EXAMEN DES ARTICLES

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Article 1er
Élargissement du livre V de la troisième partie
du code de la santé publique à la lutte
contre la consommation de protoxyde d'azote

Objet : Cet article modifie l'intitulé du livre V de la troisième partie du code de la santé publique pour y inclure la lutte contre la consommation de protoxyde d'azote chez les mineurs.

I - Le dispositif proposé

Cet article intitule ainsi le livre V de la troisième partie du code de la santé publique : « Lutte contre le tabagisme, lutte contre le dopage et lutte contre la consommation de protoxyde d'azote chez les mineurs ».

II - La position de la commission

C'est l'ordonnance n° 2006-596 du 23 mai 2006 qui a abrogé le livre sixième du code de la santé publique pour ranger les dispositions relatives à la lutte contre le dopage dans le livre précédent. La cohérence de ce livre n'apparaît ainsi plus avec évidence, d'autant que l'unique article composant le titre II relatif à la lutte contre le dopage se contente de renvoyer au code du sport.

En toute hypothèse, il ne semble pas opportun, pour des raisons de lisibilité et de cohérence de la politique publique de lutte contre les conduites addictives, d'ajouter un troisième objectif à cette partie du code de la santé publique et de placer sur le même plan la protection des mineurs des usages dangereux du protoxyde d'azote et la lutte contre le tabagisme. Ce dernier, phénomène culturel qui tue chaque année 75 000 personnes et coûte environ 120 milliards d'euros à la société française 25 ( * ) , justifie une prise en compte spécifique.

Aussi l'amendement n° COM-5 a-t-il proposé de supprimer cet article, afin de déplacer la substance de la présente proposition de loi dans un nouveau livre VI (cf. infra ).

La commission a supprimé cet article.

Article 2
Lutte contre l'usage détourné par les mineurs du protoxyde d'azote

Objet : Cet article renforce l'arsenal de lutte contre l'usage dangereux du protoxyde d'azote.

I - Le dispositif proposé

L'article 2 crée dans le livre V du code de la santé publique un titre III composé de trois chapitres consacrés respectivement à la lutte contre l'usage dangereux du protoxyde d'azote, sa prévention, et le contrôle de l'application de ces mesures.

A. Lutte contre l'usage dangereux du protoxyde d'azote

1. Création d'un délit d'incitation à la consommation de N2O

Le premier alinéa crée un article L. 3531-1 instaurant un délit d'incitation d'un mineur à l'inhalation ou l'absorption de protoxyde d'azote à des fins autres que médicales. La commission d'une telle infraction serait passible d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. En outre, une peine complémentaire d'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage détourné du protoxyde d'azote pourrait être prononcée.

2. Interdiction de la vente aux mineurs

Un article L. 3531-2 interdit en outre la vente ou la cession gratuite de protoxyde d'azote à des mineurs, à des fins autres que médicales, la preuve de la majorité du client devant être exigée par le vendeur. Cette interdiction est étendue à la vente en ligne par un article L. 3531-3, qui précise encore que les sites de commerce électronique permettant d'acheter ce produit sont tenus de spécifier l'interdiction de vente aux mineurs.

B. Prévention de l'usage dangereux de protoxyde d'azote

Le chapitre II nouveau est composé de deux articles : l'article L. 3532-1 dispose qu'une information sur les risques de l'usage détourné du protoxyde d'azote est dispensée « dans les établissements scolaires et à l'armée » ; l'article L. 3532-2, qu'une mention illustrée d'un pictogramme indiquant l'interdiction de vente aux mineurs de moins de dix-huit ans est apposée sur chaque contenant incluant ce produit, qui ne peut être vendu sans celui-ci.

C. Contrôle des dispositions de lutte et de prévention des usages dangereux du protoxyde d'azote

Le chapitre III nouveau est composé de deux articles reprenant les dispositions des L. 3515-1 et L. 3515-2 du code de la santé publique, relatifs aux contrôles des mesures de restriction de la vente de tabac, notamment aux mineurs.

II - La position de la commission

Votre commission propose d'abord de ranger les dispositions de lutte contre la consommation de protoxyde d'azote chez les jeunes dans un livre spécifique consacrés aux dangers des usages détournés de produits de consommation courante. L'intitulé du livre VI proposé par l'amendement n° COM-3 fait ainsi écho aux missions donnés à l'addictovigilance par l'article L. 5133-1 du code de la santé publique : « L'addictovigilance a pour objet la surveillance, l'évaluation, la prévention et la gestion du risque des cas d'abus, de dépendance et d'usage détourné liés à la consommation, qu'elle soit médicamenteuse ou non, de tout produit, substance ou plante ayant un effet psychoactif, à l'exclusion de l'alcool éthylique et du tabac ».

A. Lutte contre l'usage dangereux du protoxyde d'azote

1. Création d'un délit d'incitation à la consommation de N2O

L'amendement n° COM-3 reprend l'essentiel du volet de lutte contre la consommation de protoxyde d'azote de la proposition de loi, mais propose une nouvelle rédaction du délit prévu au premier de ses articles.

D'une part, viser le seul protoxyde d'azote risque de faire manquer à la politique de santé publique et de lutte contre les conduites addictives la cible des modes à venir. Votre rapporteure fait ainsi observer que, si le protoxyde d'azote a tué 36 personnes au Royaume-Uni depuis 2001, l'hélium, lui, en a tué 509 26 ( * ) . Aussi l'amendement n° COM-3 élargit-il le délit à toute provocation d'un mineur à faire un usage détourné d'un produit de consommation courante dans le but d'en obtenir des effets psychoactifs.

D'autre part, le quantum de la peine prévu par le texte initial est inspiré de celui prévu par le droit en vigueur pour l'usage de stupéfiants - ce que n'est pas le protoxyde d'azote. Il semble en conséquence de meilleure politique de l'abaisser à 15 000 euros d'amende, qui est celle prévue depuis 2016 par l'article L. 227-19 du code pénal pour « le fait de provoquer directement un mineur à la consommation excessive d'alcool ».

2. Interdiction de la vente aux mineurs

L'interdiction de la vente de protoxyde d'azote aux mineurs, comme l'obligation d'étiquetage, peuvent être analysées comme susceptibles d'entraver le commerce intra-communautaire de ces produits et constituer ainsi une mesure d'effet équivalant à des restrictions quantitatives aux échanges. De telles mesures sont interdites par l'article 34 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et doivent donc pouvoir être justifiées, afin de démontrer qu'elles sont proportionnées et relèvent de l'une des dérogations prévues par l'article 36 du TFUE :

« Les dispositions des articles 34 et 35 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres ». Le non-respect de l'obligation de notification rendrait inopposable la règle technique en cause. En outre, un texte adopté en méconnaissance de cette obligation pourrait faire l'objet d'une procédure en manquement de la part de la Commission.

En première analyse, l'argument de la protection de la santé ne devrait pas soulever d'objection majeure. En toute hypothèse, de telles mesures devront au préalable être notifiées à la Commission Européenne, en application de la directive 2015/1535/UE du 9 septembre 2015.

B. Prévention de l'usage dangereux de protoxyde d'azote

La disposition reprise à l'article L. 3532-1 est manifestement obsolète depuis la disparition du service national. De plus, imposer une information dans les établissements scolaires sur les risques de l'usage détourné du seul protoxyde d'azote pourrait, d'après les échanges que votre rapporteure a eus avec les CEIP, la Mildeca et les services du ministère de la santé, avoir des effets potentiellement contre-productifs, en dirigeant la curiosité des élèves précisément sur ce produit. Aussi votre rapporteure se range-t-elle à l'idée de privilégier une politique de prévention globale, ne mentionnant pas spécifiquement le protoxyde d'azote, et fait-elle confiance aux services de l'État pour la conduire.

Votre commission a d'ailleurs adopté un amendement, après l'article 2, tenant compte de ce risque pour préciser, à l'article L. 312-18 du code de l'éducation, que l'information délivrée dans les collègues et lycées porte non plus sur « les dangers des drogues » mais plus généralement sur « les addictions et leurs risques » (cf. infra ).

L'obligation d'étiquetage spécifique des produits contenant du protoxyde d'azote semble à votre commission bienvenue. Elle s'inspire, dans son principe, de dispositions en vigueur concernant l'alcool et le tabac, qui ont fait leurs preuves en matière de prévention des addictions. Le code de la santé publique dispose en effet déjà à son article L. 3322-2, depuis la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, que « toutes les unités de conditionnement des boissons alcoolisées portent, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé, un message à caractère sanitaire préconisant l'absence de consommation d'alcool par les femmes enceintes », et à son article L. 3512-20, que « [...] les unités de conditionnement, les emballages extérieurs et les suremballages de cigarettes et du tabac à rouler, le papier à cigarette et le papier à rouler les cigarettes sont neutres et uniformisés ». Les industriels auditionnés, interrogés à ce propos, s'y sont montrés favorables.

L'amendement n° COM-2 de la commission a simplement rendu un peu de latitude au pouvoir réglementaire pour fixer les modalités dans lesquelles la dangerosité du protoxyde d'azote est indiquée sur les contenants de ces produits figurant dans le commerce.

C. Contrôle des dispositions de lutte et de prévention des usages dangereux du protoxyde d'azote

L'amendement n° COM-3 reprend les dispositions d'origine, affectées des coordinations rendues nécessaires par le déplacement de l'article au livre VI du code de la santé publique, et simplifiées par le visa du seul article L. 1312-1 du code de la santé publique, qui englobe tous les agents publics compétents pour rechercher et constater les infractions ici envisagées.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 bis (nouveau)
Obligations d'information pesant sur les intermédiaires numériques

Objet : Cet article, ajouté par la commission, précise les obligations d'information pesant sur les fournisseurs d'accès à internet et les hébergeurs.

À l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Grand, la commission a adopté un amendement n° COM-1 complétant l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, afin que les fournisseurs d'accès à internet et les hébergeurs de contenus soient tenus d'informer leurs abonnés « des interdictions de procéder en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer à des opérations de vente à distance de produits ou services à des mineurs, ainsi que des sanctions légalement encourues pour de tels actes ».

Votre commission y voit une mesure utile pour faire connaître aux internautes le droit en vigueur, et donc limiter les risques de mésusages de produits potentiellement dangereux.

La commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

Article 2 ter (nouveau)
Informations de prévention dispensées à l'école

Objet : Cet article, ajouté par la commission, élargit aux addictions les modules de prévention dispensés dans l'enseignement secondaire.

À l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Grand, la commission a adopté un amendement n° COM-2, qui complète l'article L. 312-18 du code de l'éducation, relatif à la prévention conduite dans l'enseignement secondaire : tel que précisé par le sous-amendement n° COM-7 de notre rapporteure, il dispose que l'information délivrée aux collégiens et lycéens porte également sur « les addictions et leurs risques ».

Une telle rédaction répond aux objectifs poursuivis par la proposition de loi et le Gouvernement, tout en tenant compte de l'impératif de ne pas viser exclusivement le protoxyde d'azote, afin de ne pas diriger l'attention des écoliers sur ce produit.

La commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

Article 3
Application outre-mer des dispositions de la présente proposition de loi

Objet : Cet article prévoit l'application des dispositions du présent texte à Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

I - Le dispositif proposé

Cet article reprend le droit en vigueur relatifs à l'application des dispositions de lutte contre le tabagisme à Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

II - La position de la commission

Par cohérence avec les modifications proposées aux articles précédents, la commission a adopté un amendement n° COM-6 de coordination.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 4
Rapport d'évaluation

Objet : Cet article prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation de la présente proposition de loi.

I - Le dispositif proposé

L'article 4 dispose que « Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation de la présente loi, dans un délai de dix-huit mois à compter de sa promulgation. Il s'attache à développer une approche pluridisciplinaire sur la consommation du protoxyde d'azote par la population et ses conséquences sur les politiques publiques de santé et éducative ».

II - La position de la commission

S'il est exact que la connaissance de la consommation de protoxyde d'azote est pour l'heure imprécise, les outils d'analyse existent, même s'ils peuvent sans doute être affinés, et ils fonctionnent : l'OFDT pour la mesure des usages et des comportements addictifs, et le réseau des treize centres d'addictovigilance, auxquels remontent les cas présentant un risque sanitaire. Leurs analyses suffiront à mesurer l'efficacité de la présente proposition de loi. De plus, la prise de conscience de l'importance du phénomène - à laquelle cette proposition de loi entend contribuer - progresse.

En conséquence, et conformément à la politique sénatoriale de réduction du nombre de rapports commandés au Gouvernement, l'amendement n° COM-4 proposait-il de supprimer cet article.

La commission a supprimé cet article.


* 25 OFDT, Drogues, chiffres clés, 2019.

* 26 https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/birthsdeathsandmarriages/deaths/articles/deathsrelatedtovolatilesubstancesandheliumingreatbritain/2001to2016registrations

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