EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
À la suite de la crise des « gilets jaunes » qui a secoué notre pays au cours de l'hiver et du printemps derniers, et du grand débat national qui l'a suivie, le Gouvernement reconnaît et affirme la nécessité pour l'État de s'appuyer sur les collectivités territoriales, leurs élus et tout particulièrement les maires , ces sentinelles de la République sur le territoire français.
Le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, ne peut que s'en féliciter.
Un grand projet de loi relatif à la décentralisation, à la différenciation territoriale et à la déconcentration de l'État est annoncé pour la fin du premier semestre 2020, sur lequel des consultations s'entament.
Pour l'heure, le Gouvernement présente devant le Parlement un projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique qui, selon les propres termes du Premier ministre, vise à faire disparaître « les irritants de la loi NOTRe 2 ( * ) » , c'est-à-dire d'apporter divers assouplissements aux règles excessivement rigides imposées par les dernières réformes territoriales, tout en consolidant les pouvoirs des communes et des maires et en apportant plusieurs améliorations attendues aux conditions d'exercice des mandats locaux.
Ces diverses mesures, souvent directement inspirées de propositions de loi ou de travaux d'information du Sénat , sont pour la plupart bienvenues .
Propositions du Sénat reprises en tout ou partie
Proposition de loi n° 466 (2017-2018) de MM. Philippe Bas, Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud relative à l'équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale, adoptée par le Sénat le 13 juin 2018 - Fin des recompositions périodiques de la carte intercommunale - Procédure de scission d'intercommunalités « XXL » - Extension des possibilités d'aides du département au bloc communal - Assouplissement des délégations de compétences entre collectivités territoriales - Assouplissement de la règle de la participation financière minimale du maître d'ouvrage - Amélioration des conditions d'exercice des mandats locaux Proposition de loi n° 291 (2016-2017) de MM. Bruno Retailleau, François Zocchetto, Philippe Bas et Mathieu Darnaud pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d'agglomération, adoptée par le Sénat le 23 février 2017 - Suppression du transfert obligatoire aux intercommunalités des compétences « eau » et « assainissement » (Le projet de loi prévoit un mécanisme différent de délégation aux communes.) Proposition de loi n° 85 (2018-2019) de MM. Jean-Pierre Sueur, Marc Daunis, Éric Kerrouche et Patrick Kanner visant à améliorer la représentativité des conseils communautaires et à mieux associer les conseillers municipaux au fonctionnement de l'intercommunalité - Création d'une conférence des maires dans toutes les intercommunalités - Amélioration de l'information des conseillers municipaux qui ne siègent pas à l'assemblée intercommunale (Les dispositions relatives à la composition du conseil communautaire n'ont pas été reprises par le Gouvernement.) Proposition de loi n° 285 (2018-2019) de M. Alain Marc tendant à renforcer les synergies entre les conseils municipaux et les conseils communautaires - Renouvellement des conseillers communautaires en cas d'élection d'un nouveau maire dans les communes de moins de 1 000 habitants Rapport d'information n° 642 (2017-2018), « Faciliter l'exercice des mandats locaux », six tomes, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 5 juillet 2018 - Quarante-trois recommandations sur le régime indemnitaire, le régime social, la formation et la reconversion des élus, leur responsabilité pénale et la déontologie qui leur est applicable Rapport d'information n° 642 (2017-2018) de M. Mathieu Darnaud, « Fortifier la démocratie de proximité : trente propositions pour nos communes », fait au nom de la commission des lois, déposé le 7 novembre 2018 - Trente recommandations sur les ressources financières des communes, l'allègement des normes, les conditions d'exercice des mandats locaux, le développement des communes nouvelles et la coopération intercommunale |
Néanmoins, ce projet de loi, s'il trace des pistes intéressantes et comporte même quelques véritables innovations juridiques, hésite à en tirer les conséquences et reste ainsi parfois au milieu du gué .
À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission s'est attachée à explorer les voies entr'ouvertes par le Gouvernement et à les enrichir , qu'il s'agisse du fonctionnement de la coopération intercommunale, des pouvoirs de police du maire, des conditions d'exercice des mandats locaux, ou encore des autres assouplissements et simplifications à apporter au droit de la décentralisation.
I. POUR UN RENOUVELLEMENT DE L'INTERCOMMUNALITÉ
Les dispositions relatives à la coopération intercommunale , regroupées au titre I er , constituent l'un des volets les plus importants et volumineux du projet de loi.
Alors que les dernières réformes territoriales ont, sur ce sujet, suscité beaucoup d'incompréhension et de difficultés pratiques sur le terrain , le projet de loi du Gouvernement, qui traite à la fois de la gouvernance, des compétences et du périmètre des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, tente d'apporter quelques remèdes à ces dysfonctionnements . Votre commission a sensiblement renforcé les mesures proposées , afin de consolider la place des communes et des maires dans le fonctionnement de l'intercommunalité et, surtout, d'assouplir la répartition des compétences entre les échelons communal et intercommunal. Car vos rapporteurs en sont convaincus : la coopération intercommunale est une chance et une force pour notre pays, à condition que ses formes soient adaptées aux besoins de chaque territoire et qu'elle n'éloigne pas inutilement du terrain la prise de décision .
A. LA GOUVERNANCE : RECONNAÎTRE LA PLACE CENTRALE DES MAIRES ET DES ÉLUS MUNICIPAUX
Les EPCI à fiscalité propre sont des structures de coopération entre communes. Ils exercent néanmoins un grand nombre de compétences communales, concourant à l'éloignement des centres de décision et au sentiment de dépossession auquel font face les maires et les autres élus municipaux.
Afin d'organiser la collaboration entre les communes et leur EPCI à fiscalité propre ainsi qu'une meilleure association des élus communaux, l'article 1 er encouragerait les EPCI à conclure un pacte de gouvernance avec leurs communes membres et à instituer une conférence des maires ( article 1 er ). Ces dispositions vont indéniablement dans le bon sens. Votre commission, renouvelant sa confiance dans l'intelligence territoriale, a apporté une souplesse supplémentaire pour permettre l'organisation des compétences au niveau le plus pertinent. Elle a ainsi permis aux EPCI, dans le cadre de ce pacte de gouvernance, de confier la création ou la gestion de certains équipements ou services relevant de ses attributions à une ou plusieurs de ses communes membres .
L' article 2 prévoit les modalités de renouvellement des conseillers communautaires des communes de moins de 1 000 habitants en cas de cessation des fonctions du maire , permettant au nouveau maire de siéger au sein de l'assemblée intercommunale s'il le souhaite. Cet article reprend une disposition votée par le Sénat au cours de la session précédente.
L' article 3 prévoit qu'en cas d'absence, un membre d'une commission intercommunale est remplacé par un conseiller municipal de sa commune, désigné par le maire.
L' article 4 vise à améliorer l'information des conseillers municipaux . Votre commission a souhaité aller plus loin en consacrant leur droit à l'information sur les affaires faisant l'objet d'une délibération au sein de leur établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.
* 2 Déclaration du Premier ministre au séminaire de travail avec le Gouvernement et des représentants de la majorité, 29 avril 2019.