D. LA SUPERPOSITION DES RÉGIMES SPÉCIAUX CRÉE DES SURCOÛTS DE GESTION DONT LA JUSTIFICATION N'APPARAÎT PAS CLAIREMENT

Si le dispositif de performance de la mission est indigent du point de vue des composantes socio-économiques susceptibles de justifier l'intervention de l'État, le suivi de la performance de la mission apporte un suivi de la gestion des caisses, à partir d'indicateurs dont la responsabilité échappe assez largement aux responsables de programmes.

Certes, les conventions d'objectifs et de gestion (COG) conclues avec les différents organismes chargés de la gestion des régimes, auxquelles les responsables de programme peuvent être associés, comportent des cibles visant à optimiser les coûts d'administration des régimes spéciaux subventionnés par l'État.

Il n'empêche que ce sont les organismes gestionnaires qui disposent d'une maîtrise, au demeurant relative, des conditions de gestion des prestations qu'ils servent.

C'est dans ce contexte et sous ces réserves que la rapporteure spéciale prend acte des commentaires, plutôt satisfaits, qui accompagnent ce volant du suivi de la performance.

Certaines observations, récurrentes, ne s'en imposent pas moins.

En premier lieu, force est de constater que les données fournies manquent d'homogénéité et d'exhaustivité. À titre d'exemple, le déficit d'homogénéité peut être illustré par le recensement des coûts de gestion des régimes administrés par la Caisse des dépôts et consignations qui ne sont pas présentés, seule étant exposée la rémunération versée par l'État à la Caisse des dépôts et consignations en contrepartie de sa gestion de la caisse des mines, la correspondance entre les coûts supportés par la Caisse des dépôts et la rémunération versée à cette dernière par la CANSSM n'étant pas documentée.

En deuxième lieu, les performances extériorisées par les indicateurs apparaissent très disparates.

Éléments de comparaison des coûts de gestion
de quelques régimes spéciaux de retraite

Coût de gestion

(en millions d'euros)

Coût de gestion rapporté au volume des prestations (centimes d'euros/1 000 euros de prestations)

SNCF

24,7

4,7

RATP

4,9

4,2

Marins

9,6

9,4

Mines

12,7

9,8

Source : commission des finances du Sénat à partir des données du rapport annuel de performances 2019de la mission

Selon les données fournies par le rapport annuel de performances de la mission, les coûts de gestion des différents régimes vont du simple au double entre le régime de la SNCF et celui des marins, le régime des mines ressortant comme le plus coûteux, situation paradoxale puisqu'il est en voie d'extinction.

De même, l'écart entre les coûts de gestion unitaire des régimes des transports terrestres (SNCF et RATP) atteint près de 10 %, les coûts de gestion de la caisse de SNCF représentant près de cinq fois ceux de la caisse de la RATP.

Ces différences sont difficilement explicables. Les pensions déjà liquidées suscitent normalement de plus faibles coûts de gestion si bien que la valeur de l'indicateur suivi devrait être sensible aux flux de liquidation. Or, cette corrélation est loin d'être systématique, suggérant une forme d'inertie des coûts de gestion des caisses dans un environnement de réduction des volumes d'activité. Par ailleurs, l'écart entre le coût d'une primo liquidation par la caisse de retraite de la SNCF et la même donnée pour la caisse de la RATP (en faveur de la première) témoigne de l'existence d'un différentiel de performances qui mériterait une évaluation. Quant au coût d'une primo liquidation de pension dans le régime des marins (767 euros en 2019), il se compare avec un coût de 368 euros à la RATP.

Il existe incontestablement des facteurs d'inertie dans la gestion des caisses et il faut prendre en compte la situation des coûts fixes. Cependant, on pourrait s'attendre à ce que ces derniers soient mieux amortis pour les régimes en extinction.

La question importante de la récupération des indus appellerait une étude à part entière. À la RATP, le montant des indus récupérés ressort comme nettement plus faible qu'à la SNCF (72 633 euros contre 6 960 000 euros pour cette dernière). Il existe une disproportion entre les inférences statistiques qu'on peut extraire de la comparaison des populations concernées. Il est toutefois difficile d'attribuer une signification précise à ce qui apparaît de prime abord comme une aberration.

Enfin, il convient de s'interroger sur la rationalité d'une gestion séparée, entité par entité, des régimes sociaux. Il est peu douteux que cette organisation puisse conduire à des duplications de coûts qui, pour ne représenter qu'un enjeu relativement mineur au regard de la masse des prestations servies, et même des subventions accordées par l'État, s'élèvent pour les quatre régimes mentionnés dans le tableau ci-dessus à plus de cinquante millions d'euros.

Une appréciation plus systématique de la justification de ces éventuels, mais probables, surcoûts s'impose dans la perspective d'une meilleure utilisation des ressources.

À ce stade, il n'est pas possible d'associer avec précision à la (prochaine ?) réforme du système de retraite, orientée vers l'institutionnalisation d'un régime universel de retraite (et non d'un régime unique) une rationalisation des coûts de gestion des prestations versées par les régimes spéciaux.

Cependant, le projet de loi déposé par le Gouvernement prévoit la constitution d'une caisse nationale de retraite universelle appelée à intégrer les caisses existant actuellement et à constituer un réseau territoriale unifié.

Cette perspective suppose vraisemblablement, à terme, des économies de gestion. Néanmoins, pour qu'elles se concrétisent, il faudra passer par une série d'étapes juridiquement et socialement complexes.

Parmi les facteurs de complexité, figure la question du sort des patrimoines détenus par les caisses.

À cet égard, le Conseil d'État dans son avis sur les projets de texte déposés par le Gouvernement a rappelé la jurisprudence du Conseil constitutionnel (DC n°2013- 682) par laquelle ce dernier a considéré que les transferts patrimoniaux pouvant intervenir dans ce type d'opérations fassent l'objet d'une indemnisation du préjudice subi par l'organisme concerné.

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