. Enfin, de nombreux rapports de la Cour montrent que les dépenses publiques ne sont pas toujours efficaces, et la crise sanitaire n'a pas changé cet état de fait. En tous cas, il faut une cohérence entre la hausse des prélèvements et la maîtrise de la dépense, au sein d'une trajectoire globale de redressement de nos finances publiques.

Le Pacte de stabilité et de croissance, je le connais bien, puisque j'ai eu à en connaître d'un côté, comme ministre des finances, et de l'autre côté, comme commissaire européen en charge de l'économie et des finances. Je le vois maintenant d'un troisième côté, comme Premier président de la Cour des comptes. Mon avis personnel n'a pas changé. Je pense que nous avons besoin de règles dans les finances publiques. Ceux qui pensent qu'on peut s'en passer se trompent. Il faut une boussole, une trajectoire, une cohérence. Mais les règles ne sont pas intangibles pour l'éternité ! Elles se forgent dans un certain contexte, elles doivent évoluer dans un autre contexte et, à l'évidence, nous ne sommes pas dans le contexte du lendemain d'une crise financière qui a donné naissance au Pacte, mais dans une crise sanitaire et économique. D'ailleurs, nous avons du recul sur ce qui s'est passé, et la Commission européenne elle-même a engagé une revue des règles.

Elle tire de cette revue trois leçons : nos règles actuelles sont trop complexes, peu lisibles et ont une tendance procyclique. On peut envisager une réflexion sur les règles pour les rendre plus simples, plus lisibles et plus capables d'être contracycliques - plus intelligentes, en fait. C'est ce que, modestement, j'avais essayé de faire en parlant de flexibilité. Je crois qu'il faut désormais aller plus loin.

Je ne sais pas si vous avez essayé de montrer des contradictions dans mes propos, monsieur Bocquet, mais pour ma part j'y ai vu une très grande constance. Depuis très longtemps, je pense que la dette publique est un facteur de réflexion et depuis très longtemps, je suis persuadé que sa soutenabilité est la question essentielle pour nos finances publiques. Mes jugements peuvent évoluer autour de cette constante, en tenant compte évidemment des circonstances. En 2012, les taux d'intérêt n'étaient pas ceux que nous connaissons aujourd'hui, la capacité d'intervention de la BCE n'était pas la même non plus, il n'était pas question de mutualisation des dettes, la qualité de la signature française n'était pas la même, avec des tensions sur les marchés et des écarts de spreads qui n'existent pas aujourd'hui. Il était donc justifié de parler d'ennemi ou de danger. Quand je dis aujourd'hui que la dette n'est pas catastrophique, je souligne simplement que le contexte est favorable au financement de la dette française. Cela ne nous dispense aucunement d'être très attentifs à ce qui pourrait se passer dans l'hypothèse d'un retournement des taux d'intérêt, qui arrivera un jour. Et nous devons veiller à la crédibilité et à la qualité de la signature de la France.

Je connais les agences de notation, et vous avez peut-être noté qu'une grande agence a marqué une évolution, avec une perspective négative sur la France. Plusieurs facteurs devront être surveillés dans les années qui viennent. D'abord, les efforts de redressement du pays, pour que sa crédibilité globale reste forte. Aujourd'hui, les gens voient dans la France une grande économie, capable de s'adapter. Elle doit le rester ! La relance sera aussi qualitative. Le second facteur, c'est incontestablement notre appartenance à la zone euro et notre arrimage pas trop lointain à l'Allemagne.

Quant à la BCE, Mario Draghi a marqué un changement radical en 2012 avec son « whatever it takes », et élargi de facto la mission de la BCE, en la dotant de nouveaux outils, Quantitative Easing ou taux d'intérêt négatifs, très éloignés des conceptions de ceux qui l'ont imaginée. Pour autant, monsieur Bocquet, le moment où la BCE sera prête à monétiser l'intégralité de la dette n'est pas près d'arriver, et tabler dessus serait une imprudence. Elle fait déjà énormément, et son plan d'urgence pandémie est une mesure extraordinairement puissante, mais il y a aussi une limite, qui est son mandat sur la stabilité des prix, et sa vigilance globale. D'ailleurs, la dette ne s'efface jamais, et finit toujours par se reporter sur quelqu'un. Il faut donc faire confiance à la BCE et à sa présidente Christine Lagarde, sans attendre d'elle qu'elle efface la nécessité d'efforts nationaux et d'une maîtrise de la dette au niveau national.

Bonne dette, mauvaise dette ? Il y a surtout de bons investissements et des moins bons, et l'on peut évaluer cela en fonction de leur utilité socio-économique et écologique. Quant à l'exemple japonais, il ne s'applique pas, car nous n'avons pas les mêmes caractéristiques, démographiques notamment, et nous ne sommes pas une société qui a vocation à s'en tenir à une sorte de stagnation décennale.

M. Jérôme Bascher . - Vous avez parlé de qualité de la dépense publique. Quand on est à 63 % du PIB, on peut aussi parler de quantité ! Au-delà de la partie supplémentaire liée au Covid-19, ce qui est hors normes par rapport au reste de l'Union européenne, ce sont nos dépenses de logement, de défense - choix clairement assumé - et les dépenses sociales. On justifiait ces dernières en soulignant leur rôle de stabilisateur automatique, mais celui-ci n'a pas joué du tout dans cette crise. Notre modèle social, qui suscite l'essentiel de nos dépenses publiques, n'est-il pas obsolète ?

Pourquoi n'avez-vous pas fait de scénario en W ? Il y aura sans doute de la croissance l'an prochain, par simple rebond, mais le nombre des faillites laisse craindre que le redressement ne soit pas au rendez-vous en 2022.

M. Didier Rambaud . - J'ai bien vu ce matin, dans Les Échos , votre phrase soulignant qu'il serait très imprudent de tabler uniquement sur la croissance pour maîtriser la trajectoire de la dette. Vous appelez la représentation nationale au pragmatisme et au réalisme. Je suis très dubitatif. Quelles sont les dépenses publiques sur lesquelles nous pourrons jouer ? Les missions régaliennes sont sanctuarisées ; on sait ce qui nous attend en matière de santé suite à la crise du Covid-19 ; quant au soutien aux collectivités locales, qui va oser y toucher ? L'équation semble impossible à résoudre...

À combien évaluez-vous le niveau d'endettement privé, et quels sont les risques qu'il fait peser sur l'économie ? La Banque de France estime que le taux d'endettement du secteur privé en France atteint 133 % du PIB, contre 100 % en moyenne dans la zone euro.

En 2017, le Gouvernement a tenté de renforcer la fiscalité écologique. Le mouvement des gilets jaunes a montré que cela n'a pas été compris. Faut-il renforcer cette fiscalité ? Si oui, comment ? La création de chèques-carburant, à l'image du chèque-énergie, est-elle une voie ?

M. Vincent Delahaye . - Vous avez dit qu'il fallait mettre fin à la logique d'austérité. Quelle est votre définition de cette logique, et quand a-t-elle été mise en oeuvre en France au cours des vingt dernières années ? Je trouve insuffisants les efforts qui ont été faits. Pensez-vous que la période qui s'ouvre, avec le plan de relance, puis la période préélectorale, puis l'élection présidentielle, soit propice à faire des efforts ? Vous dites qu'il faut hiérarchiser les dépenses, et avez cité trois priorités. Quid de la défense, de la sécurité, de l'éducation, de la culture ? Combien de priorités pensez-vous souhaitable d'avoir ? Pour moi, quand il y a dix priorités, il n'y en a aucune... Vous dites qu'il faut hiérarchiser les investissements, et les prioriser. Pensez-vous que 12 milliards d'euros d'investissements sur 400 milliards d'euros de dépenses en 2019, cela suffise ?

M. Julien Bargeton . - Le rapport de la Cour des comptes évoque dans ses propositions, pour limiter le coût des dépenses de relance, un meilleur ciblage des investissements publics. Peut-on imaginer une évaluation préalable, par un organisme indépendant, de leur rentabilité socio-économique ? Cet organisme pourrait rendre des avis publics. Quelles sont les pratiques de nos partenaires européens sur ce point ? Vous avez évoqué les règles budgétaires européennes. Ne pensez-vous pas que ces règles pourraient intégrer l'urgence climatique ? Les dépenses d'investissements pour la transition écologique devraient être traitées à part. La loi de programmation des finances publiques 2018-2022 a mis en place le nouveau principe budgétaire qui consiste à affecter toute bonne nouvelle en matière de recettes à la baisse du déficit et à la réduction de l'endettement. Quel bilan faites-vous de ce nouveau principe budgétaire ? Que pensez-vous de sa philosophie ? Faut-il le renforcer ? Le rapport propose d'accroître la qualité de la dépense publique. La LOLF comporte une série d'indicateurs, souvent peu lisibles. Ne faudrait-il pas la réformer pour ses vingt ans ?

M. Jean-Marc Gabouty . - Le dispositif mis en place par le Gouvernement, que j'approuve totalement, a placé très largement notre économie sous perfusion, avec des effets d'amortisseur, mais aussi des effets anesthésiants, qui peuvent masquer en partie la violence du choc à un horizon de six mois ou un an. Pensez-vous que les effets structurels sur l'appareil productif aient été correctement pris en compte sur une période un peu plus longue que le court terme ? J'en doute, et la situation actuelle me semble plus belle que celle que nous aurons en fin d'année, en termes d'emploi ou de redémarrage de l'activité. Les rebonds, dans les trois scénarios, ont été prévus assez rapidement, avec un certain optimisme. Je comprends moins, en termes de trajectoire de la dette publique et du solde public, que nous ayons une période 2021-2025 plus favorable que la trajectoire prévue entre 2025 et 2030, puisqu'on prévoit dans les trois scénarios une détérioration sensible du solde public à partir de 2025.

M. Patrice Joly . - Le niveau de la dette privée semble aujourd'hui tout aussi inquiétant que celui de la dette publique. Il y a clairement une résonance entre les deux endettements. Pour financer la dette de l'État, l'épargne importante constituée par les Français peut être mobilisée par des instruments de placement. Quel est l'avis de la Cour des comptes sur la question de l'annulation, au moins partielle, de la dette publique ? Il y a dans le débat public un vrai échange, avec des économistes de haut niveau, et cette question est également évoquée par des économistes appartenant à l'école libérale.

Mme Nathalie Goulet . - Rapporteur sur les engagements financiers, je me réjouis de vous entendre dire que la dette devra être remboursée. Les engagements hors bilan vont flamber avec les projets de loi de finances rectificative que nous venons de voter. Qu'en pensez-vous ? L'économie peut rester faible, et les garanties de l'État pourraient être appelées. J'ai beaucoup travaillé avec vos collègues de la sixième Chambre à une mission sur la fraude sociale. Vous avez parlé de modifier la doctrine de la Cour, avec la volonté de donner au Parlement toutes possibilités de coopération et d'éclairage. Ne pensez-vous pas que, lorsque la Cour émet des réserves plusieurs années de suite, il serait nécessaire d'adopter des mesures contraignantes, afin que les administrations puissent s'améliorer et suivre la direction fixée par la Cour ? Un peu de fermeté ne nuirait pas.

M. Emmanuel Capus . - La dette de l'Unédic, garantie par l'État, devrait doubler en 2020. Il y a actuellement un débat sur l'abandon partiel de la réforme de l'assurance-chômage, qui est tout à fait légitime à l'heure actuelle, compte tenu des mesures spécifiques de soutien adoptées. Cet abandon pourrait encore aggraver la dette de l'Unédic. Quelle stratégie la Cour recommande-t-elle vis-à-vis de cette dette ?

M. Sébastien Meurant . - On a évoqué la situation du Japon, mais celle de la France n'est pas du tout la même : le Japon perd des habitants quand la France en gagne. Du coup, nous connaissons un appauvrissement là où la population s'accroît, je le vois bien dans le département du Val-d'Oise. Notre modèle social est très développé, avec une dépense publique qui représente 60 % du PIB. Peut-être faudrait-il le remettre en cause de fond en comble. Nous sommes encore loin de l'austérité. En tout état de cause, il importe de veiller à la qualité de la dépense publique, en mesurant le retour sur investissement.

M. Pierre Moscovici . - Je ne pourrai répondre à tous, car un certain nombre de questions cherchent à m'entraîner sur un terrain que j'ai connu mais qui ne peut plus être le mien aujourd'hui : je ne peux pas vous dire si le modèle français est obsolète, ou ce qu'il faut penser du cycle électoral et de son rapport aux dépenses publiques... Cela dit, dans le rapport sur les finances publiques locales, nous montrons bien que celles-ci sont moins impactées que les finances sociales ou les finances de l'État. Incontestablement, comme vous le savez, le cycle électoral peut avoir un impact sur les investissements. En effet, l'année prochaine sera une année préélectorale, l'année suivante sera une année électorale et l'année d'après, une année postélectorale !

Il me semble qu'il y a un consensus sur une évolution possible du HCFP. Sa création a constitué un progrès. Depuis, le contexte a changé et s'est européanisé. Or, si l'on compare notre HCFP à ses homologues européens, on constate que ses compétences sont plus étroites, ses missions plus réduites et, surtout, que ses moyens sont terriblement faibles : avec deux équivalents temps plein contre une trentaine en Espagne ou en Italie, ses effectifs ne sont comparables qu'à ceux qu'on observe au Luxembourg ou en Estonie ! Comme je l'ai dit au président Larcher, au président de l'Assemblée nationale et au Premier ministre, si nous voulons associer le citoyen et le Parlement à l'ensemble des prévisions en matière de finances publiques, il faut renforcer le HCFP. Cela ferait gagner en qualité le débat sur les finances publiques, notamment au moment de l'examen des projets de loi de finances.

Les trois scénarios de reprise que nous présentons n'épuisent pas la variété des trajectoires possibles - il y en a bien d'autres - mais ils montrent trois bornes. Au fond, un scénario en W ne serait pas si éloigné du scénario de faiblesse persistante ; en tous cas, il aboutirait au même résultat.

L'investissement ne se résume pas à celui de l'État. Il y a aussi celui des collectivités territoriales, et l'investissement local des opérateurs. Au final, l'investissement public se monte à 88 milliards d'euros, et non à 12 milliards d'euros. Il va de soi que la dette privée et la dette publique sont les deux faces d'une même pièce, et que c'est un sujet de vigilance, auquel la Banque de France est extrêmement attentive : outre la procédure pour déficit excessif, il existe une procédure pour déséquilibre macro-économique.

La fiscalité écologique n'entre pas dans le cadre de ce rapport. Pour toute une série de raisons qui ne tiennent pas à la crise mais à la transition écologique elle-même, nous devrons adapter notre système fiscal. Une initiative européenne se traduirait probablement par un doublement du plafond des ressources propres, ce qui entraînerait la recherche de vraies ressources propres. Il est inimaginable, dans ce contexte, qu'on ne progresse pas dans le sens d'une fiscalité énergétique ou écologique.

M. Bargeton connaît bien la Cour des comptes. Les questions climatiques, énergétiques ou écologiques, peuvent être prises en compte dans la réflexion, mais je ne veux pas aller plus loin à ce stade.

Sur la baisse des dépenses publiques, il n'y a pas de fatalité. Nous connaissons les résistances, les réticences, et les rigidités, mais de nombreux pays, en Europe et hors d'Europe, ont réussi à faire diminuer les dépenses publiques au cours des décennies passées : la Suède dans les années 1990, l'Allemagne dans les années 2000 et, de l'autre côté de l'Atlantique, l'exemple canadien est éloquent. Je ne préconise ni un scénario à la suédoise, ni un scénario à l'allemande, ni un scénario canadien, mais s'interdire, par définition, de toucher à quoi que ce soit, ne me paraît pas non plus une bonne attitude.

Les engagements hors bilan et les garanties permettent de soutenir l'activité sans occasionner de coût immédiat pour les finances publiques. Le Gouvernement a mis en place de nouvelles garanties très indépendantes et qui n'ont un impact que marginal sur le montant total des garanties accordées en loi de finances.

En matière de fraude sociale, un peu de fermeté serait effectivement utile, pour avancer dans la conclusion des chantiers, notamment informatiques, nécessaires à l'amélioration du paiement à bon droit des prestations sociales. Le temps de réalisation est trop long, et la Cour vous suit, madame la sénatrice, dans le souhait d'une fermeté sur les suites - mais celles-ci relèvent des pouvoirs publics.

La dette de l'Unédic fait partie de la dette dite Covid-19. Dans le rapport, nous disons que la reprise de dette de la sécurité sociale par la Cades ne comprend pas celle de l'Unédic. S'il y a cantonnement, cette dette devrait sans doute être examinée, même si elle est portée aujourd'hui par les partenaires sociaux et non par l'État.

Sur l'annulation de la dette, il y a déjà des évolutions significatives. Le rôle de la BCE a évolué, et des mutualisations de dettes publiques sont envisageables, ainsi que des cantonnements. Pour autant, rien de tout cela n'est une annulation de la dette : une dette, in fine , doit toujours être remboursée. Une dette finit toujours par être une charge sur les générations futures : même si elle se déplace, elle se venge toujours. C'est pourquoi la soutenabilité de la dette publique est pour nous un enjeu essentiel, à la fois économique et financier, et profondément lié à l'état d'une société, à ses préférences intergénérationnelles et à ses capacités de développement.

Je ne crois pas que nous soyons condamnés à un développement à la japonaise. La France a de fantastiques ressources. Encore faut-il bien jouer nos atouts ! C'est la responsabilité des pouvoirs publics. Quant à la Cour, elle se tient à votre disposition pour éclairer davantage les choix du Gouvernement. Elle est une juridiction, et doit le rester. Sa fonction de contrôle est éminente, et correspond à son métier historique. Cela dit, évaluer, accompagner, comparer, participer au débat public, ces actions font aussi partie des évolutions déjà engagées par mes prédécesseurs et que je souhaite poursuivre. Nous devons accélérer ces évolutions, en devenant plus réactifs. Déjà, ce rapport a été élaboré rapidement, et est un document novateur, tourné vers l'avenir, en restant centré sur une question unique, qui est celle des conséquences de cette crise. Nous ne donnons pas réponse à tout, mais nous indiquons des repères solides et une trajectoire crédible autour desquels les pouvoirs publics peuvent construire leurs propres décisions et leurs propres schémas.

M. Vincent Éblé , président . - Merci.

II. COMMUNICATION DE M. ALBÉRIC DE MONTGOLFIER, RAPPORTEUR GÉNÉRAL, SUR LA STRATÉGIE À METTRE EN oeUVRE POUR RELANCER L'ÉCONOMIE (16 JUIN 2020)

Réunie le mardi 16 juin 2020, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu une communication de M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général, sur la stratégie à mettre en oeuvre pour relancer l'économie.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - J'ai souhaité évoquer devant vous quelques éléments concernant la stratégie qui devrait être, selon moi, suivie pour relancer l'économie.

Le Gouvernement vient de déposer un troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR 3) qui ne comporte que peu de mesures de relance. Il contient majoritairement des mesures de soutien sectorielles, alors que les dispositifs de relance devraient se faire attendre jusqu'au projet de loi de finances (PLF) pour 2021, à l'automne, pour une adoption définitive à la fin de l'année civile.

Dans un contexte économique particulièrement morose, il importe de définir maintenant une stratégie nationale de relance, prenant la suite du plan de soutien établi par le Gouvernement, qui avait alors le bon timing d'intervention - et nous l'avions soutenu. Il convient ainsi d'aider l'économie à redémarrer, en stimulant la demande et en redonnant confiance à l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des entreprises, des ménages, voire des collectivités locales qui craignent de voir à la fois leurs recettes se réduire et leurs dépenses augmenter. J'ai ainsi rencontré, avec Charles Guené, les ministres Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu la semaine dernière.

Le contexte économique et budgétaire est inquiétant. L'économie française traverse un choc sans précédent en période de paix, qui va durablement peser sur l'activité. Désormais, le Gouvernement prévoit un recul du PIB de 11 %, contre 8 % il y a moins de deux mois - chiffre qui constituait déjà la plus mauvaise performance depuis l'après-guerre. Il s'agit d'une estimation très proche de celles de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de la Banque de France. Les conséquences sur le plan social seront massives. Selon la Banque de France, le taux de chômage atteindrait 11,5 % mi-2021.

Bien sûr, on assiste depuis le 11 mai à une reprise progressive de l'activité, qui a augmenté de 15 points par rapport aux premières semaines de confinement. Mais l'économie française est loin d'avoir retrouvé son niveau de production d'avant-crise : d'après la Banque de France, l'activité instantanée se situe encore 17 % en dessous de son niveau habituel.

Il n'y a donc pas de rebond instantané, la reprise sera lente et progressive. Selon l'OCDE, le PIB de la France se situera au quatrième trimestre encore 7 % en deçà du niveau du quatrième trimestre 2019.

Cela s'explique par la violence de la crise, qui a d'abord constitué un choc d'offre, mais va durablement peser sur les différentes composantes de la demande.

Du côté de la demande interne, la principale inquiétude concerne l'investissement, qui représente 23 % du PIB et dont le recul devrait se situer autour de 20 % d'après les différentes estimations. Je me suis notamment entretenu avec l'Association française des entreprises privées (AFEP) à ce sujet.

Le comportement d'investissement des entreprises, qui représente 14 % du PIB, est généralement attentiste durant les récessions, et il pourrait cette fois reculer de 20 à 25 %. Une stratégie de relance passe donc par l'investissement des entreprises.

L'incertitude devrait également conduire à un fort recul de l'investissement immobilier des ménages, de 20 à 25 %, même s'il existe toujours une forte demande d'investissement immobilier notamment en région parisienne.

Enfin, l'investissement des administrations publiques locales - qui représente 3,5% du PIB - risque d'être pénalisé par le cycle électoral et la baisse des recettes fiscales. D'après la Banque de France, il reculerait de 7,3 % cette année.

Les incertitudes sont fortes sur la consommation des ménages, mais celle-ci devrait un peu mieux résister que l'investissement. Comment seront orientés les 100 milliards d'euros d'épargne de précaution accumulés ? Les ménages vont-ils décaisser cette épargne contrainte pour réaliser les achats qu'ils ont reportés ou bien investir, ou alors vont-ils continuer à thésauriser, du fait de la hausse du chômage et de la forte incertitude sur l'avenir, assez anxiogène ? Une piste intéressante serait d'inciter à injecter cette épargne dans l'économie.

Le commerce extérieur - 31 % du PIB pour les exportations - pèserait marginalement sur l'activité à court terme, le recul des importations étant d'un ordre de grandeur similaire à celui des exportations. Les inquiétudes sont plus fortes à moyen terme, en raison des incertitudes sur le commerce mondial.

Quel est le rôle de la puissance publique - Gouvernement et législateur - pour éviter une spirale négative, et favoriser le rebond ? Nous devons actionner les bons leviers et choisir les bonnes mesures ; la France a peu de marges de manoeuvre. Je n'ai pas manqué de le rappeler au cours de l'examen des dernières lois de finances, la France a continué à s'endetter et à accumuler les déficits, ne laissant pas de marge de manoeuvre en cas de changement brusque de situation - je pensais alors à une crise boursière ou à un choc pétrolier, mais pas à une crise sanitaire...

Nous devons actionner les bons leviers. L'argent public est rare, même si actuellement certains ont l'impression qu'il « tombe du ciel ». Le PLFR 3 prévoit 30 milliards d'euros pour le chômage partiel, et 7 milliards d'euros pour le fonds de solidarité. Avec une prévision de déficit public à 11,4 % et un endettement public qui atteindrait 121 % du PIB, nos marges de manoeuvre sont bien plus réduites que celles de certains de nos voisins européens. Nous en reparlerons demain lors de l'examen de la loi de règlement pour 2019.

Pour stabiliser l'activité, les économistes considèrent qu'il faut que l'accroissement du déficit public soit équivalent à la chute de l'activité. Or ce n'est pas encore le cas : par rapport aux prévisions du PLF pour 2020, le Gouvernement anticipe un recul du déficit de 9,2 points, tandis que l'activité chuterait de 12,3 points. Il manque donc environ 3 points de PIB de soutien public. Cela explique pourquoi la Banque de France estime que 40 % de la perte d'activité liée à la crise resterait en l'état à la charge des entreprises et des ménages - le reste étant absorbé par la puissance publique.

Dès lors, il est indispensable d'amplifier le soutien à l'économie française par la mise en place d'un plan de relance, qui devrait, selon moi, s'élever autour de 2 points de PIB, soit 40 milliards d'euros, en tenant compte des incertitudes sur la reprise d'activité et le plan de relance européen.

Cela nous rapprocherait du niveau des mesures de soutien et de relance mises en oeuvre en Allemagne, qui atteignent au total 5,5 % du PIB, soit plus de 130 milliards d'euros d'après la Bundesbank, contre 2,5 % du PIB en France à l'issue de ce PLFR 3. L'Allemagne connaît un recul du PIB moins fort, mais elle donne davantage de subventions et moins de garanties de prêt. Elle va plus loin pour aider les PME.

Avec un tel état des finances publiques, comment déterminer les mesures les plus efficaces ?

Mon analyse s'est concentrée sur les dispositifs entrant dans le champ de compétence de notre commission, des mesures budgétaires et fiscales et des modes de financement de l'économie. Bien sûr, d'autres politiques devront être mobilisées, avec la question de la relocalisation en France pour retrouver une souveraineté, ou la compétitivité des entreprises. J'ai aussi exclu de mon analyse certains secteurs ayant fait l'objet de mesures de soutien sectorielles, comme le tourisme et la culture, l'aéronautique ou encore l'automobile.

Pour déterminer les mesures les plus efficaces, j'ai appliqué la règle dite « des 3T » : les mesures doivent être prises au moment opportun ( timely ), avoir un caractère temporaire ( temporary ) et être ciblées ( targeted ).

Le plan de relance doit ainsi tenir compte des délais de mise en oeuvre nécessaires pour les mesures retenues. ·Pour que certaines mesures soient efficaces, il faut agir maintenant ; cet automne et cet hiver, il sera trop tard.

Ensuite, la relance doit privilégier des mesures temporaires, permettant de préserver les finances publiques. Il faut éviter les mesures pérennes, difficilement réversibles. Nous avons pu en faire l'expérience avec la baisse de la TVA dans la restauration, considérée ensuite comme un avantage acquis.

Enfin, le plan de relance doit être ciblé en préférant les mesures permettant de soutenir fortement l'activité à court terme, c'est-à-dire celles dont l'effet multiplicateur est le plus élevé, et en soutenant prioritairement les activités les plus pénalisées - automobile, tourisme, services marchands...

Quelles mesures prendre, et avec quel calendrier ? Je ne suis pas d'accord avec le Gouvernement qui veut attendre l'automne. Le chômage partiel coûte très cher. Certes, il était indispensable lorsque l'économie était à l'arrêt, mais désormais il faut relancer la demande et l'investissement. Les restaurateurs veulent des clients, pas être mis « sous perfusion ».

Je trouve incohérent que l'Allemagne annonce la semaine dernière un plan de relance de grande ampleur et que la France attende plusieurs mois, alors même que, d'après l'OCDE, la chute du PIB en France devrait être supérieure de près de 5 points à celle constatée en Allemagne, de moins 6,6 %, en 2020. Les entreprises ont besoin de visibilité pour prendre leurs décisions d'investissement et les mesures seront efficaces si elles peuvent être intégrées le plus vite possible dans les prévisions du second semestre. Il en est de même pour les collectivités territoriales.

J'en viens aux mesures les plus utiles. Certaines pourraient ne pas être traduites par des amendements compte tenu de l'article 40 de la Constitution, mais ces propositions pourraient être reprises par le Gouvernement. Ce sont des priorités ambitieuses, mais non exhaustives - je voulais éviter un inventaire « à la Prévert ».

Tout d'abord, la priorité doit donc être donnée à l'investissement. Il faut ainsi aider les entreprises à se financer et à investir. Comme en 2008, il faut adopter des mesures ayant fait leurs preuves pour préserver la trésorerie, comme le dispositif de carry back , qui permet le report en arrière des déficits au titre de l'impôt sur les sociétés (IS), non plus sur une année, mais sur deux ou trois ans. Certes, le mécanisme est coûteux, mais son efficacité est reconnue. Il faut aider les fournisseurs de l'État en donnant plus d'avances et en payant mieux.

Il est indispensable de soutenir les investissements en fonds propres des entreprises, en particulier les PME. Par exemple, des sous-traitants qui peuvent être oubliés - une blanchisserie pour l'hôtellerie, un sous-traitant portuaire pour des navires se rendant en Grande-Bretagne... - ont besoin d'être soutenus. Nous pourrions renforcer temporairement les avantages des produits d'épargne et de placement des ménages, comme augmenter le taux de réduction d'impôt « Madelin », exonérer de prélèvements sociaux pour les investissements réalisés dans le cadre d'un plan d'épargne en actions dédié aux PME (PEA-PME), moduler l'imposition au prélèvement forfaitaire unique (PFU) des produits issus de l'assurance vie...

Pour inciter les entreprises à investir, on pourrait renforcer temporairement les coefficients d'amortissement généraux applicables au titre de l'impôt sur les sociétés pour les dépenses d'équipements. Le mécanisme de suramortissement pourrait être davantage actionné, par exemple pour inciter à la transition énergétique, en favorisant l'acquisition d'une flotte de camions moins polluants. S'agissant du transport aérien, je préconise de nouveau la mesure que nous avons adoptée en loi de finances initiale pour 2020, avec la création d'un suramortissement pour l'acquisition d'avions neufs émettant moins de dioxyde de carbone que ceux qu'ils remplacent. Cela rend plus rentable l'investissement.

En complément, il serait nécessaire de soutenir l'emploi qui risque d'être très touché par la crise. Les jeunes qui entrent sur le marché du travail, y compris de jeunes diplômés, seront dans une situation dramatique. Il faut mettre en place un dispositif temporaire d'aide à l'embauche dans le secteur marchand. Il faudra aussi réfléchir au temps de travail, mais je sors un peu de mon champ d'intervention...

Seconde priorité, il faut aider les ménages à investir. Certains pays, comme Singapour, délivrent des chèques. Mais à quoi serviraient-ils ? Mieux vaut que ce ne soit pas pour acheter des téléphones étrangers...

Les ménages pourraient ainsi être davantage incités à opérer des travaux dans leurs logements, ce qui apporterait par la même occasion un soutien nécessaire au secteur du BTP, notamment pour la rénovation énergétique des logements. Il faudrait aussi renforcer le budget de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et notamment du programme « Habiter mieux  ».

Il est essentiel de faciliter par ailleurs la transmission entre les générations, afin que les jeunes générations puissent investir. L'abattement applicable pour la perception des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) dans le cadre d'une donation aux petits-enfants pourrait être augmenté, pour le passer de 31 865 euros à 70 000 euros. Vaut-il mieux que l'État perçoive l'intégralité des DMTG dans 20 ans, ou une somme plus limitée mais de façon anticipée maintenant ?

L'investissement public doit également soutenir la reprise économique. Je préconise un plan d'accélération de l'investissement public de 20 milliards d'euros et comprenant cinq grands axes prioritaires : transition écologique et mobilités durables, recherche et innovation, défense et sécurité, patrimoine et territoires.

Conformément aux recommandations de la Cour des comptes dans son analyse des mesures de relance prises après la crise de 2009, le plan comprend essentiellement des projets déjà identifiés et programmés qui mériteraient d'être renforcés et accélérés.

Dans une moindre mesure, car l'impact de la crise est encore incertain sur ce point, il convient de relancer la consommation, prioritairement sur les secteurs les plus touchés par la crise, et éviter la poursuite de la thésaurisation par l'épargne tout comme le soutien à la consommation de biens importés.

D'après l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la consommation des ménages connaît un rebond plus vif en sortie de confinement que l'activité. Certaines dépenses n'ont probablement été que différées. Celles pour les coiffeurs, l'habillement, l'équipement de la maison devraient repartir à la hausse... Il pourrait être utile de soutenir très rapidement la consommation des ménages modestes par un dispositif de bons d'achat ou de chèques loisirs, utilisables dans des secteurs particulièrement touchés. Certaines régions y réfléchissent déjà, et cela favoriserait la consommation de produits ou de services français.

L'utilisation de l'épargne et la transmission entre générations devraient être facilitées. On pourrait prévoir le déblocage exceptionnel et temporaire de l'épargne salariale pour l'achat de certains biens ou la réalisation de certaines prestations, comme des travaux de rénovation énergétique ou l'achat d'un véhicule propre.

Il est également crucial de s'appuyer sur les collectivités locales, acteurs de la reprise. Il serait utile de renforcer temporairement le fonds de compensation de la TVA (FCTVA), en anticipant son versement en 2021, et d'augmenter la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), que prévoit le Gouvernement, et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

En complément, des assouplissements des règles de la commande publique et une renégociation des contrats de plan État-régions (CPER) seraient opportuns.

Enfin, il convient de mobiliser l'ensemble des acteurs - Caisse des dépôts et consignations, BPI France... - afin de pallier les effets de la crise et contribuer à soutenir la relance économique.

Pour pallier les inégalités territoriales, il faudrait investir massivement dans le très haut débit sur l'ensemble du territoire. Près d'un million de prises n'ont pas été débloquées.

En résumé, je propose un plan temporaire, prenant effet le plus rapidement possible, et ciblé sur des secteurs prioritaires. Je présenterai des amendements lors de l'examen du PLFR 3, car nous ne pouvons poursuivre trop les dispositifs de perfusion. Il faut rebondir, en quelque sorte entamer notre rééducation, pour marcher voire courir après notre sortie de l'hôpital, car sinon nous serons en décalage par rapport à nos voisins européens.

Mme Christine Lavarde . - Le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale a proposé un livret centré sur la mobilisation de l'épargne pour la relance de l'économie et notamment la restructuration industrielle à la suite du Covid-19. Cette proposition a été reprise par le délégué général de La République En Marche. Est-elle pertinente ?

Une partie de l'épargne des ménages est plus forcée que volontaire. Pourrons-nous la débloquer ? Personne ne compte aller quinze fois de suite au restaurant pour compenser le fait de ne pas y avoir été pendant trois mois...

À l'heure actuelle, on presserait apparemment les opérateurs publics de réaliser des actions, de faible envergure, pour injecter de l'argent dans les territoires. Mais souvent, ce serait des actions de priorité de rang non pas 1 ou 2, mais 4 ou 5. N'est-il pas dangereux de dilapider l'argent public dans ces projets plutôt que dans des projets structurants ?

M. Julien Bargeton . - Monsieur le rapporteur général, je ne partage pas la tonalité de vos propos, mais nous en débattrons lors de la séance publique. Les plans sectoriels sont extrêmement ambitieux. Les États comparent leurs annonces, mais avons-nous un état comparatif de la consommation réelle des crédits ? Il est facile d'annoncer des milliards d'euros de garanties de prêts ou de subventions, mais qu'en est-il réellement ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'épargne de précaution inclut l'épargne forcée lorsqu'il était impossible de se déplacer et que les commerces étaient fermés. Il n'y a pas de rattrapage instantané, et il n'y aura jamais de rattrapage pour certains achats.

Je m'interroge sur l'opportunité d'un nouveau produit d'épargne. J'avais évoqué avec Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, la possibilité de réorienter le Livret A vers un livret Covid ou un livret santé... Il faut surtout une consommation plus importante, et cela repose sur la confiance.

Monsieur Bargeton, la Bundesbank estime à 5,5 % du PIB l'ensemble des mesures de soutien qui devraient être consommées. En France, nous n'en sommes pas là et les dispositifs de chômage partiel et du fonds de solidarité continuent d'être utilisés. Ce n'est pas très bon signe ; l'économie française reste fortement à l'arrêt.

Je ne critique pas les mesures de soutien sectorielles, importantes. Pour le secteur automobile, le plan est complet. Mais le PLFR 3 ne comprend pas de grande mesure notamment pour favoriser l'investissement des entreprises. Or on ne peut pas attendre l'automne pour des dispositifs comme le suramortissement ou le carry back . Le Gouvernement a fait des efforts pertinents lorsqu'il s'est agi de soutenir nos entreprises au moment où l'économie était quasiment à l'arrêt, mais il faut passer à une autre phase. J'espère que le chômage partiel disparaîtra naturellement et que les Français consommeront.

M. Vincent Éblé , président . - Merci pour cette contribution. Nos travaux se poursuivront sur le sujet.

III. EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 15 juillet 2020, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020.

M. Vincent Éblé , président . - Nous examinons le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) de l'année 2020.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Un quatrième projet de loi de finances rectificative est déjà prévu, mais probablement à la fin de l'année seulement. Le projet de loi de finances et un projet de loi de relance sont annoncés pour l'automne. Ce n'est pas une surprise, car les prévisions de croissance du deuxième PLFR étaient optimistes. Les chiffres de ce troisième PLFR sont donc dégradés par rapport au deuxième.

J'indiquais à Olivier Dussopt que la communication gouvernementale pouvait être améliorée sur le plan de relance. Celui-ci ne peut pas attendre, et nous proposerons des mesures de relance dès ce PLFR. Le Gouvernement a également déposé un rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques (DOFP), qui n'apporte que peu d'informations supplémentaires.

Le scénario de croissance, révisé à la baisse, nous apparaît comme prudent à court terme. La prévision pour 2020, fixée à 1,3 % en loi de finances initiale (LFI), avait été révisée à moins 8 % dans le cadre du deuxième PLFR. Nous en avions signalé le caractère optimiste...

Désormais, le Gouvernement anticipe un recul du PIB de 11 % en 2020 - c'est sans précédent depuis 1944. Vous le voyez sur le graphique, nous nous rapprochons des pires années de notre histoire - 1918, 1940, 1944, durant les guerres.

Selon les principales organisations internationales, la France est l'un des pays qui devraient connaître le plus fort recul du PIB sur l'ensemble de l'exercice 2020, à peu près au même niveau que le Royaume-Uni. Cela nous place parmi les pays d'Europe du Sud, avec l'Espagne, l'Italie et le Portugal, alors que l'Allemagne, la Suède, les Pays-Bas et la Belgique connaissent un recul moins important.

Cela s'explique peut-être par la durée plus longue et l'intensité plus forte des mesures de confinement mises en place dans notre pays : les pays ayant eu un confinement plus fort et plus long connaissent un recul plus important de leur économie. Comment expliquer l'interdiction d'ouvrir pour un fleuriste dans le Lot ? Ne pas régionaliser le confinement a eu des conséquences économiques dramatiques.

L'OCDE et le Fonds monétaire international (FMI) sont plus pessimistes que le Gouvernement, la première tablant sur un recul de 11,4 % du PIB, contre 12,5 % pour le second. Mais ces prévisions ne tiennent pas compte de la réévaluation à la hausse du niveau d'activité pendant le confinement dont ont fait état l'Insee et la Banque de France. L'économie s'est moins arrêtée qu'estimé initialement. Cela conduit à revoir significativement à la baisse la perte d'activité : l'acquis de croissance au premier semestre est ainsi majoré de près de deux points.

La prévision gouvernementale présente désormais un caractère médian, prudent, ainsi que l'a relevé le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dans son avis.

Alors que l'activité s'est déjà redressée de 18 points depuis le point bas atteint au mois d'avril, pour s'établir à -12 % par rapport à sa valeur d'avant crise, il suffirait qu'elle s'améliore de trois points supplémentaires en juillet puis stagne à -9 % jusqu'à la fin de l'année pour que le recul s'établisse à -11 % sur l'ensemble de l'exercice. Autrement dit, la prévision de croissance gouvernementale implique que le rattrapage soit déjà quasiment achevé, ce qui est clairement pessimiste. « Le pire n'est pas toujours sûr », comme le disait Paul Claudel dans le sous-titre du Soulier de satin ... C'est peut-être une bonne surprise en cas de débouclage d'une partie de l'épargne accumulée par les ménages pendant le confinement, estimée à 75 milliards d'euros par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Il y a en plus des marges, car, selon Bruno Le Maire, le surcroît d'épargne atteindrait même 100 milliards d'euros d'après le Gouvernement, et pourrait se diriger vers la consommation.

À l'inverse, l'évolution de la situation sanitaire constitue naturellement le principal aléa baissier. L'apparition de nouveaux clusters , de nouveaux confinements partiels, la reprise de l'épidémie en Asie et en Amérique n'inciteraient pas à la confiance. Or celle-ci est le principal élément déclencheur de dépense de l'épargne.

Pour 2021, le Gouvernement table sur une croissance de 8 %. À la fin de l'exercice, l'activité resterait ainsi inférieure de 3,9 % au niveau atteint en 2019, soit une perte comparable à celle qui a été anticipée par le Consensus Forecasts , la Banque de France et l'OCDE. Le scénario de croissance gouvernemental pour 2021 apparaît donc raisonnable. Mais il faut être vigilant sur l'effet de la crise sur le PIB potentiel.

Le Gouvernement continue de supposer que la crise n'aura aucun effet sur le PIB potentiel, ce qui correspond au scénario de « rattrapage intégral ». Malheureusement, il s'agit d'une hypothèse optimiste, compte tenu de l'ampleur des défaillances d'entreprises et du ralentissement des dispositifs de prêts et de chômage partiel.

La plupart des organisations internationales et des instituts de conjoncture ont retenu une hypothèse plus prudente. La Banque de France table sur une perte définitive de PIB potentiel de l'ordre de 1,5 point, mais considère que la croissance potentielle ne serait en revanche pas affectée. Il serait souhaitable de retenir à l'avenir un scénario plus prudent. Le solde structurel dépend directement de l'écart entre le PIB effectif et le PIB potentiel : plus le PIB est éloigné du PIB potentiel, plus la part du déficit effectif attribuée au cycle économique est importante. Considérer que la crise affecte négativement le PIB potentiel de 1,5 point, à l'image de la Banque de France, majorerait le déficit structurel français de près d'un point de PIB !

Venons-en aux mesures portées par ce troisième PLFR. Il s'agit d'un redimensionnement a minima du plan de soutien existant, dans l'attente du plan de relance.

Le premier PLFR a ouvert le fonds de solidarité, les prêts garantis par l'État (PGE), la vanne du chômage partiel... Le deuxième PLFR a revu les hypothèses de croissance à la baisse et a augmenté les mesures de soutien. Le troisième PLFR dégrade à nouveau les hypothèses de croissance et ajoute encore des crédits pour les mesures de soutien aux entreprises, mais il ne comporte quasiment aucune mesure de relance. Cette situation est atypique à l'échelle internationale - regardez l'Allemagne...

Ce PLFR 3 comprend deux types de mesures : celles qui ont un impact sur le déficit public connaissent une hausse de 15,5 milliards d'euros, principalement à cause du dispositif de chômage partiel. Ce dernier coûtait 24 milliards d'euros dans le deuxième PLFR, il atteint 30,8 milliards d'euros désormais. Le fonds de solidarité passe de 7 à 7,95 milliards d'euros. Des crédits budgétaires sont ouverts pour des plans sectoriels, comme le plan automobile, à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Au total, ces mesures passent de 42 à 57,5 milliards d'euros. Pour le secteur touristique, ce sont principalement des exonérations de charges qui remplacent leur report. Le chômage partiel explique la plupart de l'augmentation de 15,5 milliards d'euros entre le PLFR 2 et le PLFR 3.

D'autres mesures, sans impact immédiat sur le déficit public, sont en hausse de 19,5 milliards d'euros. Ce renforcement tient d'abord à la majoration du coût de trésorerie lié aux reports d'échéances fiscales et sociales, et non au constat de pertes. C'est comme les PGE, qui restent des dépenses virtuelles, sans impact sur le solde.

J'avais dit, lors de l'examen des PLFR 1 et 2, que ce plan de soutien présentait un caractère singulier, confirmé par le PLFR 3. La France figure parmi les pays mobilisant le plus les mesures de soutien sans impact immédiat sur le déficit public. Le Gouvernement communique beaucoup, mais s'il y a 300 milliards d'euros garantis par les PGE, heureusement qu'il ne faudra pas tous les rembourser !

À l'inverse, le montant des mesures ayant un impact sur le déficit public est le plus faible des économies avancées ; la communication est habile.

La semaine dernière, nous déplorions 100 milliards d'euros de déficit, ce qui nous donne un handicap de départ. Le niveau de déficit et d'endettement ne permet pas d'avoir des marges de manoeuvre comme l'Allemagne, qui distribue plus d'argent cash et fait des dépenses fiscales. En France, il y a surtout des mesures de trésorerie et des garanties de prêts. Il faut cependant être prudent dans les comparaisons, car on agglomère ainsi des mesures très différentes, et le calendrier de mise en oeuvre n'est pas le même.

Lorsque le Gouvernement dit qu'il propose des mesures massives, c'est effectivement le cas pour le chômage partiel, mais l'Allemagne donne beaucoup plus à ses PME. Il faut aussi prendre en compte le décalage entre les mesures annoncées et les dépenses effectives. La Bundesbank estime que les mesures de soutien et de relance allemandes auront un impact budgétaire effectif de 5,5 % du PIB en 2020, soit deux fois plus que les mesures françaises. La France est le pays d'Europe - si l'on exclut le Royaume-Uni - pour lequel la chute du PIB anticipée pour 2020 est la plus forte. Or elle a aussi le moins de mesures ayant un impact sur le déficit, faute de marges de manoeuvre budgétaires : nous payons notre imprévision.

Mécaniquement, nous aurons une nouvelle dégradation de la trajectoire budgétaire. Le déficit atteindrait ainsi 11,5 % du PIB en 2020, contre 9,1 % dans la LFR 2, principalement car les recettes budgétaires s'effondrent - et non en raison des dépenses budgétaires. Soyez prudents, chers collègues, si vous êtes tentés de déposer des amendements pour faire baisser la TVA, car cela aura un impact sur les collectivités territoriales. Certes, c'est très tentant, mais nous avons la TVA la plus érodée d'Europe en raison des taux réduits et super réduits, et un taux nominal de 20 %, dans la fourchette basse.

L'endettement augmenterait fortement, et atteindrait 120,9 % du PIB. Gardons deux éléments à l'esprit : d'abord, la majorité de la hausse de l'endettement est liée à l'effet « dénominateur », c'est-à-dire la diminution du PIB, ce qui laisse espérer un reflux significatif en cas de rattrapage. À court terme, la hausse de l'endettement ne devrait pas se traduire par un renchérissement de la charge d'intérêt. Il y a une abondance de liquidités, grâce à la politique de la Banque centrale européenne (BCE), une bonne surprise n'est donc pas à exclure.

Le scénario gouvernemental reste entouré de fortes incertitudes. L'hypothèse de croissance est le principal aléa. Actuellement, les économistes sont autant perdus que les météorologistes... Le déficit de l'État, prévu à 93,1 milliards d'euros par la LFI, devrait atteindre 224,4 milliards d'euros dans le texte adopté par l'Assemblée nationale. Certes, nous n'avons pas eu de décrets d'avance, mais nous avons eu trois PLFR, et le déficit a été multiplié par trois !

Par rapport au PLFR 2, la dégradation du solde est de 39 milliards d'euros, dont 2,3 milliards d'euros ont été ajoutés par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement déposera probablement aussi des amendements de crédits pour favoriser l'emploi des jeunes...

C'est plutôt la baisse de 23,5 milliards d'euros de recettes nettes que l'augmentation des dépenses nettes de 12 milliards d'euros qui explique cette situation, totalement inédite. Au plus fort de la crise de 2009-2010, le déficit n'avait pas dépassé 150 milliards d'euros. Cette année, en trois budgets rectificatifs, il s'est creusé de plus de 130 milliards d'euros. En temps normal, la France devait déjà trouver 220 à 230 milliards d'euros chaque année pour financer à la fois le déficit de l'année et le renouvellement des dettes passées. Avec le surcroît de déficits en 2020, c'est 363,5 milliards d'euros - soit 50 % de plus qu'en 2009 et 2010, années record - que la France devra trouver sur les marchés. L'Agence France Trésor va avoir fort à faire, d'autant que les marchés sont hypersensibles.

Les finances de l'État connaissent une situation hors normes. L'écart entre les recettes et les dépenses est tellement important que les recettes nettes diminuées des prélèvements sur recettes, c'est-à-dire les sommes qui alimentent réellement le budget général, sont 2,2 fois inférieures aux dépenses nettes. Le budget général connaît un déficit supérieur au montant de ses recettes et égal à 55 % de ses dépenses.

Pour comprendre cet écart, je vais vous présenter la contraction historique que connaissent les recettes, avant d'examiner les dépenses. Les recettes fiscales nettes prévues par le PLFR sont inférieures de 65,9 milliards d'euros au niveau prévu en LFI ; c'est presque le niveau du déficit budgétaire de l'État en 2017.

L'impôt sur les sociétés (IS) net ne produirait en 2020 qu'un tiers seulement du produit prévu. On peut s'étonner que le produit de l'impôt sur le revenu reste au même niveau que dans la deuxième loi de finances rectificative du 25 avril.

La diminution de la TVA reflète à peu près les prévisions de baisse du PIB avec une baisse de 15,7 % par rapport à la LFI. La chute des recettes fiscales n'est pas seulement une prévision : on peut déjà la constater en exécution sur les premiers mois de 2020. Vous voyez la comparaison, en données retraitées à périmètre constant, entre les recettes fiscales nettes en 2019 et 2020 ; l'écart cumulé était de 8,3 milliards d'euros dès le mois d'avril, quinze jours après le confinement.

Je m'attarderai quelques instants sur les crédits budgétaires ouverts. Vous trouverez tous les détails dans l'exposé général de mon rapport. Les mesures sont nombreuses pour le soutien de court terme de l'économie, mais quatre mois après le début de la crise, le Gouvernement ne juge toujours pas nécessaire de prendre de véritables mesures de relance. C'est regrettable.

Les ouvertures de crédits sont de 13,7 milliards d'euros sur le budget général, dont 8,9 milliards d'euros sur la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », qui prend la deuxième place dans le budget de l'État - certes, temporairement - traditionnellement prise par la mission « Défense ».

Un nouveau programme est ajouté : pour 3,9 milliards d'euros, il compensera à la Sécurité sociale le coût des allègements de cotisations proposé par l'article 18.

Le fonds de solidarité pour les entreprises est désormais doté de 8 milliards d'euros de crédits budgétaires, auxquels il faut ajouter 765 millions d'euros de fonds de concours. Toutefois, les paiements au titre du second volet, qui fait l'objet d'une instruction par les régions, se développent encore très lentement.

Les ouvertures de crédits, surtout après l'examen par l'Assemblée nationale, portent également sur de nombreuses autres missions. Un dispositif tel que les « Vacances apprenantes », créé pour combler les besoins éducatifs à la suite de la période de confinement, a recours à quatre missions budgétaires.

Je soulignerai l'écart entre les annonces et les crédits ouverts pour les principaux dispositifs sectoriels. Le Gouvernement a annoncé un plan de soutien sectoriel de 40 milliards d'euros. Les crédits budgétaires ouverts par le troisième PLFR sont bien inférieurs : je les estime à 823 millions d'euros pour la filière automobile, 135 millions d'euros pour le secteur aéronautique et quelque 2,2 milliards d'euros pour le secteur du tourisme. Ces sommes incluent des garanties de prêts ou le bénéfice de dispositifs déjà existants tels que le soutien à l'activité partielle.

En l'état, le redimensionnement a minima du plan de soutien du Gouvernement porté par le présent PLFR n'est pas à la hauteur des enjeux et doit être amplifié sans attendre par la mise en place d'un plan de relance, afin de conforter la reprise. Le Président de la République a annoncé 100 milliards d'euros. Je regrette la décision du Gouvernement de différer sa mise en oeuvre à la rentrée, ce qui risque de nous amener à l'examen du prochain PLF, qui ne s'appliquera que début janvier. Nous aurons alors perdu plusieurs mois. Je préfère un plan de relance de la consommation et de l'investissement, plutôt que des mesures de chômage partiel.

La taille de ce plan de relance national devrait se situer autour de deux points de PIB - soit 40 milliards d'euros - pour stabiliser l'activité ; le Conseil d'analyse économique est sur la même ligne.

Aussi, j'ai proposé dès le 16 juin un ensemble de mesures calibrées de façon à maximiser l'effet d'entraînement sur l'activité et à minimiser le coût pour les finances publiques, pour un montant global de 40 milliards d'euros. Il faut relancer l'investissement public en privilégiant ce qui est prêt, comme le plan Très Haut Débit. Ce chantier a connu des retards importants en raison de l'arrêt des travaux durant le confinement. Or le télétravail et l'école à distance nous ont montré le caractère indispensable de ces investissements. On sait comment faire, il faut accélérer les procédures.

Il faut aussi relancer l'investissement privé, en assouplissant temporairement les règles de report en arrière des déficits, augmenter les coefficients d'amortissement dégressifs, favoriser le suramortissement, renforcer les incitations fiscales à l'investissement en fonds propres, soutenir les travaux de rénovation énergétique des ménages... Il est prévu de le faire, pourquoi attendre ?

Il faudra soutenir l'emploi des jeunes et des actifs faiblement qualifiés dans les PME, ainsi que la consommation, pour renforcer le pouvoir d'achat des ménages notamment les plus modestes, et flécher vers les secteurs prioritaires comme le tourisme ou les loisirs, qui ont énormément souffert. Je regrette le calendrier gouvernemental ; cette relance doit être faite maintenant.

M. Vincent Éblé , président . - Merci de cet exposé complet.

M. Jean Bizet . - J'ajouterai quelques nuages supplémentaires à ce tableau plutôt sombre : nos amis allemands vont profiter du plan de relance européen, Next Generation EU , et 52 % de l'ensemble des aides d'État accordées sur la période viennent d'Allemagne, contre moins de 15 % en France. Ils sont en train de subventionner massivement leur secteur énergétique. Jusqu'à maintenant, particularité allemande, les prix de l'énergie n'étaient pas les mêmes pour un particulier et pour un industriel. Ce différentiel va encore augmenter, on parle de 8 à 12 euros par kilowattheure. Nous investissons 8 milliards d'euros pour la filière automobile et 15 milliards d'euros pour l'aéronautique, mais cela risque d'être à fonds perdu, puisque le prix de la tonne d'acier va être considérablement subventionné en Allemagne par rapport à la France. Le différentiel entre la France et l'Allemagne va énormément augmenter, et je suis très inquiet de cette fragmentation du marché.

M. Claude Raynal . - Je salue le travail du rapporteur général, qui nous éclaire sur les annonces souvent majorées par rapport à la réalité des choses. Ce débat a quelque chose d'ambigu : d'un côté, vous dites que nous n'avons pas les moyens de faire, et, de l'autre, vous voulez faire plus sur le plan de relance... Il en est de même pour les collectivités. Je suis étonné de voir des plans de relance annoncés à grand bruit et des demandes de refinancement par l'État. C'est : « je dépense à condition que vous me donniez l'argent pour dépenser. » L'argent est rare. Lorsque je vois, de région en région et de département en département, des plans de relance pour réindustrialiser, et que tout le monde prend les mêmes exemples, il y aura bientôt cinquante fabriques de Doliprane en France ! Remettre un peu de plan au niveau de l'État ne serait pas une mauvaise chose, pour éviter les dépenses tous azimuts. On l'a vu sur les masques, il faut un peu de planification pour bien s'organiser.

La situation des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) va très vite devenir préoccupante, dès 2021. En 2020, les collectivités vont pouvoir payer. Il faudra réfléchir à leur financement.

Enfin, la vision culturelle proposée est à côté de la plaque ! La culture serait juste un plus ? Relancer le tourisme sans la culture n'est pas possible, il y a un lien fort entre les deux. Or nous sommes très loin d'une relance culturelle, que nous demanderons dès le PLFR 3, probablement sans succès...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - N'en préjugez pas !

M. Vincent Delahaye . - Selon Gérald Darmanin, la situation est sous contrôle...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Il n'est plus ministre des comptes publics !

M. Vincent Delahaye . - Je suis surpris que, PLFR après PLFR, on révise l'hypothèse de récession - ce n'est pas de la croissance ! La LFI prévoyait une croissance de 1,3 %, actuellement le Gouvernement prévoit un recul de 11 % du PIB, sans réviser aucune dépense à la baisse. Je ne connais aucun ménage ni entreprise qui, avec de telles prévisions, n'ajusterait pas ses dépenses... Je veux bien qu'on reporte la suppression de la taxe d'habitation pour 20 % des Français, mais pourquoi pas certaines dépenses ? Je déposerai un amendement notamment pour reporter de quelques années les travaux du Grand Palais, en attendant des jours meilleurs.

M. Vincent Éblé , président . - Ce n'est peut-être pas la meilleure dépense à réduire si l'on veut relancer et investir...

M. Vincent Delahaye . - Dans ce cas, il faut faire d'autres propositions ! On ne peut dépenser autant tout en ayant beaucoup moins d'argent. Parmi les mesures de soutien, on prévoit 434 millions d'euros pour la culture et les médias, et 200 millions d'euros pour Presstalis, système de distribution de la presse magazine datant de l'après-guerre, qui emploie 200 personnes. On attribue 1 million d'euros par emploi, c'est démentiel ! Un de mes amendements supprime cette aide.

Selon le rapporteur, la prévision de recettes pour l'impôt sur le revenu est identique à la prévision initiale. Nous savons que les fonctionnaires, retraités, élus n'ont pas perdu de revenus en 2020, mais c'est le cas des commerçants, artisans et d'autres professions. Combien de Français, sur les 50 millions qui perçoivent des revenus, ont vu ceux-ci baisser de plus de 10 % ? Ce serait intéressant de le savoir.

Ayons une réflexion sur la compatibilité d'une croissance perpétuelle de 2 % par an - comme l'anticipait le Gouvernement, qui voyait tout en rose - avec la lutte contre le réchauffement climatique. L'économie fonctionne avec de l'énergie, qui actuellement émet des gaz à effet de serre. Il faudrait que l'économie de demain émette moins de gaz à effet de serre.

M. Jean-François Rapin . - Nous voyons les limites de la suppression de la taxe d'habitation. Le Président de la République veut reporter sa mise en oeuvre, mais cela est-il constitutionnel ?

M. Philippe Dallier . - Bonne question !

M. Jean-François Rapin . - Selon le Conseil constitutionnel, ce report ne peut être que limité dans le temps...

Je suis toujours très inquiet sur les annonces de plans conjoncturels, surtout lorsqu'on travaille en silo. On nous annonce un plan pour l'aéronautique de 15 milliards d'euros, mais les autorisations de crédits cette année ne sont que de 385 millions d'euros. Quel est l'outil de suivi pour atteindre les 15 milliards d'euros ? Je suis inquiet de voir des annonces majeures sans suivi réel, alors qu'elles font appel à l'argent de l'État et des collectivités territoriales.

M. Julien Bargeton . - Nous sommes dans le cadre européen d'un plan de relance de 750 milliards d'euros - en espérant qu'il sera adopté. Voyons d'abord comment il sera appliqué. Il faut une bonne coordination européenne. Il n'est pas idiot d'attendre pour avoir le nôtre ensuite.

Avez-vous connaissance d'études sur les effets d'un plan de relance sur les importations et les exportations ? Lorsque la France avait fait un plan de relance isolé, certains avaient déploré l'importation de magnétoscopes japonais... Si tout le monde relance en même temps, il y aura des effets sur le commerce extérieur ?

Vous classez les mesures selon qu'elles ont ou non un impact sur le déficit, mais est-ce si grave ? L'important, c'est d'abord l'efficacité de la mesure et la qualité de la dépense. La covid-19 a accru les inégalités ; « Vacances apprenantes » est un bon dispositif, avec un effet budgétaire, certes, mais efficace.

Vous comparez les plans de relance des différents pays, mais vont-ils consommer toutes ces dépenses, au-delà des annonces ? Il faudrait analyser la consommation des différents plans. Partout, il y a des prêts et des dépenses annoncées et non consommées.

À ce stade, 5 milliards d'euros sont prévus pour les collectivités locales - et un amendement prévoit 500 millions d'euros pour les transports.

M. Jérôme Bascher . - Les recettes fiscales nettes correspondent exactement au déficit... Il faudrait donc multiplier par deux les impôts pour réduire le déficit à zéro.

M. Julien Bargeton . - Ce n'est pas ce qui est proposé.

M. Jérôme Bascher . - Ce déficit est colossal. Pourquoi s'intéresser tant au déficit budgétaire ? La variation du déficit se retrouve intégralement dans la croissance, c'est ainsi qu'on fait le calcul...

La TVA s'effondre, or on ne connaît pas d'autre façon d'augmenter ses recettes que de davantage consommer. Quelles seraient les pistes pour inciter à consommer les 100 milliards d'euros d'épargne thésaurisés, hormis redonner confiance dans l'avenir ?

M. Pascal Savoldelli . - Je distingue le travail en commission des débats dans l'hémicycle. Nous avons des outils de travail excellents, parfaits pour exercer un bon travail parlementaire.

La planification n'est pas un concept seulement étatique, mais aussi de management dans l'entreprise. Nous avons besoin d'avoir des objectifs à atteindre.

Il y a trois PLFR qu'on peut accompagner. Je suis satisfait du dispositif de chômage partiel, élément de cohésion entre l'entreprise et ses salariés. Je m'interroge cependant sur la temporalité des décisions. Vu l'étendue de la crise, on ne peut pas attendre les prochaines échéances électorales. Il faudrait que la société française n'ait pas à se prononcer uniquement lors de l'élection présidentielle.

De même, la structure de notre fiscalité permettra-t-elle d'absorber le choc ? Les recettes de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés ou de la TVA s'effondrent.

M. Vincent Capo-Canellas . - Merci à notre rapporteur général d'avoir fait la distinction entre les annonces et les crédits budgétaires : on annonçait des milliards pour l'aéronautique, mais le texte ne prévoit que 135 millions d'euros...

Si l'on avait redressé nos comptes publics avant, nous serions aujourd'hui dans une situation bien meilleure pour faire face à la crise ! De même, plus forte sera la relance, plus la situation s'améliorera pour nos compatriotes et nos entreprises. Mais nos marges de manoeuvre sont faibles, surtout si les taux d'intérêt devaient remonter à l'avenir. Dépenser plus maintenant permet d'éviter un effondrement de la croissance et de soutenir les recettes fiscales, mais est-on capable de faire des modélisations ? Vous avez évoqué plusieurs scénarios de reprise. La relance a un coût immédiat, mais peut produire ses fruits à moyen terme. Toutefois, il convient de cibler les mesures, car sinon la relance pourrait profiter aux importations.

M. Philippe Dallier . - En écoutant le Président de la République annoncer hier un plan de relance de 100 milliards d'euros, j'étais persuadé qu'un PLFR 4 serait déposé à la rentrée, mais il n'interviendra sans doute que plus tard... Le Gouvernement devrait toutefois déposer des amendements en faveur de l'emploi des jeunes. Que représentent-ils par rapport au plan de relance ? Cela complique les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte. Quelle stratégie devons-nous adopter en séance si nous devons examiner 2 000 amendements durant le week-end comme à l'Assemblée nationale et si le Gouvernement dépose en plus des amendements en faveur des jeunes... Je ne peux que déplorer l'organisation de nos travaux !

Un bras de fer concernant Île-de-France Mobilités est en cours entre la présidente de la région, qui estime à 2,4 milliards d'euros au moins les besoins de financement, et le Gouvernement, qui ne propose que quelques centaines de millions. Les besoins sont immenses pour la remise à niveau des infrastructures, la préparation des jeux Olympiques... Dès lors, le Gouvernement devra évoluer, car 500 millions sont insuffisants.

Le texte contient 200 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence, mais rien sur la réforme des aides personnalisées au logement (APL). J'ai l'impression que cette réforme est passée à la trappe.

Quant à l'opération « Vacances apprenantes », elle se résume à du saupoudrage et de l'affichage. Tout dépend des initiatives que les communes pourront mettre en place. Le Gouvernement les sollicite au dernier moment pour des opérations diverses. Alors que le confinement a privé les enfants de plusieurs mois de classe, il aurait fallu prévoir un dispositif plus important pendant les vacances, et non une mesure gadget.

M. Jean-Claude Requier . - Quelle est l'ampleur estimée de la fraude au chômage partiel, aussi bien de la part des employeurs que des salariés ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - Je partage tout à fait l'analyse de Jean Bizet sur le coût de l'énergie. L'Allemagne a l'ambition de relancer ses exportations et d'améliorer sa compétitivité en baissant notamment le coût de son énergie : le gouvernement allemand n'hésite pas à consacrer 9 milliards d'euros pour développer l'hydrogène et accompagner la mutation de la filière automobile.

Pascal Savoldelli a évoqué la planification. On peut regretter, en effet, l'absence, en France, d'une vision stratégique ambitieuse sur les relocalisations ou l'industrie, comme on en avait à l'époque de Pompidou, lorsque l'on a été capable de mener à bien de grands programmes dans le nucléaire, de construire le TGV ou le Concorde. On a perdu cette ambition.

Je veux dire à Claude Raynal qu'il est possible de faire plus pour la relance sans creuser les déficits. C'est l'objet des amendements que je vous proposerai. Le suramortissement accéléré est ainsi, avant tout, une mesure de trésorerie. Il ne fait qu'avancer la dépense d'un exercice à un autre. De même, n'avons-nous pas intérêt à anticiper les dépenses prévues dans les contrats État-région ou dans le plan « France Très Haut Débit » plutôt qu'attendre deux ou trois ans ? La dépense pluriannuelle sera la même, mais l'argent sera plus utile maintenant pour relancer notre économie. En outre, si l'on parvient à rediriger les 75 milliards d'euros d'épargne accumulés pendant le confinement vers la consommation, on peut relancer la croissance sans que cela ne coûte rien. C'est pour cette raison que je proposerai des mesures pour permettre le déblocage de l'épargne salariale ou pour assouplir les conditions d'utilisation du plan d'épargne en actions (PEA). Autant de mesures qui ne creusent pas le déficit.

Nous aurons l'occasion de revenir sur la question complexe des AOM. Plusieurs amendements ont été déposés.

Comme l'a dit Vincent Delahaye, il est dommage, en effet, que le train de vie de l'État n'ait pas été diminué pendant la première partie du quinquennat, mais il ne faut pas toucher à l'investissement de l'État, car celui-ci est déjà réduit à la portion congrue. N'oublions pas que l'investissement public en France relève pour l'essentiel des collectivités territoriales. En revanche, on gagnerait à supprimer les doublons entre l'État et les collectivités. On ne dépense pas intégralement les aides agricoles européennes. Le ministère de l'agriculture doit-il vraiment intervenir alors que cela relève des Länder en Allemagne ? La réforme de l'État est nécessaire, malheureusement elle a été négligée. Attention toutefois à ne pas réduire davantage encore l'investissement public, même si, j'en conviens, les dépenses pour le Grand Palais sont astronomiques et mériteraient sans doute d'être regardées de plus près.

En ce qui concerne la taxe d'habitation, le Gouvernement doit composer avec les limites posées par la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel. On semble se diriger non pas vers un abandon de la réforme pour les 20 % des ménages les plus aisés, mais plutôt vers un report dans le temps.

Le Gouvernement a fait des annonces en faveur de l'aéronautique avec des mesures diverses : soutien à la recherche, prêts garantis, intervention de Bpifrance, etc. Il est très difficile d'y voir clair et de faire la distinction entre les annonces et la réalité, entre les mesures à court, moyen ou long terme...

Mon rapport comporte un tableau qui montre, secteur par secteur, la part des importations dans la consommation finale : le taux est très élevé pour les équipements électriques ou industriels, l'électronique, l'informatique, qui représentent 3 % de la consommation finale en France, mais comptent plus de 90 % d'importations. Si l'on donne 1 000 euros à chaque Français, comme cela a été fait à Singapour, le risque est qu'ils achètent un nouveau téléphone portable et que cela accroisse nos importations sans profiter à l'économie locale. C'est pourquoi il faut cibler les mesures et éviter celles qui ont un impact sur le déficit. Je suis réservé sur les baisses de TVA dont le bénéfice pour le consommateur est incertain, car il n'est pas sûr qu'elle soit répercutée dans les prix tandis que la baisse de recettes est certaine. Il semble plus judicieux de soutenir les secteurs domestiques, comme le bâtiment, le tourisme, la rénovation énergétique, les loisirs, l'événementiel, etc.

M. Julien Bargeton . - Il faut aussi se poser la question de l'efficacité des mesures extrabudgétaires sur la relance. Lorsqu'un prêt est garanti, cela donne de la visibilité à l'entreprise et permet de relancer l'activité.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - J'ai voté les garanties, elles sont indispensables. Et il existe des mesures de relance qui n'ont pas d'effet sur les déficits, comme des mesures de trésorerie ou d'orientation de l'épargne. Il faut aussi être prudent dans les comparaisons internationales, car les présentations varient selon les pays : certains privilégient le cadre annuel, d'autres pluriannuel. Il faudra voir, in fine, ce qui a été réellement dépensé.

Pour déconfiner l'épargne et inciter les Français à dépenser, le plus important est la confiance, mais c'est le plus compliqué à obtenir. Et lorsque l'on annonce régulièrement une nouvelle vague de covid-19, cela n'incite pas particulièrement les Français à consommer. On peut aussi prendre des mesures techniques pour supprimer les pénalités en cas d'utilisation de l'épargne dans certains dispositifs précis, comme l'épargne salariale, ou exonérer d'impôts la transmission intergénérationnelle de l'épargne à titre temporaire sous condition de réemploi. Les mesures doivent dans tous les cas être ciblées et temporaires.

Pascal Savoldelli a regretté l'absence de clarté et de planification. Il est difficile de comprendre, en effet, l'articulation entre le projet de loi de finances et les PLFR, et l'on peut déplorer le manque d'ambition sur certaines filières. Les taux nominaux de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés sont déjà très élevés. L'idéal serait d'élargir la base fiscale : soit grâce à la croissance, mais cela ne se décrète pas, soit en évitant l'érosion fiscale due aux GAFA, pour l'impôt sur les sociétés, ou au développement du e-commerce, qui sape les recettes de TVA.

En ce qui concerne l'aéronautique, il faudra examiner de près les annonces.

M. Vincent Capo-Canellas . - Peut-on modéliser l'impact de dépenses immédiates, quitte à creuser les déficits, sur la reprise de la croissance ? Ne vaut-il pas mieux dépenser maintenant pour éviter la récession ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - J'insiste sur la règle dite « des 3T » : pour être efficaces, les mesures doivent être prises au moment opportun ( timely ), avoir un caractère temporaire ( temporary ) et être ciblées ( targeted ). En l'absence de relance ou si la relance est trop faible, les déficits risquent d'augmenter à cause de la perte de recettes fiscales liée au manque de croissance. On entrerait alors dans une spirale négative.

Aucune ouverture de crédits n'est prévue s'agissant de la réforme des APL. On peut estimer à au moins 600 millions d'euros les dépenses supplémentaires liées au report des réformes et aux difficultés des ménages. Le calendrier est bien confus. On enchaîne les PLFR en constatant à chaque fois que les dépenses augmentent et que les recettes baissent : mieux aurait valu un plan global avant l'été pour essayer de surmonter la crise !

La fraude au chômage partiel est effrayante. C'est la contrepartie de notre réactivité. Certaines entreprises ont touché des aides alors que leurs salariés continuaient à travailler. On relève aussi des fraudes quasiment mafieuses visant à usurper l'identité et le numéro SIRET d'entreprises pour détourner les aides sur des comptes éphémères.

Mme Nathalie Goulet . - J'ai déposé quatre amendements sur ce sujet, dont trois sur la fraude aux prestations sociales.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 372 étend aux occupants du domaine public des établissements de santé la possibilité de bénéficier d'annulations partielles des redevances domaniales.

L'amendement n° 372 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 373 étend la période d'annulation des redevances dues au titre de l'occupation du domaine public.

L'amendement n° 373 est adopté.

Article 2 A (nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 374 vise à améliorer le crédit d'impôt sur les premiers abonnements aux titres de presse en supprimant la condition de revenu et le plafond de 50 euros.

L'amendement n° 374 est adopté.

Articles additionnels après l'article 2

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - Les amendements suivants visent à soutenir la relance de l'économie. L'amendement n° 375 augmente d'un demi-point les coefficients d'amortissement généraux afin de favoriser l'investissement des entreprises.

L'amendement n° 375 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - Les amendements n° 376 , n° 377 et n° 378 augmentent les suramortissements pour l'achat de poids lourds, de navires ou d'avions moins polluants.

Les amendements n° 376 , n° 377 et n° 378 sont adoptés.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 379 introduit un mécanisme fiscal, sur agrément de l'administration, en cas de « fusion verte » entre entreprises.

L'amendement n° 379 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - À l'image de ce qui était en vigueur lors de la crise de 2008, l'amendement n° 380 assouplit de manière temporaire les capacités de report en arrière (carry back) des déficits en augmentant le nombre d'exercices antérieurs pris en compte et en supprimant le plafond.

L'amendement n° 380 est adopté.

Article 2 ter (nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 381 supprime toute restriction géographique pour la labellisation des immeubles non habitables au titre de la Fondation du patrimoine. Cela bénéficiera aux centres-villes et aux centres-bourgs.

L'amendement n° 381 est adopté.

Article 2 quinquies (nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - Cet article est contraire au droit communautaire.

M. Jean-Marc Gabouty . - Le taux de TVA de 2,1 % s'applique pour la presse en ligne. Pourquoi le refuser pour les retransmissions de spectacles vivants ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - Le taux super-réduit de TVA ne peut être appliqué que s'il était déjà prévu avant le 1 er janvier 1991. Autrement, nous pourrions être condamnés par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

L'amendement de suppression n° 382 est adopté.

Article 4

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 383 étend le délai pour débloquer l'épargne retraite.

L'amendement n° 383 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - Dès lors que la loi permet de racheter 8 000 euros sur les contrats d'épargne retraite, le maintien d'un plafond d'exonération fiscale à 2 000 euros, paraît incompréhensible et dissuasif. L'amendement n° 384 supprime ce plafond.

L'amendement n° 384 est adopté.

Article 4 quinquies (nouveau)

L'amendement rédactionnel n° 385 est adopté.

Article additionnel après l'article 4 quinquies

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 386 module le prélèvement forfaitaire unique selon le degré d'investissement du contrat d'assurance vie dans certains actifs ciblés investis dans les fonds propres d'entreprises.

L'amendement n° 386 est adopté.

Article 4 sexies (nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 387 substitue un dégrèvement de taxe d'habitation au dispositif d'exonération au profit des contribuables âgés les plus modestes.

L'amendement n° 387 est adopté.

Article 4 septies (nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 388 vise à supprimer les « gages » non levés établis au profit de l'État dans l'ensemble des textes financiers adoptés au cours de la période 2016-2019.

L'amendement n° 388 est adopté.

Article 4 nonies (nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 389 étend l'exonération de droits de mutation à titre gratuit en cas de donation entre grands-parents et petits-enfants de sommes d'argent, à hauteur de 100 000 euros, sous condition de réemploi dans certaines dépenses, comme l'investissement dans les PME, les dépenses pour la résidence principale, etc.

L'amendement n° 389 est adopté.

Article 4 decies (nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 390 limite dans le temps la dépense fiscale consacrée à l'opération « French Tech Tremplin ».

L'amendement n° 390 est adopté.

Article 5

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - Les amendements suivants apporteront une réponse à la question de Philippe Dallier. Je me suis entretenu avec Mme Pécresse hier à leur sujet. L'amendement n° 391 majore l'acompte versé en 2020 à Île-de-France Mobilités au titre de la compensation des pertes de versement mobilité. L'amendement n° 392 avance la date limite de versement du solde, tandis que l'amendement n° 393 modifie le produit de référence de versement mobilité pour le calcul de la dotation. Le versement de mobilité avait augmenté progressivement avec la création du Pass Navigo unique, par un effet de rattrapage. On constate que les Français, à cause de la pandémie, hésitent à prendre les transports en commun, la fréquentation a baissé et la situation financière des entreprises de transport est délicate. Il ne faudrait pas que l'investissement soit la variable d'ajustement.

M. Vincent Éblé , président. - L'amendement n° 391 majore un acompte et constitue donc une charge de trésorerie. Si nous n'avions pas modifié notre jurisprudence concernant l'application de l'article 40 de la Constitution, nous n'aurions pas pu l'adopter.

Les amendements n° 391 , n° 392 et n° 393 sont adoptés.

Article 6 quater (nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 394 supprime cet article, qui tend à rendre éligibles au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) les dépenses d'informatique en cloud des collectivités territoriales, car le dispositif n'est pas opérant. Je vous présenterai un amendement sur ce point en séance.

L'amendement de suppression n° 394 est adopté.

Article 7

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 395 prévoit que les départements rembourseront les avances qu'elles ont perçues du Gouvernement pour compenser les pertes de droit de mutation à titre onéreux (DMTO) lorsque leur situation se sera améliorée, et non dès 2021 ou 2022.

L'amendement n° 395 est adopté.

Article 9 (État B)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 396 crée un dispositif de bons d'achat ou chèques loisirs pour soutenir la consommation des ménages modestes. En visant les activités culturelles ou touristiques, on s'assure que cet argent soutiendra l'activité en France, et non les importations.

L'amendement n° 396 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 397 crée un dispositif exceptionnel d'aide à l'embauche des jeunes. Le Gouvernement devrait déposer des amendements en ce sens, mais pour l'instant, il semble que les arbitrages n'aient pas été faits, entre prime à l'embauche ou baisse des charges. La situation de l'emploi des jeunes est inquiétante.

L'amendement n° 397 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 398 prévoit l'ouverture de 30 millions d'euros en autorisations d'engagement sur le plan « France Très Haut Débit » afin de développer, par exemple, le télétravail ou l'enseignement à distance partout sur le territoire, dans les zones urbaines comme rurales. Il faut accélérer ce plan. Cela pourrait s'avérer très utile en cas de nouvelle crise sanitaire.

L'amendement n° 398 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 399 ouvre des crédits supplémentaires au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) pour soutenir l'investissement notamment dans les territoires ruraux.

L'amendement n° 399 est adopté.

Article 10 (État D)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 400 crée des avances remboursables à Île-de-France Mobilités.

Mme Christine Lavarde . - D'autres AOM pourraient aussi avoir besoin de telles aides.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - C'est vrai, mais Île-de-France Mobilités est la plus importante et la plus touchée. Les autres collectivités bénéficient déjà d'une compensation au titre de l'article 5. L'Île-de-France n'avait aucune compensation initialement.

L'amendement n° 400 est adopté.

Article 15

L'amendement rédactionnel n° 401 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 402 supprime une demande de remise de rapport au Parlement.

L'amendement n° 402 est adopté.

Articles additionnels après l'article 16

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 403 double temporairement le taux et les limites annuelles de versement pour le dispositif Madelin afin de soutenir les fonds propres des petites et moyennes entreprises.

M. Claude Raynal . - Nous n'y sommes pas favorables.

L'amendement n° 403 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 404 prévoit, pour les mêmes raisons, une exonération temporaire de prélèvements sociaux des sommes investies dans un plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises.

L'amendement n° 404 est adopté.

Article 16 octies (nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 405 vise à préciser le champ d'intervention du comité de suivi des mesures de soutien.

L'amendement n° 405 est adopté.

Article 16 decies (nouveau)

L'amendement rédactionnel n° 406 est adopté.

Article 17

L'amendement de précision n° 407 est adopté.

Articles additionnels après l'article 17 ter

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 408 étend aux propriétaires bailleurs le bénéfice du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE).

L'amendement n° 408 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 409 prolonge d'un an le CITE pour les ménages aux revenus "intermédiaires" et l'étend aux dépenses de rénovation globale pour une maison individuelle réalisées par les ménages des 9 e et 10 e déciles de revenu. J'avais déjà proposé cette mesure dans le cadre du projet de loi de finances.

L'amendement n° 409 est adopté.

Article 17 qua ter (nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'article est contraire au droit communautaire. L'amendement n° 410 le supprime.

L'amendement de suppression n° 410 est adopté.

Article 17 octies ( nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 411 supprime cet article dont les dispositions n'ont guère de lien avec le texte.

L'amendement de suppression n° 411 est adopté.

Article 17 nonies ( nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - Il en va de même pour cet article qui concerne la réforme de l'aide juridictionnelle.

L'amendement de suppression n° 412 est adopté.

Article 17 duodecies ( nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 413 raccourcit le délai dans lequel les organismes de recouvrement de la sphère sociale peuvent signaler aux employeurs et redevables concernés l'annulation des contrôles non clôturés avant le 23 mars 2020.

L'amendement n° 413 est adopté.

Article 17 quaterdecies ( nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 414 apporte des précisions sur le rapport demandé au Gouvernement sur les dispositifs d'aide à l'acquisition de véhicules propres et sur le malus automobile.

L'amendement n° 414 est adopté.

Article 18

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - L'amendement n° 415 vise à étendre aux entreprises de moins de 250 salariés la possibilité de bénéficier de remises partielles de cotisations dans certaines conditions.

L'amendement n° 415 est adopté.

Les amendements de précision n° 416 , n° 417 , n° 418 et n° 419 sont adoptés.

Article 22 ( nouveau)

L'amendement de suppression n° 420 est adopté.

M. Julien Bargeton . - Nous nous abstiendrons.

M. Claude Raynal . - Nous nous abstiendrons également.

Après avoir adopté 49 amendements, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi de finances rectificative pour 2020 tel que modifié par ses amendements.

.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

TABLEAU DES SORTS

Article liminaire
Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques pour l'année 2020

Article 1 er
Annulation de redevances d'occupation du domaine public de l'État et de ses établissements

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

372

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

373

Adopté

Article 2 A (nouveau)
Crédit d'impôt pour premier abonnement à un journal, périodique ou service de presse en ligne

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

374

Adopté

Article 2 B (nouveau)
Prolongation jusqu'au 31 décembre 2020 du versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA)

Article 2 C (nouveau)
Exonération fiscale et sociale de la prime versée par les établissements privés de santé
ou du secteur social et médico-social à leurs agents et salariés

Article 2
Remboursement anticipé des créances de report en arrière des déficits

Articles additionnels après l'article 2

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

375

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

376

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

377

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

378

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

379

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

380

Adopté

Article 2 bis (nouveau)
Nouvelle chronique de suppression du tarif réduit de TICPE au titre du gazole non routier (GNR)

Article 2 ter (nouveau)
Nouvelle définition du champ d'application du label Fondation du patrimoine

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

381

Adopté

Article 2 quater (nouveau)
Alignement du critère temporel d'éligibilité des dépenses au titre du crédit d'impôt phonographique (CIPP) sur celui prévu pour le crédit d'impôt spectacles vivants (CISV)

Article 2 quinquies (nouveau)
Taux de TVA à 2,10 % pour les retransmissions en direct
des spectacles vivants sur des plateformes numériques et audiovisuelles

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

382

Adopté

Article 2 sexies (nouveau)
Majoration temporaire de l'incitation fiscale à l'incorporation dans les carburants d'esters méthyliques d'acides gras (EMAG) présentant une bonne résistance au froid

Article 2 septies (nouveau)
Exonération d'impôt sur le revenu des indemnités versées aux militaires au titre de leur participation aux opérations menées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire

Article 3
Dégrèvement exceptionnel de la cotisation foncière des entreprises au titre de 2020 au profit des entreprises de taille petite ou moyenne des secteurs relevant du tourisme, de l'hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l'événementiel particulièrement affectés par la crise sanitaire

Article 4
Déblocage exceptionnel de l'épargne retraite des travailleurs non-salariés rencontrant des difficultés économiques liées à l'épidémie de covid-19

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

383

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

384

Adopté

Article 4 bis (nouveau)
Reconduction du dispositif de financement minimal des chambres de commerce et d'industrie (CCI) situées dans des zones rurales ou ultra-marines

Article 4 ter (nouveau)
Élargissement du champ des dons sur succession au profit d'une fondation ou d'une association reconnue d'utilité publique, de l'État et autres organismes publics
ouvrant droit à un avantage fiscal

Article 4 quater (nouveau)
Extension de la durée pendant laquelle le don sur succession doit être réalisé pour bénéficier
de l'abattement sur les droits de mutation à titre gratuit

Article 4 quinquies (nouveau)
Simplification des démarches des organismes sans but lucratif des bénéficiaires d'une assurance-vie

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

385

Adopté

Article additionnel après l'article 4 quinquies

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

386

Adopté

Article 4 sexies (nouveau)
Exonération de taxe d'habitation afférente à la résidence principale
pour les contribuables âgés et modestes au titre de 2020

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

387

Adopté

Article 4 septies (nouveau)
Suppression de « gages »

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

388

Adopté

Article 4 octies (nouveau)
Relèvement du plafond des taxes affectées à CCI France

Article 4 nonies (nouveau)
Exonération temporaire de droits de mutation des dons consentis au profit d'un tiers lorsque les sommes concernées sont réaffectées à la création ou au développement
d'une entreprise de moins de 50 salariés

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

389

Adopté

Article 4 decies (nouveau)
Exonération fiscale et sociale des aides reçues par les lauréats
du concours « French Tech Tremplin »

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

390

Adopté

Article 5
Prélèvement sur recettes au profit des communes et des EPCI à fiscalité propre confrontés à des pertes de recettes fiscales et domaniales du fait de la crise sanitaire

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

391

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

392

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

393

Adopté

Article 6
Compensation des pertes fiscales des régions d'outre-mer

Article 6 bis (nouveau)
Compensation des pertes fiscales de la collectivité de Corse

Article 6 ter (nouveau)
Compensation des pertes fiscales des collectivités d'outre-mer et des communes de Saint-Pierre-et-Miquelon

Article 6 quater (nouveau)
Intégration dans le FCTVA des dépenses exposées
au titre de l'utilisation de l'informatique en nuage (« cloud »)

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

394

Adopté

Article 7
Avances remboursables des pertes de recettes des DMTO des départements
dues à la crise sanitaire

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

395

Adopté

Article 7 bis
Création d'une nouvelle section du compte de commerce 915 « Soutien financier au commerce extérieur »

Article 8
Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d'autorisation des emplois

Article 9 (État B)
Budget général : ouvertures de crédits

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

396

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

397

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

398

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

399

Adopté

Article 10 (État D)
Comptes spéciaux : ouvertures de crédits

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

400

Adopté

Article 11
Relèvement du plafond d'autorisation de prêt de la France au FMI

Article 12
Garantie de l'État à la Banque de France sur un prêt au Fonds monétaire international

Article 13
Octroi de la garantie de l'État aux prêts accordés par l'UE au titre de l'instrument temporaire d'urgence pour atténuer les risques de chômage dans l'UE
dans le cadre de la crise de la covid-19

Article 14
Octroi de la garantie de l'État au groupe BEI au titre du fonds de garantie créé
pour soutenir l'économie dans le cadre de la crise de la covid-19

Article 15
Élargissement du champ des entreprises éligibles à la réassurance par la Caisse centrale de réassurance (CCR) des risques d'assurance-crédit aux grandes entreprises
et des risques d'assurance-crédit à l'export

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

401

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

402

Adopté

Article 15 bis (nouveau)
Octroi de la garantie de l'État à l'Agence française de développement au titre des prêts et garantis accordés au secteur privé africain et gouvernance de sa filiale de promotion
et de participation pour la coopération économique

Article 16
Octroi de la garantie de l'État à un prêt consenti par l'Agence française de développement (AFD) à la Polynésie française

Articles additionnels après l'article 16

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

403

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

404

Adopté

Article 16 bis (nouveau)
Introduction du volet « Théâtre » dans le crédit d'impôt spectacle vivant (CISV)

Article 16 ter (nouveau)
Introduction du volet « Variétés » dans le crédit d'impôt spectacle vivant (CISV)

Article 16 quater (nouveau)
Gestion des prêts participatifs, prêts bonifiés et avances remboursables et champs d'application

Article 16 quinquies (nouveau)
Augmentation du plafond de garantie par l'État des emprunts de l'Unédic émis en 2020

Article 16 sexies (nouveau)
Extension de l'utilisation de l'encours de 300 milliards d'euros autorisée pour les prêts garantis par l'État à un nouveau mécanisme de garantie de commandes
confirmées mais non facturées

Article 16 septies (nouveau)
Précisions relatives à la notification des refus des établissements de crédit d'accorder un prêt garanti par l'État

Article 16 octies (nouveau)
Compétences du comité de suivi du plan d'urgence face à la crise sanitaire

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

405

Adopté

Article 16 nonies (nouveau)
Précision relative aux conditions d'exonération des aides versées par le Fonds de solidarité
aux entreprises en difficulté au 31 décembre 2019

Article 16 decies (nouveau)
Prolongation du mandat des membres du Conseil des prélèvements obligatoires

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

406

Adopté

Article 17
Exonération facultative des taxes de séjour en 2020

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

407

Adopté

Article 17 bis (nouveau)
Souscription par les collectivités territoriales de titres participatifs émis par les offices publics de l'habitat

Article 17 ter (nouveau)
Création d'un crédit d'impôt éditeurs

Articles additionnels après l'article 17 ter

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

408

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

409

Adopté

Article 17 quater (nouveau)
Abaissement des seuils de présomption de transport de tabac à des fins commerciales

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

410

Adopté

Article 17 quinquies (nouveau)
Report d'un an de l'élaboration et de la transmission du rapport de la CLECT
aux communes membres

Article 17 sexies (nouveau)
Report de l'entrée en vigueur de l'obligation de transmission des déclarations
de dispositifs fiscaux transfrontières

Article 17 septies (nouveau)
Abrogation de la taxe forfaitaire sur les contrats à durée déterminée d'usage (CDDU)

Article 17 octies (nouveau)
Report de la suppression de la déclaration préalable de profession

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

411

Adopté

Article 17 nonies (nouveau)
Report de la réforme de l'aide juridictionnelle

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

412

Adopté

Article 17 decies (nouveau)
Accès aux données du fonds de solidarité à des fins de lutte contre le travail illégal,
de statistiques et de recherche scientifique

Article 17 undecies (nouveau)
Décalage au titre de l'année 2020 du délai prévu pour le renouvellement
des commissions communales
des impôts directs et des commissions intercommunales des impôts directs

Article 17 duodecies (nouveau)
Extinction des contrôles débutés par les organismes de recouvrement de la sphère sociale avant le confinement

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

413

Adopté

Article 17 terdecies (nouveau)
Demande de rapport sur les recettes de l'AFITF à la suite de la pandémie de Covid 19

Article 17 quaterdecies (nouveau)
Demande de rapport sur les aides à l'acquisition de véhicules propres

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

414

Adopté

Article 18 A (nouveau)
Utilisation des crédits ouverts pour aider les familles des établissements français à l'étranger

Article 18 B (nouveau)
Remise d'un rapport présentant les conséquences budgétaires de la crise liée à la pandémie de Covid-19 sur la diplomatie culturelle et d'influence française
et sur l'enseignement français à l'étranger

Article 18
Exonération de cotisations patronales, aide au paiement des cotisations, remises de dettes
et plans d'apurement pour les entreprises affectées par la crise sanitaire

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

415

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

416

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

417

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

418

Adopté

M. DE MONTGOLFIER

419

Adopté

Article 19 (nouveau)
Engagements climatiques des grandes entreprises au capital desquelles l'État prend une participation

Article 20 (nouveau)
Prolongation d'échéances prévues dans le champ social en Guyane et à Mayotte

Article 21 (nouveau)
Majoration du taux de l'allocation d'activité partielle pour les employeurs domiciliés en Guyane et à Mayotte pour la durée de l'état d'urgence sanitaire

Article 22 (nouveau)
Introduction d'une date butoir fixée au 30 septembre 2020 pour l'adoption des délibérations requises pour la mise en oeuvre d'une répartition dérogatoire des montants prélevés ou versés au titre du FPIC au sein des ensembles intercommunaux

Auteur

Sort de l'amendement

M. DE MONTGOLFIER

420

Adopté

Article 23 (nouveau)
Décalage d'un an de l'adoption des pactes financiers et fiscaux pour certains EPCI
signataires d'un contrat de ville

Article 24 (nouveau)
Prise en charge par l'État de l'indemnisation des professionnels de santé libéraux
contaminés par le SARS-CoV2

Article 25 (nouveau)
Aménagement du dispositif d'emploi accompagné


* 1 Rapport n° 406 (2019-2020) d'Albéric de Montgolfier, rapporteur général, relatif au deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, fait au nom de la commission des finances et déposé le 21 avril 2020.

* 2 Note de conjoncture et de suivi de la mise en oeuvre des mesures d'urgence du Président et du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, 11 mai 2020.

* 3 Banque de France, point de conjoncture au 7 juillet 2020.

* 4 Haut Conseil des finances publiques, Avis n° HCFP-2020-4 relatif au troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, 8 juin 2020.

* 5 Insee, point de conjoncture du 8 juillet 2020, p. 19.

* 6 OFCE, « Évaluation au 26 juin 2020 de l'impact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures du confinement et du déconfinement en France », Policy Brief n° 75, 26 juin 2020, p. 15.

* 7 Banque de France, Projections macroéconomiques France, juin 2020, p. 4.

* 8 Ibid ., p.5.

* 9 Réponse au questionnaire adressé par le rapporteur général.

* 10 En ce sens, voir par exemple : Paul Krugman, « The audacity of slope : How fast a recovery ? », Princeton Economics, 2020.

* 11 OFCE, « Dynamique des défaillances d'entreprises en France et crise de la Covid-19 », Policy Brief n° 73, 19 juin 2020.

* 12 Rexecode, « Les récessions affaiblissent les croissances potentielles », juin 2020.

* 13 Banque de France, Projections macroéconomiques France, juin 2020, p. 4.

* 14 Voir notamment : « Pour une programmation budgétaire crédible : les enjeux des hypothèses de croissance potentielle », rapport d'information n° 764 (2015-2016) d'Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances et déposé le 6 juillet 2016.

* 15 Rapport n° 406 (2019-2020) d'Albéric de Montgolfier, précité, p. 21 et s.

* 16 Comité de suivi de la mise en oeuvre et d'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l'épidémie de Covid-19, « Parangonnage des mesures d'aide aux entreprises confrontées à la crise du covid-19 en Europe », 17 juin 2020, p. 6.

* 17 Jérémie Cohen-Setton et Jean Pisani-Ferry, « When More Delivers Less : Comparing the US and French COVID-19 Crisis Responses », PIIE, juin 2020.

* 18 Deutsche Bundesbank, « Outlook for the German economy for 2020 to 2022 », Monthly Report, juin 2020, p. 7 et 16.

* 19 Voir par exemple : rapport général n° 140 (2019-2020) d'Albéric de Montgolfier relatif au projet de loi de finances pour 2020, fait au nom de la commission des finances et déposé le 21 novembre 2019.

* 20 Deutsche Bundesbank, « Outlook for the German economy for 2020 to 2022 », Monthly Report, juin 2020, p. 16.

* 21 Haut Conseil des finances publiques, Avis n° HCFP-2020-4 relatif au troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, 8 juin 2020, p. 1.

* 22 Cour des comptes, rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, 30 juin 2020, p. 74.

* 23 Pour une analyse approfondie, le lecteur est invité à se reporter au document suivant: rapport n° 406 (2019-2020) d'Albéric de Montgolfier, rapporteur général, relatif au deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, précité, pp. 34-40.

* 24 Haut Conseil des finances publiques, Avis n° HCFP-2020-2 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour l'année 2020 et au deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, p. 10.

* 25 Les recettes brutes, dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, sont de 369,4 milliards d'euros, dont on soustrait 142,3 milliards d'euros de remboursements et dégrèvements et 65,7 milliards d'euros de prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales et de l'Union européenne. Les dépenses brutes sont de 536,2 milliards d'euros, desquels il convient de soustraire le même montant de remboursements et dégrèvements pour obtenir le niveau des dépenses nettes.

* 26 Dans le tableau d'équilibre du budget de l'État, les recettes fiscales nettes sont égales à la différence entre les recettes fiscales brutes et le montant des remboursements et dégrèvements.

* 27 Calculs commission des finances, en prenant comme référence la prévision dans la loi de finances initiale pour 2008 et dans le projet de loi de finances pour 2009 pour chacun de ces deux exercices. Ce dernier texte constitue en effet la dernière prévision établie avant le début de la crise financière à l'automne 2008, qui a conduit à une première révision à la baisse des recettes pendant les débats sur la loi de finances pour 2009.

* 28 DARES - Études statistiques, Focus sur les demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi en mars, avril et mai 2020 (publiés respectivement le 27 avril, le 28 mai et le 25 juin 2020).

* 29 Y compris l'ouverture de crédits prévue par le présent projet de loi de finances rectificative, à hauteur de 126,5 millions d'euros.

* 30 Source : Chorus, restitutions Parlement.

* 31 Plan de soutien à l'automobile , dossier de presse, 26 mai 2020.

* 32 Le financement du projet d'usine de batteries reposerait ainsi, selon l'amendement précité du Gouvernement, sur la répartition suivante : programme d'investissements d'avenir (PIA) : 295 millions d'euros ; fonds pour l'innovation : 314,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 380 millions d'euros en crédits de paiement ; programme 192 : 80,9 millions d'euros en autorisations d'engagement » et 15 millions d'euros en crédits de paiement.

* 33 Plan de soutien à l'aéronautique , dossier de presse, 9 juin 2020.

* 34 Union des aéroports français, « Les aéroports français en péril » , communiqué de presse, 25 mai 2020.

* 35 Comité interministériel du tourisme, dossier de presse , 14 mai 2020.

* 36 Ce coût a été chiffré par l'évaluation préalable de l'article à 6 millions d'euros pour le domaine public de l'État, auquel il convient d'ajouter le coût, non connu, relatif au domaine de ses établissements publics.

* 37 Pascal Bois, député de l'Oise et Émilie Cariou, députée de la Meuse, ont été chargés de cette mission de préfiguration.

* 38 Ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

* 39 Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

* 40 Décret n° 2020-757 du 20 juin 2020 modifiant le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

* 41 Arrêtés des 9, 15, 20 et 27 avril, 5, 12, 19 et 27 mai, 3, 15 et 22 juin 2020 portant ouverture de crédits de fonds de concours.

* 42 Décret n° 2020-443 du 17 avril 2020 portant ouverture et annulation de crédits.

* 43 Décret n° 2020-444 du 17 avril 2020 portant virement de crédits

* 44 Jérôme Fournels, audition devant la commission des finances du Sénat , 7 mai 2020.

* 45 Données Chorus, restitution Parlement.

* 46 Y compris l'ouverture de crédits de 185,0 millions d'euros par voie de fonds de concours, prévue par l'arrêté du 22 juin 2020 publié au Journal officiel du 3 juillet.

* 47 Plan en faveur du commerce de proximité, de l'artisanat et des indépendants , dossier de presse, 29 juin 2020.

* 48 Voir infra .

* 49 Voir les annexes 1 et 2 du décret précité du 20 juin 2020.

* 50 Selon le communiqué de presse du 10 juin du ministère de la Cohésion des territoires, « le BTP est l'un des secteurs qui a vu son activité la plus fortement réduite : - 88 % début avril, soit la même baisse que l'hôtellerie-restauration ».

* 51 Une instruction est par ailleurs envoyée aux maîtres d'ouvrages de l'État, qui ne représentent qu'une faible part de l'activité du secteur, de négocier une prise en charge partielle de ces surcoûts.

* 52 En 2011, la consommation sur le programme 114 a été de 598,6 millions d'euros, principalement en raison du règlement d'une sentence arbitrale concernant les frégates de Taiwan.

* 53 Support mitigating unemployment risks in emergency.

* 54 OFCE, Évaluation au 20 avril 2020 de l'impact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures de confinement en France, 20 avril 2020.

* 55 DARES, Situation sur le marché du travail durant la crise sanitaire aux 23 et 24 juin 2020.

* 56 DARES, Enquête flash « Activité et condition de la main d'oeuvre », juin 2020.

* 57 DARES, Enquête flash « Activité et condition de la main d'oeuvre », mai 2020.

* 58 Décret n° 2020-810 du 29 juin 2020 portant modulation temporaire du taux horaire de l'allocation d'activité partielle.

* 59 Article 53 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

* 60 Voir infra la troisième partie du présent exposé général, consacrée aux propositions du rapporteur générale relatives au plan de relance.

* 61 « Été 2020 : des vacances apprenantes pour un million d'enfants », dossier de presse, juin 2020.

* 62 Le montant des aides serait calculé à partir des revenus reçus le précédent trimestre, et non des revenus reçus deux ans auparavant, ce qui entraîne notamment la réduction ou la suspension des aides pour les personnes dont les revenus ont augmenté pendant cette période.

* 63 Les avances remboursables de l'Agence France Trésor sont imputées sur le programme 823 « Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics » du compte spécial « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

* 64 Présentation du dispositif de soutien aux Français de l'étranger , 30 avril 2020.

* 65 Mesures d'urgence en faveur des collectivités territoriales , dossier de presse du Gouvernement, 29 mai 2020.

* 66 Décret n° 2020-584 du 18 mai 2020 portant ouverture et annulation de crédits et rapport relatif à ce décret.

* 67 Communiqué de presse de l'ANAH, 18 juin 2020.

* 68 Laurent Saint-Martin, rapport n° 2899 fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019.

* 69 En 2019, d'autres pays sont également entrés en négociation avec le MES pour devenir dépositaires (et donc s'engager à des rétrocessions), comme l'Italie et les Pays-Bas.

* 70 Voir par exemple : Erik F. Nielsen, « Sunday Wrap - Chief Economist's Comment », Unicredit Macro Research, 19 avril 2020.

* 71 Erik F. Nielsen, « Sunday Wrap - Chief Economist's Comment », Unicredit Macro Research, 14 juin 2020.

* 72 Voir en ce sens : Conseil d'analyse économique, « Une stratégie économique face à la crise », Note du CAE n° 57, juillet 2020.

* 73 Banque de France, Projections macroéconomiques « France », juin 2020, p. 8.

* 74 OFCE, policy brief n° 75, 26 juin 2020.

* 75 OFCE, « Dynamique des défaillances d'entreprises en France et crise de la Covid-19 », Policy Brief n° 73, 19 juin 2020.

* 76 Voir par exemple : Patrick Villieu, « Profitabilité, incertitude et irréversibilité », Macroéconomie : l'investissement, Repères, La Découverte, 2019.

* 77 « Le redressement de l'investissement immobilier résidentiel est-il durable ? », Trésor-Éco n° 201, 11 juillet 2017.

* 78 L'élasticité de l'investissement au PIB en volume est de 1,6 en France en moyenne mais est bien plus élevée en cas de récession. Elle a ainsi atteint 7,8 en 1975 (choc pétrolier), 10,6 en 1993 (crise de change du système monétaire européen) et 4,1 en 2009 (crise financière). Voir sur ce point : Éric Chaney, « Rebondir face au Covid-19 : relançons l'investissement », Institut Montaigne, mai 2020.

* 79 « Stratégie à mettre en oeuvre pour relancer l'économie », communication d'Albéric de Montgolfier, rapporteur général, devant la commission des finances, mardi 16 juin 2020.

* 80 Pour une synthèse, voir : Carine Bouthevillain, Gilles Dufrénot, Philippe Frouté et Laurent Paul, « Les politiques budgétaires dans la crise », De Boeck, 2013, pp. 46-47.

* 8182 Cour des comptes, « La mise en oeuvre du plan de relance de l'économie française », juillet 2010, p. 19.

* 83 Cour des comptes, rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, 30 juin 2020, p. 14.

* 84 Pour une synthèse récente, voir : OCDE, « Structure des finances publiques et croissance inclusive », OCDE, Études de politique économique, n° 25, décembre 2018.

* 85 Youssef Benzarti, Dorian Carloni, Jarkko Harju, Tuomas Kosonen, « What Goes Up May Not Come Down: Asymmetric Incidence of Value-Added Taxes », NBER Working Paper No. 23849, 2017.

* 86 « Stratégie à mettre en oeuvre pour relancer l'économie », communication d'Albéric de Montgolfier, rapporteur général, devant la commission des finances, mardi 16 juin 2020.

* 87 En effet, si un plan de soutien présente un coût de 1 point de PIB ex-ante, il conduit à élever le PIB d'1 point avec un multiplicateur unitaire, ce qui améliore le solde public de 0,63 point de PIB ex-post, compte tenu de la semi-élasticité budgétaire à l'écart de production qu'utilise la Commission européenne pour la France. Le coût budgétaire net correspond donc à 37 % du coût brut.

* 88 Le montant indiqué correspond à l'effort supplémentaire qui serait engagé sur la période 2020-2022 au titre des investissements en équipements militaires par rapport à la trajectoire prévue en loi de programmation militaire (LPM). La mesure proposé consiste en un lissage de la trajectoire ne modifiant pas in fine le montant global pluriannuel prévu par la LPM.

* 89 Proposé à l'article 2 du présent projet de loi de finances rectificative.

* 90 Le report en arrière des déficits est autorisé sur le seul exercice précédent, dans la limite d'un plafond d'un million d'euros, contre un report sans limitation de montant sur les trois exercices précédents durant la crise de 2008-2009.

* 91 Le coût de l'assouplissement temporaire du « carry back » peut être estimé à 4 milliards d'euros environ, le renforcement des coefficients d'amortissement dégressif à un milliard d'euros environ.

* 92 « Rapport d'évaluation de la transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) et de la création du prélèvement forfaitaire unique (PFU) », rapport d'information n° 42 (2019-2020) de Vincent Éblé et Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 9 octobre 2019.

* 93 « Le redressement de l'investissement immobilier résidentiel est-il durable ? », Trésor-Éco n° 201, 11 juillet 2017, p. 3.

* 94 DARES, Enquête flash « Activité et conditions d'emploi de la main d'oeuvre pendant la crise sanitaire Covid-19 », 17 juin 2020.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page