E. UNE EXÉCUTION LABORIEUSE DES VAGUES DE RECRUTEMENT, LAISSANT À NOUVEAU PRÉSAGER D'IMPORTANTES DIFFICULTÉS EN 2020

Si les plans de recrutement sont marqués, globalement, par le respect des annonces gouvernementales et des mesures votées en loi de finances initiale, ils sont une source de risques importants . Par exemple, en 2017 et 2018 , des difficultés à pourvoir des postes de commissaires ont subsisté, témoignant de la fragilité de ces vagues de recrutement massives en l'absence de vivier suffisant. En 2018 et 2019, le schéma d'emplois n'a pu être rempli qu'en ouvrant des recrutements supplémentaires de gardiens de la paix et d'adjoints de sécurité, qui constituent, selon la Cour des comptes « la variable permettant la réalisation des schémas d'emploi » 20 ( * ) . Cette difficulté se manifeste par l'augmentation des ratios de sélectivité pour la quasi-intégralité des cadres d'emploi de la police nationale entre 2015 et 2018/2019. Le ratio de sélectivité du concours de commissaire a ainsi augmenté d'un point entre 2015 et 2019, et atteint 3,79 %.

Évolution des taux de sélectivité des concours de la police nationale

CONCOURS

2015

2016

2017

2018

2019

%
Candidats reçus

%

Candidats reçus

%
Candidats reçus

%
Candidats
Reçus

%
Candidats reçus

COMMISSAIRE

EXTERNE

2,80

2,27

3,97

3,13

3,79

OFFICIER

EXTERNE

1,04

0,92

1,14

1,11

GARDIEN

NATIONAL

EXTERNE

3,68

4,03

6,74

9,46

INTERNE

19,58

18,33

34,41

21,58

IDF

EXTERNE

14,80

11,05

13,92

9,46

INTERNE

26,63

21,75

30,19

20,05

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de la DGPN)

Par ailleurs, ces importants recrutements « nécessit[ent] un effort particulier des filières de formation » 21 ( * ) . Votre rapporteur rappelle que cette mise sous tension des filières de formation n'est à terme, pas soutenable. Il est à cet égard symptomatique que les durées de scolarité aient été réduites de 12 à 8 mois pour les gendarmes et de 12 à 9,5 mois pour les policiers, dans un contexte où les difficultés opérationnelles sont accrues et le matériel utilisé de plus en plus exigeant (utilisation de fusils d'assaut HK, par exemple).

Cette absence de maîtrise se traduit, depuis le début du quinquennat, par d'importantes tensions dans l'exécution des dépenses de personnel , fortement susceptibles de se reproduire dans l'exercice 2020 (cf. encadré). Les responsables de programme devront ainsi prendre en compte en 2020 les dépenses initialement prévues en 2019 (décalage des calendriers des incorporations et de rémunérations sur l'année suivante), qui est d'autant plus importante que la plus grande vague de recrutements est prévue en 2019.

Des plans de recrutement entrainant d'importantes difficultés d'exécution budgétaires : l'exemple de l'exercice 2018

En 2018, la gendarmerie nationale a dû faire face à une impasse budgétaire de 43 millions d'euros (hors CAS « Pensions ») sur les dépenses de rémunération, après dégel de la réserve de précaution. Ces dépenses ont été couvertes grâce à des mesures contestables tant sur le plan de la sincérité budgétaire que de la pertinence opérationnelle. Le ministre de l'intérieur a en effet décidé de décaler le calendrier des incorporations et de réduire la durée de formation initiale (- 15 millions d'euros), ainsi que par une diminution des crédits alloués à la réserve opérationnelle (- 28 millions d'euros), dont votre rapporteur spécial regrette qu'elle serve, une année de plus, de variable d'ajustement, alors même qu'elle constitue un soutien indispensable en période de forte mobilisation. Le ministre de l'intérieur ayant souhaité le maintien d'une mobilisation des réservistes, il a été décidé, dès l'été 2018, que leur rémunération serait différée à l'exercice 2019 à hauteur de 19 millions d'euros.

La police nationale a rencontré des difficultés de même nature, l'insuffisance des crédits disponibles s'étant élevée à 61 millions d'euros (hors CAS « Pensions »), et a fait appel aux mêmes remèdes. Pour financer les recrutements de gardiens de la paix, la responsable de programme a notamment procédé au décalage des recrutements en fin d'année 2018
(- 13,6 millions d'euros) et à la diminution de la mobilisation des crédits affectés à la réserve civile (- 9,2 millions d'euros). Malgré ces mesures et l'ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative, une sur-exécution des dépenses de personnel de plus de 25 millions d'euros (hors CAS « Pensions ») n'a pas pu être évitée. En 2019, la sur-exécution devrait s'élever à 11 millions d'euros pour la police nationale, qui fait donc usage des mêmes leviers d'ajustement qu'en 2018.

Source : Audition du DGPN et rapport n° 625 (2018-2019) de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 3 juillet 2019, contribution de M. Philippe Dominati

Au total, l'ampleur de ces difficultés serait atténuée si elle était exceptionnelle et ne constituait pas le symptôme de problèmes structurels, mettant en cause la soutenabilité même des moyens et du fonctionnement de la police et de la gendarmerie nationales, illustrée notamment par la dégradation continue, depuis le début du quinquennat, du ratio « dépenses de personnel / total des dépenses » exposée supra .


* 20 Ibid.

* 21 Rapport IGA-IGF « Évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales », février 2017.

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