TITRE IV

SOUTENIR UNE RECHERCHE LIBRE ET RESPONSABLE
AU SERVICE DE LA SANTÉ HUMAINE

CHAPITRE 1ER

Aménager le régime actuel de recherches sur l'embryon
et les cellules souches embryonnaires

Article 14
Différenciation des régimes juridiques d'autorisation
s'appliquant à l'embryon et aux cellules souches embryonnaires

Cet article procède à une différenciation des régimes juridiques s'appliquant aux recherches sur l'embryon et aux recherches sur les cellules souches embryonnaires, en maintenant pour les premières le régime d'autorisation préalable en vigueur et en instituant pour les secondes un régime de déclaration préalable auprès de l'agence de la biomédecine.

La commission spéciale a adopté plusieurs amendements tendant à sécuriser sur le plan juridique les recherches menées sur les embryons surnuméraires, en précisant notamment les prérequis applicables à ces recherches, tout en autorisant, à titre dérogatoire, le développement in vitro d'embryons jusqu'au 21 e jour afin de permettre des avancées dans la compréhension des mécanismes du développement embryonnaire. Elle a en outre renforcé la vigilance sur certaines recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines susceptibles de soulever des questions éthiques majeures, notamment en supprimant la possibilité de constituer des embryons chimériques par l'adjonction de ces cellules à un embryon animal, estimant que ce type d'expérimentation est de nature à transgresser une « ligne rouge » en termes de risque de franchissement de la barrière des espèces.

I - Le dispositif proposé

1. Le droit en vigueur : un régime d'autorisation relativement récent, qui explique le lent développement de la recherche française dans ce domaine

a) Un cadre légal évolutif

Initialement interdite 258 ( * ) par la loi relative à la bioéthique de 1994 259 ( * ) , la recherche sur l'embryon a connu une évolution progressive de son cadre juridique au cours des quinze dernières années :

- bien que maintenant le principe d'interdiction de la recherche sur l'embryon, la loi relative à la bioéthique de 2004 260 ( * ) avait institué un régime dérogatoire d'autorisation des recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires pour une durée limitée à cinq ans ;

- étendant le principe d'interdiction de la recherche sur l'embryon aux recherches sur les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches, la loi relative à la bioéthique de 2011 261 ( * ) a pérennisé l'autorisation de dérogation de ces recherches sous réserve du respect de plusieurs conditions 262 ( * ) ;

- la loi du 6 août 2013 263 ( * ) , d'initiative parlementaire 264 ( * ) , a mis fin à l'interdiction de principe des recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires qu'elle soumet, désormais, à un régime d'autorisation ;

- la loi « Santé » 265 ( * ) du 26 janvier 2016 a inséré, dans l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, des dispositions autorisant des recherches biomédicales dans le cadre d'une procédure d'assistance médicale à la procréation sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon avant ou après son transfert à des fins de gestation, sous réserve du consentement du couple.

En application de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, seuls peuvent aujourd'hui être autorisés par l'agence de la biomédecine les protocoles de recherche qui remplissent les critères suivants :

« 1° La pertinence scientifique de la recherche est établie ;

2° La recherche, fondamentale ou appliquée, s'inscrit dans une finalité médicale ;

3° En l'état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à ces embryons ou ces cellules souches embryonnaires ;

4° Le projet et les conditions de mise en oeuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. »

En particulier, le respect de deux principes fondamentaux conditionne la possibilité de conduire des recherches sur l'embryon ou les cellules souches embryonnaires :

- la recherche ne peut être menée qu'à partir d'embryons dits « surnuméraires », conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l'objet d'un projet parental et ont été cédés à la recherche par le couple dont le consentement exprès écrit a été préalablement recueilli. En conséquence, il est précisé à l'article L. 2151-5 précité que « les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation » ;

- la conception in vitro d'embryon à des fins de recherche est interdite, sur le fondement de l'article L. 2151-2 du code de la santé publique.

Sur le plan de la procédure, l'autorisation est accordée par l'agence de la biomédecine dont la décision est assortie d'un avis du conseil d'orientation. Cette décision est communiquée aux ministres chargés de la santé et de la recherche qui disposent d'un délai d'un mois pour demander, conjointement, un nouvel examen du dossier dans les deux cas suivants :

- en cas de doute sur le respect des principes éthiques ou sur la pertinence scientifique du protocole. L'agence procède à un nouvel examen dans un délai de trente jours et, en cas de confirmation de sa décision, la validation du protocole est réputée acquise ;

- dans l'intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, lorsque le protocole a été refusé. L'agence procède à un nouvel examen dans un délai de trente jours et, en cas de confirmation de sa décision, le refus du protocole est réputé acquis.

b) Un encadrement qui n'est pas parvenu pleinement à relancer la recherche française sur l'embryon et les cellules souches

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, 92 protocoles de recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ont été autorisés depuis 2005 par l'agence de la biomédecine et huit ont été refusés.

Sur les 19 protocoles sur l'embryon humain autorisés depuis 2005, 11 ont été autorisés entre 2006 et 2008, dont la majorité visait à dériver des lignées de cellules souches embryonnaires. Un seul protocole sur l'embryon a été autorisé entre 2009 et 2013. 7 protocoles sur l'embryon ont par la suite été autorisés entre 2014 et 2017. 79 protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires ont été autorisés depuis 2005.

Des éléments d'information actualisés communiqués par l'agence de la biomédecine à votre commission font état de 97 protocoles de recherche autorisés par l'agence depuis 2005, dont 23 portent spécifiquement sur l'embryon.

Il ressort des auditions conduites par votre commission que l'environnement réglementaire et le risque contentieux associé ont contribué à décourager la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires en France. Selon Cécile Martinat, présidente de la société française de recherche sur les cellules souches (« French Society for Stem Cell Research » - FSSCR), environ 50 % des programmes de recherche font encore l'objet d'un processus juridique très largement à l'initiative de la fondation Jérôme Lejeune.

2. Le cadre proposé par le projet de loi : un dispositif qui acte la différence de nature entre l'embryon et les cellules souches embryonnaires

Les différents chercheurs auditionnés par votre commission ont insisté sur la différence de nature entre les recherches conduites sur l'embryon et celles conduites sur des cellules souches embryonnaires humaines (CSEh), qui soulève des interrogations éthiques différentes.

Obtenues à partir d'embryons au stade blastocyste, c'est-à-dire cinq à sept jours après la fécondation in vitro , les cellules souches embryonnaires humaines présentent deux principales propriétés. D'une part, par leur caractère pluripotent, elles ont la capacité de se différencier pour se spécialiser et former n'importe quel tissu du corps humain. D'autre part, elles peuvent se multiplier indéfiniment en laboratoire et former ainsi des lignées « immortelles ».

Comme le rappelle la société française de recherche sur les cellules souches dans sa contribution aux états généraux de la bioéthique du CCNE de 2018, la loi relative à la bioéthique de 2004 avait inclus les cellules souches embryonnaires dans le périmètre du régime applicable aux recherches sur l'embryon au motif que le processus de dérivation de ces cellules entraînait nécessairement la destruction de l'embryon. Elle rappelle, néanmoins, que les cellules souches embryonnaires « ne représentent qu'une fraction de l'embryon et il est clairement admis qu'elles n'ont pas le potentiel d'un embryon humain entier. En particulier, après avoir été extraites de l'embryon originel puis cultivées in vitro afin de les immortaliser elles sont devenues incapables de former spontanément un nouvel embryon. À l'évidence, les cellules CSEh ne constituent donc plus une personne humaine potentielle. »

Dans son avis 129, le CCNE estime pour sa part que les cellules souches embryonnaires humaines « n'ont rien du caractère symbolique de « personne potentielle » attribué à l'embryon ». Si le processus de dérivation des cellules souches embryonnaires doit faire l'objet d'une autorisation dès lors qu'il aboutit à la destruction de l'embryon, le maintien dans un régime d'autorisation des recherches menées à partir de cellules souches embryonnaires humaines déjà dérivées ne semble désormais plus justifié à nombre de chercheurs spécialisés dans ce type de recherche.

Les recherches menées sur ces cellules n'impliquent plus en effet la destruction d'un embryon. En France, 28 lignées de cellules souches embryonnaires ont été dérivées, dont 25 sont issues du diagnostic préimplantatoire et présentent des cellules porteuses d'une mutation ou d'un déséquilibre chromosomique. La dernière lignée a été dérivée en 2008. Seules 11 de ces lignées sont encore utilisées dans des protocoles autorisés actuellement.

Depuis l'entrée en vigueur des dispositions introduites par la loi relative à la bioéthique de 2004 autorisant l'importation de cellules souches embryonnaires humaines à des fins de recherche, 70 lignées de cellules souches embryonnaires humaines ont été importées et utilisées par des équipes de recherche. Certaines lignées sont très largement utilisées par les équipes de recherche, notamment les lignées H1, H9 et RC09. Toutes les lignées de cellules souches embryonnaires humaines disponibles en Europe sont répertoriées dans le registre hPSCReg 266 ( * ) qui comptabilisait, au 1 er novembre 2019, 742 lignées. Selon ce registre, le Royaume-Uni a déclaré 88 lignées de cellules souches embryonnaires quand la France n'en a déclaré que 22.

Compte tenu de ces considérations, l'article 14 du projet de loi opère une différenciation des régimes juridiques applicables aux recherches sur l'embryon et aux recherches sur les cellules souches embryonnaires.

a) Les recherches sur l'embryon dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation

La loi « Santé » de 2016 a introduit, à l'article L. 2151-5 du code de la santé publique relatif au régime juridique des recherches conduites sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, un régime spécifique aux recherches biomédicales menées dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation sur les gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon conçu in vitro destiné à être transféré à des fins de gestation. Le renvoi aux dispositions du titre II du livre I er de la première partie du code de la santé publique permet de soumettre ces recherches aux mêmes conditions d'autorisation que celles applicables aux recherches impliquant la personne humaine, notamment les essais cliniques de médicament, qui nécessitent l'avis favorable d'un comité de protection des personnes (CPP) et une autorisation de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Dans le souci de différencier ce type de recherche de celles menées sur des embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental, le I de l'article 14 du projet de loi transfère ces dispositions au sein d'un nouvel article L. 2141-3-1 du code de la santé publique, au sein des dispositions générales relatives à l'assistance médicale à la procréation. L'expression « recherches biomédicales », choisie en 2016 pour désigner ces recherches sur l'embryon destiné à être transféré, est remplacée par le mot « recherches », dès lors que les recherches biomédicales impliquent la personne humaine et qu'un embryon n'a pas le statut de personne.

Les termes « in vitro » sont également supprimés afin de tenir compte du fait que des recherches sur l'embryon après son transfert in utero sont possibles. Enfin, par coordination avec les nouvelles modalités de recours à l'AMP envisagées par le projet de loi, il est précisé que le consentement à ces recherches est exprimé soit par chaque membre du couple, soit par la femme non mariée.

Le II procède, en conséquence, à une coordination de référence à l'article L. 1125-3 du code de la santé publique relatif à l'autorisation par l'ANSM des recherches impliquant la personne humaine menées dans le cadre de l'AMP.

b) Le maintien d'un régime d'autorisation pour les recherches sur l'embryon

Le 1° du III de l'article 14 du projet de loi procède à une réécriture de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique qui sera spécifiquement dédié au régime d'autorisation des recherches sur l'embryon, l'encadrement des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines faisant l'objet d'un nouvel article L. 2151-6 du même code.

Les critères conditionnant l'autorisation d'un protocole de recherche sur l'embryon ne sont pas sensiblement modifiés par le projet de loi et continuent d'inclure :

- la pertinence scientifique de la recherche ;

- la finalité médicale poursuivie par la recherche, que celle-ci soit fondamentale ou appliquée ;

- la démonstration qu'en l'état des connaissances scientifiques, la recherche ne peut être menée sans recourir à des embryons humains ;

- le respect de principes éthiques fondamentaux.

C'est ce dernier critère qui est précisé par l'article 14 du projet de loi. À l'heure actuelle, il est fait référence aux « principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. »

Les principes éthiques auxquels renvoie le 4° du I de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique tel que modifié par l'article 14 du projet de loi recouvrent, en premier lieu, les principes posés par le titre V « Recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires » du livre I er de la deuxième partie du code. Il s'agit de :

- l'interdiction de la conception in vitro d'embryons et de la constitution par clonage d'embryons humains à des fins de recherche 267 ( * ) ;

- l'interdiction de l'adjonction de cellule d'une autre espèce dans un embryon humain 268 ( * ) ;

- l'interdiction de la conception et du clonage d'embryons et de leur utilisation à des fins commerciales ou industrielles 269 ( * ) ;

- l'interdiction de constituer par clonage un embryon humain à des fins thérapeutiques 270 ( * ) .

Sont également visés, en deuxième lieu, les principes fondamentaux prévus par les articles 16 à 16-8 du code civil :

- l'interdiction de toute atteinte à la dignité de la personne 271 ( * ) ;

- le droit au respect de l'être humain dès le commencement de la vie 272 ( * ) ;

- le droit au respect du corps humain, l'inviolabilité et l'impossibilité, pour celui-ci, ainsi que pour les éléments et les produits qui en sont issus, de faire l'objet d'un droit patrimonial 273 ( * ) ;

- la possibilité de ne porter atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité thérapeutique, et après avoir recueilli le consentement de l'intéressé 274 ( * ) ;

- l'interdiction de porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine 275 ( * ) ;

- la prohibition des pratiques eugéniques ayant pour objet la sélection des personnes 276 ( * ) ;

- l'interdiction des modifications des caractères génétiques transmissibles à la descendance 277 ( * ) ;

- l'interdiction de rémunération de celui qui se prête à une expérimentation, au prélèvement d'éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci 278 ( * ) ;

- le principe de l'anonymat du don portant sur un produit ou un élément du corps humain 279 ( * ) .

En troisième lieu, les principes éthiques applicables à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines incluent les principes mentionnés au titre I er du livre II de la première partie du code de la santé publique applicables au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain. Parmi ceux-ci figurent notamment :

- les principes des articles 16 à 16-8 du code civil rappelés ci-dessus ;

- le principe du consentement au don ;

- le principe de la gratuité du don ;

- le principe de l'anonymat du don.

Dans une décision du 1 er août 2013 280 ( * ) , le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions encadrant l'attribution des autorisations de recherche sur l'embryon sous réserve du respect, notamment, de l'ensemble des principes précités.

Le II de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique dans sa version proposée par le projet de loi dispose que les recherches ne peuvent porter que sur des embryons conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation qui ne font plus l'objet d'un projet parental et sont cédés à la recherche.

En l'état du droit en vigueur, la recherche est subordonnée au consentement écrit préalable du couple ou du membre survivant du couple, après que ceux-ci ont été informés des possibilités d'accueil par un autre couple ou d'arrêt de la conservation des embryons. Il est, en outre, rappelé que le consentement au don à la recherche doit faire l'objet d'une confirmation à l'expiration d'un délai de trois mois, sauf dans deux cas : lorsque le couple consent au don à l'issue d'un diagnostic préimplantatoire concluant au diagnostic d'une anomalie génétique responsable d'une maladie d'une particulière gravité 281 ( * ) ou lorsque le couple consent au don des embryons non susceptibles d'être transférés ou conservés à l'issue d'une fécondation in vitro 282 ( * ) .

L'article 14 du projet de loi procède à plusieurs coordinations audit II de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique :

- il est tenu compte du fait que l'embryon peut résulter d'une procédure d'AMP engagée par une femme non mariée ;

- par souci de simplification, les modalités de consentement au don de l'embryon à la recherche sont renvoyées aux dispositions du 2° du II de l'article L. 2141-4 du code de la santé publique dont l'article 16 du projet de loi propose une nouvelle rédaction, du dernier alinéa de l'article L. 2131-4 du même code et du troisième alinéa de l'article L. 2141-3 du même code.

L'autorisation par l'agence de la biomédecine est maintenue, étant précisé que l'agence se prononce non seulement sur le respect des critères prévus par le I de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique mais également sur le respect des conditions prévues par son II (embryons surnuméraires cédés à la recherche). Compte tenu de la sensibilité de ces décisions, elles continueront d'être assorties d'un avis de son conseil d'orientation, instance chargée de veiller au respect par l'agence des patients, des donneurs et des principes éthiques dans l'exercice de ses missions. Dans les mêmes conditions qu'à l'heure actuelle, les décisions d'autorisation ou de refus de l'agence devront être communiquées aux ministres chargés de la santé et de la recherche qui pourront, le cas échéant, demander un réexamen du dossier.

L'agence de la biomédecine conserve, en outre, son pouvoir de suspension ou de retrait de l'autorisation à l'issue d'inspections indépendantes.

c) L'inscription dans la loi d'une durée limite de culture in vitro des embryons destinés à la recherche

Le 1° du III de l'article 14 du projet de loi maintient, au IV de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, la disposition selon laquelle les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. Il la complète par une disposition tendant à limiter la durée de culture in vitro des embryons à 14 jours suivant leur constitution.

À l'heure actuelle, aucune disposition en droit français ne fixe de limite à la durée de développement in vitro des embryons. Jusqu'à récemment, les protocoles de recherche autorisés sur l'embryon ne prévoyaient pas de culture au-delà de sept jours, date qui correspond généralement à la limite marquant le moment de l'implantation. Toutefois, compte tenu des progrès réalisés dans la mise au point de milieux de culture propices au développement embryonnaire, la question du développement in vitro d'embryons au-delà de sept jours se pose désormais.

Dans ses réponses au questionnaire de votre commission, l'agence de la biomédecine rappelle que la limite de 14 jours pour la culture d'un embryon dans le cadre d'un protocole de recherche a été définie en 1984 par la commission d'enquête sur la fertilisation humaine et l'embryologie mise en place au Royaume-Uni et présidée par la philosophe Mary Warnock, dite « commission Warnock ». Cette limite est fondée sur :

- un argument philosophique : le 15 e ou le 16 e jour de développement marque, pour certains, le moment où l'embryon humain perd sa capacité à se scinder en deux embryons indépendants. Les tenants de cet argument considèrent alors que l'embryon acquiert son indivisibilité et y voient donc l'acquisition d'une nature humaine de valeur supérieure ;

-un argument scientifique : les premières cellules embryonnaires différenciées 283 ( * ) apparaissent à partir du 15 e ou du 16 e jour de développement de l'embryon. Parmi ces cellules différenciées, on trouve les cellules du neurectoderme, à l'origine du futur cerveau. Il avait semblé utile, aux membres de la commission Warnock, d'empêcher la formation du neurectoderme dans les embryons in vitro dans l'hypothèse, qui reste non vérifiée, où leur émergence marquerait la naissance d'une conscience humaine.

L'agence de la biomédecine souligne le fait que cette limite de développement in vitro de 14 jours fait aujourd'hui l'objet d'un consensus international et a été intégrée par 17 pays dans leur législation ou dans des recommandations. Elle n'a pas été remise en cause jusqu'à récemment car il existait une limite technique : les conditions de culture ne permettaient pas la survie d'un embryon au-delà du stade correspondant à son implantation dans l'utérus, c'est-à-dire à sept jours de développement.

En 2016, deux études ont rapporté la mise au point de « plateformes d'implantation » permettant le développement de l'embryon in vitro au-delà de cette limite. Les auteurs ont volontairement arrêté la culture des embryons après 13 jours, mais il semble aujourd'hui que la limite des 14 jours puisse être franchie. De fait, deux études récentes ont montré qu'il était possible de procéder à la culture d'embryons de macaques jusqu'à 20 jours en utilisant des plateformes d'implantation similaires.

Par ailleurs, le 2° du III de l'article 14 du projet de loi procède à une renumérotation d'articles du code de la santé publique afin de tenir compte des nouvelles dispositions prévues par le projet de loi en matière d'encadrement des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines.

d) L'introduction d'un régime de déclaration préalable des recherches menées sur les cellules souches embryonnaires humaines

Le 3° du III de l'article 14 du projet de loi vise à introduire, à l'article L. 2151-6 du code de la santé publique, un régime de déclaration préalable auprès de l'agence de la biomédecine. Il est précisé que ces recherches ne peuvent être menées qu'à partir de lignées dérivées autorisées dans les conditions suivantes :

- de cellules souches embryonnaires dérivées d'embryons humains dans le cadre d'un protocole de recherche sur l'embryon autorisé en application de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique ;

- de cellules souches embryonnaires ayant fait l'objet d'une autorisation d'importation accordée par l'agence de la biomédecine.

Le directeur général de l'agence de la biomédecine est appelé à s'opposer à la réalisation du protocole si celui-ci n'est pas réalisé à partir de lignées dérivées autorisées dans les conditions évoquées précédemment et s'il ne respecte pas les principes suivants :

- le protocole doit s'inscrire dans une finalité médicale ;

- la pertinence scientifique de la recherche doit être établie ;

- le protocole et ses conditions de mise en oeuvre doivent respecter les mêmes principes éthiques fondamentaux auxquels sont astreints les protocoles de recherche sur l'embryon.

Le délai dans lequel le directeur général de l'agence pourra s'opposer aux protocoles de recherche sera fixé par voie réglementaire. Il pourrait être de deux mois, selon les informations communiquées par le ministère des solidarités et de la santé à votre commission.

Il est à noter que la condition de démonstration de l'absence d'une méthodologie alternative, applicable aux recherches sur l'embryon, ne sera plus applicable aux recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines.

En outre, il est prévu que certaines recherches considérées comme particulièrement sensibles au regard de leurs enjeux éthiques devront faire l'objet d'une vigilance renforcée. Il s'agit, dans la version initiale du projet de loi, de deux types de recherche :

- la différenciation de cellules souches embryonnaires humaines en gamètes ;

- l'agrégation de cellules souches embryonnaires humaines avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires, c'est-à-dire la constitution de modèles embryonnaires à usage scientifique susceptibles de mimer la phase de gastrulation et parfois dénommés « gastruloïdes ».

Pour ces recherches, une décision d'opposition du directeur général de l'agence de la biomédecine devra être précédée d'un avis public du conseil d'orientation scientifique de l'agence. Dans ce cas, l'agence estime que le délai d'opposition de l'agence pourrait être porté à trois mois.

Enfin, toute décision de suspension ou d'interdiction des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines qui ne respecteraient plus les conditions prévues par le code de la santé publique devra être précédée d'un avis public du conseil d'orientation de l'agence de la biomédecine.

À titre transitoire, le VI de l'article 14 du projet de loi prévoit que les protocoles de recherche sur des cellules souches embryonnaires humaines en cours d'instruction à la date de la publication de la loi par l'agence de la biomédecine en vue, initialement, de leur autorisation seront réputés, si leur dossier est complet, satisfaire à l'obligation de déclaration préalable. Le délai d'opposition de l'agence est fixé à quatre mois pour ces protocoles à compter de la réception du dossier complet de la demande d'autorisation.

Le 4° du III de l'article 14 du projet de loi tend à abroger l'article L. 2151-7 du code de la santé publique dont les dispositions relatives aux autorisations de conservation d'embryons ou de cellules souches embryonnaires à des fins de recherche ont vocation à figurer dans un nouvel article L. 2151-9 du même code prévu par le projet de loi.

Le 5° du III de l'article 14 du projet de loi procède à une clarification rédactionnelle à l'article L. 2151-8 284 ( * ) du code de la santé publique relatif à l'autorisation par l'agence de la biomédecine de l'importation de cellules souches embryonnaires humaines à des fins de recherche.

e) Le maintien du régime d'autorisation de la conservation d'embryons et de cellules souches embryonnaires humaines

En application de l'article L. 2151-7 du code de la santé publique en vigueur, la conservation d'embryons ou de cellules souches embryonnaires humaines à des fins de recherche est soumise à une autorisation délivrée par l'agence de la biomédecine, qui se prononce au regard du respect des principes éthiques inscrits au code de la santé publique, des règles en matière de sécurité des personnes employées sur le site de conservation et des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement et de sécurité sanitaire.

L'ANSM est informée de ces activités de conservation lorsque le lieu de conservation est situé sur le même site que des activités de préparation et de conservation des tissus et de leurs dérivés et des préparations de thérapie cellulaire autorisées par l'ANSM.

Le 6° du III de l'article 14 du projet de loi crée un nouvel article L. 2151-9 au sein du code de la santé publique, reprenant les dispositions de l'article L. 2151-7 précité, moyennant les modifications suivantes :

- dans l'attribution des autorisations de conservation, l'agence de la biomédecine veillera au respect, outre des critères déjà prévus par le droit en vigueur, des principes éthiques fondamentaux inscrits aux articles 16 à 16-8 du code civil ;

- les laboratoires de biologie médicale accrédités 285 ( * ) pour exercer les activités biologiques d'assistance médicale à la procréation pourront conserver des embryons proposés à la recherche 286 ( * ) sans être titulaires d'une autorisation spécifique en ce sens par l'agence de la biomédecine ;

- par coordination, la cession d'embryons ne pourra se faire qu'au profit soit d'un organisme lui-même autorisé pour la conservation d'embryons, soit d'un organisme autorisé, en application de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, à pratiquer une recherche sur l'embryon. De même, des cellules souches embryonnaires humaines ne pourront être cédées qu'à un organisme lui-même autorisé à conserver des cellules souches embryonnaires ou à un organisme ayant déclaré un protocole de recherche sur ces cellules en application de l'article L. 2151-6 du même code, à la condition que l'agence de biomédecine ne se soit pas opposée à ce protocole.

Le 7° du III de l'article 14 du projet de loi procède à une coordination à l'article L. 2151-10 du code de la santé publique qui, tel qu'il résulte de l'article 14 du projet de loi, reprend les dispositions de l'actuel article L. 2151-7-1 du code de la santé publique relatif à la clause de conscience en vertu de laquelle un chercheur, un ingénieur, un technicien ou un auxiliaire de recherche, de même qu'un médecin ou un auxiliaire médical peuvent refuser de participer à quelque titre que ce soit à une recherche sur des embryons humains ou des cellules souches embryonnaires humaines. Cette coordination vise à tenir compte du fait que les recherches sur les cellules souches seront déclarées et non plus autorisées. Cette clause de conscience avait été introduite dans le code de la santé publique par l'Assemblée nationale en première lecture lors de l'examen de la loi relative à la bioéthique de 2011.

f) Les sanctions pénales applicables en matière de conservation et de cession d'embryons et de cellules souches embryonnaires humaines

Le IV de l'article 14 du projet de loi tire les conséquences de la réécriture, à l'article L. 2151-9 du code de la santé publique, des dispositions relatives à la conservation et à la cession des embryons et des cellules souches embryonnaires humaines, en réécrivant l'article 511-19-2 du code pénal qui punit les activités ne se conformant pas à ces dispositions de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. De même, les dispositions « miroir » de l'article L. 2163-7 du code de la santé publique, qui reproduit les dispositions de l'article 511-19-2 du code pénal, sont actualisées, au V de l'article 14 du projet de loi, pour tenir compte de ces modifications.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

• En commission , outre plusieurs amendements rédactionnels, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté des amendements de son rapporteur, Philippe Berta, tendant à :

- maintenir la précision selon laquelle l'embryon, sur lequel des recherches cliniques peuvent être effectuées en dehors ou sein de l'utérus dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation, est « conçu in vitro ». Cette précision concerne le mode de conception de l'embryon et non les modalités des recherches cliniques concernées ;

- préciser que la recherche non-clinique sur l'embryon humain peut porter sur les causes de l'infertilité, au motif que les pays développés à économie de marché sont concernés par une hausse conséquente des situations d'infertilité ;

- compléter les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines devant faire l'objet d'une vigilance particulière 287 ( * ) de la part de l'agence de la biomédecine par celles consistant à créer des embryons chimériques par l'insertion dans un embryon animal de cellules souches embryonnaires humaines en vue de son transfert chez la femelle. Ces recherches pourraient, dans le futur, représenter un intérêt pour explorer la possibilité d'obtenir des organes humains développés chez l'animal. En posant la question du franchissement de la barrière des espèces, ces recherches sont néanmoins susceptibles de soulever des interrogations éthiques majeures ;

- tirer les conséquences de l'institution de régimes distincts d'autorisation et de déclaration préalable, applicables respectivement aux recherches sur l'embryon et aux recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines, pour la conservation de ces éléments :

- la conservation d'embryons continuera de faire l'objet d'une autorisation par l'agence de la biomédecine ;

- la conservation de cellules souches embryonnaires humaines devra faire l'objet d'une déclaration préalable auprès de l'agence de la biomédecine qui gardera la possibilité de suspendre ou interdire à tout moment cette conservation en cas de non-respect des mêmes critères que ceux conditionnant l'autorisation de la conservation des embryons ;

- l'organisme auquel des cellules souches embryonnaires humaines auront été cédées devra lui aussi procéder à une déclaration de conservation de ces cellules auprès de l'agence ;

- afin de tenir compte de l'institution de régimes distincts en matière de conservation, les coordinations nécessaires au sein des dispositions relatives aux sanctions pénales applicables en cas de non-respect de ces régimes d'autorisation ou de déclaration sont apportées.

• En séance , outre plusieurs amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a adopté en séance un amendement tendant à interdire, dans le cadre des recherches menées sur un gamète ou un embryon dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation, toute intervention ayant pour objet de modifier le génome des gamètes ou de l'embryon. Cet amendement intervient en réaction aux expérimentations annoncées en novembre 2018 ayant conduit, selon le responsable de ces expérimentations, à la conception de deux bébés dont le génome avait été modifié par la technique « CRISPR-Cas9 » 288 ( * ) afin qu'une mutation génétique leur confère une immunité contre l'infection au VIH. Ces expérimentations avaient suscité l'émoi de la communauté scientifique internationale.

L'article 16-4 du code civil prévoit déjà que « sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques, aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne. »

III - La position de la commission

Tenir compte de la spécificité des recherches menées sur un embryon destiné à être transféré dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation

Depuis l'adoption, dans la loi « Santé » de 2016, d'une disposition soumettant les recherches menées sur un embryon destiné à être transféré dans le cadre de l'AMP au régime applicable aux recherches impliquant la personne humaine, plusieurs recherches de ce type ont autorisées par l'ANSM et un comité de protection des personnes (CPP).


L'évolution du cadre juridique applicable aux recherches
menées sur l'embryon dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation

La loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique avait modifié l'article L. 2151-5 du code de la santé publique afin de prévoir, en son VI, qu'« à titre exceptionnel, des études sur les embryons visant notamment à développer les soins au bénéfice de l'embryon et à améliorer les techniques d'assistance médicale à la procréation ne portant pas atteinte à l'embryon peuvent être conduites avant et après leur transfert à des fins de gestation si le couple y consent [...] », ces études étant alors autorisées par l'agence de la biomédecine en application du IV de ce même article.

La loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 précitée, en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, a à son tour modifié l'article L. 2151-5 du code de la santé publique en supprimant notamment son alinéa VI et de ce fait l'autorisation par l'agence de la biomédecine de ce type d'études. La suppression de ce VI de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique avait été motivée par le souhait de soumettre les études sur l'embryon à la réglementation sur les recherches biomédicales, pour lesquelles l'ANSM est l'unique régulateur en France avec les CPP pour les aspects éthiques.

Toutefois, lors de l'examen du décret, pris en application de la loi du 6 août 2013 susmentionnée, le Conseil d'État a estimé qu'en l'état du droit les recherches biomédicales interventionnelles portant sur les gamètes destinés à constituer un embryon et sur un embryon avant son transfert in utero n'étaient pas permises. En effet, le Conseil d'État a considéré qu'il n'appartenait pas au pouvoir réglementaire de rattacher les études sur l'embryon au droit des recherches biomédicales au vu du peu d'éléments à disposition dans les débats parlementaires et du silence de la loi de 2013 sur ce point.

Le législateur est donc à nouveau intervenu par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 (article 155, III) pour ajouter un V à l'article L. 2151-5 du code de la santé publique ainsi rédigé : « Sans préjudice du titre IV du présent livre I er , des recherches biomédicales menées dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation peuvent être réalisées sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur l'embryon in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation, si chaque membre du couple y consent. Ces recherches sont conduites dans les conditions fixées au titre II du livre I er de la première partie. »

Le législateur a donc confié à l'ANSM la compétence sur les recherches impliquant la personne humaine (RIPH) (anciennement appelées « recherches biomédicales ») menées dans le cadre de l'AMP. En effet, l'ANSM est l'autorité compétente pour toutes les RIPH qu'elles portent sur des médicaments, des dispositifs médicaux, des cosmétiques, des organes, des tissus, des cellules humains et du sang, ainsi que sur les RIPH ne portant pas sur un produit de santé.

En pratique, l'ANSM a déjà autorisé des RIPH dans le cadre de l'AMP, dont, à titre d'exemple :

- une RIPH promue par l'AP-HP intitulée « NATural Ovarian Stimulation (NATOS) : un protocole de stimulation ovarienne innovant associant croissance folliculaire multiple et environnement estrogénique physiologique destiné aux patientes de bon pronostic prises en charge en fécondation in vitro (FIV) » a été autorisée par l'ANSM le 26 août 2016 avec pour objectif de comparer l'efficacité de la FIV en utilisant NATOS ou un protocole de stimulation ovarienne antagoniste classique ;

- une RIPH intitulée « Comparaison du nombre cumulé d'ovocytes recueillis avec 2 stimulations ovariennes sur le même cycle par Fertistartkit® (DUOSTIM) versus 2 stimulations conventionnelles chez les patientes avec réserve ovarienne altérée en FIV. Étude BISTIM », promue par le centre hospitalier intercommunal de Créteil, a été autorisée le 14 février 2018. Elle a pour objectif de montrer que 2 stimulations par Fertistartkit® sur un même cycle (phase folliculaire puis phase lutéale : DUOSTIM) permettent de recueillir 1,5 ovocyte de plus que le cumul de 2 stimulations conventionnelles (phase folliculaire) sur 2 cycles différents consécutifs ou non chez les patientes avec un CFA<5 et/ou AMH<1,2 ng/ml (groupe 3/4 des mauvaises répondeuses selon les critères de Poséïdon).

Source : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

De l'avis de certains professionnels de l'assistance médicale à la procréation, le régime d'autorisation des essais cliniques par l'ANSM apparaît néanmoins peu pertinent, en pratique, pour l'examen des projets de recherche portant sur des embryons destinés à être transférés dans le cadre d'une procédure d'AMP. Les enjeux de l'AMP et de la recherche sur l'embryon ne constituent pas en effet le coeur de l'expertise de l'ANSM dont l'examen de projets d'essais cliniques porte généralement sur les risques potentiels que présentent pour une personne humaine l'administration d'un médicament ou la mise en oeuvre d'une thérapie.

L'article R. 1125-18 du code de la santé publique prévoit que toute demande d'autorisation de recherche menée sur un gamète ou un embryon dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation est transmise, pour avis, par l'ANSM à l'agence de la biomédecine. Votre commission considère essentiel que l'agence de la biomédecine reste impliquée dans cette procédure d'autorisation, étant la mieux indiquée pour se prononcer sur la pertinence scientifique de ce type de projet de recherche.

Votre commission a adopté un amendement COM-192 de la rapporteure supprimant, à l'article L. 1125-3 du code de la santé publique, les termes « impliquant la personne humaine » utilisés pour qualifier les recherches menées sur les gamètes ou l'embryon dans le cadre de l'AMP. Il convient en effet de mettre un terme à toute confusion sur le statut du gamète ou de l'embryon concernés qui, au stade de la recherche, n'ont pas le statut de « personne humaine ».

• Sécuriser sur le plan juridique les recherches menées sur l'embryon

De nombreux représentants de la communauté scientifique ont insisté sur le risque contentieux qui pèse sur les protocoles de recherche concernant l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines. Les décisions d'autorisation prononcées par l'agence de la biomédecine, rendues publiques, sont quasi -systématiquement contestées devant les juridictions administratives par des associations opposées à ce type de recherche, dont principalement la fondation Jérôme Lejeune.

Depuis 2008, 48 requêtes au fond ont été déposées contre des décisions de l'agence de la biomédecine autorisant soit des protocoles de recherche sur l'embryon ou les cellules souches embryonnaires humaines, soit l'importation de lignées de cellules souches embryonnaires humaines. Sur ces 48 requêtes, quatre concernaient des décisions d'autorisation de recherche sur l'embryon. À cela s'ajoutent dix requêtes en référé contre des décisions d'autorisation de recherche, déposées en parallèle des requêtes au fond.

Pour l'agence de la biomédecine, le coût de ces contentieux avoisine les 800 000 euros, consistant essentiellement en des honoraires d'avocat. Ce coût ne tient pas compte de la charge de travail résultant de la gestion de ces contentieux par les membres du personnel de l'agence.

Les recours déposés contre les décisions d'autorisation de l'agence s'appuient sur différents motifs ayant trait au respect des critères d'autorisation : la pertinence scientifique, la finalité médicale, l'absence d'alternative au recours aux embryons, de même que la traçabilité des embryons ou cellules souches embryonnaires humaines utilisés. Lors de son audition par votre commission, Cécile Martinat a rappelé qu'en mars 2019, deux autorisations de recherche ont été annulées par le tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de la pertinence scientifique et de la traçabilité.

En particulier, les chercheurs insistent sur la difficulté opérationnelle à démontrer le respect de deux critères dans leur libellé actuel, maintenus par le projet de loi :

- toute recherche participe potentiellement de l'ambition de réaliser des progrès médicaux sans qu'il puisse être démontré avec précision et ab initio l'intérêt d'une recherche fondamentale en termes thérapeutiques. Les projets de recherche fondamentale posent, par nature, des questions dont les réponses et les conséquences dans le domaine médical ne peuvent en l'état des connaissances scientifiques être anticipées. Dans ces conditions, les équipes de recherche défendant des protocoles en recherche fondamentale peuvent être amenées à formuler une finalité médicale « artificielle » puisqu'il est bien souvent impossible d'anticiper l'applicabilité thérapeutique de résultats qui restent eux-mêmes hypothétiques voire tout simplement inattendus ;

- la démonstration de l'absence de méthodologie alternative au recours aux embryons humains reste également un exercice difficile. Si de nouveaux paradigmes expérimentaux sont en train d'émerger, tels que la constitution de modèles embryonnaires à usage scientifique par l'agréation de cellules souches embryonnaires à des tissus extra-embryonnaires, en vue de mimer différentes phases du développement embryonnaire, comme les « blastoïdes » et les « gastruloïdes », ils sont encore bien loin de reproduire fidèlement les propriétés d'un embryon. A fortiori , il reste indispensable de pouvoir comparer ces modèles expérimentaux aux embryons humains et d'en évaluer les éventuelles limites afin, le cas échéant, de les améliorer.

Afin de sécuriser, sur le plan juridique, les décisions d'autorisation des protocoles de recherche sur l'embryon, votre commission a donc adopté deux amendements tendant à en préciser les prérequis :

- à la finalité médicale pourra être substitué l'objectif d'amélioration de la connaissance de la biologie humaine, plus pertinent en matière de recherche fondamentale (amendement COM-193 de la rapporteure) ;

- toute méthode alternative au recours aux embryons ne sera recevable que s'il est démontré qu'elle présente une pertinence scientifique comparable avec l'embryon humain (amendement COM-194 de la rapporteure).

Par coordination, votre commission a adopté un amendement COM-197 de la rapporteure permettant, dans les exigences auxquelles doivent répondre les protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, de tenir compte du fait que ces protocoles doivent poursuivre soit une finalité médicale, soit un objectif d'amélioration de la connaissance de la biologie humaine.

Enfin, votre commission a adopté un amendement COM-226 de la rapporteure tendant à rappeler que, conformément à l'article 18 289 ( * ) de la convention d'Oviedo, l'interdiction de la constitution d'embryons à des fins de recherche s'entend de la conception d'un embryon humain par fusion de gamètes. En effet, par définition, un embryon humain est le résultat de la fusion de gamètes humains. À l'heure actuelle, des modèles embryonnaires à usage scientifique peuvent être créés par l'agréation de cellules souches embryonnaires humaines avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires.

Ces modèles, qui sont déjà utilisés en recherche, ne constituent pas des embryons humains, dès lors qu'ils ne résultent pas de la fusion de deux gamètes. Il convient de lever toute ambiguïté à l'égard de ces modèles embryonnaires à usage scientifique.

Permettre des avancées dans la compréhension du développement embryonnaire dans le respect des principes éthiques

À l'heure où la France s'apprête pour la première fois à inscrire dans sa législation une durée limite de culture d'embryons in vitro , plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, s'interrogent sur la pertinence d'une durée fixée à 14 jours et pourraient prochainement la réviser à la hausse.

Une meilleure compréhension des étapes du développement embryonnaire entre le 14 e et le 21 e jour, qui concernent la période dite de gastrulation, présente un intérêt scientifique majeur. Des études réalisées chez le primate non humain, le singe macaque, publiées en novembre 2019, ont montré des mécanismes de développement propres aux primates différents de ceux observés chez les rongeurs. Plusieurs scientifiques insistent dès lors sur l'importance d'étudier ces mécanismes de développement chez l'embryon humain afin de mieux appréhender le contrôle de la différenciation des cellules souches embryonnaires humaines et pluripotentes induites et les retombées médicales potentiellement associées.

L'argument scientifique soutenant une limite de culture in vitro à 14 jours est désormais contesté, dans la mesure où il apparaît difficile de soutenir qu'une conscience humaine puisse émerger à partir d'une structure embryonnaire aussi primitive que le neurectoderme. La société française de recherche sur les cellules souches, dans une contribution transmise à votre commission, estime ainsi qu'« il ne fait aucun doute que les pays anglo-saxons [...] autoriseront [le fait de repousser la durée limite de culture d'un embryon humain à 21 jours] dans les prochaines années. »

Dans le souci de permettre à la France de prendre une position de leadership dans la compréhension des étapes du développement embryonnaire, votre commission a adopté un amendement COM-195 de la rapporteure tendant à autoriser, à titre dérogatoire, le développement in vitro d'embryons jusqu'au 21 e jour suivant leur constitution dans le cadre de protocoles de recherche spécifiquement dédiés à l'étude des mécanismes de développement embryonnaire au stade de la gastrulation. Cette durée limite apparaît d'autant plus pertinente que le projet de loi prévoit d'ores et déjà la possibilité de constituer de modèles embryonnaires à usage scientifique dits « gastruloïdes », mimant le stade de la gastrulation, par l'agrégation de cellules souches embryonnaires humaines avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires.

• Clarifier la distinction entre les recherches menées sur l'embryon dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation et les recherches sur les embryons surnuméraires n'ayant pas vocation à être transférés à des fins de gestation

Votre commission a adopté un amendement COM-225 de la rapporteure visant à clarifier la distinction entre les recherches menées sur l'embryon dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation et les recherches sur les embryons surnuméraires n'ayant pas vocation à être transférés à des fins de gestation, en précisant que les embryons qui ne peuvent être transférés sont ceux sur lesquels une recherche a été autorisée et conduite en application de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique.

• Supprimer une disposition déjà satisfaite

À l'initiative de l'Assemblée nationale, l'article 14 du projet de loi prévoit désormais que la recherche sur un embryon non destiné à être implanté peut porter sur les causes de l'infertilité. Or, en l'état actuel de la législation, rien n'interdit de mener, sur les embryons, des recherches portant sur les causes de l'infertilité. À ce jour, sur les 23 protocoles de recherche sur l'embryon qui ont été autorisés par l'agence de la biomédecine, neuf concernent l'étude du développement embryonnaire préimplantatoire avec un lien direct sur sa qualité ou la capacité d'implantation de l'embryon. Il s'agit de causes reconnues d'infertilité encore mal documentées et nécessitant une amélioration des connaissances.

Sans ouvrir de nouvelles voies de recherche par rapport au droit existant, cette disposition participe essentiellement d'une volonté d'affichage. Les recherches en matière d'infertilité n'ont d'ailleurs pas vocation à se limiter à l'identification de leurs causes, mais à en améliorer le traitement, ce qui supposerait de compléter cette disposition, si elle était maintenue, pour préciser l'ensemble du champ possible de la recherche dans ce domaine. Compte tenu de l'absence de réelle valeur ajoutée de cette précision par rapport au droit en vigueur, votre commission a donc adopté un amendement COM-196 de la rapporteure tendant à la supprimer.

• Renforcer la vigilance sur des recherches soulevant des questions éthiques majeures

À l'heure actuelle, les seules recherches possibles impliquant la constitution d'embryons chimériques consistent en l'adjonction de cellules souches pluripotentes induites (iPS) d'origine humaine à un embryon animal, les iPS n'étant pas aujourd'hui encadrées par le code de la santé publique. En limitant l'interdiction de création d'embryons chimériques à la seule adjonction de cellules animales à un embryon humain, l'article 17 du projet de loi ouvre la possibilité de constitution d'embryons chimériques résultant de l'insertion de cellules souches embryonnaires humaines à un embryon animal. Cette nouvelle possibilité soulève d'importantes questions éthiques quant aux limites à poser face au risque de franchissement de la barrière des espèces.

Par conséquent, votre commission a adopté un amendement visant à écarter la possibilité de constitution d'embryons chimériques résultant de l'insertion de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal, procédure qui franchit une « ligne rouge » difficilement acceptable au regard du risque de franchissement de la barrière des espèces (amendement COM-201 de la rapporteure).

• Enfin, votre commission a adopté un amendement COM-267 de la rapporteure procédant à diverses coordinations au sein du code pénal et du code de la santé publique.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 15
Régulation, en recherche fondamentale,
de certaines utilisations des cellules souches pluripotentes induites

Cet article vise à encadrer certaines finalités, sensibles sur le plan éthique, des recherches menées sur les cellules souches pluripotentes induites.

La commission spéciale a souhaité encadrer les expérimentations impliquant la création d'embryons chimériques par l'adjonction de cellules souches pluripotentes induites humaines à un embryon animal, en interdisant la possibilité que le transfert de ces embryons chez la femelle donne lieu à parturition et en posant le principe d'un seuil à ne pas dépasser en termes de contribution des cellules d'origine humaine au développement de l'embryon chimérique.

I - Le dispositif proposé

1. Les cellules pluripotentes induites : un outil à fortes potentialités médicales, non dénué d'enjeux éthiques

En 2007, le professeur japonais Shinya Yamanaka a mis au point la technique permettant de transformer des cellules adultes spécialisées en cellules pluripotentes induites, plus communément désignées sous le sigle « iPS » issu de l'anglais « induced Pluripotent Stems Cells ». Cette découverte, pleine de promesses pour la médecine notamment génique et régénérative, lui a valu l'attribution du prix Nobel de médecine en 2012. Les iPS sont obtenues en reprogrammant une cellule somatique différenciée 290 ( * ) vers un état de pluripotence. Ces lignées cellulaires ont en commun, avec les cellules souches embryonnaires humaines, d'être pluripotentes : elles sont capables de se multiplier indéfiniment et de se différencier en tout type de cellule qui compose l'organisme.

Toutefois, comme le rappelle le professeur Pierre Savatier dans ses réponses au questionnaire de votre commission, si les cellules souches embryonnaires humaines et les cellules souches pluripotentes induites présentent, par définition, les mêmes propriétés, c'est-à-dire l'autorenouvèlement et la pluripotence, elles se distinguent par les éléments structurels et fonctionnels suivants :

- les cellules iPS gardent parfois en mémoire des traces épigénétiques de leur origine somatique. En effet, pour un même individu, l'épigénome peut varier d'une cellule à l'autre. La régulation de l'expression des gènes des iPS étant altérée, leurs potentialités de différenciation peuvent s'en trouver modifiées ;

- des différences dans la qualité de l'ADN mitochondrial des iPS ont été récemment décrites. Les cellules iPS présenteraient des altérations de ce génome qui auraient pour conséquences l'apparition d'une réponse immunitaire dirigée contre les cellules iPS et leurs dérivés différenciés ;

- les cellules iPS peuvent contenir des variations génomiques provenant soit de la cellule somatique d'origine, soit induite par la reprogrammation elle-même et le stress cellulaire qu'elle entraîne, ce qui peut résulter dans des altérations basales au sein des lignées d'iPS dérivées. Pour les applications cliniques, il est nécessaire de réaliser un contrôle de la qualité des cellules iPS en séquençant leur génome pour s'assurer qu'il ne contient pas de mutations délétères.

Selon le professeur Pierre Savatier, ces différences structurelles entre les cellules souches embryonnaires humaines et les cellules pluripotentes induites font que les premières constituent l'original et les secondes n'en sont que la copie imparfaite.

La pluripotence des iPS ouvre des perspectives de recherche susceptibles de soulever des interrogations éthiques, dans la mesure où ces cellules résultent d'un processus de reprogrammation (donc de modification) génétique et dès lors qu'il pourrait, dans le futur, être envisagé de les différencier en gamètes, même si cette possibilité n'est pas encore d'actualité.

2. Le dispositif proposé par le projet de loi : un régime déclaratif ciblé sur les recherches « sensibles » sur le plan éthique

Le I de l'article 15 du projet de loi modifie l'intitulé du titre V du livre I er de la deuxième partie du code de la santé publique, qui devient : « Recherche sur l'embryon humain, les cellules souches embryonnaires humaines et les cellules souches pluripotentes induites ». Ce nouvel intitulé permet :

- de tenir compte de l'introduction dans le code de la santé publique de dispositions encadrant certaines recherches sur les cellules pluripotentes induites ;

- de préciser l'origine humaine des embryons et des cellules souches embryonnaires faisant l'objet des recherches régies par les dispositions du titre V précité. La place de cette précision dans l'intitulé dispense de la décliner dans l'ensemble des articles de ce titre et permet de lever toute ambiguïté sur leur non-applicabilité aux recherches sur les embryons et cellules souches embryonnaires d'origine animale.

Le II de l'article 15 du projet de loi rétablit, au sein du code de la santé publique, un article L. 2151-7 définissant, en son I, les cellules souches pluripotentes induites comme les « cellules qui ne proviennent pas d'un embryon et sont capables de se multiplier indéfiniment ainsi que de se différencier en tous les types de cellules qui composent l'organisme. » Le II du même article L. 2151-7 prévoit l'obligation pour deux types de recherche considérés comme sensibles sur le plan éthique de faire l'objet d'une déclaration préalable auprès de l'agence de la biomédecine. Les protocoles de recherche visés devant être déclarés ont pour objet :

- la différenciation de cellules souches pluripotentes induites en gamètes, afin de permettre par exemple l'étude de la gamétogenèse et de la fécondance des gamètes ;

- l'agrégation de cellules souches pluripotentes induites avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires, cette technique étant susceptible de donner lieu à la constitution de modèles embryonnaires à usage scientifique mimant différents stades du développement embryonnaire comme des blastoïdes ou des gastruloïdes.

L'utilisation des iPS restera soumise, en outre, au régime commun applicable à l'utilisation des éléments et produits du corps humain à des fins scientifiques, notamment à l'article 1243-3 du code de la santé publique relatif à la déclaration auprès du ministre chargé de la recherche des activités de conservation et de préparation à des fins scientifiques de tissus et de cellules issus du corps humain et à la constitution et à l'utilisation de collections d'échantillons biologiques humains. Elle relèvera également de la recherche impliquant la personne humaine en application de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique dans le cas où elle nécessiterait le prélèvement de tissus ou cellules à partir de patients ou volontaires sains.

Le III du nouvel article L. 2151-7 du code de la santé publique prévoit que le directeur général de l'agence de la biomédecine pourra s'opposer, dans un délai fixé par voie réglementaire, à la réalisation du protocole de recherche déclaré qui ne respecterait pas les principes éthiques fondamentaux de notre législation. Cette décision d'opposition devra être précédée d'un avis public du conseil d'orientation de l'agence. Le directeur général de l'agence conserve également la possibilité de suspendre ou d'interdire à tout moment, après avis public du conseil d'orientation, les recherches qui ne se conformeraient plus à ces exigences (IV du nouvel article L. 2151-7 du code de la santé publique).

Afin d'assurer le respect des nouveaux régimes de déclaration introduits en matière de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines et sur les cellules souches pluripotentes induites, le III de l'article 15 du projet de loi procède aux coordinations nécessaires au sein des articles du code de la santé publique et du code pénal prévoyant les sanctions applicables en la matière.

Le chapitre III du titre VI « Dispositions pénales » du livre I er de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi intitulé « Recherche sur l'embryon humain, les cellules souches embryonnaires humaines et les cellules souches pluripotentes induites ». Les manquements constatés dans la réalisation des recherches sur les cellules souches, embryonnaires humaines ou pluripotentes induites, seront ainsi punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre plusieurs amendements rédactionnels, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de son rapporteur Philippe Berta un amendement tendant à compléter la liste des recherches sur les iPS susceptibles de faire l'objet d'une décision d'opposition de l'agence de la biomédecine sur le fondement du respect des principes éthiques fondamentaux, après avis public de son conseil d'orientation : est ainsi ajoutée l'insertion d'iPS dans un embryon animal en vue de son transfert chez la femelle, dans le cadre de la constitution d'un embryon chimérique.

III - La position de la commission : encadrer la création d'embryons chimériques aux iPS

Votre commission approuve l'introduction d'un régime juridique spécifique encadrant les recherches sur les cellules souches pluripotentes induites qui repose sur un équilibre entre, d'une part, la reconnaissance d'une liberté d'initiative scientifique dans ce domaine, sous réserve du respect des dispositions applicables en matière de conservation de tissus et cellules issus du corps humain et de recherches impliquant la personne humaine, et, d'autre part, le souci d'une vigilance renforcée lorsque la recherche, en envisageant l'expérimentation de procédés de recréation du vivant in vitro , soulève des questions éthiques sensibles, notamment en termes de manipulation du vivant.

Néanmoins les expérimentations impliquant la création d'embryons chimériques par l'adjonction de cellules souches pluripotentes humaines à un embryon animal, bien que déjà possibles aujourd'hui en l'absence de cadre législatif ou réglementaire, ne peuvent manquer de susciter des interrogations quant au risque de franchissement de la barrière des espèces.

Dans son avis 129, le CCNE rappelle que « certains développements, dont l'obtention de gamètes à partir d'une cellule adulte reprogrammée, ou encore le développement in vivo de cellules différenciées humaines de type germinal ou neuronal dans des chimères chez le gros animal, représentent cependant un risque de transgression. » Le CCNE insiste alors sur la nécessité d'un encadrement des recherches qui consisteraient à « d'intégrer des cellules pluripotentes humaines dans des embryons d'un plus gros animal, dans l'idée de produire des organes humains chez l'animal - source potentielle de greffons. » Dans ces conditions, il estime que « si ces approches ne relèvent pas directement de la recherche sur l'embryon humain, un encadrement semble néanmoins nécessaire, en particulier si les embryons chimériques sont transférés chez des femelles et donnent naissance à des animaux chimères avec le risque, chez le gros animal, que les cellules humaines se développent et induisent certaines caractéristiques humaines (morphologiques, neurologiques). »

Il convient donc de s'assurer que les cellules d'origine humaine introduites dans un embryon animal ne participent que de façon minoritaire au développement de cet embryon, qui doit rester un embryon animal. Par conséquent, votre commission a adopté un amendement COM-199 de la rapporteure visant à renforcer l'encadrement de la création d'embryons chimériques recourant aux iPS en posant deux « verrous » :

- ces embryons ne peuvent donner lieu à parturition (mise-bas), si bien qu'en cas de transfert chez la femelle, la gestation sera obligatoirement interrompue dans un délai approuvé par l'agence de la biomédecine au regard des délais gestationnels propres à l'animal concerné ;

- la contribution des cellules d'origine humaine au développement de l'embryon chimérique (taux de chimérisme) ne saurait dépasser un seuil approuvé par l'agence de la biomédecine. En tout état de cause, aucun embryon chimérique ne peut présenter une proportion de cellules d'origine humaine supérieure à 50 %.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 16
Limite de conservation des embryons proposés à la recherche

Cet article fixe une durée de conservation de cinq ans pour les embryons cédés à la recherche qui n'auraient pas été inclus dans un protocole de recherche à l'expiration de ce délai.

La commission spéciale a assoupli le principe de confirmation dans un délai de trois mois du premier consentement au devenir des embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental. Elle a, en outre, porté de cinq à dix ans le délai de conservation des embryons cédés à la recherche qui n'auraient toujours pas été inclus dans un protocole de recherche.

I - Le dispositif proposé

• À l'heure actuelle, seule la conservation des embryons congelés dans le cadre d'un projet parental et la conservation des embryons cédés pour l'accueil par un autre couple que celui dont ils sont issus sont soumises à un délai à l'expiration duquel il peut être procédé à la destruction des embryons. L'article L. 2141-4 du code de la santé publique prévoit en effet que :

- les embryons initialement congelés dans le cadre d'un projet parental mais pour lesquels l'un des deux membres du couple, consultés à plusieurs reprises, ne répond pas à la question de savoir s'il maintient ou non son projet parental sont détruits si leur durée de conservation est au moins égale à cinq ans. Il en va de même en cas de désaccord au sein du couple sur le maintien du projet parental ou le devenir des embryons ;

- les embryons destinés à être accueillis par un autre couple que celui dont ils sont issus sont également appelés à être détruits s'ils n'ont pas été accueillis dans un délai de cinq ans à compter du jour où le consentement écrit à l'accueil a été donné.

Aucune disposition ne prévoit, en revanche, qu'il soit mis fin à la conservation des embryons cédés à la recherche qui n'auraient pas été inclus dans un protocole de recherche au bout d'un certain temps.

Les embryons sont conservés par les centres d'assistance médicale à la procréation où ils ont été congelés.

• Selon les données du rapport d'activité médicale et scientifique de l'agence de la biomédecine, on dénombrait, au 31 décembre 2017, 246 263 embryons en cours de conservation pour 82 485 couples. Parmi ces embryons, 32 878 embryons (13 %) ne faisaient plus l'objet d'un projet parental dont :

- 21 727 291 ( * ) étaient cédés à la recherche ;

- 11 151 292 ( * ) pouvaient faire l'objet d'un accueil par un autre couple.

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, ce sont 2 855 embryons qui ont été proposés à la recherche en 2016 et qui sont donc venus alimenter le stock d'embryons conservés et proposés à la recherche, un nombre relativement constant au cours de la période récente. Étant précisé que le stock d'embryons cédés à la recherche reste lui aussi plus ou moins constant au cours des dernières années, l'étude d'impact en déduit que le nombre d'embryons donnés chaque année à la recherche par les couples qui n'ont plus de projet parental est à peu près équivalent à celui des embryons effectivement inclus dans un protocole de recherche la même année.

Le nombre d'embryons inclus dans un protocole de recherche compris entre 2 500 et 3 000 chaque année représenterait entre 12,5 % et 15 %. Dans son rapport d'évaluation de la loi relative à la bioéthique de 2011, l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et éthiques (Opecst) estime, néanmoins, à moins de 10 % des 20 000 embryons conservés et proposés à la recherche la proportion des embryons effectivement utilisés dans des projets de recherche.

• Le I de l'article 16 du projet de loi procède à une réécriture de l'article L. 2141-4 du code de la santé publique.

Est maintenu le principe selon lequel les membres du couple ou la femme non mariée sont consultés chaque année sur leur souhait de maintenir leur projet parental : en cas de confirmation par écrit de ce maintien, la conservation de leurs embryons sera poursuivie.

En cas d'abandon du projet parental, il est toujours prévu que les deux membres du couple ou la femme mariée ou, en cas de décès de l'un des membres du couple, le membre survivant du couple consentent par écrit à l'une des trois possibilités suivantes pour le devenir de leurs embryons :

- l'accueil de ces embryons par un autre couple ;

- l'utilisation de ces embryons dans le cadre d'un protocole de recherche, dans les conditions fixées par l'article L. 2151-5 du code de la santé publique relatif aux autorisations de recherches sur l'embryon, ou l'utilisation, dans les conditions applicables en matière de recherches biomédicales, de cellules dérivées à partir de ces embryons dans une préparation de thérapie cellulaire ou un médicament de thérapie innovante à des fins exclusivement thérapeutiques ;

- la destruction de ces embryons.

Comme c'est déjà le cas aujourd'hui, le consentement à l'une de ces trois possibilités doit faire l'objet d'une confirmation écrite après un délai de réflexion de trois mois à compter du premier consentement. Il est en outre précisé que, lorsque les embryons sont cédés à la recherche, le consentement du couple est révocable tant qu'ils n'ont pas été inclus dans un protocole de recherche.

Les III, IV et V de l'article L. 2141-4 du code de la santé publique envisagent les différents cas de figure pour lesquels il doit être mis fin à la conservation des embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental, en retenant une durée limite de conservation de cinq ans. Les embryons seront ainsi détruits :

- en cas de silence du couple ou de la femme non mariée, consultés annuellement à au moins deux reprises, sur le maintien de leur projet parental, si les embryons ont été conservés pour une durée égale ou supérieure à cinq ans. Il en va de même en cas de désaccord au sein du couple sur le maintien du projet parental ou en l'absence de confirmation du consentement dans un délai de trois mois ;

- lorsque les embryons proposés pour un accueil par un autre couple n'ont pas été accueillis dans un délai de cinq ans à compter de la confirmation du consentement ;

- lorsque les embryons cédés à la recherche n'ont pas été inclus dans un protocole de recherche dans un délai de cinq ans à compter de la confirmation du consentement.

Le VI de l'article L. 2141-4 du code de la santé publique prévoit, en outre, une destruction des embryons en cas de décès des deux membres du couple en l'absence de consentement préalable à un accueil par un autre couple ou à une utilisation dans le cadre d'un protocole de recherche.

Le II de l'article 16 du projet de loi tient compte de la situation des embryons actuellement donnés à la recherche et conservés depuis plus de cinq ans à la date de la promulgation de la loi : ces embryons seront détruits, à l'exception de ceux qui présentent un intérêt particulier pour la recherche en raison de leur conservation à un stade précoce de leur développement.

Aujourd'hui congelés et vitrifiés cinq jours après la fécondation, ce stade de développement étant jugé plus compatible avec une implantation dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation, les embryons pouvaient être congelés auparavant à des stades bien plus précoces du développement embryonnaire, un à trois jours après la fécondation. Aussi existe-t-il, dans le stock des embryons conservés depuis une durée supérieure à cinq ans, des zygotes ne présentant qu'une seule cellule ou des embryons formés de deux cellules au premier jour de la fécondation, mais aussi des embryons formés de quatre cellules, à J+2, ou de huit cellules, à J+3.

Ces embryons présentent un intérêt particulier pour la recherche dès lors qu'ils permettent d'étudier les phases précoces du développement embryonnaire. Le projet de loi prévoit donc que les établissements autorisés pour les pratiques cliniques et biologiques de l'assistance médicale à la procréation déclareront les embryons susceptibles de présenter un intérêt particulier pour la recherche à l'agence de la biomédecine qui se prononcera sur la poursuite de leur conservation, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre des amendements rédactionnels adoptés par la commission, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de notre collègue député Pierre Dharréville et d'autres membres du groupe « Gauche démocrate et républicaine » ouvrant la possibilité pour le couple, à l'occasion de la consultation annuelle sur le point de savoir s'il maintient son projet parental, de formuler des directives anticipées sur le devenir des embryons en cas de décès de l'un des membres du couple.

De cette façon, les deux membres du couple peuvent manifester un consentement conjoint à ce que, en cas de décès de l'un d'eux, les embryons soit puissent être accueillis par un autre couple, soit fassent l'objet d'une recherche. Le membre survivant du couple sera interrogé sur la confirmation de ce consentement à l'expiration d'un délai d'un an à compter du décès, sauf initiative anticipée de sa part. Il conserve ainsi la possibilité de révoquer son consentement, auquel cas il sera mis fin à la conservation des embryons.

III - La position de la commission

• La pertinence d'une confirmation écrite dans un délai de trois mois à compter de la date du premier consentement sur le devenir d'embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental est aujourd'hui fortement remise en cause, d'autant que très peu de couples reviennent sur leur premier consentement, comme l'ont confirmé devant votre commission la fédération des Cécos et l'association des biologistes des laboratoires d'étude de la fécondation et de la conservation de l'oeuf (Blefco).

Au-delà du caractère lourd et chronophage de cette procédure pour les centres d'AMP et les Cécos 293 ( * ) , il apparaît délicat d'interroger à nouveau sur le devenir de leurs embryons un couple qui a déjà entamé le « deuil » de son projet parental. Le silence gardé par les membres du couple sur cette confirmation est bien souvent moins le signe d'une remise en cause de leur consentement initial que le souhait de ne plus avoir à réexaminer la question du devenir de leurs embryons.

Or l'absence de cette confirmation, après deux relances, est supposée conduire à la destruction des embryons, alors même que le couple a pu consentir initialement à ce qu'ils soient accueillis par un autre couple ou donnés à la recherche.

Par conséquent, votre commission a adopté un amendement tendant à supprimer le principe d'une confirmation par le couple du consentement sur le devenir des embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental (amendement COM-202 de la rapporteure).

• Les embryons cédés à la recherche par les couples pris en charge dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation sont aujourd'hui dispersés entre les 103 centres de fécondation in vitro autorisés à conserver ces embryons en application de l'article L. 2151-7 294 ( * ) du code de la santé publique. Tant l'institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) que les sociétés savantes et les représentants des organismes assurant la conservation de ces embryons (centres d'AMP, Cécos) déplorent l'absence d'organisation structurée de cette activité de conservation, de même que l'absence de visibilité et de traçabilité des stocks d'embryons conservés et donnés à la recherche.

Au vu du nombre d'embryons conservés, que ceux-ci continuent de s'inscrire dans un projet parental ou soient destinés à la recherche ou à un accueil par un autre couple, les capacités de stockage des centres concernés tendent à diminuer. L'absence de cartographie des embryons conservés, précisant les caractéristiques des cohortes embryonnaires, est en outre préjudiciable à la recherche, les scientifiques rencontrant des difficultés à identifier de façon optimale les embryons les plus pertinents en fonction de l'objet de la recherche.

Par une décision du 25 juin 2015, l'agence de la biomédecine a autorisé le centre de ressources biologiques (CRB) multi-sites « Germethèque » à exercer des activités de conservation des embryons. Fondé en 2007 et constitué par onze centres hospitaliers universitaires (CHU), ce CRB est coordonné par le CHU de Toulouse et « a pour vocation d'organiser la collecte, le stockage, la gestion et l'exploitation d'échantillons biologiques humains (gamètes, tissu germinal testiculaire et ovarien, ADN, liquide séminal) afin de permettre l'étude des causes, mécanismes et conséquences des altérations de la reproduction et du développement humain ». Véritable interface entre les laboratoires ayant accompagné la conception des embryons et les équipes de recherche, le CRB met à la disposition des centres associés dans le cadre de ce partenariat plusieurs outils permettant de valoriser les collections d'embryons : logiciel et système d'information, processus de certification ISO, procédures de qualité...

Bien qu'il permette de valoriser, sur le plan scientifique, les collections d'échantillons biologiques conservés par les centres d'AMP et les Cécos, ce CRB pâtit de l'insuffisance de ses moyens financiers, le CHU coordonnateur de Toulouse rencontrant des difficultés pour obtenir des financements publics, notamment dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA).

L'article 42 de la loi relative à la bioéthique de 2011 avait prévu la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement, avant le 1 er juillet 2012, sur les conditions de mise en place de centres de ressources biologiques sous la forme d'un système centralisé de collecte, de stockage et de distribution des embryons surnuméraires dont il a été fait don à la science. Ce rapport n'a jamais été établi et aucun effort n'a été déployé par les pouvoirs publics en faveur de la mise en place d'une cartographie précise de l'ensemble des stocks d'embryons cédés à la recherche, assortie de données relatives aux caractéristiques de ces embryons (stade de développement embryonnaire au moment de la congélation, anomalies géniques ou chromosomiques identifiées par DPI, date de la congélation...).

• Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, « il n'existe aucun consensus sur la période de conservation des embryons mais la plupart des pays ont choisi cinq ans. » La durée de conservation varie en effet d'un pays à l'autre, pouvant ainsi aller jusqu'à dix ans en Israël et en Australie, voire jusqu'à quinze ans au Royaume-Uni (moyennant dans ce pays un renouvellement de l'autorisation de conservation tous les cinq ans).

Une durée de conservation de cinq ans ne permet pas néanmoins de tenir compte des contraintes qui caractérisent aujourd'hui le montage et la mise en oeuvre d'un protocole de recherche, opérations qui peuvent nécessiter bien plus que cinq ans, en particulier lorsqu'une autorisation de recherche fait l'objet d'une contestation en justice. Le stock d'embryons donnés à la recherche accumulé jusqu'ici résulte d'ailleurs, selon les personnes auditionnées par votre commission, du lent décollage de la recherche sur l'embryon en France.

Deux types de considérations plaident alors pour un délai de conservation des embryons destinés à la recherche supérieur à cinq ans :

- compte tenu du tempo de la recherche sur l'embryon en France, qui reste lent comparativement à d'autres pays, un délai de conservation de cinq ans pourrait conduire à terme à une diminution substantielle du stock d'embryons disponibles. Une partie significative du stock existant pourrait ainsi faire l'objet d'une destruction (tous les embryons conservés depuis plus de cinq ans, à l'exception de ceux présentant un intérêt particulier pour la recherche). Au bout d'un certain temps, ne seront alors plus disponibles pour la recherche que les embryons conservés depuis moins de cinq ans, le stock n'étant renouvelé que par l'introduction de nouveaux embryons donnés à la recherche, étant rappelé que le nombre d'embryons nouvellement cédés à la recherche chaque année correspond peu ou prou au nombre d'embryons nouvellement inclus dans un protocole de recherche. En outre, il convient de garder à l'esprit que rien ne garantit que les embryons attribués par l'agence de la biomédecine à une équipe de recherche résisteront à la décongélation, l'échec de la décongélation pouvant alors nécessiter de recourir à d'autres embryons ;

- comme l'indique la fédération des Cécos dans ses réponses au questionnaire de votre commission, certaines pathologies à révélation tardive ou bien rares nécessitent que ce délai de conservation soit rallongé afin de laisser aux chercheurs la possibilité de mettre en place des recherches sur des embryons présentant des anomalies géniques ou chromosomiques à l'origine de ces pathologies. De plus, la disponibilité des embryons précoces diminue et leur utilisation dans le cadre de différents protocoles de recherche augmente afin de caractériser les différentes étapes du développement embryonnaire précoce.

Considérant que le délai de cinq ans n'est pas adapté et apparaît trop court au regard des exigences de la recherche sur l'embryon, la fédération des Cécos n'estime pas nécessaire d'imposer une limite à la conservation des embryons destinés à la recherche.

Soucieuse de respecter le tempo de la recherche sur l'embryon, votre commission a adopté un amendement visant à porter le délai de conservation des embryons destinés à la recherche à dix ans, qui reste intermédiaire par à d'autres pays prévoyant une durée de conservation plus longue, comme le Royaume-Uni (amendement COM-203 de la rapporteure). La révision de la législation relative à la bioéthique devrait permettre, avec un recul d'au moins cinq ans, d'évaluer les premiers effets d'un délai de dix ans sur le stock actuel d'embryons cédés à la recherche et de déterminer si celui-ci peut être ramené à cinq ans, sans préjudice pour la recherche sur l'embryon.

• Votre commission a également adopté un amendement de précision rédactionnelle, permettant d'inclure, dans les possibilités de devenir des embryons conservés examinées par le couple à l'occasion de la consultation annuelle pour la détermination de directives anticipées en cas de décès de l'un des membres du couple, la possibilité de mettre fin à la conservation des embryons (amendement COM-84 de Michel Amiel).

La commission a adopté cet article ainsi modifié.


* 258 « Toute expérimentation sur l'embryon est interdite » (article L. 152-8 du code de la santé publique, abrogé pour renumérotation par l'ordonnance n° 200-548 du 15 juin 2000).

* 259 Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

* 260 Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique.

* 261 Loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique.

* 262 Pertinence scientifique ; permettre des progrès médicaux majeurs ; impossibilité de parvenir au résultat escompté par d'autres moyens ; respect des principes éthiques relatifs à ce type de recherche.

* 263 Loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires.

* 264 La proposition de loi avait été déposée par notre ancien collègue Jacques Mézard et des membres du groupe RDSE.

* 265 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 266 http://hpscreg.eu/ .

* 267 Premier alinéa de l'article L. 2151-2 du code de la santé publique.

* 268 Second alinéa de l'article L. 2151-2 du code de la santé publique dans sa rédaction prévue par l'article 17 du projet de loi.

* 269 Art. L. 2151-3 du code de la santé publique.

* 270 Art. L. 2151-4 du code de la santé publique.

* 271 Art. 16 du code civil.

* 272 Art. 16 du code civil.

* 273 Articles 16-1 et 16-5 du code civil.

* 274 Article 16-3 du code civil.

* 275 Article 16-4 du code civil.

* 276 Article 16-4 du code civil.

* 277 Article 16-4 du code civil.

* 278 Article 16-6 du code civil.

* 279 Article 16-8 du code civil.

* 280 Décision n° 2013-674 du 1 er août 2013 relative à la loi tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires.

* 281 Dernier alinéa de l'article L. 2131-4 du code de la santé publique.

* 282 Avant-dernier alinéa de l'article L. 2141-3 du code de la santé publique.

* 283 Donnant lieu aux trois feuillets : neurectoderme, endoderme et mésoderme.

* 284 Actuel article L. 2151-6 du même code.

* 285 En application de l'article L. 2142-1 du code de la santé publique.

* 286 En application du 2° du II de l'article L. 2141-4 du code de la santé publique.

* 287 Pour ces recherches, une décision d'opposition du directeur général de l'agence devra être précédée d'un avis public de son conseil d'orientation.

* 288 « Clustered Regular Interspaced Short Palindromic Repeats » (« courtes répétitions palindromiques regroupées et régulièrement espacées »), correspondant aux « ciseaux génétiques ». Cas9 : « CRISPR associated protein 9 ».

* 289 Article 18 de la convention d'Oviedo, 2 nd alinéa : « La constitution d'embryons humains aux fins de recherche est interdite. »

* 290 Le plus souvent les fibroblastes de la peau et les cellules du sang.

* 291 66 % des embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental ; 9 % du total des embryons en cours de conservation.

* 292 34 % des embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental ; 5 % du total des embryons en cours de conservation.

* 293 Les centres sont ainsi souvent amenés à renvoyer une lettre recommandée avec accusé de réception lorsque la confirmation n'a pas été donnée.

* 294 Devenant l'article L. 2151-9 du même code, par l'article 14 du projet de loi.

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