II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX : DES DOTATIONS DE SOUTIEN À L'INVESTISSEMENT LOCAL QUI DOIVENT FAIRE L'OBJET D'UNE GRANDE ATTENTION
1. Des ouvertures de crédits en légère diminution mais une exécution qui s'améliore
Le montant d'autorisations d'engagement (AE) ouvertes en loi de finances initiale concernant les dotations de soutien à l'investissement local (dotation d'équipement des territoires ruraux, dotation politique de la ville et dotation de soutien à l'investissement local) a légèrement diminué en 2019 (1,77 milliard d'euros) , après une augmentation en 2018 (1,72 milliard d'euros en 2016 et 2017 et 1,81 milliard d'euros en 2018). Les rapporteurs spéciaux soulignent en particulier la diminution du montant d'AE ouvert en LFI pour 2019 au titre de la DSIL (570 millions d'euros contre 615 millions d'euros en 2018). Lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2018, ils avaient montré que la révision du périmètre de cette dotation augmentait artificiellement le montant des engagements afférents et qu'à périmètre constant, cette dotation diminuait. Cette observation est d'autant plus valable en 2019 que les crédits ouverts diminuent.
Les AE engagées ont suivi la même tendance (1,75 milliard d'euros en 2019, 1,78 milliard d'euros en 2018, 1,67 milliard d'euros en 2017 et 1,70 milliard d'euros en 2016).
En revanche, les crédits de paiement (CP) exécutés ont poursuivi leur croissance en 2019 (1,4 milliard d'euros en 2019 contre 1,3 milliard d'euros en 2018, 0,9 milliard d'euros en 2017 et 0,7 milliard d'euros en 2016). Ces concours représentent désormais près de la moitié des crédits de la mission. Leur croissance, conjuguée à la stabilisation des autorisations d'engagement, permet en 2019 un léger rattrapage de la consommation des crédits de paiement de ces dotations.
Évolution des taux d'exécution des crédits de paiement (CP) des principales dotations d'investissement
Source : commission des finances du Sénat à partir des données budgétaires
2. Un remplacement de la dotation générale d'équipement (DGE) des départements par une dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) qui augmente la part de financement sur appels à projets
En LFI pour 2019, 295,9 millions d'euros ont été ouverts en AE et 149,2 millions d'euros en CP au titre de la nouvelle dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) . Un montant de 84 millions d'euros d'AE et de CP a été provisionné en LFI pour 2019 afin de payer les restes à charge de 2018 de la DGE 314 ( * ) .
L'article 259 de la LFI pour 2019 a en effet prévu une transformation de la dotation générale d'équipement (DGE) des départements en DSID, qui est composée de deux parts :
- une fraction « projets » (77 % du montant ouvert en LFI) dont les modalités de gestion sont celles d'une dotation pluriannuelle sur appel à projets gérée par les préfectures de région, à l'instar de la DSIL. Les crédits, notifiés par le préfet de région, doivent financer des opérations d'investissement « dans un objectif de cohésion des territoires » (article L. 3334-10 du code général des collectivités territoriales) ;
- une fraction « péréquation » (23 % du montant ouvert en LFI) qui est calculée et attribuée sur la base du potentiel fiscal des départements et déléguée en « AE = CP ».
Ce remplacement de la DGE par la DSID augmente fortement la part des dotations mobilisées sur appels à projets : alors que les crédits de la DGE des départements étaient gérés comme ceux de la dotation générale de décentralisation (DGD), avec des crédits de paiement mobilisés en même temps que les autorisations d'engagement et pour le même montant, les crédits de paiement de la DSID sont mandatés, pour 77 % d'entre eux, au fur et à mesure de l'avancée des projets sur le terrain. Cette évolution entraîne par conséquent une augmentation des engagements non couverts par des paiements (+ 46,4 millions d'euros), déjà importants les années précédentes (496,4 millions d'euros en 2018 et 542,8 millions d'euros en 2019). Les rapporteurs spéciaux soulignent donc la nécessité, pour les administrations gestionnaires, de suivre très attentivement le rythme de consommation des crédits de paiement. Cette vigilance sera d'autant plus nécessaire en 2020 que ces dotations font partie des principaux dispositifs de soutien de l'investissement local, dans un contexte de crise économique qui nécessitera que les collectivités investissent.
Évolution des engagements non couverts par des crédits de paiement entre 2018 et 2019 pour les dotations versées sur appels à projets
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat à partir des données budgétaires
3. Une évaluation de la performance des dotations d'investissement local à améliorer
L'objectif de performance, évalué par trois indicateurs, est de promouvoir l'investissement local en évitant le saupoudrage des crédits pour que l'effet levier soit réel. Le seul indicateur mesurant réellement cet effet levier ne concerne toutefois que la DETR . Il évalue en effet le pourcentage de projets dont le taux de subvention au titre de cette dotation se situe entre 25 % et 35 %.
Comme la Cour des comptes l'avait déjà préconisé dans sa note d'exécution budgétaire 2018, et comme elle le rappelle en 2019, l'évaluation de l'efficacité des dotations d'investissement local nécessite d'élargir le périmètre de l'analyse à l'ensemble des dotations d'investissement
Si cette recommandation de la Cour a été en partie mise en oeuvre dans le programme annuel de performance de 2020 puisque deux indicateurs ont été mis en place pour mesurer l'effet de levier de la DSIL et de la DPV, les indicateurs utilisés ne permettent pas de vérifier que les financements accordés ne sont pas trop concentrés ou, au contraire, trop éclatés. Comme l'indique la Cour des comptes, les rapporteurs spéciaux estiment qu'il serait utile, comme cela a été fait pour la DETR, de suivre le pourcentage de projets financés dont le taux de subvention est compris dans une fourchette moyenne (par exemple entre 25 % et 35 %).
Ils ajoutent, compte tenu de l'évolution de l'indicateur portant sur la DETR, qui est en baisse depuis 2015 (51,3 % en 2015, 50,2 % en 2016, 49,9 % en 2017, 44,9 % en 2018 et 37,7 % en 2019), qu'il pourrait être utile de le compléter en fournissant le pourcentage de projets financés dont le taux de subvention est compris entre 0 % et 25 % d'une part, entre 25 % et 35 % d'autre part et enfin entre 35 % et 50 %. L'établissement de tranches permettrait d'objectiver la supposition selon laquelle la diminution de la part de projets subventionnés dans une fourchette de 25 % à 35 % témoignerait de la volonté des préfets de département de concentrer leur soutien sur un nombre plus réduit de projets tout en subventionnant des projets de moins grande ampleur que ceux qui font l'objet du soutien de la DSIL attribuée par les préfets de région. Cette évolution est d'autant plus importante qu'il y a eu un débat vigoureux, lors de l'examen du projet de loi de finances 2020, sur la gouvernance de la DETR.
* 314 Comme le prévoit le II de l'article 259 de la LFI pour 2019, en ponctionnant le montant ouvert pour la DSID avant répartition de ses deux fractions.