N° 190

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 décembre 2019

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l' approbation de la convention d' entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso et de la convention d' extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso ,
et sur le projet de loi autorisant l' approbation de la convention d' entraide
judiciaire
en matière pénale entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de la République du Niger et de la convention d' extradition
entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de la République du Niger

Par M. Olivier CIGOLOTTI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Olivier Cigolotti, Robert del Picchia, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, M. Olivier Cadic , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Rachid Temal, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung .

Voir les numéros :

Sénat :

705 , 709 , 191 , et 192 (2019-2020)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 705 (2018-2019) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso et de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso , et du projet de loi n° 709 (2018-2019) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger et de la convention d' extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger .

La France est déjà liée à ces pays par des conventions couvrant ces deux domaines, signées en 1961 avec le Burkina Faso et en 1977 avec le Niger. Toutefois, la justice française est souvent confrontée à une certaine lenteur des autorités burkinabè et nigérienne à accorder l'entraide judiciaire, ce qui, dans la plupart des cas, vide les demandes de leur substance.

Afin de pallier le défaut de diligence des États africains identifiés comme prioritaires (Mali, Burkina Faso, Niger et Mauritanie), des négociations ont été engagées à la lumière des conclusions du groupe de travail consacré à l'entraide pénale en matière de lutte contre le terrorisme, piloté par le ministère de la justice français.

Les quatre conventions ont donc pour principal objectif de rénover le cadre juridique de la coopération pénale dans le domaine de l'entraide et de la remise des personnes, devenu obsolète, afin de favoriser une meilleure exécution des demandes françaises transmises aux autorités de ces deux pays, dans des délais plus rapides.

Compte tenu de l'intérêt que présentent ces accords pour la lutte contre le terrorisme et l'approfondissement des relations franco-burkinabè et franco-nigériennes dans le domaine judiciaire, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ces projets de loi , dont le Sénat est saisi en premier.

I. LA SITUATION DEMEURE PRÉOCCUPANTE AU SAHEL

A. L'INTERVENTION FRANÇAISE DANS LA BANDE SAHÉLO-SAHARIENNE

1. De Serval à Barkhane

Le 11 janvier 2013, l'armée française a déclenché, à la demande du gouvernement malien, l'opération Serval visant à arrêter l'offensive djihadiste qui menaçait la capitale malienne, à mettre fin au développement du terrorisme dans le désert du Nord-Mali, puis à transférer la mission de stabilisation du pays au partenaire malien ainsi qu'aux forces de l'ONU à travers la MINUSMA 1 ( * ) .

Eu égard au caractère transfrontalier de la menace terroriste et à l'action des groupes armés terroristes dans une zone désertique aussi vaste que l'Europe, une approche régionale s'imposait pour agir efficacement contre les ramifications et les mouvements des groupes terroristes qui agissaient dans la bande sahélo-saharienne (BSS). L'opération Barkhane a ainsi pris le relais de l'opération Serval, le 1 er août 2014, pour appuyer les forces armées des pays partenaires de la BSS, renforcer la coordination des moyens militaires internationaux et empêcher la reconstitution de foyers terroristes dans la région.

L'opération Barkhane repose sur une approche partenariale avec les principaux pays de la région, destinée à favoriser leur appropriation de la lutte contre le terrorisme. Dans cette perspective, des actions de formation sont dispensées aux armées des pays partenaires à travers, par exemple, l'intégration systématique des forces partenaires dans les opérations conduites par l'ensemble des unités de la force Barkhane. Au 1 er juillet 2019, plus de 11 700 soldats des pays du G5 Sahel ont été formés par les armées françaises dans des domaines tels que l'instruction au tir, la coordination des feux, la coordination des appuis, le sauvetage au combat, la lutte contre les engins explosifs improvisés, etc. En outre, la France cède des véhicules et des matériels militaires pour renforcer les capacités opérationnelles de la force conjointe.

LES MOYENS DÉPLOYÉS PAR LA FRANCE DANS L'OPÉRATION BARKHANE

Source : état-major des armées, juillet 2019

2. L'appui au G5 Sahel

Créé le 16 février 2014 à Nouakchott, à l'initiative des chefs d'État de la région, le G5 Sahel est un cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale, qui constitue le principal partenaire de la force Barkhane. Il regroupe cinq pays : le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad.

Le 19 décembre 2014, les États membres ont conclu une convention définissant les objectifs du G5 Sahel et les organes qui le composent. Aux termes de son article 4, « le G5 a pour objet :

- de garantir des conditions de développement et de sécurité dans l'espace des pays membres ;

- d'offrir un cadre stratégique d'intervention permettant d'améliorer les conditions de vie des populations ;

- d'allier le développement et la sécurité, soutenus par la démocratie et la bonne gouvernance dans un cadre de coopération régionale et internationale mutuellement bénéfique ;

- de promouvoir un développement régional inclusif et durable. »

L'article 5 dispose quant à lui que « le G 5 Sahel contribue à la mise en oeuvre des actions de sécurité et de développement dans les États membres grâce notamment :

- au renforcement de la paix et la sécurité dans l'espace du G 5 Sahel ;

- au développement des infrastructures de transport, d'hydraulique, d'énergie et de télécommunications ;

- à la création des conditions d'une meilleure gouvernance dans les pays membres ;

- au renforcement des capacités de résilience des populations en garantissant durablement la sécurité alimentaire, le développement humain et le pastoralisme. »

La force conjointe du G5 Sahel est constituée de quelque 5 000 hommes commandés, depuis l'été dernier, par le général nigérien Oumarou Namata Gazama. Les chefs d'État, ministres et chefs d'état-major des pays du G5 Sahel se réunissent régulièrement pour partager leur évaluation de la situation sécuritaire dans la BSS, renforcer leur coopération face aux menaces transfrontalières et réduire les risques que les groupes armés terroristes font peser sur la stabilité régionale. La France, en tant que partenaire stratégique, est fréquemment conviée à ces réunions.

LA FORCE CONJOINTE DU G5 SAHEL

Source : état-major des armées, décembre 2018

3. L'approche « 3D »

La force Barkhane est pleinement impliquée dans la stratégie « 3D » (diplomatie, défense et développement) mise en oeuvre par la France au Sahel. Elle contribue à rétablir et consolider les conditions de sécurité nécessaires à l'action des acteurs de développement et de gouvernance - dont l'agence française de développement (AFD), qui a détaché un chargé de mission développement auprès de Barkhane depuis septembre 2018 -, tout en continuant à lutter contre les groupes armés terroristes.

Les forces armées françaises agissent en lien étroit avec les acteurs politiques, diplomatiques et économiques du Sahel, pour oeuvrer au retour de l'État et à l'amélioration des conditions de vie de la population, et prévenir ainsi la constitution d'un terreau propice à la violence et au développement du terrorisme.

En agissant au contact des populations locales, les militaires français sont à même d'identifier leurs besoins essentiels et d'y apporter une première réponse, notamment matérielle, par le biais d'actions civilo-militaires : reconstruction d'écoles, remise en fonction de puits, projets de maraîchage, etc. Ainsi, au cours du premier semestre 2019, une trentaine de projets civilo-militaires ont été menés au profit de la population, dont près de la moitié 2 ( * ) à destination de celle de la région du Liptako-Gourma située dans les régions frontalières de trois pays que sont le Burkina Faso, le Niger et le Mali.

Par ailleurs, le service de santé des armées réalise quotidiennement, au profit des populations malienne, tchadienne et nigérienne, plus de soixante-dix consultations, plus de trois cents soins, une vingtaine d'actes techniques (imageries et analyses médicales) et trois interventions chirurgicales.


* 1 Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), créée par le Conseil de sécurité de l'ONU par sa résolution 2100 du 25 avril 2013. En octobre 2019, 12 647 militaires (de 55 pays dont la France), 1 753 policiers (de 29 pays dont la France) et 1 180 civils étaient déployés au Mali dans ce cadre.

* 2 Parmi ces réalisations : quatre projets d'infrastructure, deux projets d'adduction d'eau et cinq projets en lien avec l'éducation et l'accès à l'information.

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