B. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE ET EN NOUVELLE LECTURE : UN RÉTABLISSEMENT DU TEXTE INITIAL, AVEC L'AJOUT DE PLUSIEURS DISPOSITIONS CONTESTABLES

Sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice comme sur le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions, sur le rapport de nos collègues députés Laëtitia Avia et Didier Paris, l'Assemblée nationale est revenue, pour l'essentiel, au texte initial du Gouvernement, tout en supprimant les apports du Sénat et en introduisant des mesures nouvelles suscitant de sérieuses interrogations . Ces modifications ont nourri un regain d'inquiétudes dans les milieux judiciaires , alors que le Sénat avait su les apaiser sur un certain nombre de sujets.

Ainsi, au titre des mesures nouvelles, l'Assemblée nationale a accepté la création d'un parquet national spécialisé anti-terroriste (PNAT), sur le modèle du parquet national financier (PNF), proposition du Gouvernement à laquelle le Sénat s'était opposé, estimant que le dispositif actuel de compétence nationale du parquet de Paris permettait de traiter les actes terroristes de façon efficace, en mutualisant les moyens, sous réserve de quelques améliorations. Elle a également accordé au Gouvernement une habilitation en vue de réformer par ordonnance la justice des mineurs, cette réforme importante et sensible, attendue de longue date, échappant dès lors au Parlement. Elle a aussi introduit des mesures relatives à la réforme des juridictions sociales, complétant celles déjà prévues par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle et par les ordonnances prises sur son fondement.

L'Assemblée nationale a amplifié la réforme des tutelles, au détriment de la protection des personnes vulnérables, souvent dans le but de rechercher des économies.

Prises dans leur ensemble, les mesures proposées sont substantielles : suppression du contrôle du juge sur de nombreux actes engageant les avoirs financiers de la personne protégée, sur les actes médicaux les plus graves ou sur les actes accomplis en matière patrimoniale, aggravant les risques d'abus de faiblesse, mais aussi report de la réévaluation de certaines mesures prononcées pour une durée indéterminée avant 2015 et habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance, dessaisissant le Parlement de ce sujet majeur.

Le droit de vote accordé par principe aux personnes en tutelle soulève également des doutes sérieux, alors que la législation actuelle permet une appréciation individuelle du juge des tutelles. De même, le renforcement de la subsidiarité des mesures de protection judiciaire ou de la représentation entre époux, par rapport au mandat de protection future, dispositif encore très peu connu des familles, revient à bouleverser complètement le système actuel.

En matière d'organisation judiciaire, l'Assemblée nationale a prévu la mutualisation, lorsqu'ils sont situés dans une même commune, des greffes des conseils de prud'hommes avec les greffes des nouvelles juridictions unifiées de première instance, renommées tribunaux judiciaires, par analogie avec les tribunaux administratifs. Elle a également prévu que la spécialisation de certains tribunaux pouvait être organisée à l'échelle de deux départements et pas seulement à l'intérieur d'un même département, rendant ainsi possibles des réorganisations plus vastes.

Réunies dès le 13 décembre 2018, deux jours après l'adoption des deux projets de loi par l'Assemblée nationale, les commissions mixtes paritaires se sont conclues par un échec , compte tenu des divergences importantes entre les deux assemblées, sans que le Gouvernement favorise les voies d'un compromis.

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