ARTICLE 1ER DUODECIES (NOUVEAU)
MESURE DE L'AUDIENCE SYNDICALE -
MANDATS DES CONSEILLERS PRUD'HOMMES
ET DES MEMBRES DES COMMISSIONS PARITAIRES
RÉGIONALES INTERPROFESSIONNELLES

Introduit par la commission des lois à l'initiative conjointe de son rapporteur et du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, l'article 1 er duodecies vise à tirer les conséquences du report du prochain scrutin visant à mesurer l'audience syndicale dans les entreprises de moins de onze salariés, ainsi que de la prorogation des mandats en cours des conseillers prud'hommes et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), par l'ordonnance n° 2020-388 du 1 er avril 2020.

Afin de ne pas perturber durablement la cohérence du « cycle de représentativité » syndicale et patronale, il est nécessaire de réduire l'intervalle entre les deux prochains scrutins, ainsi que le mandat des conseillers prud'hommes et membres des CPRI qui seront désignés lors des prochains renouvellements.

1. Le « cycle de représentativité » syndicale et patronale, les mandats prud'homaux et ceux des membres des CPRI

Plusieurs lois et ordonnances adoptées au cours des deux précédents quinquennats ont profondément modifié les modalités d'appréciation de la représentativité des organisations syndicales de salariés du secteur privé et des organisations professionnelles d'employeurs, ainsi que les effets attachés à celle-ci 120 ( * ) .

S'agissant des organisations syndicales , parmi les critères de représentativité fixés à l'article L. 2121-1 du code du travail, leur audience est mesurée, aux différents niveaux de négociation :

- dans les entreprises d'au moins onze salariés , par les suffrages obtenus au premier tour des élections au comité social et économique (CSE) , qui ont lieu dans chaque entreprise tous les quatre ans (sans que ces élections soient organisées concomitamment dans toutes les entreprises concernées) ;

- dans les entreprises de moins de onze salariés , par un scrutin organisé au niveau régional tous les quatre ans.

La représentativité des organisations syndicales est établie, pour chaque cycle de quatre ans (N à N+3), en fonction des résultats obtenus aux élections aux CSE qui ont eu lieu tout au long du cycle précédent (N-4 à N-1) et du scrutin pour la mesure de l'audience syndicale dans les entreprises de moins de onze salariés organisé au cours des dernières semaines du cycle précédent (fin novembre - début décembre de N-1).

S'agissant des organisations patronales , parmi les critères de représentativité fixés à l'article L. 2151-1 du même code, leur audience est mesurée en fonction du nombre d'entreprises volontairement adhérentes ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale. Les organisations qui souhaitent voir reconnaître leur représentativité pour un cycle de quatre ans (N à N+3) sont appelées à faire acte de candidature au cours de l'année précédente (N-1), leur audience étant appréciée en fonction du nombre d'entreprises adhérentes et de leurs salariés à la date du 31 décembre de l'année N-2.

Parmi les effets nouvellement attachés à la représentativité syndicale et patronale , il convient ici de mentionner la composition des conseils de prud'hommes et celle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI).

Alors que les conseillers prud'hommes étaient naguère élus au suffrage direct par les salariés et employeurs pour un mandat de cinq ans, ils sont désormais désignés pour quatre ans, par arrêté conjoint du garde des sceaux et du ministre du travail, sur proposition des organisations syndicales et patronales. Le nombre de sièges attribués à chaque organisation dépend de son audience, mesurée au niveau départemental pour les organisations syndicales et au niveau national pour les organisations patronales. La durée des mandats prud'homaux est décalée d'un an par rapport au cycle de représentativité syndicale et patronale (de N+1 à N+4), afin que les résultats obtenus au cours du cycle précédent puissent être pris en compte.

Par ailleurs, des commissions paritaires interprofessionnelles ont été instituées au niveau régional pour représenter les salariés et employeurs des entreprises de moins de onze salariés relevant de branches professionnelles qui n'ont pas mis en place leurs propres commissions paritaires. Les membres des CPRI sont nommés pour quatre ans par arrêté du ministre du travail, le nombre de sièges revenant à chaque organisation syndicale et patronale étant fonction de son audience mesurée au niveau régional. La durée des mandats est décalée de six mois par rapport au cycle de représentativité (du 1 er juillet de l'année N au 30 juin de l'année N+4).

Le cycle de représentativité syndicale et patronale et ses effets :
calendrier prévu avant la crise sanitaire

Source : commission des lois du Sénat

2. Les mesures prises par voie d'ordonnance et le risque d'une décorrélation permanente entre les composantes du « cycle de représentativité »

La crise sanitaire a conduit le Gouvernement, par l'ordonnance n° 2020-388 du 1 er avril 2020 121 ( * ) , à reporter au premier semestre de l'année 2021 le prochain scrutin visant à mesurer l'audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés , qui devait se tenir entre le 23 novembre et le 6 décembre 2020. Ce report, décidé près de huit mois avant l'échéance, était-il indispensable ? On constate à tout le moins qu'elle n'a pas suscité d'opposition de la part des organisations syndicales et patronales.

Par voie de conséquence, il a également été nécessaire de reporter le prochain renouvellement général des conseils de prud'hommes , qui doit en principe avoir lieu l'année suivant chaque cycle de mesure de l'audience syndicale et patronale. Ce renouvellement aurait lieu, selon l'ordonnance, au plus tard le 31 décembre 2022.

De même, le prochain renouvellement des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) a été reporté au plus tard le 31 décembre 2021.

Or la loi fixe à quatre ans l'intervalle entre deux scrutins pour la mesure de l'audience syndicale dans les entreprises de moins de onze salariés, de même que la durée des mandats des conseillers prud'hommes et des membres des CPRI. Les mesures prise par voie d'ordonnance pour faire face à l'urgence sanitaire pourraient donc avoir pour effet de perturber durablement la cohérence du cycle de représentativité syndicale et patronale :

- en dissociant dans le temps la mesure de l'audience syndicale dans les entreprises de moins de onze salariés et celle de l'audience syndicale dans les autres entreprises ainsi que de l'audience patronale ;

- en éloignant les dates auxquelles sont arrêtées la composition des conseils de prud'hommes et celle des CPRI de la mesure de l'audience syndicale (sauf dans les très petites entreprises) et patronale.

Le risque de décorrélation résultant des mesures prises par ordonnance

Source : commission des lois du Sénat

3 . Les ajustements proposés par la commission

Afin d'éviter que cette double décorrélation ne devienne permanente, le Gouvernement demandait, à l'article 1 er du projet de loi, à être habilité à légiférer par ordonnance pour « ajuster » - c'est-à-dire réduire à due concurrence - la durée des mandats des conseillers prud'hommes et des membres des CPRI qui doivent être désignés, respectivement, en 2022 et 2021, ainsi que l'intervalle entre les deux prochains scrutins pour la mesure de l'audience syndicale dans les entreprises de moins de onze salariés.

La commission a supprimé cette habilitation qui dépossédait inutilement le Parlement de ses prérogatives, préférant inscrire directement les dispositions nécessaires dans le droit en vigueur. Tel est l'objet de l'article 1 er duodecies (nouveau), qui résulte de l'adoption de deux amendements identiques COM-70 et COM-96 présentés, respectivement, par le rapporteur et par René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, au nom de celle-ci. Plus exactement, cet article additionnel prévoit :

- que la date du prochain scrutin visant à mesurer l'audience syndicale dans les entreprises de moins de onze salariés soit organisé, au premier semestre de l'année 2021, au cours d'une période fixée par décret, conformément au droit commun, et non par arrêté du ministre chargé du travail comme le prévoit l'ordonnance ;

- que l'intervalle entre les deux prochains scrutins puisse être réduit, également par décret, d'une durée n'excédant pas six mois ;

- que la durée des mandats des prochains conseillers prud'hommes et des prochains membres des CPRI soit réduite de la même durée qu'auront été prorogés les mandats en cours.

Les ajustements proposés par la commission

Source : commission des lois du Sénat

La commission a adopté l'article 1 er duodecies ainsi rédigé .

ARTICLE 1 ER TERDECIES (NOUVEAU)
ALLONGEMENT TEMPORAIRE DE LA DURÉE MAXIMALE D'ENGAGEMENT CONTRACTUEL DES ADJOINTS DE SÉCURITÉ
ET DES GENDARMES ADJOINTS VOLONTAIRES

Cet article, qui résulte de l'adoption d'un amendement COM-46 du rapporteur, tend à inscrire directement dans la loi une dérogation à la durée maximale d'engagement des adjoints de sécurité de la police nationale et des gendarmes adjoints volontaires , à laquelle le Gouvernement souhaitait procéder par voie d'ordonnance 122 ( * ) .

Les adjoints de sécurité et les gendarmes adjoints volontaires sont des agents contractuels de la police nationale et de la gendarmerie nationale, recrutés sous condition d'âge 123 ( * ) , qui participent aux missions de sécurité intérieure aux côtés des personnels actifs et des militaires.

En l'état du droit, ils ne peuvent être engagés que pour une période maximale de six ans .

Les conditions de recrutement des adjoints de sécurité (ADS)
et des gendarmes adjoints volontaires (GAV)

En vertu de l'article L. 411-5 du code de la sécurité intérieure, les adjoints de sécurité sont recrutés en qualité de contractuels de droit public pour une durée de trois ans, renouvelable une fois, soit une période maximale de 6 ans . Ils doivent être âgés de 18 ans minimum à 30 ans maximum.

Conformément à l'article L. 4139-16 du code de la défense, les gendarmes adjoints volontaires sont embauchés pour une durée maximale de cinq ans, qui peut être prolongée, à leur demande, pour un an . Ils doivent être âgés, au moment de leur recrutement, de 18 ans à 26 ans.

En raison du confinement, les processus de recrutement et de formation de ces deux catégories d'agents ont été suspendus, mettant à mal le remplacement des agents dont le contrat arrive à échéance en 2020 .

Ainsi, selon les informations communiquées au rapporteur, sur les 5 300 recrutements de gendarmes adjoints volontaires programmés en 2020, seuls 500 avaient été réalisés à la mi-mai, la suppression des sélections et le gel des formations jusqu'à l'été faisant par ailleurs peser un risque sur la capacité de la gendarmerie à recruter et à intégrer les 4 800 effectifs supplémentaires programmés d'ici la fin de l'année.

Afin d'éviter un phénomène de « trou à l'emploi », le projet de loi initial prévoyait d'habiliter le Gouvernement à proroger les contrats des adjoints de sécurité et gendarmes volontaires adjoints arrivant à échéance au cours de l'état d'urgence sanitaire et pendant une période de six mois suivant son terme , pour une durée d'un an ( b du 2° du I de l'article 1 er du projet de loi).

Introduit à l'initiative du rapporteur, l' article 1 er terdecies du projet de loi, qui se substitue à cette habilitation, inscrit directement cette mesure dans la loi et procède aux modifications nécessaires pour déroger aux dispositions du code de la sécurité intérieure et du code de la défense. La commission a en effet souscrit à l'objectif poursuivi par le Gouvernement, dont elle observe qu'il permettra également de maintenir en emploi des jeunes dont la fin de contrat pourrait se traduire, en période de crise, par une inscription au dispositif d'allocation chômage.

Selon les informations communiquées au rapporteur, la prolongation des contrats de ces agents pour une septième année n'entrerait pas dans le champ de l'article 6 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, qui prévoit la transformation, au-delà d'une période de six ans, des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, dès lors que ces agents sont recrutés sur une base légale spécifique. Par souci de lisibilité et afin d'éviter tout risque de contentieux, la commission a estimé préférable d'exclure explicitement l'application de cette disposition.

La commission a adopté l'article 1 er terdecies ainsi rédigé .

ARTICLE 1 ER QUATERDECIES (NOUVEAU)
DÉROGATION AUX PLAFONDS DE MOBILISATION
DE LA RÉSERVE CIVILE DE LA POLICE NATIONALE

Issu de l'adoption d'un amendement COM-48 du rapporteur, cet article vise à inscrire directement dans la loi une dérogation, pour l'année 2020, aux plafonds de mobilisation de la réserve civile de la police nationale , à laquelle le Gouvernement souhaitait procéder par voie d'ordonnance (voir commentaire de l'article 1 er supra ).

Régie par les articles L. 411-7 à L. 411-17 du code de la sécurité intérieure, la réserve civile de la police nationale constitue un vivier destiné à exercer des missions de soutien aux forces de sécurité intérieure, à l'exception des missions de maintien et de rétablissement de l'ordre public.

Elle est constituée de trois composantes :

- des retraités des corps actifs de la police nationale, qui forment la réserve dite statutaire ;

- des personnes ayant exercé les fonctions d'adjoint de sécurité au sein de la police nationale pendant au moins trois ans de service effectifs ;

- des civils volontaires.

La capacité de mobilisation de cette réserve est encadrée par la loi. Ainsi, l'article L. 411-1 du code de la sécurité intérieure fixe un nombre maximal de vacations pouvant être réalisées annuellement par les réservistes , qui varie selon la qualité du réserviste concerné.

Au regard de la crise sanitaire et des besoins humains qu'elle nécessite, la police nationale souhaite pouvoir mobiliser plus fortement ses quelques 6 800 réservistes en augmentant, pour la seule année 2020, les plafonds fixés par la loi .

À l'instar de la position qu'elle a tenue sur l'engagement des agents contractuels de la police et de la gendarmerie nationale, la commission a souscrit, dans son principe, à cette disposition exceptionnelle , de nature à faciliter les renforts ponctuels aux forces de sécurité intérieure au cours des prochains mois.

Sur la forme toutefois, elle a estimé que le renvoi de la définition de cette mesure à une ordonnance n'était pas justifié et a, en conséquence, souhaité inscrire les dispositions envisagées directement dans la loi.

La rédaction adoptée prévoit, à l'instar de ce qu'envisageait le Gouvernement, une dérogation temporaire, pour la seule année 2020. Elle reprend les plafonds de mobilisation évoqués dans l'étude d'impact du projet de loi, reproduits dans le tableau ci-dessous.

Augmentation envisagée des plafonds d'emplois
de la réserve civile de la police nationale

Catégorie de réservistes

Plafond actuel

Plafond envisagé pour l'année 2020

Retraités des corps actifs de la police nationale

150 jours par an ou
210 jours pour les missions accomplies à l'étranger

210 jours

Anciens adjoints de sécurité

150 jours par an

210 jours

Réservistes civils volontaires

90 jours par an

150 jours

Enfin, de manière à articuler ce régime dérogatoire avec le cadre normalement applicable, il est précisé que l'augmentation exceptionnelle de la mobilisation d'un réserviste doit d'une part, donner lieu à une modification, par voie d'avenant, de son contrat individuel d'engagement et, d'autre part, être soumise à l'accord préalable de son employeur quand il est salarié.

La commission a adopté l'article 1 er quatordecies ainsi rédigé .

ARTICLE 1 ER QUINDECIES (NOUVEAU)
MAINTIEN EN SERVICE ET RÉENGAGEMENT
DES MILITAIRES PENDANT LA CRISE SANITAIRE

Introduit à l'initiative du rapporteur, cet article tend à inscrire directement dans la loi les mesures exceptionnelles de maintien en service et de réengagement de militaires, auxquelles le Gouvernement souhaitait procéder par voie d'ordonnance (voir commentaire de l'article 1 er supra ).

Depuis la mi-mars, l'interruption tant des processus de recrutement que des structures de formation militaire a généré un déficit important de personnels militaires , dont l'ampleur est estimé à environ 100 recrues par jour et qui met en péril, à moyen terme, les capacités des armées .

Le ministère des armées estime être en mesure de combler ce sous-effectif d'ici la fin de l'année, mais seulement partiellement, compte tenu du risque de saturation des capacités de formation. Par ailleurs, il a été indiqué au rapporteur que les occasions manquées de recrutement de personnels qualifiés, captés pendant la crise par d'autres employeurs, faisait peser sur les armées des risques de vacances sur des postes stratégiques, qui pourraient perdurer à moyen terme.

Pour assurer, au cours des prochains mois, la continuité des activités militaires, le Gouvernement envisageait de prévoir par ordonnance plusieurs dérogations temporaires au statut militaire, consistant tant à limiter les départs qu'à réintégrer d'anciens militaires  qualifiés.

Partageant les intentions du Gouvernement, la commission a estimé préférable d'inscrire directement dans la loi les mesures envisagées et d'éviter, ainsi, une habilitation large et attentatoire aux prérogatives du Parlement. Deux de ces mesures font l'objet du présent article additionnel, qui résulte de l'adoption d'un amendement COM-77 du rapporteur.

1. Des possibilités de maintien en service au-delà des limites d'âge et de durée de service

À l'instar de ce qu'envisageait l'habilitation supprimée par la commission, le I de l'article 1 er quindecies permet tout d'abord aux armées de maintenir en service, pour une durée maximale d'une année, les militaires de carrière et les militaires sous contrat qui atteignent respectivement les limites d'âge ou de maintien en service fixés par l'article L. 4139-16 du code de la défense.

Cette dérogation serait applicable à tous les militaires ayant atteint l'âge limite de départ depuis la déclaration de l'état d'urgence sanitaire le 23 mars 2020 et jusqu'à six mois après la fin de cet état d'urgence sanitaire, soit potentiellement jusqu'à la fin de l'année 2020.

La rédaction proposée prévoit que le maintien en service ne pourrait intervenir que sur une base volontaire, à la demande du militaire concerné. Il appartiendrait, en définitive, aux armées de décider du prolongement, en fonction des besoins en personnels rencontrés.

2. Un réengagement d'anciens militaires de carrière sur des postes qualifiés

Les II à IV de l'article 1 er quindecies confèrent quant à eux la possibilité aux armées de réintégrer d'anciens militaires de carrière ayant été radiés des cadres , soit à la suite d'une démission (article L. 4139-13 du code de la défense), soit à la suite d'un détachement dans la fonction publique (8° de l'article L. 4139-14 du même code).

Sont en revanche explicitement exclus de cette mesure les anciens militaires radiés des cadres pour fautes disciplinaires ou pénales, pour radicalisation ou n'ayant pas atteint les prérequis au cours de leur formation initiale, ainsi que les militaires ayant bénéficié d'une incitation au départ dans les conditions prévues par la loi de programmation du 13 juillet 2018.

La commission a, ainsi que le suggérait le ministère des armées, limité le champ de cette dérogation aux seuls militaires ayant quitté les cadres dans l'année précédant la déclaration de l'état d'urgence sanitaire, soit entre le 23 mars 2019 et le 23 mars 2020. Elle n'a en revanche pas souhaité reprendre, à ce stade de l'examen du projet de loi, la suggestion faite par le Conseil supérieur de la fonction militaire de réintégrer les militaires ayant quitté les armées avant cette date, estimant que la dérogation proposée devait conserver un caractère exceptionnel.

De même que la prolongation de la durée de service, le réengagement d'anciens militaires ne pourra être mis en oeuvre que pendant la période de l'état d'urgence sanitaire et au cours des six mois suivant son terme.

Les militaires réengagés sur cette base juridique seraient pleinement réintégrés dans leur statut militaire, au moment où ils l'ont quitté. Il est ainsi prévu qu'ils récupèrent le grade et l'échelon qu'ils détenaient. Par ailleurs, aucune durée maximale de réengagement n'est fixée, les militaires concernés réintégrant les cadres jusqu'à la limite d'âge légale qui s'appliquait à eux avant leur départ.

Enfin, l'article 1 er quindecies tire les conséquences du réengagement en matière de pensions, notamment dans le but d'éviter un cumul du versement d'une solde et d'une pension militaire.

La commission a adopté l'article 1 er quindecies ainsi rédigé .

ARTICLE 1 ER SEXDECIES (NOUVEAU)
DÉROGATION AU RÉGIME DE RECONVERSION
PROFESSIONNELLE DES MILITAIRES DE CARRIÈRE

Cet article, qui résulte de l'adoption d'un amendement COM-78 du rapporteur, vise à inscrire directement dans la loi les dérogations au régime de reconversion professionnelle des militaires, auxquelles le Gouvernement souhaitait procéder par voie d'ordonnance 124 ( * ) .

1. Le dispositif de reconversion professionnelle des militaires

Les militaires de carrière qui souhaitent quitter l'institution militaire en vue d'occuper un emploi civil peuvent bénéficier d'un accompagnement à la reconversion professionnelle , qui peut consister, pour le militaire concerné, soit à bénéficier d'un dispositif d'évaluation et d'orientation professionnelle, soit à suivre une formation professionnelle ou un accompagnement vers l'emploi.

Défini à l'article L. 4139-5 du code de la défense, le régime de reconversion des militaires est éligible aux militaires de carrière ou sous contrat ayant accompli au moins quatre ans de services effectifs qui en font la demande 125 ( * ) .

Pour leur permettre de suivre une formation, ceux-ci peuvent demander à bénéficier d'un congé dit de reconversion , d'une durée maximale de 120 jours, qui peut être pris de manière fractionné. À leur demande, ils peuvent être placés, à l'issue de cette première période, en congé complémentaire de reconversion, pour une nouvelle période de 6 mois, non fractionnable.

Pendant la durée de ces congés, le militaire continue de percevoir la rémunération afférente à son grade.

Le militaire qui bénéficie d'un congé de reconversion est radié des cadres militaires :

- soit à l'issue de son congé de reconversion de 120 jours ;

- soit à l'expiration du congé complémentaire de reconversion, lorsqu'il a demandé en bénéficier ;

- soit, lorsqu'il n'a pas bénéficié de l'ensemble de son congé de reconversion, au plus tard deux ans après l'utilisation du quarantième jour de ce congé.

2. L'inscription « en clair » de dérogations au régime de reconversion visant à faire face aux conséquences de la crise sanitaire

Issu de l'adoption d'un amendement COM-78 du rapporteur, l' article 1 er sexdecies inscrit directement dans la loi les dérogations au régime de reconversion que le Gouvernement envisageait de prendre par ordonnance pour tirer les conséquences de la crise sanitaire.

a) L'instauration d'une voie exceptionnelle et temporaire de retour au statut militaire

Le I de cet article 1 er sexdecies tend, en premier lieu, à permettre aux militaires engagés dans un processus de reconversion et bénéficiant, à ce titre, d'un congé de reconversion ou d'un congé complémentaire de reconversion, de renoncer à leur projet d'évolution professionnelle et d'être libérés de leur obligation de quitter les cadres militaires.

Destinée à limiter les départs des armées pour combler les déficits en ressources humaines résultant de la crise sanitaire, cette mesure n'aurait vocation à s'appliquer que de manière temporaire , pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire et au cours des six mois suivant son terme.

Selon les informations communiquées au rapporteur, 1 500 militaires seraient éligibles à cette mesure dérogatoire au cours du second semestre 2020.

b) La sécurisation des militaires engagés dans un processus de reconversion

Les II à IV de l'article 1 er sexdecies ont vocation à sécuriser la situation des militaires engagés dans un processus de reconversion professionnelle .

En effet, nombre des formations ont été interrompues depuis le début de la crise sanitaire, plaçant les militaires concernés face au risque d'être radiés des cadres, soit parce qu'ils ont atteint la durée maximale de leur congé de reconversion, soit parce qu'ils ont atteint les limites d'âge ou de maintien en service, alors même qu'ils n'ont pas été en capacité d'achever leur processus de reconversion.

Il est proposé, en conséquence, de reporter les limites légales de radiation des cadres et de maintenir les militaires concernés en activité jusqu'à la fin effective de leur formation , afin d'éviter de les placer en situation de précarité.

La commission a adopté l'article 1 er sexdecies ainsi rédigé .


* 120 Il s'agit, notamment, de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ; de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale ; de la loi n° 2014-1528 du 18 décembre 2014 relative à la désignation des conseillers prud'hommes et de l'ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 relative à la désignation des conseillers prud'hommes ; de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi.

* 121 Ordonnance n° 2020-388 du 1 er avril 2020 relative au report du scrutin de mesure de l'audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés et à la prorogation des mandats des conseillers prud'hommes et membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles .

* 122 Voir le commentaire de l'article 1 er , supra .

* 123 Les adjoints de sécurité doivent être âgés de 18 à 30 ans. Les gendarmes adjoints volontaires doivent être âgés, au moment de leur recrutement, de moins de 26 ans.

* 124 Voir le commentaire de l'article 1 er , supra .

* 125 Peuvent également bénéficier d'un congé de reconversion les militaires blessés en service ou victimes d'une affection survenue dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonction, sans condition d'ancienneté.

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