C. DES INQUIÉTUDES ET DES PROTESTATIONS CONTRE LA RÉFORME DU GOUVERNEMENT QUI RESTENT VIVES DANS LES MILIEUX JUDICIAIRES ET DANS LES TERRITOIRES
Légèrement amendé en nouvelle lecture, notamment sur la question de l'extension de la représentation obligatoire, le texte résultant des travaux de l'Assemblée nationale, adopté en commission dès le 20 décembre 2018 puis en séance publique le 23 janvier 2019, a renforcé les oppositions et les inquiétudes dans les milieux judiciaires, au point qu'a été organisée le 15 janvier 2019 une manifestation regroupant avocats, magistrats et fonctionnaires de greffe, qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes à Paris.
Vos rapporteurs relèvent que des inquiétudes se sont aussi exprimées de façon vive et continue dans les territoires, de la part des élus locaux comme des barreaux, concernant la réforme de l'organisation judiciaire et son impact potentiel à terme sur la carte judiciaire.
Dès lors, il appartient au Sénat d'être à l'écoute des acteurs du monde judiciaire et de faire valoir, en nouvelle lecture, les positions à la fois équilibrées et réformatrices déjà affirmées en première lecture . En effet, alors que la justice a besoin de réformes justes, vos rapporteurs estiment qu' il n'est pas raisonnable d'ignorer la protestation unanime qui s'élève aujourd'hui à l'encontre de la réforme telle que la conçoit le Gouvernement .
Afin de contribuer au dialogue, votre commission a ainsi entendu en audition publique, le 30 janvier 2019, les représentants de la profession d'avocat ainsi que les représentants syndicaux des magistrats et des fonctionnaires de greffe, sous forme de table ronde. Au cours de cette audition, le texte du Sénat a été largement approuvé par rapport à celui de l'Assemblée nationale. Cette table ronde a été immédiatement suivie de l'audition de Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, laquelle a montré que le Gouvernement ne semblait pas envisager de modification des choix confirmés par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture 7 ( * ) .
Dans ces conditions, votre commission ne peut que souscrire à la proposition de son président, notre collègue Philippe Bas, de reporter l'examen parlementaire de la réforme de la justice, afin de permettre la tenue d'un nouveau dialogue entre le Gouvernement et les différents acteurs du monde judiciaire. Dans cette attente, elle ne peut que revenir, en nouvelle lecture, aux options retenues par le Sénat en première lecture, dans une logique d'écoute des professionnels de la justice.
Les enjeux de la réforme de la justice sont connus, mais le redressement des moyens de la justice doit être à la hauteur de ces enjeux, pour permettre en particulier de financer la transformation numérique, de combler les vacances de postes et de faire progresser les effectifs de magistrats et de fonctionnaires des services judiciaires et pénitentiaires, dont les conditions de travail sont souvent pénibles, ou encore de construire rapidement 15 000 places supplémentaires de prison. Le redressement des moyens doit s'accompagner de réformes profondes dans l'organisation et le fonctionnement de l'institution judiciaire, mais aussi dans l'évaluation de son efficacité. Pour autant, ces réformes ne peuvent ignorer les attentes des acteurs de la justice eux-mêmes, car elles ne sauraient réussir sans confiance et dialogue avec ceux qui seront chargés de les mettre en oeuvre.
* 7 Le compte rendu de ces auditions figure en annexe du présent rapport.