EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 21 avril 2020 sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020.
M. Vincent Éblé , président . - Nous examinons le rapport sur le deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020. Pour des raisons sanitaires, nous avons restreint la présence en commission et je remercie nos collègues qui ont accepté de ne pas venir physiquement et de participer à nos travaux par visioconférence, sachant qu'ils pourront débattre, mais pas prendre part au vote, lequel, hors les délégations de vote, exige une présence physique.
Un mois après un premier collectif budgétaire, nous en examinons un deuxième, qui entend tirer de manière plus réaliste les conséquences de la crise sanitaire et économique actuelle et renforcer les dispositifs de soutien aux entreprises et aux ménages. Adopté le 15 avril dernier en conseil des ministres, ce PLFR 2, qui comprenait initialement dix articles, en compte désormais vingt-trois depuis son examen par l'Assemblée nationale.
Étant donné les délais restreints dont nous disposons, je passe immédiatement la parole au rapporteur général. Nous examinerons les amendements de séance à l'issue de la discussion générale prévue à 14 h 30, et après instruction desdits amendements.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - Il y a un mois, lors du premier PLFR, j'avais souligné combien les chiffres du Gouvernement sur la croissance et la dépense publique étaient optimistes, combien les mesures prises étaient sous-dimensionnées et j'avais annoncé que nous devrions nous revoir prochainement pour un nouveau collectif budgétaire : nous le vérifions pleinement aujourd'hui, et, devant ce nouveau texte, je peux vous annoncer pareillement que nous aurons à nous revoir le mois prochain pour un troisième PLFR. La situation ne cesse de se dégrader, on atteint les dix millions de chômeurs partiels, il faudra mobiliser davantage encore de moyens que le Gouvernement ne l'envisage aujourd'hui - le tort du Sénat, c'est d'annoncer trop tôt des choses vraies, on le vérifie encore avec ce collectif. Et dans le fond, cette crise démontre ce que nous ne cessons de dire depuis des années : la France manque de marges de manoeuvre, surtout par comparaison avec l'Allemagne, qui a su faire les efforts à temps. Cela explique que, face à la crise, l'Allemagne peut véritablement soutenir son économie avec des subventions directes aux entreprises, tandis que notre plan de soutien repose pour l'essentiel sur des reports de charges et des garanties.
Nous savions donc, il y a un mois, que les besoins seraient bien plus importants que ceux qui ont été prévus par le Gouvernement et que la situation des finances publiques serait bien plus dégradée qu'annoncé. Nous devons donc, dans ce deuxième collectif, et en attendant le troisième, renforcer le plan de soutien et actualiser le scénario budgétaire gouvernemental. Le PLFR est accompagné du programme de stabilité, qui n'apporte aucune information supplémentaire par rapport au premier collectif puisqu'il ne couvre que l'exercice 2020 et qu'il ne comporte pas d'orientations pluriannuelles - c'est un plan de crise, pour parer à l'immédiat.
Le scénario de croissance était passé de +1,3 % en loi de finances initiale à - 1 % dans le premier collectif ; nous avions bien raison de dire que cette hypothèse était trop optimiste. La prévision est aujourd'hui de - 8 %, c'est la plus mauvaise performance depuis la Seconde Guerre mondiale - nous n'étions pas tombés aussi bas, même après la crise de 2008. Le Gouvernement tient compte de la prolongation d'un mois du confinement, dont les effets économiques sont bien plus forts qu'initialement escompté. La Banque de France estime à un tiers le recul de l'activité, mais le coup d'arrêt est bien plus brutal dans certains secteurs - il est par exemple de 90 % dans la construction. Lors de son audition, le gouverneur de la Banque de France nous a confirmé que chaque mois de confinement représentait une perte comptable de 3 points de PIB. Le 11 mai ne signifiera pas la fin du confinement pour toute notre économie, des activités resteront réduites, voire fermées, comme l'hôtellerie-restauration : il y a donc de forts risques que le recul soit plus fort encore. La nouvelle prévision gouvernementale concorde cependant avec celle du Fonds monétaire international (FMI) et se situe dans la fourchette basse du consensus des économistes - les hypothèses varient très fortement, allant de - 18 % pour les plus pessimistes à - 3,5 %. En un mot, la situation est catastrophique.
La véritable incertitude, c'est la vitesse de la reprise en fin de confinement. Le Gouvernement privilégie un rebond rapide, mais rien ne le garantit. Au rang des éléments favorables figurent la mise à l'arrêt de l'activité volontaire - elle ne résulte pas de déséquilibres internes et longs à résorber, comme cela s'est passé en 2008 - ; ainsi que les mesures de soutien massives, en particulier celles qui sont prises par la Banque centrale européenne (BCE). Cependant, les aléas sont nombreux : la fin du confinement sera progressive, de nombreuses activités resteront fermées - l'hôtellerie-restauration ou le transport aérien - ; ensuite, la crise est mondiale, les chaînes de production s'en trouvent déséquilibrées ; enfin, le risque que l'épidémie revienne, ce qui est un facteur de ralentissement... En tout, le rebond n'est en rien garanti, alors que le Gouvernement compte dessus.
Côté épargne, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime que les ménages ont mis de côté 55 milliards d'euros pendant le confinement, par précaution, mais aussi parce que la consommation est rendue difficile - essayez donc d'acheter une voiture ces temps-ci - ; l'utilisation de cette épargne après le confinement sera un levier.
Le renforcement du plan de soutien est au coeur de ce PLFR. Il y a un mois, je soulignais que le plan de soutien gouvernemental avait un faible impact budgétaire, de 0,5 % PIB, du fait qu'il procédait essentiellement à des allégements de charges, par contraste avec le plan allemand. Les Allemands, en particulier, ont d'emblée recouru à des subventions et des recapitalisations d'entreprises, y compris dans des entreprises de taille intermédiaire (ETI), pour un montant global de 150 milliards d'euros.
Le Gouvernement a pris conscience des limites de son premier plan, il accepte désormais ce que nous proposions, en intervenant plus directement auprès des entreprises : le Fonds de solidarité passe de 1,7 à 7 milliards d'euros ; le montant global du plan progresse également. Néanmoins, la comparaison avec deux pays européens de taille comparable, le Royaume-Uni et l'Allemagne - l'analyse se trouve dans mon rapport - démontre l'insuffisance de ce nouveau plan gouvernemental. Mon homologue de l'Assemblée nationale, qu'on ne peut soupçonner d'être défavorable au Gouvernement, va dans le même sens que moi, comparant en particulier les 1 500 euros forfaitaires du Fonds de solidarité français aux quelque 9 000 euros pour les petites entreprises allemandes, soutien que les Länder peuvent compléter... Et la comparaison démontre que, là où l'Allemagne aide directement les entreprises, le plan français consiste surtout à différer des charges, mécanisme qui pourrait très bien ouvrir sur un dégrèvement, j'y reviendrai.
Les chiffres sont clairs : les 7 milliards d'euros de notre Fonds de solidarité, contre, je le répète, 1,7 milliard il y a un mois, sont à comparer aux 29 milliards d'euros mobilisés par le Royaume-Uni et aux 50 milliards d'euros mobilisés par l'Allemagne pour les TPE, les professions libérales et les indépendants. Plus globalement, ces deux voisins mettent respectivement 92 milliards d'euros et 160 milliards d'euros dans l'aide directe aux entreprises, contre 52 milliards d'euros pour la France. Voyez le côté hypocrite du plan français, qui consiste, pour l'essentiel, à reporter des charges - je doute, pour ma part, qu'un restaurant fermé puisse payer ses charges, ce qui laisse présager que ces reports ne vont pas tarder à devenir des dégrèvements...
La comparaison avec l'Allemagne, le Royaume-Uni, mais aussi avec d'autres pays d'Europe du Nord, et les États-Unis, relativise donc le plan de 40 milliards d'euros annoncé par le Gouvernement, dont 24 milliards pour le chômage partiel. En réalité, si nous ne faisons pas plus pour les entreprises, c'est que nous ne le pouvons pas, faute de marges de manoeuvre - je n'ai cessé de répéter ces dernières années que, en cas de choc, nous ne pourrions pas y faire face comme nos voisins. J'évoquais un choc financier ou pétrolier - il s'agit finalement d'une pandémie -, mais nous sommes dans la crise que je redoutais, et ceux de nos voisins qui ont fait les efforts à temps disposent des marges qui nous font défaut. Nous allons donc nous endetter dans des proportions effrayantes, même si c'est à faible coût puisque les taux d'intérêt sont, actuellement, très bas, voire négatifs.
Le montant du plan passe ainsi de 355 milliards d'euros à 426,5 milliards d'euros, dont plus de 300 milliards de prêts garantis par l'État, un niveau qui paraît pour le moment suffisant puisque 100 milliards d'euros de prêts sont actuellement consommés par les entreprises.
Le déficit et de la dette bondissent : nous passons, pour le déficit, d'une prévision de 3,9 % du PIB lors du premier PLFR, à 9 % du PIB ; quant à l'endettement, j'avais craint qu'il n'atteigne 100 % du PIB, nous sommes à 115 % du PIB, avec une dépense publique record à 61 % du PIB... Je regrette que notre pays, champion du monde de la dépense publique, se montre incapable de fournir des masques à sa population : c'est une raison supplémentaire de supprimer les dépenses publiques inutiles, et, je le répète depuis des années, de s'interroger sur le rôle des agences régionales de santé (ARS), qui s'avèrent, dans la crise, totalement inefficaces !
Les chiffres budgétaires sont effrayants. Encore la BCE, par l'océan de liquidités qu'elle a déversé sur les marchés, est-elle venue éteindre l'incendie, nous offrant la possibilité de nous endetter à très faible coût - là où l'Italie, en 2008-2009, avait dû payer des taux d'intérêt à 9 %. Mais notre endettement ne sera soutenable qu'à condition que nous rétablissions progressivement nos comptes publics une fois la crise surmontée, faute de quoi la charge de la dette risque fort de devenir notre premier poste de dépenses budgétaires.
Si la décision enfin prise par le Gouvernement de soutenir les entreprises est la bonne, nous manquons donc de marges de manoeuvre et nous payons cette stratégie que j'ai maintes fois dénoncée, consistant pour le Gouvernement à reporter sur la deuxième partie du quinquennat les efforts nécessaires. Nous sommes désormais assurés que nous devrons vivre désormais avec un budget de crise. Encore ne parlons-nous pas du plan de relance qu'il faudra prendre nécessairement, les chiffres d'aujourd'hui, pour effrayants qu'ils soient, ne permettent que de parer au plus pressé, d'envoyer des bouées de sauvetage pour éviter que les plus modestes et les petites entreprises ne coulent définitivement, et que cela menace les emplois.
Le déficit budgétaire de l'État atteint donc 185,4 milliards d'euros, soit pratiquement le double du niveau, déjà très élevé, de 93,1 milliards d'euros voté en loi de finances initiale. C'est très au-delà, également, des déficits enregistrés pour résorber la crise de 2008 : après 34 milliards en 2007, le déficit avait atteint 56 milliards en 2008, puis 138 milliards en 2009 et 148 milliards en 2010, avant que nous le fassions, péniblement, revenir en dessous de 100 milliards d'euros - nous étions contents d'y parvenir pour le centième anniversaire de la direction du budget en 2019, comme cela paraît loin désormais ! Et, je le redis, nous ne faisons que lancer des bouées de sauvetage - où en serons-nous quand nous devrons relancer l'économie : devra-t-on en arriver à un déficit de 300 milliards d'euros ?
Côté recettes fiscales, la baisse atteint 32 milliards d'euros par rapport au collectif d'il y a un mois. Le Gouvernement nous avait présenté des chiffres tout à fait irréalistes, avec, par exemple, un produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui ne baissait pas, alors même que les transports étaient quasiment à l'arrêt. Les baisses concernent tous les impôts, conséquence de la chute de l'activité, sans compter que certains reculs sont reportés à plus tard, par exemple celui de l'impôt sur les sociétés. Quelques rares taxes progressent ou vont progresser, comme le prélèvement sur les jeux en ligne, ou peut-être aussi celui sur la vidéo à la demande (VOD), mais c'est dérisoire par rapport aux baisses. De plus, l'État a renoncé à des dividendes, et notre participation au budget européen augmente de 1,9 milliard d'euros. Les opérateurs publics voient eux aussi leurs recettes diminuer. C'est le cas, par exemple, de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), ou sans doute de l'Agence nationale de l'habitat (Anah).
Les dépenses du budget général augmentent de 38 milliards d'euros, qui s'ajoutent aux 6,25 milliards de dépenses supplémentaires votées dans le premier collectif. C'est presque l'équivalent de la mission « Défense », en crédits de paiement, qui a été rajouté dans le budget en quelques semaines. C'est vertigineux, mais la situation l'exige.
La mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » concentre la quasi-totalité de ces crédits nouveaux, avec une ouverture de crédits à hauteur de 37,2 milliards d'euros.
Le programme 356, qui contribue au financement du chômage partiel, passe de 5,5 milliards d'euros à 17,2 milliards d'euros, soit une dotation totale supérieure à 25 milliards d'euros si l'on inclut la participation de l'Unédic. Je crois qu'il y a certains abus : des entreprises cumulent télétravail et chômage partiel, tandis que d'autres y recourent alors que le travail y est possible. Le chômage partiel évite des fermetures d'entreprises et des pertes de compétence, mais, à force de répéter, comme l'a fait le ministre de l'économie, que nous avons « le meilleur dispositif d'Europe », on en accentue le risque d'abus. Il faut donc un contrôle strict et il faudra, pour l'avenir, définir très précisément les conditions de maintien dans ce dispositif, car ce maintien sera indispensable dans certains secteurs.
Le programme 357 finance le Fonds de solidarité pour les entreprises, qui apporte une aide principale de 1 500 euros et, éventuellement, une aide supplémentaire de 5 000 euros aux très petites entreprises et aux indépendants. Le dispositif initial, qui était trop restrictif, a été utilement élargi, à hauteur de 7,2 milliards d'euros en incluant tous les apports, en particulier ceux des régions et des assurances. Je le répète, nous sommes loin du soutien apporté par l'Allemagne, qui subventionne les entreprises à hauteur de 50 milliards d'euros.
Le Gouvernement a certes prévu une dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, mais une partie ayant déjà été réservée aux primes pour les familles modestes, je vous proposerai d'augmenter le programme 357 de 2 milliards d'euros. Le fonds de solidarité doit pouvoir couvrir le mois de mai pour les entreprises qui ne pourront pas rouvrir. Donnons de la perspective aux restaurateurs, sauf à vouloir les pousser à mettre la clé sous la porte.
Enfin, le nouveau programme intitulé « Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire », qui est créé au sein de cette mission, est doté de 20 milliards d'euros, pour que l'État intervienne en capital auprès d'entreprises en difficulté. Ces entreprises étant cotées en bourse, le Gouvernement ne peut bien entendu pas annoncer à l'avance à quelles opérations il procédera. Cependant, je proposerai de renforcer l'information du Parlement, en prévoyant que les présidents et les rapporteurs généraux des commissions des finances, au moment où les opérations les plus importantes se concrétiseront, soient informés par le ministre de l'économie et des finances. Quand on privatise, il faut légiférer ; compte tenu des montants en jeu ici, il est bien normal que le Parlement soit tenu informé. La presse est parfois mieux informée que nous ne le sommes.
La charge de la dette, quant à elle, diminue de 2 milliards d'euros, car l'inflation prévue est en baisse - le déficit ne devrait pas peser sur l'endettement cette année, du fait, comme je l'ai indiqué, des taux d'intérêt très faibles, voire négatifs.
Le projet de loi de finances rectificative prévoit d'autres mesures, dont certaines ont été insérées par l'Assemblée nationale.
Plusieurs mesures consistent en des mesures fiscales : exonération des sommes versées par le Fonds de solidarité pour les entreprises (article 1er), déductibilité des remises ou annulations de loyers (article 1er bis), taux réduit de TVA à 5,5 % sur les masques (article 1er ter) et sur les gels hydroalcooliques (article 1er quater), enfin exonération fiscale et sociale pour la prime exceptionnelle pour les agents des administrations publiques (article 5). La durée de validité des timbres électroniques est portée de six à douze mois (article 6). D'autres mesures portent sur la réassurance et les garanties. Enfin, l'article 10 étend l'accès du dispositif d'activité partielle à des salariés vulnérables ainsi qu'aux parents d'enfants de moins de seize ans et l'article 13 crée un dispositif d'avances remboursables visant les entreprises de 50 à 250 salariés.
Ce texte est donc hétéroclite, je vous fais l'économie des six articles additionnels qui demandent des rapports, lesquels ne seront pas prêts avant une année...
Il y a un mois, nous nous étions résolus à adopter conforme le premier collectif budgétaire pour ne pas retarder la mise en oeuvre des prêts garantis. Nous ne nous étions pas privés de déplorer les insuffisances du texte, que le Gouvernement reconnaît aujourd'hui puisqu'il nous présente un deuxième collectif.
Adoptons ce texte, mais en l'améliorant. Ainsi, je vous propose d'étendre le taux de TVA réduit aux tenues de protection, blouses et surblouses médicales, comme il est appliqué aux masques et aux gants de protection, car ces équipements sont nécessaires.
Pour soutenir les « petites mains » qui font beaucoup d'heures supplémentaires dans le commerce, dans le domaine des livraisons, je vous proposerai de déplafonner l'exonération d'impôt sur le revenu pour ce qui concerne les heures supplémentaires.
Ensuite, l'un de mes amendements autorise la Banque publique d'investissement (BPI) à se porter garante sur l'intégralité de certains prêts à des entreprises en difficulté, et ce au cas par cas, pour compléter l'action des banques privées : on comprend que les prêts ne soient pas intégralement couverts sans condition - l'Allemagne, par exemple, a posé le critère d'avoir été bénéficiaire au moins une fois dans les trois dernières années -, mais il faut conserver de la souplesse, et la BPI peut jouer ce rôle.
Je vous proposerai également d'annuler les charges sociales dans les secteurs où l'activité ne reprendrait pas - je pense aux théâtres, aux traiteurs, aux restaurants, auxquels il faut donner de l'oxygène, sans quoi ils fermeront.
L'un de mes amendements renforce ensuite le Fonds de solidarité de 2 milliards d'euros, pour mieux couvrir les besoins des entreprises qui ne rouvriront pas le 11 mai.
Enfin, je vous proposerai un meilleur contrôle parlementaire sur les nouvelles participations de l'État et un renforcement du comité de suivi, auquel je participe avec le président Éblé, sur les mesures de soutien aux entreprises.
Il s'agit non pas de changements sur le fond, mais d'améliorations pour assurer au mieux que les bouées de sauvetage arrivent à ceux qui sont sur le point de couler. Nous aurons ensuite, dans un deuxième temps, à examiner un plan de relance de l'économie, intégrant des mesures qui demanderont plus d'imagination que l'ouverture des vannes de la dépense comme nous le faisons aujourd'hui.
Dans un esprit de responsabilité, en période de confinement, je vous propose donc d'adopter ce texte amendé pour passer un cap, avant de se revoir en mai pour relancer l'économie.
M. Vincent Delahaye . - Le groupe Union Centriste partage l'analyse et les conclusions de M. le rapporteur général. Nous ne découvrons pas aujourd'hui nos handicaps par rapport à l'Allemagne. C'est vrai tant pour les finances publiques que pour le système de santé. Nous devrions nous inspirer un peu plus de ce qui se fait à l'étranger plutôt que de vanter en permanence le système français, qui n'est finalement copié par personne.
Notre inquiétude, c'est que nos finances plongent rapidement, le déficit ayant doublé en assez peu de temps, et que la pente ne soit difficile et lente à remonter. Dans ce deuxième PLFR, la Gouvernement a pris des mesures qui vont dans le bon sens pour soutenir l'économie et l'emploi, grâce, notamment, au chômage partiel, aux garanties d'emprunt ou aux reports de charges. Pour notre part, nous sommes favorables à des annulations de charges pour les indépendants, les TPE et les PME, c'est-à-dire tous ceux qui ne pourront pas supporter un doublement des charges au moment de la reprise d'activité. Nous déposerons un amendement en ce sens, mais il faudra bien évidemment réévaluer la charge budgétaire.
Pour le reste, les robinets sont grand ouverts. Malheureusement, on se procure aujourd'hui plus facilement des milliards que des masques et des tests. Pour autant, nous devons sans doute faire preuve d'un peu de discernement pour éviter les abus et les effets d'aubaine. Je note ce qu'a dit le rapporteur général sur les garanties d'emprunt par l'État. Je suis favorable à ce qu'il y ait des critères très précis pour soutenir des entreprises qui se sont vu refuser des prêts par des établissements bancaires, et que l'État souhaiterait financer par l'intermédiaire de la BPI avec une garantie à 100 %. En tout cas, soyons prudents, il ne s'agirait pas de soutenir des entreprises qui ne sont pas viables. Il faudra bien payer ces milliards à un moment donné.
Même si cela relève plus d'un plan de relance que d'un plan de soutien, nous défendrons aussi un amendement sur les assurances s'inspirant d'une mesure déjà prise par le gouvernement de Nicolas Sarkozy en 2008. Nous souhaiterions mettre en place une taxe exceptionnelle sur les fonds de réserve des assurances, car nous estimons que l'effort des assurances est totalement insuffisant vu l'ampleur de la crise.
En conclusion, nous approuvons ce plan de soutien, à condition que le Gouvernement, je le répète, fasse preuve de discernement au moment de la distribution.
M. Philippe Dallier . - Après l'excellente présentation de notre rapporteur général, je commencerai mon propos en annonçant que le groupe Les Républicains votera ce collectif budgétaire, parce qu'il faut le voter. Nous n'avons pas le choix. Nous allons essayer de l'amender à la marge, mais, j'y insiste, il n'y a pas d'autre choix que de le voter, malgré les critiques qu'il peut nous inspirer. Entre le premier et le deuxième PLFR, le Gouvernement a pris conscience d'un certain nombre de choses essentielles.
S'agissant des prévisions macroéconomiques, nous ne pouvons qu'espérer qu'elles en restent à ce qu'elles sont aujourd'hui, même si nous en doutons fortement.
Le Fonds de solidarité était ridiculement faible dans le premier collectif budgétaire. La somme de 1 500 euros annoncée pour les indépendants couvrait à peine le loyer d'un local en région parisienne, et je ne parle pas de Paris intra-muros . Il est abondé aujourd'hui, mais on voit bien que ce n'est pas suffisant, notamment pour des secteurs comme l'hôtellerie-restauration, qui n'auront aucune possibilité de rattraper le temps perdu. C'est là que le bât blesse. Pour ces entreprises, qui vont perdre sans doute plusieurs mois d'activité, il faudra en passer par des annulations de charges. Le Gouvernement nous dit qu'il va le faire, mais ne le fait pas encore, ce qui est bien regrettable, car nous nous devons de leur donner le peu de visibilité que nous pouvons dans cette période. Cela permettrait à certains chefs d'entreprise d'en tirer des conclusions.
Dans cette crise, on donne le sentiment d'avoir toujours un temps de retard, aussi bien en matière sanitaire, avec la distribution des tests et des masques, qu'en matière de soutien économique. Vous l'avez dit, nous aurons l'occasion de nous revoir pour un troisième PLFR, sans doute le mois prochain, mais nous aurions dû saisir cette occasion pour envoyer un signal à certaines de nos entreprises.
Je termine mon propos en évoquant la dette. Certains économistes et hommes politiques nous expliquent que, finalement, la dette n'est pas un problème, parlant d'une dette perpétuelle. Elle sera peut-être perpétuelle, dans le sens où nous n'aurons pas pu en inverser la courbe, mais n'oublions pas qu'il faut en payer les intérêts, sauf à se retrouver en défaut de paiement complet. À cet égard, le graphique de la page 19 de ma présentation est édifiant : nous allons payer en 2020 la somme de 36,1 milliards d'euros au titre des intérêts de la dette, soit le montant le plus bas depuis 2008, alors que nous aurons atteint 115 % du PIB ! Imaginez ce qui pourrait nous arriver si les taux d'intérêt remontaient... Nous aurions le double, voire plus du double à payer en intérêts. Cela suffit à contredire tous ceux qui nous expliquent que la dette n'est pas un problème. C'est une fumisterie ! C'est quelque chose qui va évidemment peser sur l'avenir de ce pays.
Le Président de la République nous a annoncé le nouveau « Nouveau Monde », expliquant qu'il faudrait - pourquoi pas ? - remettre en cause certains aspects de la mondialisation. S'il y a une chose que l'on ne pourra pas remettre en cause, c'est la nécessité pour la France de trouver les moyens de rééquilibrer ses finances publiques en inversant la courbe de notre dette.
M. Jean-François Husson . - Comme les précédents orateurs, je veux saluer le travail du rapporteur général. Les Français aspirent à l'unité et nous devons nous inscrire dans cet état d'esprit. Je continue à trouver la situation surréaliste, à Paris comme dans nos territoires.
À mon sens, la priorité des priorités reste la crise sanitaire. Les équipes médicales sont sur le front, mais elles ne sont pas les seules. Cependant, nous devons toujours avoir en tête les enjeux financiers de demain. J'en conviens, l'exercice n'est pas évident, puisque nous pourrions passer pour des comptables sourcilleux quand notre pays vit de tels drames humains. Mais je le répète après d'autres, cette dette, c'est celle des Français, et elle se creuse dans un contexte national, européen et mondial complexe. Soyons donc vigilants.
Notre mission est difficile, et certains enjeux peuvent paraître éloignés, voire ésotériques pour certains de nos concitoyens, mais nous avons aujourd'hui un devoir de vérité, pour éviter des lendemains douloureux. Je vous rappelle que, il y a un peu plus d'un an, nous avons déjà connu une crise et des colères sociales, dont les remèdes n'ont pas été très efficaces.
Monsieur le rapporteur général, je vous demanderai de bien vouloir préciser le dispositif que vous envisagez de mettre en place au travers de votre deuxième amendement. Je souscris pleinement aux principes qui le sous-tendent, mais je veux m'assurer que tous les cas de figure sont bien envisagés, c'est-à-dire que tous les surcroîts de salaire et de rémunération perçus durant la crise sanitaire seront totalement exonérés d'impôt, non seulement pour les soignants en première ligne, mais également pour ceux que l'on nomme, de manière inappropriée, « les invisibles ». Je pense que tous méritent notre reconnaissance. Pourtant, j'ai lu sur les réseaux sociaux que le ministre de la santé ne souhaiterait pas exonérer les heures de garde des anesthésistes-réanimateurs. Si c'est vrai, cela mérite une interpellation vigoureuse.
Enfin, les Français, qui avaient déjà une forte inclinaison pour l'épargne privée individuelle, risquent de persévérer dans cette voie, ce qui ne laisse pas de m'inquiéter pour la reprise économique. Il faudra une précision d'horloger - notre commission pourrait d'ailleurs y prendre sa part - pour proposer des mesures de relance s'appuyant sur la demande, ou, en tout cas, sur la capacité des Français à réinjecter leur épargne dans les secteurs qui procurent de la richesse aux Français, et non pas dans des produits d'importation ou des produits ayant une forte empreinte écologique. Retrouvons-nous dans le triptyque « économie, écologie, santé ». Monsieur le rapporteur général, c'est avec confiance que je suivrai vos préconisations.
M. Claude Raynal . - Le groupe socialiste et républicain se retrouve dans l'exposé général de M. de Montgolfier, même si cela ne vaut pas quitus pour tous les amendements qu'il propose. Nous vivons une situation exceptionnelle, qui, espérons-le, ne durera pas trop longtemps, et qui nous oblige à prendre des décisions très ciblées. Je salue l'esprit de responsabilité de cette maison - je n'en suis pas étonné -, qui va nous conduire à voter ce texte. Comme vous, monsieur le rapporteur général, nous avions relevé les faiblesses du premier PLFR, mais nous reconnaissons que le Gouvernement a su assez rapidement en prendre conscience, aidé en cela par les parlementaires et les remontées du terrain. Aujourd'hui, les montants sont, pour l'essentiel, correctement ajustés à ce que l'on sait de la crise. Nous verrons par la suite s'il faut aller plus loin dans le cadre d'un plan de relance. C'est un autre sujet.
Monsieur le rapporteur général, vous avez raison, les capacités d'action ne sont pas les mêmes selon les pays. Les comparaisons ne nous situent malheureusement pas à l'avant-garde.
Vous vous en doutez, nous aurons des propositions complémentaires, qui se démarqueront un peu des vôtres et de celles du Gouvernement. Nous devons faire en sorte qu'un certain nombre de trous dans la raquette soient comblés. Nous mettrons l'accent sur des dossiers courants et nous en ouvrirons d'autres, qui n'appelleront peut-être pas de réponse immédiate. C'est le cas, par exemple, de l'indemnisation des victimes du Covid-19 infectées dans le cadre du travail ou d'un bénévolat. Ce genre de sujet ne peut évidemment pas être traité au détour d'un amendement.
Les manifestations de solidarité avec les associations de lutte contre la pauvreté et l'exclusion nous paraissent également trop timides. Les moyens ne sont pas au rendez-vous. L'outre-mer est insuffisamment traité. L'économie culturelle a besoin, quant à elle, d'un plan d'intervention plus puissant, tout comme les étudiants. Tous ces manques appellent à l'évidence un troisième PLFR pour prolonger et amplifier notre action.
Ce qui nous dérange, c'est ce refus d'ouvrir d'ores et déjà la question des recettes. Comment envisage-t-on l'avenir ?
Plusieurs ministres se sont exprimés sur le sujet derrière le Medef. Une secrétaire d'État a cru bon de reprendre, quasiment dans le texte, l'argumentaire de l'organisation patronale visant, en gros, à mettre à bas tout ce droit social qui les embarrasse. Voici donc tout ce que l'on est capable de proposer à ces travailleurs actuellement sur le terrain : vous travaillez dur aujourd'hui pour nous aider à traverser la crise, mais cela sera encore pire demain ! Le message est très positif...
D'autres sont obsédés par la baisse des déficits publics. Soit, mais, dans la bouche d'un ministre qui a promis beaucoup ces trois dernières années, sans résultats, et qui a même aggravé la dette, c'est un peu fort de café !
À notre sens, il faudra mettre d'autres propositions sur la table, notamment sur la manière précise dont la solidarité peut s'exercer entre nous tous. Comment faire contribuer davantage ceux qui ont les moyens les plus importants pour aider le pays à s'en sortir ? Comment la répartition se fait-elle aujourd'hui entre le travail et le capital ? Je ne veux pas faire du Marx, mais la question mérite d'être posée. Après tout, Marx était un économiste...
Enfin, je m'étonne des propos de Philippe Dallier, qui semble considérer que les trois quarts des économistes dans le monde disent des bêtises sur la dette.
M. Philippe Dallier . - Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Claude Raynal . - J'y insiste, les trois quarts des économistes questionnent ce sujet. Ils n'ont pas tous la même réponse, mais quand même. Dans le passé, pour régler une dette après une crise, il y avait deux moyens : l'inflation - il n'y en a plus -, la croissance - elle sera faible, même si l'outil productif n'est pas détruit comme après une guerre. Si l'on ne réfléchit pas à la manière de régler ce problème de dette dans le temps, je vous promets des difficultés majeures. Il ne s'agit pas d'effacer la dette, mais de la traiter dans le temps long. Tous ceux qui prétendent que nous pourrions revenir au niveau de dette ex ante avec les solutions du passé se trompent totalement.
M. Philippe Dallier . - Après 2008, l'Allemagne est revenue à son taux d'endettement antérieur à la crise.
M. Thierry Carcenac . - On a beaucoup évoqué les lacunes en ce qui concerne les dépenses, mais assez peu les recettes. Si je peux comprendre que des recettes liées à l'activité économique diminuent, j'ai du mal à comprendre, monsieur le rapporteur général, que les droits de mutation à titre gratuit baissent d'un milliard d'euros, compte tenu du nombre de décès que nous connaissons, notamment de personnes très âgées. Je me pose des questions sur la façon dont ont été calculées les baisses de recettes.
Par ailleurs, je m'interroge sur la dette. L'augmentation de celle-ci sera très importante, mais les intérêts sont en diminution de 2 milliards d'euros. Avait-on fait une mauvaise estimation au moment du projet de loi de finances pour 2020 ?
Enfin, nous allons auditionner M. Jérôme Fournel, directeur général des finances publiques. Les contrôles fiscaux sont suspendus, ce que l'on peut comprendre dans la situation actuelle. Ne serait-il pas envisageable d'affecter certains agents des finances publiques à la lutte contre les abus susceptibles d'être commis, notamment en matière de chômage partiel ?
M. Julien Bargeton . - Je partage la conclusion de notre rapporteur général, que je remercie. Il a objectivement salué les avancées de ce deuxième PLFR par rapport au précédent, mais il nous a surtout exhortés à ne pas confondre les temps. Pour l'instant, nous sommes dans l'urgence, et non pas dans la relance, ni, ajouterai-je, dans la croissance. Cela viendra plus tard. En tout cas, prenons garde à ne pas sauter les étapes. Cette temporalité déterminera la nature des amendements que mon groupe déposera. Nous ne souhaitons pas aller plus vite que la musique et anticiper ce qui relève de la relance.
Comme disait Pierre Dac, « la prévision est difficile, surtout quand elle concerne l'avenir. » Pour ma part, j'ai du mal à savoir si l'épargne des Français va se maintenir à ce niveau. Il y aura peut-être un retour de l'envie de consommer dès que les boutiques rouvriront. C'est ce qui s'est passé en Chine.
Il est difficile de se prononcer d'ores et déjà sur le rapport consommation-investissement, surtout dans un contexte de chute historique des prix du pétrole. Il y a aujourd'hui des pays qui sont prêts à donner leur pétrole, car ils ne peuvent plus le stocker. On peut critiquer les anticipations du Gouvernement, mais reconnaissez que l'exercice est difficile.
Enfin, j'entends beaucoup de choses sur le rétablissement des comptes et sur la dette. Faisons attention. Le passé nous enseigne qu'une augmentation trop rapide des impôts peut aboutir à freiner la croissance, comme entre 2010 et 2014. Keynes nous enseigne plutôt qu'il ne faut pas déprécier la demande dans une période de crise comme celle-là, donc ne pas abuser du levier fiscal. En revanche, il faudra peut-être par la suite réfléchir à des amortissements accélérés, la clé étant l'investissement, notamment au niveau européen, et envisager une différenciation entre investissement et fonctionnement au niveau du pacte budgétaire européen. Nous aurons l'occasion d'en rediscuter.
M. Emmanuel Capus . - Tout d'abord, je veux, à mon tour, remercier le rapporteur général de la qualité et de l'objectivité de son rapport. Je me félicite de cette forme d'unité que nous manifestons aujourd'hui. Je m'exprime au nom du groupe Les Indépendants - République et Territoires pour dire que nous n'avons pas le choix : il faut voter ce PLFR ! Néanmoins, je ne peux masquer le vertige qui nous saisit en entendant les chiffres et le niveau de la dette qui va peser sur les générations futures. C'est une certitude, il faut aujourd'hui mettre le paquet, mais nous devons jouer aussi un rôle de sages pour éviter les dérives trop importantes.
Je partage, pour l'essentiel, les soucis exprimés par le rapporteur général au travers de ses amendements. Néanmoins, j'ai quelques interrogations. Quelle est la date de fin de l'exonération de la TVA sur les surblouses que vous proposez ? Il y a eu des débats assez longs sur l'exonération de TVA à l'Assemblée nationale.
Je suis, par ailleurs, plutôt partisan d'un dégrèvement de charges et de l'annoncer tout de suite, mais pourquoi le restreindre à la culture et au tourisme et ne pas l'étendre, par exemple, aux horticulteurs ?
Sur les emprunts BPI, je partage assez l'analyse de Vincent Delahaye. Il ne faut pas non plus encourager les effets d'aubaine. Entendez-moi bien, je suis favorable au soutien des entreprises, mais, sans la crise, certaines d'entre elles auraient de toute façon été placées en redressement judiciaire. Souvenez-vous de Thomas Cook, dont la faillite a surpris tout le monde l'an dernier. Dans ces conditions, comment contrôler l'utilisation du prêt garanti à 100 % par la BPI ? Je sais que c'est une ligne de crête délicate à suivre, mais nous devons essayer de contrôler au mieux ces interventions.
Enfin, je vous transmets une inquiétude que l'on m'a fait remonter sur les assurances de crédit. Une double peine frappe actuellement les entreprises rencontrant des difficultés de trésorerie, car elles voient leur cotation suspendue, voire dégradée, ce qui pousse leurs fournisseurs à réclamer le paiement comptant. Il faut trouver une solution. Je sais que certains de nos collègues ont déjà déposé des propositions de loi sur les assurances en général, mais je tenais à alerter la commission sur ce point.
M. Jean-Marc Gabouty . - Nous sommes devant un scénario économique au moins aussi incertain que le scénario sanitaire. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement avance pas à pas. Le premier train de mesures allait dans la bonne direction, mais était de toute évidence insuffisant. Nous l'avions dit et le Gouvernement l'a vite reconnu. Voici donc un deuxième PLFR, qui sera sans doute suivi d'un troisième, voire d'une quatrième PLFR pour un plan de relance.
Je suis d'accord avec le rapporteur général, le Fonds de solidarité était notoirement insuffisant. À mon sens, il est malheureusement toujours insuffisant.
Nous n'avons pas fait le tour de tous les problèmes budgétaires. Je pense au compte d'affectation spéciale intégrant les recettes des radars, dont la baisse affectera le financement de l'Afitf.
Je rappelle que le chômage partiel, qui est un formidable amortisseur social, n'est pas une mesure exceptionnelle. Une entreprise en sous-activité peut tout le temps faire appel au chômage partiel. On parle de 10 millions de salariés au chômage partiel, mais le chômage partiel n'est pas toujours total. Il faudrait convertir ce chiffre en équivalents temps plein (ETP). Certaines entreprises font travailler leurs salariés, par exemple, 16 heures par semaine, et elles bénéficient du dispositif chômage partiel pour les 19 heures manquantes.
Par ailleurs, on se focalise beaucoup sur les restaurants, mais je préférerais être actuellement restaurateur que gestionnaire d'un zoo, car le niveau de charges fixes n'est pas le même. Je pourrais prendre d'autres exemples pour illustrer mon propos : c'est le niveau de charges fixes qui détermine la difficulté à passer cette période.
Sur la question des charges, je pense que les reports sur deux ou trois mois ne sont pas tenables. Je vous renvoie à un dispositif qui existe déjà, mais qu'il faudrait actualiser : la commission des chefs de services financiers (CCSF), qui accorde des étalements pouvant aller de douze à trente-six mois.
S'agissant du prêt garanti par l'État et des entreprises en difficulté, je rappelle qu'il y a des critères européens, qui ont été modifiés, d'ailleurs, le 19 mars dernier, pour permettre aux entreprises qui se sont retrouvées en procédure collective au premier trimestre de bénéficier du dispositif. Le Gouvernement a essayé d'utiliser cette possibilité au maximum. Aujourd'hui, 85 % des prêts demandés sont accordés. Pour les 15 % qui restent, il y a le médiateur du crédit de la Banque de France. S'il n'y a toujours pas de solution, on peut saisir le Fonds pour le développement économique et social (FDES), qui a été abondé de 925 millions d'euros. Il y a aussi les régions, qui peuvent intervenir à différents niveaux. Il y a donc un panel de moyens assez complet pour aider les entreprises en difficulté.
Enfin, vous ne serez pas étonnés d'entendre que je ne suis pas un fanatique de la défiscalisation. Je m'étonne que l'on mette en avant ces mesures au moment où les Français sont en train de constituer une réserve de pouvoir d'achat de 50 milliards à 60 milliards d'euros. Est-il besoin de faire de la défiscalisation en plus ? Le problème, c'est plutôt d'inciter les Français à utiliser cette épargne contrainte.
M. Éric Bocquet . - Je m'étonne des écarts considérables entre les prévisions de croissance de J.P. Morgan et celles d'Unicredit. Est-ce un problème de méthodologie ?
Nous regrettons que le volet fiscal soit complètement ignoré alors que nous avons besoin d'argent de manière urgente. Nous déposons des amendements pour y remédier.
Je m'étonne également de l'absence de mesures relatives à l'école. Certes, une prime est prévue pour les enseignants qui ont accueilli les enfants des personnels soignants, mais l'ensemble des enseignants ont tenu bon malgré la situation difficile. Par ailleurs, nous souhaiterions que les élèves ayant décroché puissent bénéficier d'une remise à niveau.
Je m'inquiète moins du montant de la dette que du poids des marchés financiers. Napoléon Bonaparte disait : « Lorsqu'un gouvernement est dépendant des banquiers pour l'argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit. »
Mme Sylvie Vermeillet . - S'agissant des primes accordées aux fonctionnaires, j'estime qu'il y a des manques. S'il faut bien sûr récompenser les soignants, les médecins généralistes, les infirmières libérales et les employés des laboratoires exposent également leur vie. À défaut de pouvoir leur accorder une prime, peut-être pourrait-on les faire bénéficier d'une exonération de cotisations sociales.
Par ailleurs, mon groupe présentera un amendement relatif à la dotation particulière élu local (DPEL). En effet, la loi Engagement et proximité permet aux maires d'augmenter leurs indemnités. Le Gouvernement avait opté pour une majoration de cette dotation, qui devait être doublée pour les communes de moins de 200 habitants et majorée de 50 % pour les communes de 200 à 500 habitants. Or les maires ont la désagréable surprise de constater que les engagements pris par le Président de la République et le Premier ministre n'ont pas été tenus. Je proposerai donc un amendement visant à l'abonder à hauteur de 8 millions d'euros. Bien qu'elle puisse paraître hors contexte, c'est une mesure de justice.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je remercie chacun d'entre vous pour l'esprit de responsabilité avec lequel nous abordons l'examen de ce texte.
Éric Bocquet, les divergences entre les prévisions des différents instituts s'expliquent pour l'essentiel par des évaluations différentes de la vitesse de rebond de l'économie en sortie de confinement. La relance et la mobilisation de l'épargne accumulée pendant le confinement sont des questions considérables que nous aurons à traiter à l'issue de la crise sanitaire. Il nous faudra veiller à ne pas prendre de retard.
J'entends votre proposition de taxe sur les assurances, Vincent Delahaye. Jean-François Husson et d'autres ont déposé des propositions de plus long terme. En tout état de cause, je crois qu'on ne pourra pas échapper à la création d'une assurance « pandémie » sur le modèle du régime des catastrophes naturelles, mais je n'ai pas une vision suffisamment précise à ce stade. Par ailleurs, je partage l'idée qu'on ne pourra pas différer les annulations de charge.
Je partage vos propos relatifs à la dette, Philippe Dallier. Le faible coût de la dette s'explique par les taux d'intérêt très bas, voire négatifs auxquels nous empruntons, mais si la tendance venait à s'inverser, cela entraînerait des coûts abyssaux, même si ce n'est pas le scénario le plus probable.
Jean-François Husson, vous avez justement souligné que l'exonération d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales des heures supplémentaires doit bénéficier à l'ensemble des salariés. Par ailleurs, la libération de l'épargne devra effectivement permettre de soutenir l'emploi.
Je suis d'accord avec vous, Claude Raynal : le secteur culturel et les outre-mer, qui sont particulièrement affectés, pourraient faire l'objet de mesures supplémentaires.
Thierry Carcenac, la baisse des recettes des droits de mutation à titre gratuit anticipée par le Gouvernement s'explique par la baisse de la valeur des actifs, notamment boursiers.
Julien Bargeton, je partage votre préoccupation pour le tempo : après le temps de la crise viendra celui de la relance.
J'en conviens, Emmanuel Capus, les chiffres sont vertigineux. Pour répondre à votre question, nous prévoyons d'étendre le taux de TVA réduit aux blouses, surblouses et, sur proposition du Gouvernement, à certaines solutions désinfectantes jusqu'à la fin de l'année 2021.
Emmanuel Capus et d'autres m'ont interrogé sur le soutien aux entreprises en difficulté. Il ne s'agit pas d'apporter un soutien irréaliste ou abusif à des entreprises qui ne sont pas viables, mais j'ai l'exemple d'une entreprise en redressement qui, bien que viable, ne peut pas être soutenue en application des règles européennes. C'est pourquoi je vous propose un amendement visant à permettre un soutien direct par Bpifrance, étant entendu que ce dispositif devra être appliqué avec intelligence et parcimonie. Par ailleurs, la question de l'assurance du crédit devra effectivement être traitée.
Éric Bocquet, des primes sont prévues pour certains fonctionnaires de l'éducation nationale. Par ailleurs, j'entends bien la phrase de Napoléon : nous sommes effectivement aux mains de nos créanciers.
Enfin, Sylvie Vermeillet, j'ai bien noté votre proposition sur la dotation élu local.
EXAMEN DES ARTICLES
Article liminaire
L'article liminaire est adopté sans modification.
Article 1 er
L'article 1 er est adopté sans modification.
Article 1 er bis (nouveau)
L'amendement 202 est adopté.
Article additionnel après l'article 1 er bis
L'amendement 203 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement 204 vise à étendre le taux de TVA réduit aux tenues de protection.
M. Vincent Delahaye . - Le dispositif est-il limité dans le temps ?
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. Il est valable jusqu'à la fin de l'année 2021.
L'amendement 204 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement 205 vise à étendre le taux de TVA réduit à d'autres solutions désinfectantes que le gel hydroalcoolique. Le Gouvernement y sera favorable.
L'amendement 205 est adopté.
Article 1 er quinquies (nouveau)
L'article 1 er quinquies est adopté sans modification.
Article additionnel après l'article 1 er quinquies
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement 206 vise à permettre aux entreprises du secteur culturel, de l'hôtellerie et de la restauration qui ne pourront pas reprendre leur activité le 13 mai de bénéficier d'un crédit d'impôt jusqu'à la reprise.
M. Vincent Delahaye . - Nous proposerons un amendement visant à permettre une annulation des charges des TPE, PME et indépendants tous secteurs confondus. Ce dispositif est à la fois plus large que celui que propose le rapporteur général et davantage ciblé quant à la taille des entreprises.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je suis prêt à sous-amender, mais je pense préférable de prendre cette mesure sans attendre. Sans cela, certains chefs d'entreprise vont perdre espoir.
M. Claude Raynal . - Je partage l'avis du rapporteur général : il vaut mieux cibler certains secteurs, quitte à prendre d'autres mesures dans un prochain projet de loi de finances rectificative. N'oublions pas que les charges sociales permettent de financer l'ensemble de nos politiques sociales.
M. Vincent Éblé , président . - Cette question mérite largement un débat.
L'amendement 206 est adopté.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement 207 vise à abonder le Fonds de solidarité pour les entreprises à hauteur de 2 milliards d'euros, notamment pour proroger les aides apportées aux entreprises qui ne pourront pas reprendre leur activité le 11 mai.
L'amendement 207 est adopté.
Article 4
L'amendement de conséquence 208 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement 209 vise à sécuriser l'exonération de cotisations sociales et fiscales de la prime dont bénéficieront les fonctionnaires.
L'amendement 209 est adopté.
Articles 5 bis (nouveau) et 6
Les articles 5 bis et 6 sont adoptés sans modification.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement 210 vise à introduire un mécanisme subsidiaire de prêts directement octroyés par Bpifrance, et l'amendement 211 tend à étendre les pouvoirs de contrôle du comité de suivi. Nous vous rendrons compte régulièrement des travaux de ce comité.
M. Vincent Éblé , président . - En espérant qu'il se réunisse bientôt ! Le comité de suivi de l'usage des dons pour la restauration de Notre-Dame-de-Paris, créé il y a un an, n'a encore jamais été réuni !
Les amendements 210 et 211 sont adoptés.
Articles 8 et 9
Les articles 8 et 9 sont adoptés sans modification.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement 212 vise à sécuriser l'activité partielle.
L'amendement 212 est adopté.
Article 11 (nouveau)
L'article 11 est adopté sans modification.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement 213 prévoit l'information des présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées par le Gouvernement de toute opération de plus de 500 000 euros et de toute prise de contrôle d'une entreprise du fait d'un franchissement de seuil.
M. Claude Raynal . - La formulation proposée m'étonne. Comment l'État pourrait-il faire de bonnes opérations sur le marché boursier s'il doit les signifier préalablement ? Une information dès le lendemain de l'opération ne suffirait-elle pas ?
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je précise que cette information peut se faire sans délai minimum, et qu'elle ne concerne que le président et le rapporteur général de la commission des finances. De nombreux députés de tous les groupes se sont émus qu'une entrée de l'État au capital d'une entreprise puisse se faire sans information préalable du Parlement alors qu'une privatisation relève du niveau législatif. Nous prévoyons une information limitée et confidentielle.
M. Jérôme Bascher . - Claude Raynal et moi-même siégeons à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations et donnons des avis sur des prises de participation. De même, il me paraît normal que le président et le rapporteur général de notre commission soient informés de prises de participation de l'État.
M. Claude Raynal . - Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit. L'objet de l'amendement n'était pas aussi clair.
L'amendement 213 est adopté.
Articles 13 (nouveau)
L'article 13 est adopté sans modification.
Articles 14 (nouveau)
L'article 14 est adopté sans modification.
Article 15 (nouveau)
L'amendement de suppression 214 est adopté.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement 215 vise à supprimer une demande de rapport au profit des travaux du comité de suivi.
L'amendement de suppression 215 est adopté.
Article 17 (nouveau)
L'article 17 est adopté sans modification.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020 tel que modifié par les amendements qu'elle a adoptés.
Article liminaire
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Article 1
er
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Article 1
er
bis
(nouveau)
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Auteur |
N° |
Sort de l'amendement |
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général |
202 |
adopté |
Article additionnel après l'article 1 er bis |
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Auteur |
N° |
Sort de l'amendement |
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général |
203 |
adopté |
Article 1
er
ter
(nouveau)
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Auteur |
N° |
Sort de l'amendement |
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général |
204 |
adopté |
Article 1
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quater
(nouveau)
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Auteur |
N° |
Sort de l'amendement |
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général |
205 |
adopté |
Article 1
er
quinquies
(nouveau)
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Article additionnel après l'article 1 er quinquies |
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Auteur |
N° |
Sort de l'amendement |
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général |
206 |
adopté |
Article 2
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Article 3
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Auteur |
N° |
Sort de l'amendement |
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général |
207 |
adopté |
Article 4
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Auteur |
N° |
Sort de l'amendement |
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général |
208 |
adopté |
Article 5
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Auteur |
N° |
Sort de l'amendement |
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général |
209 |
adopté |
Article 5
bis
(nouveau)
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Article 6
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Article 7
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Auteur |
N° |
Sort de l'amendement |
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général |
210 |
adopté |
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général |
211 |
adopté |
Article 8
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Article 9
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Article 10
(nouveau)
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Auteur |
N° |
Sort de l'amendement |
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général |
212 |
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Article 11
(nouveau)
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Article 12
(nouveau)
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Auteur |
N° |
Sort de l'amendement |
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général |
213 |
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Article 13
(nouveau)
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Article 14
(nouveau)
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Article 15
(nouveau)
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Auteur |
N° |
Sort de l'amendement |
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général |
214 |
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Article 16
(nouveau)
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Auteur |
N° |
Sort de l'amendement |
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général |
215 |
adopté |
Après avoir adopté 14 amendements, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020 tel que modifié par ses amendements.