EXAMEN EN COMMISSION
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Réunie le mercredi 19 février 2020, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission des affaires sociales procède à l'examen, en deuxième lecture, selon la procédure de législation en commission (articles 47 ter à 47 quinquies du Règlement), du rapport de M. Philippe Mouiller sur la proposition de loi n° 248 (2019-2020) visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap.
M. Alain Milon , président . - Notre ordre du jour appelle l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap (n° 248, 2019-2020).
Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné conformément à la procédure de législation en commission définie aux articles 47 ter à 47 quinquies du Règlement du Sénat. Ces dispositions prévoient notamment que le Gouvernement et l'ensemble des sénateurs peuvent participer à la réunion publique de notre commission. Je salue la présence de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
M. Philippe Mouiller , rapporteur . - Je serai bref, car nous n'avons plus besoin de longs discours pour convaincre de la nécessité d'adopter ce texte très attendu par les personnes handicapées et leurs familles.
La proposition de loi visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap, qui a été déposée au Sénat le 3 octobre dernier, a été adoptée à l'unanimité en séance publique le 5 novembre. L'Assemblée nationale en a été saisie rapidement : la commission des affaires sociales l'a examinée le 18 décembre, et les députés l'ont adoptée, à l'unanimité encore, le 15 janvier dernier. Je suis très reconnaissant à Mme la secrétaire d'État et à nos collègues députés d'avoir permis une adoption aussi rapide de ce texte en première lecture, et, qui plus est, de l'avoir enrichi.
Permettez-moi de rappeler brièvement son contenu.
L'article 1 er , qui supprime la barrière d'âge de 75 ans pour faire une demande de prestation de compensation du handicap (PCH), a été adopté conforme.
À l'article 2, relatif à la délicate question des fonds de compensation du handicap, les députés ont adopté la rédaction du Sénat, qui clarifie - enfin ! - le droit en vigueur. Ainsi, le Gouvernement pourra prendre le décret nécessaire à la mise en oeuvre, sur tout le territoire, des fonds départementaux, qui sont un outil indispensable pour réduire le reste à charge des personnes handicapées. Les députés ont simplement ajouté un alinéa disposant qu'un rapport sera remis au Parlement sur ce point dans un délai de dix-huit mois à compter de l'entrée en vigueur du décret. La doctrine sénatoriale sur les demandes de rapports est connue, mais, en l'espèce, cela permettra de suivre l'application pratique de cette disposition importante de la loi de 2005, qui était restée privée jusqu'alors de base juridique solide et avait justifié une condamnation de l'État par le juge administratif.
Des modifications rédactionnelles sont intervenues à l'article 3, qui simplifie les démarches administratives des bénéficiaires de la PCH, accorde la prestation à vie lorsque cela est possible et simplifie également les contrôles de l'utilisation de la prestation.
L'article 4 enfin, qui crée un comité stratégique chargé de faire des propositions sur l'intégration des modes de transport des personnes handicapées, a été adopté après une modification rédactionnelle et l'ajout d'une mention indiquant que tous les types de mobilité seront pris en compte - je suppose que cela va mieux en le disant.
Par petites touches, il est indéniable que nos collègues députés ont amélioré la rédaction de ce texte. Ce n'est certes pas nous qu'il faut convaincre des bienfaits du bicamérisme, mais je m'étonne qu'une deuxième lecture ait été rendue nécessaire pour des modifications qui touchent si peu au fond du sujet, à savoir l'amélioration des outils de compensation du handicap. Ce texte ne prétendait nullement à la perfection, mais, puisque nos vues convergeaient, nous aurions souhaité une adoption définitive plus rapide d'un texte dont les personnes handicapées ont un besoin urgent.
Quoi qu'il en soit, je vous propose, à présent, d'adopter cette proposition de loi dans les termes retenus par l'Assemblée nationale, qui sont en tous points conformes aux intentions initiales de ses auteurs. Je ne doute pas, madame la secrétaire d'État, que nous aurons bientôt l'occasion de revenir sur ces questions, et sur d'autres d'ailleurs, pour faire évoluer nos modes d'action en faveur de nos concitoyens handicapés.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Je suis très heureuse d'être de nouveau avec vous ce matin pour concrétiser vos travaux, enrichis de ceux de vos collègues de l'Assemblée nationale, qui ont adopté cette proposition de loi à l'unanimité le 15 janvier dernier, comme vous l'avez rappelé. Celle-ci, qui vise à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap, a été le fruit d'un travail exemplaire entre les deux chambres, mais aussi avec le Gouvernement. Aujourd'hui, il vous est donné l'opportunité de graver dans le marbre législatif des évolutions d'importance.
La prestation de compensation du handicap a été au coeur de la conférence nationale du handicap, qui s'est déroulée le 11 février dernier sous l'égide du Président de la République. Des annonces importantes ont alors été faites pour renforcer la dignité des personnes en situation de handicap. J'insisterai notamment sur les droits à vie, qui rejoignent le contenu de cette proposition de loi, et participent de l'égalité républicaine qui doit sans cesse nous animer.
Conformément aux engagements du Président de la République, entreront prochainement dans le champ de la PCH l'aide à l'alimentation et la préparation des repas. Par ailleurs, l'aide humaine et les aides techniques nécessaires aux parents en situation de handicap ayant un enfant âgé de zéro à sept ans seront aussi intégrées à la PCH, à la charge de l'État. Ces annonces, qui sont loin d'avoir été les seules à l'occasion de cette conférence, doivent bien sûr se concrétiser en lien et en coconstruction avec les départements. C'est tout le sens de l'accord de confiance et de méthode qui a été conclu entre les départements, les organismes gestionnaires de l'État et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), instaurées par la loi de 2005 et dont le fonctionnement doit être amélioré, sur tout le territoire. Cela démontre à quel point les acteurs locaux et les départements en particulier ont un rôle important à jouer. C'est main dans la main, en termes d'égalité et d'équité, que le Gouvernement et la chambre des territoires doivent travailler.
Venons-en plus en détail au texte qui nous est proposé.
Tout d'abord, l'article 1 er , que vous avez adopté, supprime la barrière d'âge : près de 10 000 personnes sont concernées. Les personnes en situation de handicap n'ayant pas fait de demande de prestation de compensation du handicap avant 75 ans, mais ayant, du fait d'évolutions familiales ou situationnelles, besoin de cette aide, pourront l'obtenir.
L'article 2, qui a fait évoluer le dispositif relatif aux fonds de compensation du handicap, ouvrira la voie à la prise d'un décret dans les six mois suivant l'adoption de la loi - je m'y suis engagée devant vos collègues députés et je vous le redis ici - : il fixera l'emploi de ces fonds, en concertation avec les associations. Les députés ont introduit par voie d'amendement une disposition demandant au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport dans les dix-huit mois suivant l'application du décret afin d'en évaluer l'effectivité et l'efficacité.
Les droits à vie, dont j'ai parlé précédemment, constituent l'une des innovations majeures qui figurent à l'article 3 : la PCH va entrer dans le corpus des droits à vie dès lors que le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement. Cette mesure s'inscrit dans la continuité de notre objectif commun de double simplification : pour les personnes en situation de handicap, au parcours parfois révoltant, mais aussi pour les MDPH, qui pourront se recentrer sur leur mission d'accompagnement et de conseil des personnes en situation de handicap. C'est là, me semble-t-il, du gagnant-gagnant pour tous.
Enfin, la rédaction initiale de l'article 4 a été enrichie par le Sénat lors de la première lecture afin d'englober la compensation du handicap pour les enfants, une mesure à laquelle le Gouvernement a été favorable. L'extension concernant les transports au milieu ordinaire est un ajout important de l'Assemblée nationale, car il s'inscrit dans le prolongement de la cité inclusive que nous souhaitons, sans créer de chemins parallèles entre les personnes en situation de handicap et les autres.
En matière de handicap, nous avons aujourd'hui l'occasion d'aller plus loin ensemble dans le prolongement du travail engagé depuis plus d'un an. Si votre commission entérine ce texte aujourd'hui, ainsi que le Sénat la semaine prochaine, la vie de milliers de nos concitoyens bénéficiant de la PCH changera vite. Voilà pourquoi je ne puis qu'encourager votre commission à adopter ce texte.
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Je félicite le rapporteur pour le travail réalisé. Cette proposition de loi n'est pas dépourvue de bonnes intentions. Nous regrettons toutefois que notre proposition de loi visant à ne plus prendre en compte les revenus du conjoint dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) n'ait pas été adoptée voilà quelques mois. Quoi qu'il en soit, nous voterons ce texte, qui donne un gros coup de pouce aux personnes en situation de handicap.
Mme Corinne Féret . - Je félicite moi aussi le rapporteur pour la qualité de son travail et des échanges, qui ont permis d'aboutir à un texte adopté à l'unanimité en première lecture. J'indique d'ores et déjà que mon groupe le votera.
Alors que ce texte améliore fortement la vie des personnes en situation de handicap, l'Assemblée nationale vient d'adopter une proposition de loi excluant le revenu du conjoint du calcul de l'AAH. S'y opposer serait contradictoire avec la démarche que nous engageons ici. Nous aurons l'occasion d'en débattre.
M. Gérard Dériot . - Je félicite notre rapporteur. Il s'agit là d'une avancée par rapport à la loi de 2005, qui avait déjà constitué un réel progrès. Nous voterons évidemment ce texte, qui va dans le bon sens.
Le Président de la République a récemment indiqué qu'il voulait un endroit unique pour délivrer les informations. N'est-ce pas le rôle des MDPH ? Mais on a l'habitude de réinventer l'eau chaude au fil des mois...
Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de reconnaître la qualité du travail réalisé par le département en la matière, un travail qui doit se poursuivre. Les départements connaissent les besoins et j'espère qu'ils bénéficieront de financements pour faire face à leurs engagements car, au cours des dernières années, les coupes financières ont posé d'énormes problèmes.
M. Daniel Chasseing . - Je félicite moi aussi le rapporteur. Cette proposition de loi complète les lois de 2005 et de 1975, dont Jacques Chirac était à l'origine. Je souhaite également que les départements bénéficient de compensations financières pour verser la PCH.
Mme Élisabeth Doineau . - Je remercie le rapporteur et la secrétaire d'État pour ces mesures, qui constituent de véritables avancées pour les personnes en situation de handicap ainsi que leurs familles.
Les départements s'engagent très fortement en matière de handicap. Aussi, dans cette démarche politique et humaine, je veux vous rendre attentive, madame la secrétaire d'État, au fait que, sur le plan budgétaire, les départements ne doivent pas avoir continuellement les yeux sur le compteur. Les accords de Cahors sont en effet comme un corset.
M. Alain Milon , président . - Vous aurez remarqué que les dispositions sur l'AAH votées à l'Assemblée nationale l'ont été contre l'avis du Gouvernement !
Mmes Laurence Cohen et Cathy Apourceau-Poly . - Cela ne nous a pas échappé !
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État . - Sachez que, au travers de financements de projets de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), nous allons débloquer deux enveloppes de 25 millions d'euros chacune en 2020 et 2021 afin d'accompagner les départements dans la mise à niveau de l'informatique des MDPH. Par ailleurs, l'accompagnement au repas sera désormais pris en charge par l'État, grâce à un concours rallongé de la CNSA. C'est tout l'enjeu de l'accord de confiance que nous avons conclu avec le président Bussereau et du travail que je mène depuis deux ans et demi. L'objectif de l'État est bien de répondre aux vrais besoins des personnes handicapées et d'assurer une équité de traitement sur tout le territoire.
M. Philippe Mouiller , rapporteur . - Ce texte constitue une véritable avancée pour les personnes handicapées. S'il parvient au bout de son chemin législatif, c'est que nous avons effectué un travail en concertation, notamment sur le plan financier, avec l'État et les départements. Nous partageons tous l'objectif d'améliorer le quotidien des personnes handicapées. Il y a eu la grande loi de 2005 ; depuis, nous procédons par petits pas. Il reste encore beaucoup à faire : sur la PCH, cette proposition de loi n'est qu'un début.
La proposition de loi adoptée la semaine dernière à l'Assemblée nationale, elle, n'est sous-tendue par aucune négociation financière. Il s'agit pourtant de plusieurs centaines de millions d'euros : qui va payer ? L'État ou les départements ? De nombreux sujets devront être abordés, mais en l'état actuel des négociations financières avec l'État, il ne nous est pas possible d'ouvrir un sujet financièrement lourd, au regard de la situation financière des départements.
Je veux croire aux annonces du Gouvernement, mais nous serons vigilants quant à leur financement et à leur mise en oeuvre.
EXAMEN DES ARTICLES SELON LA PROCÉDURE DE LÉGISLATION EN COMMISSION
Article 2
L'article 2 est adopté, à l'unanimité, sans modification.
Article 3
L'article 3 est adopté, à l'unanimité, sans modification.
Article 4
L'article 4 est adopté, à l'unanimité, sans modification.
La proposition de loi est adoptée, à l'unanimité, sans modification.
M. Alain Milon , président . - Les explications de vote et le vote sur ce texte en séance publique auront lieu le mercredi 26 février. En application de l'article 47 quater du Règlement du Sénat, sauf retour à la procédure normale, seuls seront recevables, en séance, les amendements visant à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec une autre disposition du texte en discussion, avec d'autres textes en cours d'examen ou les textes en vigueur, ou visant à procéder à la correction d'une erreur matérielle.