L'AMENDEMENT PROPOSÉ
PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

PLF POUR 2020

SECONDE PARTIE

I

DIRECTION

DE LA SÉANCE

(n° 999)

A M E N D E M E N T

présenté par

M. DELAHAYE

_________________

ARTICLE 73 A

Supprimer cet article.

OBJET

Cet amendement vise à supprimer l'article 73 A introduit par l'Assemblée nationale qui demande un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'exécution des contrats d'objectifs et de moyens ou d'objectifs et de performance des opérateurs de la mission « Action extérieure de l'État ».

Le Parlement a effectivement besoin d'informations plus complètes de suivi des opérateurs de cette mission mais ces informations doivent transiter par les documents budgétaires plutôt que par un rapport supplémentaire.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 23 octobre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné le rapport de MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » . - Les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » sont stables en valeur en 2020, à hauteur de 2,9 milliards d'euros. Cette stabilité apparente masque en réalité une augmentation des crédits de paiement de 1,1 % à périmètre constant, puisque le programme consacré à la présidence française du G7 prend fin le 31 décembre 2019. L'évolution des crédits de la mission se situe en deçà de celle des dépenses totales de l'État, qui augmentent de 2 % en valeur entre 2019 et 2020.

Les évolutions à la hausse correspondent essentiellement à l'augmentation de 24,6 millions d'euros de la subvention de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), à la dynamique des dépenses de personnel pour 9,3 millions d'euros ainsi qu'à la progression des dépenses immobilières à l'étranger pour 7,4 millions d'euros. À l'inverse, les évolutions à la baisse correspondent à une économie de constatation de 7,6 millions d'euros sur les contributions internationales, à une diminution de 8 millions d'euros des dépenses de protocole ainsi qu'à la baisse d'un certain nombre de subventions allouées aux opérateurs - Atout France, alliances françaises, Institut français de Paris.

La masse salariale de la mission augmente légèrement en 2020, en raison de l'effet change-prix sur les indemnités de résidence à l'étranger et de l'effet prix sur les rémunérations des agents de droit local. Par ailleurs, l'effet du glissement vieillesse-technicité (GVT) sur la masse salariale de la mission, près de 9 millions d'euros, est beaucoup plus important que les années précédentes ; selon le Gouvernement, cela serait dû à la requalification des agents de droit local sur des postes plus qualifiés, mais ces explications ne nous satisfont pas. Les effectifs de la mission diminuent en 2020 de 81 équivalents temps plein (ETP), une réduction mieux répartie entre les différentes catégories de personnel - titulaires, contractuels, agents de droit local - que les années précédentes conformément aux préconisations de notre rapport d'information sur la masse salariale du ministère. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 prévoit pour la première fois un mécanisme de provision des effets de change-prix sur la masse salariale, qui devrait permettre de limiter la sur-exécution chronique des dépenses de personnel et de rendre plus sincères les prévisions budgétaires.

Je considère qu'il existe un risque d'impasse sur le budget de l'immobilier à l'étranger : la chute importante des produits de cessions à 4 millions d'euros en 2019, qui traduit notamment l'épuisement du volume de ventes potentielles, fait peser un risque important sur le budget de la mission pour les années à venir et pourrait conduire à une dégradation du patrimoine immobilier du ministère. En effet, les recettes de cession, de l'ordre de 100 millions d'euros, auraient dû financer les dépenses de sécurisation des ambassades. Il serait peut-être intéressant de mener un travail complémentaire en 2020 sur cette question.

M. Rémi Féraud , rapporteur spécial des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » . - Les programmes 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » et 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » représentent un tiers du budget de la mission.

Les crédits du programme 185 augmentent de 2,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, conformément à l'engagement du Gouvernement de faire de la politique d'influence de la France l'un des « piliers fondamentaux » de notre politique étrangère.

Je salue l'augmentation de 24,6 millions d'euros de la subvention pour charge de service public versée à l'AEFE en 2020 : c'est une vraie nouveauté qui s'inscrit dans l'engagement du Président de la République de doubler le nombre d'élèves scolarisés dans le réseau d'ici à 2030. Il s'agit aussi d'une véritable inversion de tendance : souvenons-nous qu'en 2017 le gel de 33 millions d'euros avait mis en péril l'AEFE. Nous n'avons toutefois aucune garantie sur la pérennité de ces crédits supplémentaires ni sur leur caractère suffisant pour atteindre les objectifs. Mais reconnaissons que l'effort est significatif.

Il en va autrement pour les autres opérateurs du programme.

Le 19 novembre 2018, le Premier ministre a présenté la nouvelle stratégie d'attractivité universitaire intitulée « Bienvenue en France », avec l'objectif d'accueillir 500 000 étudiants étrangers en France d'ici à 2027. Le budget de Campus France reste toutefois stable à 3,8 millions d'euros. Des frais de scolarité différenciés ont été institués pour les étudiants extracommunautaires, ce qui a causé beaucoup d'émotion et de contestation. Cette mesure a été partiellement compensée par des exonérations de droits d'inscription et le triplement des bourses d'études et de stages, mais le montant inscrit pour ces bourses est maintenu à 64,6 millions d'euros, comme en 2019; elles risquent même de diminuer en cours de gestion budgétaire, l'enveloppe de crédits allouée aux postes diplomatiques pour octroyer des bourses étant souvent utilisée comme variable d'ajustement budgétaire. Nous devrons mener un travail sur ce point dans le cadre de l'examen de la loi de règlement.

La subvention de 28,8 millions d'euros de l'Institut français retrouve son niveau de 2018, après une augmentation temporaire de 2 millions d'euros en 2019 dans le cadre du lancement du plan pour la langue française et le plurilinguisme annoncé en mars 2018 par le Président de la République. Je m'interroge sur la succession des plans pluriannuels qui s'accumulent au fil du temps, financés par des subventions temporaires ! La poursuite du plan pour la langue française et le plurilinguisme se fera donc soit au détriment d'autres actions de l'Institut, soit à moindre envergure.

Atout France voit sa subvention réduite de 1,8 million d'euros et ses effectifs diminués de douze emplois. Dans le cadre de son rapprochement avec Business France, l'économie demandée à l'opérateur devrait atteindre 4,4 millions d'euros. Cette réorganisation et ces coupes budgétaires se font en dehors de tout cadre politique et sans affichage par le Gouvernement de nouvelles ambitions pour son opérateur.

Depuis plusieurs années, avant même « Action publique 2022 », le programme 151 est marqué par d'importants gains de productivité. Compte tenu du cycle électoral, la dotation pour l'organisation d'élections diminue de 1,3 million d'euros au PLF pour 2020. Le vote par Internet devrait concerner les élections consulaires de 2020 et les élections législatives de 2022 et, à terme, toutes les élections à l'exception des élections présidentielles.

La modernisation de l'administration consulaire bénéficie de 1,9 million d'euros et concernera l'élargissement des horaires des postes diplomatiques, la mise en place du registre de l'état civil électronique et la création d'une plateforme téléphonique d'accueil consulaire.

L'ensemble de ces chantiers, qui témoignent de la modernisation de l'administration consulaire et de la recherche de gains de productivité, n'est toutefois pas sans poser des difficultés, tant pour les agents dans les postes que pour les Français de l'étranger. Pour ces derniers, il existe un véritable risque d'éloignement, alors qu'ils sont de plus en plus nombreux, qu'ils connaissent parfois des situations difficiles et qu'ils sont en demande de lien humain. Comme nous avons pu le constater lors de nos déplacements, ces réformes nécessitent aussi un accompagnement fort des agents, souvent sceptiques à l'égard des gains de productivité annoncés. Nous devrons vérifier que ces gains de productivité sont réels et que la qualité du service public ne s'est pas dégradée.

Par prudence, je vous propose, comme l'an dernier, de nous abstenir sur les crédits de la mission : la commission des affaires étrangères n'a entendu le ministre qu'hier.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Pour ma part, comme l'an dernier, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Mme Nathalie Goulet . - Dans le cadre de la lutte contre la fraude sociale, les consulats vérifient les preuves de vie de nos compatriotes à l'étranger. Il semblerait cependant que ce travail soit désormais confié aux autorités locales du pays de résidence. Qu'en est-il ? Au vu du nombre exceptionnel de centenaires, ne pourrait-on pas améliorer ces contrôles ?

M. Emmanuel Capus . - Je tiens à remercier nos rapporteurs spéciaux pour ce rapport très complet sur cette mission régalienne de l'État. Vous vous félicitez du maintien du caractère universel de notre réseau, mais déplorez le saupoudrage des moyens. Dans quels pays pourrions-nous alléger notre présence diplomatique ?

M. Roger Karoutchi . - Notre réseau est certes universel, mais il est à l'os ! Les ambassades et les consulats sont véritablement démunis.

Les frais d'inscription dans les établissements d'enseignement français à l'étranger ne cessent d'augmenter. Je connais une famille à Tananarive qui doit débourser chaque année entre 16 000 et 20 000 euros pour la scolarisation de ses deux enfants. La question de les retirer de l'enseignement français se pose, car c'est trop cher ! La francophonie et la présence française sont-elles encore dans nos ambitions ?

M. Jean-Claude Requier . - Je constate que les contributions aux opérations de maintien de la paix diminuent : de quoi s'agit-il ?

Le consulat français à Monaco va être fermé ; l'ambassade de France à Monaco ne pourrait-elle pas reprendre les activités du consulat ?

M. Jean-Marc Gabouty . - Vous indiquez dans votre rapport que les ambitions affichées en faveur de l'enseignement français à l'étranger et de l'AEFE ont eu un effet d'éviction sur le plan pour la langue française et le plurilinguisme : que cela signifie-t-il ?

La suppression des 2 millions d'euros de l'Institut français pour le plan langue française ne sera-t-elle pas compensée par d'autres sources de financement - mécénat, appel d'offres européen, etc. ?

M. Thierry Carcenac . - En ma qualité de rapporteur du compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », je remercie les rapporteurs spéciaux d'avoir soulevé la question immobilière. Le CAS existe et une direction de l'immobilier de l'État a même été créée, mais les ministères continuent à gérer leur patrimoine immobilier sans vision d'ensemble. On l'a vu hier au sujet de l'immobilier de l'Élysée, le CAS est ponctionné pour financer les projets immobiliers ; or, en loi de règlement, le CAS affiche un déficit et ses réserves s'épuisent. Si le bureau de notre commission décidait de lancer une étude sur l'immobilier, il faudrait qu'elle ait un caractère global.

M. Alain Houpert . - Cette mission, c'est la vitrine de la France à l'étranger. Lors de nos déplacements, nous constatons une baisse de moral dans les postes diplomatiques et leurs missions culturelles fondent comme neige au soleil. Sur la francophonie, il faut passer des paroles aux actes ! Je suis inquiet du financement des établissements par des pays étrangers, il y va de l'indépendance de la France !

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - La question de la fraude sociale pourra constituer un intéressant sujet pour nos travaux futurs.

L'universalité du réseau, principe de base de notre organisation diplomatique, est-elle compatible avec la diminution continue des effectifs ? Nous pensons que non, car nous sommes à l'os ! Le ministre doit établir des orientations stratégiques claires : pourquoi telle ou telle implantation est-elle importante ?

Treize opérations de maintien de la paix sont actuellement financées par des contributions internationales. La contribution française est appelée en tant que de besoin, mais la tendance est à la diminution : le PLF pour 2020 affiche une baisse des crédits de 19 millions d'euros, soit 5,8 %, par rapport à 2019.

Sur la question de l'immobilier à l'étranger, nous nous coordonnerons bien volontiers avec le rapporteur spécial du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Rémi Féraud , rapporteur spécial . - Il est vrai que le coût pour les familles de l'enseignement français à l'étranger a explosé ces dernières années. L'an dernier, notre rapport insistait sur la nécessité de ne plus augmenter les contributions familiales afin de préserver la légitimité du système. Heureusement, cette année, la part payée par les familles reste stable ; il faut que cela demeure ainsi, car nous sommes en concurrence avec d'autres systèmes. Par ailleurs, le budget consacré aux bourses pour les élèves français reste stable dans le PLF pour 2020.

Le consulat de Monaco a été supprimé pour faire des économies et des gains de productivité ; les Français de Monaco vont désormais devoir se tourner vers la préfecture des Alpes-Maritimes. C'est un petit retour en arrière sur l'universalité du réseau.

Il n'est pas illégitime de demander à l'Institut français de rechercher du mécénat, mais je regrette qu'une priorité gouvernementale chasse l'autre, sans continuité budgétaire. La culture est souvent la première victime des arbitrages budgétaires dans les ambassades, nous l'avons vu à Berlin tout particulièrement.

Maintenir notre réseau universel, qui est le troisième réseau diplomatique mondial, derrière celui des États-Unis et celui de la Chine, et vouloir faire des économies est contradictoire : il faut faire des choix ! Soit on est attaché à l'universalité, et, dans ce cas, on ne rabote pas le budget ; soit la maîtrise des dépenses publiques est première, et, dans ce cas, il faut revenir sur l'universalité du réseau. Ayons toutefois conscience que cette mission est l'un des plus petits budgets régaliens au sein du budget général, les économies réalisées ne contribuent donc que très légèrement à la maîtrise des finances publiques. Il y a un choix politique à faire.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

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* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2019, sous la présidence de Vincent Éblé, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission sans modification. Elle lui a également proposé de supprimer l'article 73 A en adoptant un amendement du rapporteur spécial Vincent Delahaye.

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