B. UNE DIMINUTION DU BUDGET DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE, À L'AUNE D'UNE RÉFORME ANNONCÉE
En 2018, 990 435 admissions à l'aide juridictionnelle ont été prononcées, dont 77 761 à l'aide partielle.
Entre 2015 et 2019, les dépenses d'aide juridictionnelle sont passées de 359 millions d'euros à 507 millions d'euros par an, soit une augmentation de 41 % (soit 148 millions d'euros) en quatre ans .
L'augmentation des dépenses relatives à l'aide juridictionnelle s'explique principalement par les effets des réformes menées ces dernières années notamment :
- l'augmentation de l'unité de valeur (qui détermine le montant de la rétribution versée à l'avocat) et la suppression de la modulation géographique, en 2017 - dont le coût est estimé, toutes choses égales par ailleurs, à 92 millions d'euros en année pleine ;
- et, depuis 2016, l'indexation des revenus pris en compte pour déterminer l'éligibilité du justiciable à l'aide juridictionnelle - dont le coût est estimé, toutes choses égales par ailleurs, à 21 millions d'euros en année pleine. La dynamique de cette dépense résulte donc en partie de l'augmentation du nombre de bénéficiaires de l'AJ, à la suite du relèvement du plafond de revenu, passé au 1 er janvier 2016 de 941 euros à 1 000 euros pour une personne seule.
Toutefois, en 2020, la dépense effective d'aide juridictionnelle amorcerait une baisse, de l'ordre de 3 % par rapport à 2019 (- 13 millions d'euros) : le Gouvernement indique que cette baisse découlerait d' « une hausse moins importante que prévu de la dépense tendancielle, identifiée grâce à une révision des prévisions fondée sur les crédits réellement consommés en 2019 » et d'un transfert de 9 millions d'euros du conseil national des barreaux.
S'agissant des crédits budgétaires alloués, s'ils passent de 424 à 484 millions d'euros, hors mesure de périmètre, ils reculent de 22 millions par rapport à 2019 (- 3,2 %). Votre rapporteur spécial partage plutôt l'analyse du Conseil national des barreaux, qui dénonce un « tour de passe-passe » , estimant que le Gouvernement a profité de la budgétisation de ressources qui lui étaient affectées pour diminuer le montant de crédits budgétaires alloués à l'aide juridictionnelle .
Évolution (2010-2020) des dépenses d'aide
juridictionnelle
et des crédits budgétaires
consacrés
(en millions d'euros) (en %)
Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la justice au questionnaire
Une révision des modalités de financement de l'AJ, au-delà des mesures artificielles de rebudgétisation de taxes affectées, reste indispensable.
La réforme de l'aide juridictionnelle , annoncée lors des débats parlementaires sur la loi de programmation et de réforme pour la justice, et qui devrait s'appuyer sur le travail mené en 2018 par la mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration ainsi que sur le rapport des députés Philippe Gosselin et Naïma Moutchou 12 ( * ) , ne pourra faire l'économie d'une remise à plat de ses modalités de financement.
À ce titre, le Sénat avait voté le rétablissement d'une contribution pour l'aide juridique 13 ( * ) , dont le montant, modulable, serait compris entre 20 et 50 euros. Ce « droit de timbre » pourrait constituer un outil efficace pour désengorger les juridictions.
* 12 Rapport d'information n° 2183 de Philippe Gosselin et NaÏma Moutchou, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l'aide juridictionnelle, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 juillet 2019.
* 13 Article 52 bis du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.