II. ... MAIS UNE AUGMENTATION, ACCOMPAGNÉE DE QUELQUES « COUPS DE RABOTS » ET D'INCERTITUDES BUDGÉTAIRES
Cette hausse des crédits ne suffit pas à satisfaire vos rapporteurs , qui constatent la poursuite de la mise en oeuvre de discrets « coups de rabots » touchant les plus fragiles, et relèvent plusieurs points d'incertitudes ou de tension budgétaire.
A. LA POURSUITE DE LA MISE EN oeUVRE DE DISCRETS « COUPS DE RABOTS »
Vos rapporteurs ne nient pas et saluent les revalorisations engagées pour l'AAH et la prime d'activité . Néanmoins, ils tiennent à mettre en lumière, comme les années précédentes, les discrètes mesures d'économies , qui n'ont pas fait l'objet d'une large communication gouvernementale et qui touchent les plus fragiles de nos concitoyens.
Parallèlement aux mesures de revalorisation annoncées, les trois plus importantes dépenses sociales de la mission (prime d'activité, AAH, protection juridique des majeurs) ont fait l'objet de réformes paramétriques qui impacteront le montant des revalorisations annoncées, en neutralisant ou diminuant le bénéfice de ces augmentations. Ces réformes paramétriques permettent, pour l'État, de compenser, en partie, le coût des revalorisations annoncées.
S'agissant de la prime d'activité , les mesures d'économie sont les suivantes :
- la baisse de l'abattement portant sur les revenus d'activité pris en compte dans le calcul de la prime (de 62 % à 61 %), votée en loi de finances pour 2018 ;
- la suppression de la prise en compte, en tant que revenus professionnels, des rentes AT-MP et des pensions d'invalidité dans le calcul du droit à la prime, pour les bénéficiaires qui n'auraient pas perçu la prime entre le 31 décembre 2017 et 31 décembre 2018.
- la suppression de la revalorisation annuelle au 1 er avril pour 2019 et sa limitation à 0,3 % en 2020 de la prime et de son bonus, indexées jusque-là sur l'inflation (article 67 du projet de loi de finances).
S'agissant de l'AAH , les mêmes mécanismes sont à l'oeuvre, avec la mise en oeuvre de nombreuses réformes paramétriques :
- le rapprochement des règles de prise en compte des revenus d'un couple à l'AAH sur celles d'un couple au RSA. Le coefficient multiplicateur entrant dans le calcul du plafond de ressources est abaissé progressivement. Le plafond de ressources, qui correspond depuis novembre 2018 à 189 % de celui appliqué aux personnes seules, est égal à 181 % de celui-ci à compter du 1 er novembre 2019. Cet abaissement de plafond permettra au Gouvernement d'économiser 287 millions d'euros chaque année entre 2020 et 2022.
Impact du rapprochement du plafond de ressources pour
un couple
Le montant de l'allocation aux adultes handicapés dépend des ressources du foyer . Plus l'écart entre ces ressources et le plafond maximal autorisé est important, plus l'AAH est élevée. Au lieu de passer de 1 638 euros par mois aujourd'hui à 1 800 euros en 2019, le niveau de ressources garanti à un couple va également diminuer de 1 638 euros fin 2018 à 1 629 euros en 2019. Sur les 250 000 personnes vivant en couple (soit un quart des allocataires de l'AAH, 77 % sont des personnes isolées), seules 60 % disposeront d'une AAH revalorisée à plein selon les informations fournies par le secrétariat d'État chargé des personnes handicapées. Source : commission des finances du Sénat d'après un article paru dans la revue « Faire Face » en septembre 2017 |
- la disparition du complément de ressources au 1 er janvier 2020 . Ce complément de ressource - d'un montant de 179 euros mensuel - est actuellement versé à près de 67 000 bénéficiaires. Il bénéficie aux personnes handicapées qui ont un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 %, qui reçoivent une allocation à taux plein et vivent dans un logement indépendant (sans percevoir d'aide au logement) et qui ont une capacité de travail inférieur à 5% . Cette mesure s'appliquera aux futurs bénéficiaires potentiels (flux) et ne concernera pas les droits des actuels bénéficiaires (stock) du complément de ressources pendant 10 ans. Elle engendrera une diminution de la dépense de 5,7 millions d'euros par an à partir de 2020 .
La suppression du complément de ressources, une mesure injuste et injustifiée Vos rapporteurs spéciaux réitèrent leurs observations de l'année dernière, considérant cette mesure comme injuste et injustifiée, au vu des arguments avancés par le Gouvernement, qui évoque un impératif de lisibilité des prestations. Ce complément de ressource (CR) constituait une avancée permise par la loi du 11 février 2005 , qui avait mis en place une garantie de ressources pour les personnes handicapées (AAH + CR, soit 989 euros par mois en 2017). Il était, avec la majoration pour vie autonome (MVA), un des deux compléments de l'AAH. Les critères d'attribution du CR et de la MVA étant différents, cette disparition du CR priverait, « au mieux » les bénéficiaires du CR de 75 euros par mois s'ils sont éligibles à la MVA alors qu'ils vivent déjà sous le seuil de pauvreté. « Au pire », la disparition du CR priverait, compte tenu des règles partiellement différentes d'éligibilité, de tous droits les bénéficiaires qui ne sont pas éligibles à la MVA ( soit une perte sèche de 179 euros par mois), si par exemple ils sont logés à titre gratuit. D'après l'APF, entre 7 000 à 10 000 personnes perdront le CR mais n'auront pas droit à la MVA, et se verront donc privés de près de 180 euros par mois. |
- la suppression de la revalorisation annuelle du 1 er avril pour 2019 et limitée à 0,3 % en 2020 de l'AAH, indexée jusque-là sur l'inflation (article 67 du projet de loi de finances). Cette mesure permettra en 2020 une économie de 0,1 milliard d'euros.
Enfin s'agissant de la protection juridique des majeurs , troisième poste principal de dépense de la mission, 2020 verra les effets de la réforme de la participation des personnes protégées, mise en oeuvre par un décret du 31 août 2018 et augmentant la part des mesures de protection financée par les personnes protégées. Il s'agit là encore d'une économie budgétaire réalisée au détriment des personnes les plus fragiles , celles sous mesure de protection, alors que près de la moitié d'entre elles se situe déjà en dessous du seuil de pauvreté 6 ( * ) .
* 6 D'après une étude conjointe de la DGCS et l'Ancreai de mai 2016.