B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : PRIVILÉGIER UNE ADOPTION RAPIDE DU TEXTE
1. Des réserves sur des points secondaires
Les réserves exprimées par votre commission portent sur les articles 1 er bis et 2, qui toutefois ne sont pas au coeur du dispositif.
L'article 1 er bis , contient, comme on l'a vu, des dispositions qui trouveraient mieux leur place dans la partie règlementaire du code de l'action sociale et des familles. De plus, elles sont en pratique déjà largement satisfaites : l'article D. 421-46 dudit code prévoit une formation des assistantes maternelles aux besoins fondamentaux de l'enfant, à sa sécurité psycho-affective et physique, ainsi qu'à l'accompagnement de l'enfant dans son développement, son épanouissement et son éveil, ce qui conduit à sensibiliser les professionnelles aux modalités d'exercice d'une éducation sans violence.
Cependant, votre commission estime que le fait de viser, de façon plus explicite, la prévention des VEO dans la loi ne soulève pas de difficulté sérieuse. Cette mesure peut s'analyser comme une précision rédactionnelle dans un code dont la partie législative n'est aujourd'hui pas dépourvue de dispositions de niveau règlementaire...
L'article 2 suscite également des réserves qui tiennent à la traditionnelle réticence du Sénat face aux demandes de rapport au Gouvernement.
Le dernier bilan annuel de l'application des lois au 31 mars 2019 réalisé par la présidente Valérie Létard 9 ( * ) a confirmé que la grande majorité de ces rapports n'étaient soit jamais remis, soit remis avec retard et souvent ne répondaient pas aux attentes des parlementaires qui les avaient demandés.
De plus, le Sénat considère que le Parlement a les moyens de s'informer directement sur les sujets qui l'intéressent, par exemple en créant une mission d'information qui recueillera les éléments pertinents.
Toutefois, le rapport demandé aborde des sujets qui ne sont pas sans intérêt dans la perspective d'une lutte efficace contre les VEO. Dans son rapport de février dernier, votre rapporteure avait déjà eu l'occasion de souligner qu'une mobilisation des pouvoirs publics était indispensable pour que le principe posé dans le code civil trouve une application concrète.
Dans le cadre du plan interministériel 2017-2019 de lutte contre les violences faites aux enfants, des initiatives ont été prises pour renforcer la prévention et la sensibilisation des parents. Un livret « Première naissance » est envoyé aux parents par les caisses d'allocations familiales au cinquième mois de grossesse et le carnet de santé a évolué pour intégrer une information sur l'éducation sans violence et le syndrome du bébé secoué. Votre rapporteure espère que le secrétaire d'État à la protection de l'enfance aura à coeur de prolonger cet effort au-delà de l'année 2019 dans le cadre du nouveau plan pour la protection de l'enfance actuellement en cours de préparation.
Il est essentiel de faire mieux connaître aux parents en difficulté les dispositifs existants, gérés par les caisses d'allocations familiales, et le cas échéant de compléter ces dispositifs : services de médiation familiale, espaces de rencontre, réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents (REAAP), lieux d'accueil enfants-parents (LAEP) pour les enfants jusqu'à six ans. Les parents peuvent également obtenir une écoute et des conseils en appelant le numéro national 119, géré par le groupement d'intérêt public « Enfance en danger » (Giped).
Votre rapporteure est consciente du fait qu'un travail de sensibilisation à long terme doit être mené : beaucoup de parents qui recourent couramment aux violences éducatives ordinaires, souvent parce qu'ils en ont subis eux-mêmes, estiment qu'elles ne posent pas de problème et ils ne se tourneront donc pas spontanément vers ces dispositifs ; d'autres hésiteront à demander de l'aide par peur du jugement d'autrui ou parce qu'ils considèrent que ces dispositifs ne s'adressent qu'à des familles en grande difficulté.
Dans ce contexte, la réalisation d'un rapport dressant un état des lieux des VEO et traçant des perspectives pour le développement des politiques publiques de soutien à la parentalité et de formation des professionnels pourrait fournir l'occasion d'une réflexion partagée entre les administrations concernées et favoriser des initiatives utiles.
Votre commission ne voit donc pas de raison impérieuse de s'opposer à cette demande de rapport, que le Gouvernement a par ailleurs acceptée.
2. Le choix d'un vote conforme
Les réserves qui viennent d'être présentées paraissent donc trop secondaires pour justifier de prolonger la navette sur un texte dont la disposition centrale, à l'article 1 er , a déjà été adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées.
Il importe aujourd'hui que le législateur prenne une position claire sur cette question depuis longtemps débattue. En janvier 2010, notre ancienne collègue députée et pédiatre Edwige Antier avait déjà déposé une proposition de loi visant à abolir les châtiments corporels infligés aux enfants, ce qui montre que la réflexion chez les parlementaires vient de loin.
L'adoption sans délai de la proposition de loi, qui s'inscrit dans la continuité des lois du 5 mars 2007 et du 14 mars 2016 relatives à la protection de l'enfance, permettra de promouvoir une meilleure prise en compte de l'intérêt de l'enfant et mettra la France en phase avec la majorité de ses partenaires européens.
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Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a adopté la proposition de loi n° 168 (2018-2019) relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires sans modification .
* 9 Cf. le rapport d'information n° 542 (2018-2019) de Mme Valérie Létard , présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle, déposé le 4 juin 2019.