CHAPITRE III
DE L'ACCÈS AU LOGEMENT
L'intitulé de ce chapitre a été modifié 75 ( * ) à l'initiative de votre rapporteur par l'adoption de l'amendement COM-19 afin de le mettre en cohérence avec les articles 7 à 7 ter qui comportent des dispositifs relatifs à l'accès au logement, et non à l'hébergement d'urgence 76 ( * ) .
À titre liminaire, votre rapporteur rappelle que chaque fois que la victime le souhaite et que cela est compatible avec sa sécurité, il est impératif de favoriser son maintien dans le logement conjugal ou commun en mobilisant les outils légaux 77 ( * ) existant pour le lui attribuer et évincer son conjoint violent 78 ( * ) .
Toutefois, les données issues des appels au « 3919-Violences Femmes Info » en 2017 établissent que 55 % des victimes veulent quitter le domicile qu'elles partagent avec l'auteur des violences 79 ( * ) . C'est ainsi que, selon une étude statistique du ministère de la justice 80 ( * ) , 6 % des personnes qui ont sollicité une ordonnance de protection en 2016 résidaient dans un foyer d'urgence 81 ( * ) .
Les solutions de mise à l'abri immédiate des victimes - qui sont, dans la très grande majorité des cas, des femmes accompagnées d'enfants mineurs 82 ( * ) - ne sont qu'une réponse d'urgence et de court terme . Il est crucial que, dans un deuxième temps, une formule de relogement plus pérenne puisse leur être proposée.
Les dispositions du présent chapitre visent à améliorer l'accès des victimes de violences intrafamiliales au logement et à compléter les dispositifs existants, dont certains ont été introduits récemment par la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté 83 ( * ) ou la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dite loi ELAN 84 ( * ) .
Article 7
(art. L. 442-8-1 du code de la construction et de
l'habitation)
Expérimentation de deux dispositifs pour faciliter
l'accès au logement
des victimes de violences intrafamiliales
L'article 7 de la proposition de loi tend à favoriser l'accès au logement des victimes de violences intrafamiliales au moyen de deux expérimentations, l'une prévoyant un dispositif de sous-location de logements du parc locatif social et l'autre, un accompagnement adapté spécifique pour faciliter le relogement, quel que soit le parc locatif concerné.
Cet article a été totalement réécrit par l'Assemblée nationale en première lecture, par l'adoption en séance de deux amendements identiques n° 173 du Gouvernement et n° 174 de notre collègue député Guillaume Vuilletet et des membres du groupe La République en Marche, sous-amendés par le rapporteur et auteur de la proposition de loi, Aurélien Pradié.
1. Le dispositif initial de la proposition de loi : la création à titre expérimental d'une aide personnalisée au logement spécifique
Le texte initial prévoyait, pour une durée de trois ans, la mise en oeuvre d'un dispositif expérimental d' aide personnalisée au logement à destination des victimes bénéficiant d'une ordonnance de protection.
Cette aide était conçue pour être attribuée, à la demande de la victime et sous conditions de ressources, au moment où celle-ci cesse de jouir effectivement du logement conjugal ou commun - même si c'est de son propre chef - pendant la période de protection ou à son terme.
Ce dispositif social, cumulable avec l'aide personnalisée au logement (APL) 85 ( * ) , devait comprendre :
- la prise en charge de la caution locative ;
- une avance sur le paiement des six premières échéances locatives mensuelles ;
- la prise en charge de la garantie locative ;
- une aide complémentaire à l'aide personnalisée au logement (APL).
Parallèlement, il était envisagé une modification des catégories d'emploi des ressources de la participation des employeurs à l'effort de construction mobilisables par Action Logement, pour y ajouter « la mise en oeuvre d'expérimentations, prévues par la loi, relatives au logement des victimes de violences conjugales ». Cette disposition a ensuite été supprimée en commission à l'initiative du rapporteur, les auditions ayant fait apparaître qu'Action Logement pouvait déjà agir pour le relogement des personnes victimes de violences au titre de ses engagements en faveur des personnes défavorisées, sans qu'il soit nécessaire de faire évoluer son cadre d'emploi 86 ( * ) .
La mission historique d'Action Logement :
Le groupe Action Logement est un organisme paritaire qui collecte la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) créée en 1953 87 ( * ) . Sa vocation est de faciliter l'accès au logement pour favoriser l'emploi . En conséquence, Action Logement accompagne essentiellement les salariés et les personnes en recherche d'emploi . Dans ce cadre, elle propose divers dispositifs, dont la garantie Visale 88 ( * ) pour faciliter la location d'un logement du parc privé, l'avance LOCA-PASS qui permet le financement du dépôt de garantie et le service d'accompagnement social CIL-Pass Assistance 89 ( * ) . Lorsqu'une personne n'est pas éligible à l'accompagnement mis en place par Action logement, elle peut notamment faire appel au fonds de solidarité pour le logement (FSL) de son département. Les FSL, créés en 1990 90 ( * ) , sont financés par les départements et accordent des aides similaires : « aides financières sous forme de cautionnements , prêts ou avances remboursables , garanties ou subventions à des personnes [éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de leurs ressources ou de leurs conditions d'existence] et qui entrent dans un logement locatif ». |
À l'issue de l'expérimentation, il était enfin prévu que le Gouvernement remette un rapport « destiné à évaluer la pertinence de l'instauration d'une aide personnalisée au logement pour les victimes de violences conjugales et du maintien de ce dispositif ».
2. Un dispositif largement remanié à l'Assemblée nationale : le lancement de deux expérimentations
L'Assemblée nationale a entièrement réécrit l'article 7 en adoptant, avec avis favorable de la commission des lois, deux amendements identiques : l'un du Gouvernement, l'autre du groupe La République en Marche, tous deux sous-amendés par le rapporteur.
Il ne s'agirait plus de lancer une, mais deux expérimentations : la première, nouvelle, permettrait la sous-location à titre temporaire de logements du parc locatif social, et la seconde reprendrait le dispositif initial avec modifications. Ces deux expérimentations débuteraient six mois après l'entrée en vigueur de la loi et auraient une durée de trois ans . Elles donneraient lieu à un rapport d'évaluation au Parlement quatre ans après la promulgation de la loi.
Elles bénéficieraient toutes deux aux personnes justifiant de violences conjugales attestées, soit par une décision du juge aux affaires familiales prononçant des mesures urgentes dans le cadre d'une procédure en divorce, en application de l'article 257 du code civil, soit par une ordonnance de protection, en application du titre XIV du livre I er du même code.
Toutefois, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice - qui a simplifié la procédure de divorce judiciaire en supprimant la tentative de conciliation préalable à l'assignation - a prévu l'abrogation de l'article 257 précité à une date fixée par décret et au plus tard au 1 er septembre 2020 91 ( * ) . En conséquence, à compter de cette date, les deux expérimentations ne pourraient donc être mises en place qu'auprès des personnes ayant obtenu une ordonnance de protection, cette procédure devenant la seule disponible pour obtenir les mesures urgentes nécessaires dans un contexte de violences entre époux.
Un comité de pilotage, composé de deux députés et deux sénateurs désignés par le président de chaque assemblée ainsi que de représentants de l'État, serait chargé d'en suivre le déroulement.
a) Une nouvelle expérimentation de sous-location temporaire au sein du parc locatif social
Le I A de l'article 7 institue, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, une nouvelle dérogation à l'interdiction, édictée par l'article L. 442-8 du code de la construction et de l'habitation, « de sous-louer un logement, meublé ou non, sous quelque forme que ce soit, sous peine d'une amende de 9 000 euros » dans tous les immeubles destinés à la location et financés par des aides de l'État.
Il s'agirait d'autoriser les bailleurs sociaux à louer des logements, meublés ou non, à des organismes déclarés ayant pour objet de les sous-louer à titre temporaire aux personnes justifiant de violences conjugales attestées par une décision du juge prise en application de l'article 257 du code civil (cf. supra ) ou par une ordonnance de protection.
Ce même mécanisme existe déjà en faveur des personnes âgées, des personnes présentant un handicap, des personnes de moins de trente ans ou à des actifs dont la mobilité professionnelle implique un changement de secteur géographique 92 ( * ) .
Cette formule de sous-location temporaire permet d'accéder, sous conditions de ressources identiques 93 ( * ) , à un logement social sans passer par le long processus d'attribution. Elle constituerait donc, pour les victimes de violence intrafamiliale, une solution d'attente plus pérenne que l'hébergement d'urgence, avant de pouvoir bénéficier en direct d'un bail social.
Elle se distingue du mécanisme mis en place par la loi ALUR du 24 mars 2014 94 ( * ) qui permet aux bailleurs sociaux de louer des logements au bénéfice d'opérateurs d'intermédiation locative ou de centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) afin de proposer des places d'hébergement d'urgence et d'hébergement relais aux victimes de violences conjugales. Dans cette hypothèse, les personnes hébergées ne bénéficient pas, en effet, d'un contrat de sous-location en bonne et due forme.
b) Une expérimentation d'accompagnement au relogement remaniée
À l'initiative du Gouvernement et du groupe LaREM, le mécanisme de l'expérimentation initial a été réécrit. Le dispositif d'aide personnalisée a été transformé en dispositif d'accompagnement adapté et le public des bénéficiaires élargi - de manière temporaire du fait de la future abrogation de l'article 257 du code civil - aux victimes de violences bénéficiant de mesures urgentes ordonnées par le juge aux affaires familiales après l'introduction d'une requête en divorce, en plus de celles qui ont obtenu une ordonnance de protection.
Les mesures d'accompagnement incluses dans le dispositif seraient notamment, selon la précision rédactionnelle apportée par le rapporteur de l'Assemblée nationale, « la caution locative, les garanties locatives, les premiers mois de loyer » et correspondraient aux aides déjà mises en oeuvre par Action Logement ou les FSL (cf. supra ). L'accompagnement serait mis en oeuvre à la demande de la victime et sous conditions de ressources, au moment où elle cesse de jouir effectivement du logement conjugal ou commun, y compris si elle a choisi de le quitter de son propre chef.
2. La position de votre commission
S'agissant de l'expérimentation de sous-location temporaire de logement locatif social, votre rapporteur relève que les victimes de violences peuvent déjà bénéficier depuis 2009 95 ( * ) d'une sous-location dans un logement social via l'intermédiation locative autorisée par l'alinéa 2 de l'article L. 442-8-1. Mais elles sont alors en « concurrence » avec un large public : « toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'existence » selon l'article L. 301-1 du code de la construction et l'habitat.
L'ajout d'une dérogation qui leur serait spécifiquement destinée semble donc être une avancée puisqu'elle permettrait de mettre à leur disposition de nouveaux logements dans des conditions financières favorables. Le dispositif expérimenté ne pourrait toutefois être qu'une étape vers un logement pérenne puisqu'il est temporaire et suppose, pour être efficace, que les victimes ne soient pas seulement logées, mais également accompagnées , ce qui nécessite des moyens supplémentaires.
Votre commission n'a pas souhaité codifier cette disposition compte tenu de son caractère temporaire. Elle a adopté, à l'initiative de son rapporteur, l'amendement COM-20 pour faire sortir cette expérimentation du code de la construction et de l'habitat et supprimer la mention relative aux ordonnances délivrées au titre de l'article 257 du code civil dans la mesure où, selon les informations obtenues de la Chancellerie, son abrogation devrait intervenir à bref délai , d'ici la fin de l'année.
S'agissant de l'expérimentation du dispositif d'accompagnement adapté, la rédaction retenue ne permet pas de déterminer quel en serait le contour exact. Les auditions menées par votre rapporteur laissent à penser que l'expérimentation servirait en fait à mieux coordonner, mobiliser et faire connaître les dispositifs existants . La diversité des acteurs et des aides disponibles, ainsi que la complexité des situations rendent en effet nécessaire de concevoir l'accompagnement des victimes de manière plus globale et coordonnée.
Votre commission est favorable à cette initiative qui permettrait de renforcer l'efficacité des actions en faveur de l'accès au logement des victimes de violences intrafamiliales. Elle y a apporté une simple précision rédactionnelle et supprimé la référence à l'article 257 du code civil bientôt abrogé en adoptant, à l'initiative de votre rapporteur, l' amendement COM-21 . Elle a également modifié le mode de computation du délai de remise du rapport au Parlement et supprimé la remise d'un rapport d'étape au bout d'un an d'expérimentation par adoption de l' amendement COM-24 du rapporteur.
Elle a enfin souhaité supprimer les dispositions instituant un comité de pilotage au sein duquel la présence de deux députés et deux sénateurs désignés par les présidents de chacune des assemblées est prévue. La création d'un organisme extraparlementaire aux seules fins de superviser une expérimentation temporaire ne semble pas justifiée et contraire au travail de rationalisation qui a été mené dans le cadre de la loi du 3 août 2018 96 ( * ) . L' amendement COM-37, présenté par le rapporteur, a été adopté en conséquence.
La commission a adopté l'article 7 ainsi modifié .
Article 7 bis
(art. L. 441-2-2 du code de la construction et de
l'habitation)
Impossibilité de motiver le refus d'attribution d'un
logement social par la qualité de propriétaire lorsque
le candidat a bénéficié d'une ordonnance de
protection
L'article 7 bis vise à permettre aux victimes de violences conjugales bénéficiaires d'une ordonnance de protection d'accéder à un logement social, nonobstant le fait qu'elles puissent être propriétaires d'un logement, ce qui peut constituer actuellement un motif de refus en application de l'article L. 441-2-2 du code de la construction et de l'habitation 97 ( * ) .
La mesure proposée permettrait de compléter les dispositions de l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation, introduites en 2009 98 ( * ) , qui permettent déjà à une personne bénéficiant d'une ordonnance de protection :
- de ne voir que ses seules ressources prises en compte pour l'attribution d'un logement social ;
- et de ne pas se voir opposer le fait qu'elle bénéficie d'un contrat de location au titre du logement occupé par le couple.
L'article 7 bis est issu d'un amendement présenté par notre collègue députée Josy Poueyto et d'autres membres du groupe Mouvement Démocrate, qui ont ainsi relayé les travaux de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale.
Votre commission est favorable à cette disposition qui permettrait de donner accès au parc locatif social à des femmes qui ont fui le logement qu'elles partageaient avec l'auteur des violences, sans que la propriété de ce logement, dont elles n'ont plus la jouissance, puisse leur être opposée.
À l'initiative de votre rapporteur, elle a adopté un amendement de précision COM-23 et l'article 7 bis ainsi modifié .
Article 7 ter
(art. L. 441-2-2 du code de la construction et de
l'habitation)
Attribution en urgence par le préfet d'un logement de
droit commun
pris sur le contingent de logements réservés
de l'État
aux femmes victimes de violences
Des quotas de logements sont actuellement réservés dans le parc de logements sociaux au profit des différents financeurs, au premier rang desquels l'État. Son représentant dans le département dispose à ce titre d'un droit de réservation de 30 % du parc social conventionné de chaque bailleur social, dont 25 % est destiné aux publics prioritaires et 5 % aux fonctionnaires de l'État 99 ( * ) . C'est le « contingent préfectoral ».
L'article 7 ter de la proposition de loi tend à permettre au préfet d'attribuer en urgence aux femmes victimes de violences un logement social pris sur ce contingent.
La disposition a été introduite à l'Assemblée nationale en séance, à l'initiative de nos collègues députés Vincent Descoeur, Jacques Cattin et d'autres députés du groupe Les Républicains. Leur amendement a été adopté, contre l'avis de la commission et du Gouvernement, pour donner « un bon signal » 100 ( * ) . Toutefois, telle n'est pas la vocation de la loi, même si l'objectif est louable.
Une priorité d'attribution de logement social existe depuis 2009 101 ( * ) au bénéfice des « personnes mariées, vivant maritalement ou liées par un pacte civil de solidarité justifiant de violences au sein du couple ou entre les partenaires », et ce sur l'ensemble du parc locatif social.
La circulaire du 8 mars 2017 relative à l'accès au logement des femmes victimes de violences ou en grande difficulté rappelle cette priorité en donnant pour instruction aux préfets de « prendre en compte le besoin de traitement particulier de situations d'urgence des femmes victimes de violences [...] pour procéder à l'attribution en urgence d'un logement sur le contingent de logements réservés de l'État ».
Cette instruction a été rappelée dans le plan quinquennal pour le Logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme (2018-2022), présenté le 11 septembre 2017 à Toulouse par le Président de la République, qui vise notamment à « faciliter l'accès des femmes victimes de violences à un logement sûr et pérenne par la mise en oeuvre de la circulaire du 8 mars 2017 relative à l'accès au logement des femmes victimes de violence ou en grande difficulté ».
Dans ces conditions, l'ajout dans la loi d'une disposition, non normative de surcroît, semble inutile.
Sur proposition du rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-22 et supprimé l'article 7 ter .
Article 8
(article 41-3-1 du code de procédure
pénale)
Attribution du téléphone grave danger
Cet article tend à modifier l'article 41-3-1 du code de procédure pénale qui dispose qu'« en cas de grave danger menaçant une personne victime de violences de la part de son conjoint, de son concubin ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, le procureur de la République peut attribuer à la victime, pour une durée renouvelable de six mois et si elle y consent expressément, un dispositif de téléprotection lui permettant d'alerter les autorités publiques. Avec l'accord de la victime, ce dispositif peut, le cas échéant, permettre sa géolocalisation au moment où elle déclenche l'alerte ».
1 . Le dispositif proposé
Le dispositif de téléprotection est communément appelé « téléphone grave danger » (TGD). Le TGD est un appareil de mise en relation avec les services de sécurité, par l'intermédiaire d'une plateforme confiée à un opérateur. Lors de son appel, la victime est géolocalisée, ce qui facilite l'intervention des forces de l'ordre.
Les conditions d'attribution du TGD sont assez strictes. Pour obtenir l'appareil, il faut être majeur et ne plus vivre avec son agresseur. Celui-ci doit avoir l'interdiction d'entrer en contact avec la victime. La victime doit être en situation de danger, lequel est apprécié par le parquet qui peut requérir une association d'aide aux victimes de son ressort aux fins d'évaluation de l'opportunité du dispositif. La décision d'attribution relève du procureur, qui attribue le téléphone pendant six mois, renouvelables. Chaque tribunal dispose d'un nombre déterminé de téléphones, ceux-ci pouvant être mutualisés dans le ressort d'une cour d'appel.
Deux modifications sont proposées afin d'encourager le recours au TGD.
Le 1° du présent article dispose que l'attribution du dispositif peut être sollicitée par tout moyen . Cette précision tend à mettre fin à la pratique de certains procureurs ayant délégué l'instruction des demandes à une unique association de victimes, ce qui a pu constituer localement un frein au déploiement du dispositif. À l'heure actuelle, dans un contexte de forte augmentation du nombre de TGD, 60 % seulement des TGD disponibles sont attribués à une victime.
Dans sa version initiale, la proposition de loi tendait à ce que le téléphone soit attribué à la victime à sa demande, sans possibilité d'appréciation par le procureur de la République.
Il a été réécrit en commission, le rapporteur ayant rétabli la capacité d'appréciation du procureur sur l'attribution des téléphones. Lors des débats en séance publique, Aurélien Pradié a indiqué que « ce qui fait que le téléphone grave danger fonctionne, c'est qu'il n'est distribué que dans les situations qui le nécessitent, de telle sorte que, lorsqu'il est activé, l'intervention des forces de l'ordre est très efficace. Il convient donc de bien veiller à ne pas en généraliser l'attribution, sous peine de perdre l'efficacité immédiate de cette intervention ».
La gestion des TGD demande également un suivi et une anticipation des situations. Comme le relève la Chancellerie, une partie de l'écart entre le nombre de TGD disponibles et le nombre de téléphones attribués découle du fait que certains sont réservés par les juridictions en prévision d'une sortie de prison de l'auteur des violences.
Le 2° complète la rédaction du deuxième alinéa de l'article 41-31-1 du code de procédure pénale pour prévoir un nouveau cas d'attribution du TGD.
Le TGD pourrait être attribué en cas de « danger avéré et imminent », à condition que l'auteur des violences soit en fuite ou n'ait pu encore être interpellé, ou lorsque l'interdiction judiciaire d'entrer en contact avec la victime dans le cadre d'une procédure judiciaire n'a pu encore être prononcée. Ces nouvelles hypothèses, qui correspondent déjà à la pratique de certains procureurs, doivent permettre une attribution plus rapide des TGD.
2 . La position de votre commission
Depuis la mise en place du dispositif, plusieurs centaines de victimes ont pu bénéficier de ce téléphone et être, dans le même temps, accompagnées par les différents partenaires tels que les associations d'aide aux victimes ou les centres d'information sur les droits des femmes et des familles. En plus d'être un instrument efficace de protection, ce dispositif permet de tranquilliser les victimes sur le suivi dont elles font l'objet.
On observe une montée en charge du dispositif au cours des trois dernières années, relancée par la circulaire du 9 mai 2019 relative à l'amélioration du traitement des violences conjugales et à la protection des victimes. Les chiffres communiqués par la Chancellerie à votre rapporteur indiquent que, à la date du 8 octobre 2019, 1 028 TGD étaient déployés et 611 attribués. Au 10 juillet 2019, 857 TGD seulement étaient déployés et 523 attribués.
Les informations données à votre rapporteur tendent à indiquer que les parquets gèrent de façon satisfaisante ce dispositif en lien avec les opérateurs et les autres parties prenantes qui sont parfois, mais pas encore systématiquement, réunis au sein d'un comité de pilotage départemental. Outre les services de la justice et les associations de victimes qui jouent un rôle central dans la mise en oeuvre du dispositif, les conseils départementaux en font partie et participent parfois au financement du dispositif 102 ( * ) .
Le dispositif du TGD est d'abord un instrument technique au service de la protection des personnes et de la mise en oeuvre des mesures décidées par les juges. Son déploiement rapide, qui repose sur les moyens mis en place par le ministère de la justice et l'appui fourni aux procureurs de la République pour l'exercice de cette mission, et qui fait l'objet d'une impulsion ministérielle notable, ne peut être qu'encouragé.
Votre commission a adopté l'article 8 sans modification .
Article 9 (supprimé)
Rapport sur la conception d'une application
destinée
aux personnes victimes de violences intrafamiliales
L'article 9, supprimé en commission à l'Assemblée nationale, sollicitait du Gouvernement la remise d'un rapport au Parlement destiné à explorer les perspectives de développement, de certification et de mise à disposition du grand public d'une application, librement téléchargeable, permettant à une personne victime de violences de signifier à l'autorité publique qu'elle se trouve en situation de grave danger.
Le rapporteur de l'Assemblée nationale a fait valoir que cette demande de rapport pouvait être perçue comme une tentative de substituer au téléphone grave danger une application à laquelle un nombre plus élevé de victimes aurait pu recourir, ce qui n'était pas l'objectif poursuivi.
La commission des lois de l'Assemblée a donc adopté un amendement de suppression présenté par son rapporteur afin que cette demande de rapport ne figure plus dans le chapitre IV de la proposition de loi, relatif au téléphone grave danger. La demande de rapport a été ensuite réintroduite, avec une rédaction remaniée, à l'article 10 A de la proposition de loi ( cf. infra ).
Votre commission a maintenu la suppression de l'article 9.
Article 10 A (supprimé)
Rapport sur la conception d'une
application destinée
aux personnes victimes de violences
intrafamiliales
Cet article additionnel, qui demande au Gouvernement la remise d'un rapport, a été inséré dans le texte par la commission des lois de l'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur.
Il se substitue à l'article 9 de la proposition de loi initiale que la commission des lois a choisi de supprimer et qui demandait également la remise d'un rapport ( cf. supra ).
Le rapport demandé porterait sur les perspectives de développement, de certification et de mise à disposition du grand public d'une application, librement téléchargeable, permettant à une personne victime de violences d'obtenir toutes les informations utiles quant aux démarches à effectuer, aux professionnels du droit et de la santé installés à proximité de son domicile et susceptibles de l'aider et aux associations et services prêts à l'accompagner dans ses démarches.
Cette application, qui pourrait être téléchargée sur un smartphone, permettrait ainsi d'aider la personne victime de violences à accéder facilement aux informations utiles.
Elle jouerait un rôle complémentaire de celui du 39 19, le numéro d'écoute destiné aux femmes victimes de violences (violences conjugales, sexuelles, psychologiques, harcèlement...), qui permet d'entrer en contact avec une plateforme d'écoute et d'orientation ouverte sept jours sur sept. Elle complèterait également les sites d'information publics ou gérés par des associations consultables en ligne 103 ( * ) .
Le rapport serait remis au Parlement dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi.
D'une manière générale, votre commission est peu encline à accepter les demandes de rapport, dont l'utilité lui paraît souvent limitée. Certains rapports peuvent néanmoins fournir un moyen d'attirer l'attention de l'exécutif sur une question nouvelle qui mériterait d'être explorée.
En l'espèce, cette demande de rapport paraît peu justifiée dans la mesure où une application , qui ressemble beaucoup à celle dont la création est demandée, a déjà été développée par l'association Résonantes, avec le soutien du ministère de la justice et du secrétariat d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Il s'agit de l'application « App-Elles », lancée en 2015 pour aider les femmes victimes. Cette application gratuite propose trois services : alerter un proche, joindre les services d'urgences et informer les victimes sur l'accompagnement dont elles peuvent bénéficier. Cette application a déjà été téléchargée des milliers de fois. Sans doute peut-elle être encore améliorée, mais sans qu'il soit nécessaire de prévoir au préalable la rédaction d'un rapport.
Pour ces raisons, à la suite de l'adoption de l' amendement COM-31 présenté par le rapporteur, votre commission a supprimé l'article 10 A.
Article 10 B (supprimé)
Rapport sur la prise en charge par les
juridictions
et les forces de l'ordre des violences faites aux femmes
Cet article additionnel, inséré dans le texte par la commission des lois de l'Assemblée nationale, est issu d'un amendement présenté par le député Erwan Balanant (Modem) et plusieurs de ses collègues, en dépit de l'avis défavorable du rapporteur.
Il prévoit que le Gouvernement remette, chaque année, au Parlement, un rapport relatif à la prise en charge des violences faites aux femmes par la police et la gendarmerie nationales, ainsi que par les juridictions civiles et pénales.
Ce rapport aurait notamment pour objet de dresser un bilan des dispositifs existants et de préconiser d'éventuelles réponses à apporter afin d'améliorer la prise en charge de ces violences et l'accompagnement des victimes.
D'une manière générale, votre commission est peu favorable aux demandes de rapport : parfois non remis, ou avec retard, ils n'ont souvent pas fait la preuve de leur utilité.
En l'occurrence, le Gouvernement serait invité à évaluer l'activité des services qu'il dirige. Cette forme « d'auto-évaluation » n'apparaît pas satisfaisante : au nom du principe de séparation des pouvoirs, il est préférable que ce soit le Parlement qui assume cette mission d'évaluation des politiques publiques. Chaque assemblée dispose, en particulier, d'une délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes qui peut mener à bien ce type de travaux de contrôle. La commission des lois pourrait également se saisir de ce dossier qui entre dans son champ de compétence.
Il existe en outre un Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes qui travaille régulièrement sur les violences faites aux femmes. En novembre 2018, celui-ci a ainsi publié un rapport d'évaluation de la politique menée contre les violences faites aux femmes.
Enfin, le Gouvernement peut à tout moment diligenter une mission d'inspection pour contrôler le fonctionnement d'un service.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission a adopté l' amendement COM-32 du rapporteur et, en conséquence, a supprimé l'article 10 B.
Article 10 (suppression maintenue)
Coordination et entrée en
vigueur
Sur proposition des membres du groupe La République en Marche, et avec l'avis favorable de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé l'article 10, devenu sans objet.
L'article 10 visait à renvoyer à une date fixée par décret, et au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la loi, l'entrée en vigueur du 1° de l'article 3, soit la disposition relative à l'utilisation du bracelet anti-rapprochement dans le cadre d'une condamnation à une peine de détention à domicile sous surveillance électronique.
Cette entrée en vigueur différée était justifiée par le fait que la peine de détention à domicile sous surveillance électronique n'entrerait en vigueur que le 24 mars 2020.
Dans la mesure où la nouvelle rédaction proposée pour l'article 3 prend déjà en compte cette entrée en vigueur différée, l'article 10 devient effectivement sans objet.
Votre commission a en conséquence maintenu la suppression de l'article 10.
Article 11 (suppression maintenue)
Gage financier
L'article 11 prévoyait que les charges pouvant résulter pour l'État de l'application du texte devaient été compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs.
Soutenant les objectifs de la proposition de loi, le Gouvernement a proposé à la commission de lever le gage en adoptant cet amendement de suppression, conformément à une pratique courante en matière de recevabilité financière.
Votre commission a maintenu la suppression de l'article 11.
Article 12 (nouveau)
(art. 804 du code de procédure pénale et
711-1 du code pénal)
Application outre-mer
Cet article additionnel a été inséré dans le texte par la commission des lois de l'Assemblée nationale, à la suite de l'adoption, avec l'avis favorable du rapporteur, d'un amendement présenté par les membres du groupe La République en Marche (LaREM).
Cet amendement vise à rendre applicables les dispositions civiles et pénales introduites par la proposition de loi dans les collectivités d'outre-mer régies par les articles 74 et 77 de la Constitution.
Les collectivités qui relèvent de l'article 74 de la Constitution - soit la Polynésie française, les îles Wallis-et-Futuna, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon - sont en principe soumises au principe de spécialité législative, selon lequel les lois et règlements n'y sont applicables que sur mention expresse. La Nouvelle-Calédonie est soumise à ce même principe de spécialité législative, mais sur le fondement de l'article 77 de la Constitution précisé par la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999.
Les statuts de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon prévoient toutefois que la plupart des lois et règlements y sont applicables de plein droit, par dérogation au principe de spécialité. Il n'y a donc pas lieu de prévoir, pour ces collectivités, une mention expresse pour que la proposition de loi leur soit applicable.
Le paragraphe I du présent article tend à rendre applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna les articles 1 et 2 de la proposition de loi, relatifs à l'ordonnance de protection.
Pour rendre applicables dans ces trois collectivités les modifications apportées au code de procédure pénale, le paragraphe II tend à actualiser le « compteur » qui figure à l'article 804 dudit code.
La technique du « compteur » consiste à indiquer qu'une disposition est applicable dans une collectivité régie par le principe de spécialité législative dans sa rédaction résultant d'une loi déterminée, ce qui permet de savoir si les modifications ultérieures de cette disposition ont été ou non étendues.
Le paragraphe III a enfin pour objet de mettre à jour le « compteur » figurant à l'article 711-1 du code pénal afin de rendre applicable dans ces trois collectivités les modifications apportées au code pénal par la proposition de loi.
La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale ne mentionne pas les articles 7 et suivants de la proposition de loi, relatifs au logement, dans la mesure où le logement fait partie des compétences transférées à la Polynésie, à la Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna dans le cadre de leur autonomie interne.
Votre commission a adopté à cet article un amendement de coordination COM-33 de votre rapporteur, afin que les articles additionnels 1 er bis et 2 bis , insérés par l'Assemblée nationale, soient applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.
Votre commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .
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Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
* 75 Antérieurement intitulé « De l'hébergement d'urgence ».
* 76 Nuitées en hôtel, séjours en centre d'hébergement et de réinsertion sociale, etc.
* 77 Voir le commentaire de l'article 2.
* 78 Ce qui pose une autre difficulté évoquée par les associations auditionnées : celle du relogement du conjoint violent.
* 79 Observatoire des violences conjugales, Fédération Nationale Solidarité Femmes, novembre 2018.
* 80 Les décisions d'ordonnance de protection prononcées en 2016, Bulletin d'information statistique n° 171 de septembre 2019.
* 81 Contre 1 % des défendeurs.
* 82 Selon l'observatoire de la FNSF cité supra , 82 % des femmes qui appellent le 3919 ont au moins un enfant et 53% déclarent avoir entre 2 et 3 enfants.
* 83 Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017, création d'un contingent de logements réservés dans les plans départementaux d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées.
* 84 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, désolidarisation du bail du locataire victime des violences.
* 85 Anciennement régie par les articles L. 313-3 et suivants du code de la construction et de l'habitation, l'APL est depuis le 1 er septembre 2019 définie par les articles L. 831-1 et suivants, à la suite de l'ordonnance n° 2019-770 du 17 juillet 2019 relative à la partie législative du livre VIII du code de la construction et de l'habitation.
* 86 « Interventions à caractère très social dans le domaine du logement, notamment sous la forme d'opérations relatives au logement ou à l'hébergement des personnes défavorisées et de dépenses d'accompagnement social » visées à l'article L. 313-3 du code de la construction et de l'habitation.
* 87 L'employeur soumis à l'obligation de participation doit consacrer au minimum une quote-part de 0,45 % de sa masse salariale en faveur du logement.
* 88 Caution accordée par Action Logement au locataire qui prend en charge le paiement du loyer et des charges locatives de la résidence principale, en cas de défaillance de paiement. Elle peut être obtenue par tous les jeunes de moins de 30 ans, quelle que soit leur situation au regard de l'emploi.
* 89 Assistance personnalisée par un conseiller, destinée aux salariés en difficulté dans leur parcours résidentiel qui permet d'accéder à des aides sous forme de subvention ou de prêt à taux 0 % ou 1 %.
* 90 Par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement.
* 91 Article 22 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
* 92 Article L. 442-8-1, alinéa 3, du code de la construction et de l'habitation.
* 93 Article L. 442-8-2, alinéa 4, du code de la construction et de l'habitation.
* 94 Article L. 442-8-1-1 du code de la construction et de l'habitation.
* 95 Introduit par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.
* 96 Loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination.
* 97 Ce motif de refus ne s'impose pas aux commissions d'attribution.
* 98 Article 80 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.
* 99 Article R. 441-5 du code de la construction et de l'habitation.
* 100 Compte rendu intégral de l'Assemblée nationale, deuxième séance du jeudi 10 octobre 2019.
* 101 Loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.
* 102 Les contributions financières s'effectuent par voie de fonds de concours.
* 103 Par exemple le site arretonslesviolences.gouv.fr ou stop-violences-femmes.gouv.fr.