II. EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 4 juillet 2018, sous la présidence de M. Yvon Collin, vice-président, la commission a examiné le rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017.
M. Yvon Collin , président . - Nous allons examiner le rapport de notre rapporteur général sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017. À l'issue de sa présentation, nous nous prononcerons sur l'ensemble du projet de loi, aucun amendement n'étant proposé sur ce texte par notre rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Comme en 2012, la tâche qui nous est dévolue est atypique. Il nous faut, en effet, examiner un projet de loi de règlement portant à la fois sur la gestion de la précédente majorité et sur celle du Gouvernement actuel. L'exercice apparaît d'autant plus inhabituel que le contexte macroéconomique a fortement évolué en cours d'année, facilitant la tâche de la nouvelle majorité.
Après quatre années décevantes, l'activité économique a fortement accéléré en 2017. Le taux de croissance du PIB a ainsi atteint 2,2 % et même 2,3 % une fois corrigé des effets calendaires, soit un niveau inédit depuis 2007. Une telle accélération de l'activité n'avait pas été anticipée : cela provient du redémarrage de l'économie en Europe et dans le monde, ainsi que du « rattrapage » des effets de la crise.
Cette croissance est due à l'investissement des entreprises de 4,4 % mais aussi à la consommation des ménages, qui a progressé de 5,6 %, dans un contexte marqué par un fort rebond de la construction et des transactions immobilières.
Le commerce extérieur, qui avait fortement pesé sur la croissance française entre 2014 et 2016, contribue positivement à cette dernière en 2017, sous l'effet de la demande mondiale et de l'extinction de facteurs exceptionnels, comme les attentats qui avaient pesé sur le tourisme ou les mauvaises récoltes, lesquelles avaient grevé les exportations françaises en 2016.
L'économie française se situe ainsi dans une phase de « rattrapage », lui permettant de croître temporairement à un rythme supérieur à sa croissance potentielle, estimée à 1,3 %.
Une loi de règlement, c'est l'équivalent d'un garde-barrière qui regarde passer les trains sans pouvoir intervenir. La question qui nous intéresse est de savoir si ce rattrapage s'achève ou non. La Commission européenne et le Gouvernement estiment que le « potentiel de rebond » de l'économie française est pratiquement épuisé. Le FMI est en revanche plus optimiste. Comme je le dis régulièrement, les économistes ont été inventés pour que les météorologistes se sentent moins seuls.
La difficulté qui se pose actuellement tient aux résultats contradictoires donnés par les indicateurs macroéconomiques et les enquêtes de conjoncture.
Par définition, l'écart de production représente la différence entre le PIB effectif et le niveau d'activité « soutenable » sur longue période sans provoquer de tensions inflationnistes. Alors que l'économie est supposée avoir épuisé son « potentiel de rebond », les indicateurs macroéconomiques traditionnels de « surchauffe » (inflation, dynamique des salaires) demeurent pourtant atones. En France, l'indice d'inflation sous-jacente est ainsi loin de sa moyenne historique et ne s'est pas du tout redressé au cours de l'exercice 2017.
Pour cette raison, différents observateurs, de la Banque centrale européenne (BCE) à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ont récemment suggéré qu'il pourrait exister une « capacité de rebond » supplémentaire. À l'aide d'une méthode alternative permettant de réconcilier les estimations de l'écart de production avec les évolutions de l'inflation sous-jacente observées depuis la crise, l'OFCE suggère même que l'écart de production pourrait être inférieur d'environ 3 points de PIB à l'estimation gouvernementale.
Si les indicateurs macroéconomiques constituent un motif d'optimisme, les enquêtes de conjoncture suggèrent à l'inverse que l'économie française pourrait avoir déjà épuisé sa « capacité de rebond » à l'issue de l'exercice 2017. En effet, les enquêtes auprès des entreprises suggèrent une hausse significative des tensions sur l'appareil productif en France. L'économie française serait ainsi confrontée à des contraintes d'offre. Une récente étude de la direction générale du Trésor visant à estimer la position de l'économie française dans le cycle suggère que l'écart de production s'élèverait à environ un point de PIB potentiel, contre -0,6 point de PIB potentiel dans le scénario gouvernemental. Autrement dit, l'économie française serait déjà pratiquement en surchauffe.
Ces incertitudes sont préjudiciables dans la mesure où elles ont des conséquences potentiellement majeures sur les perspectives de croissance et d'emploi ainsi que sur le niveau du solde structurel.
Dans le scénario de l'OFCE, l'économie française pourrait continuer à croître à un rythme de 2 % tout au long du quinquennat, le chômage descendrait en-dessous du seuil de 8 % et le déficit structurel serait déjà pratiquement nul. À l'inverse, si l'on retient le scénario de la direction générale du Trésor, la croissance française reviendrait rapidement à un rythme proche de son potentiel, soit 1,3 % environ, tandis que le chômage aurait déjà atteint son point bas.
Si le débat sur la « vitesse d'atterrissage » de l'économie française n'est pas tranché, l'embellie conjoncturelle observée l'an passé aura en tout état de cause grandement facilité le redressement des comptes publics. Le déficit public nominal s'est ainsi établi à 2,6 % du PIB à l'issue de l'exercice 2017, soit une amélioration de 0,8 point de PIB par rapport à 2016. De ce fait, la France est enfin parvenue à sortir de la procédure pour déficit excessif. Si l'on ne peut que s'en féliciter, force est de constater que l'amélioration du solde nominal tient à l'embellie conjoncturelle, et non à un effort de maîtrise de la dépense.
L'embellie conjoncturelle sur les prélèvements obligatoires, qui tient non seulement au surcroît de croissance mais également à une élasticité de 1,4, soit 20 %, est ainsi estimée à 13,7 milliards par la Cour des comptes, soit 0,6 point de PIB.
Autrement dit, en l'absence de « bonnes nouvelles » en recettes, le déficit nominal n'aurait pas été ramené en-deçà du seuil de 3 % du PIB par la majorité actuelle. Paradoxalement, la réduction du déficit structurel de 0,3 point de PIB potentiel enregistrée l'an dernier est également liée à l'embellie conjoncturelle. En effet, le mode de calcul du solde structurel ne permet pas d'exclure l'incidence de l'évolution de l'élasticité des prélèvements obligatoires.
La totalité de la réduction du déficit structurel intervenue l'an dernier s'explique par cette « composante non discrétionnaire ». Si les prélèvements obligatoires n'étaient pas si bien rentrés, le déficit structurel se serait ainsi creusé de 0,1 point.
Cette contre-performance tient au relâchement de l'effort de maîtrise de la dépense. Même corrigé des mesures exceptionnelles - en particulier le remboursement de la taxe sur les dividendes de 3 % -, le taux d'évolution de la dépense publique est supérieur à la croissance potentielle de l'économie française. Concrètement, cela signifie que l'effort de maîtrise de la dépense effectué en 2017 est insuffisant pour freiner la progression de la part de la dépense publique dans le PIB à moyen terme. Une première depuis 2012 !
Les comparaisons avec les précédents exercices confirment ce diagnostic : la croissance de la dépense publique en volume est ainsi près de deux fois plus rapide en 2017 que sur la période 2010-2016. En année électorale, on ouvre les vannes de la dépense publique, notamment en faveur des salaires.
M. Bernard Lalande . - N'oubliez pas ce qui s'est passé en 2012 !
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Il y avait eu la crise de 2008...
La réduction du déficit n'a donc pas été suffisante pour amorcer le reflux de la dette publique. La France est ainsi le seul grand pays de la zone euro dont le ratio d'endettement a augmenté l'an dernier (+ 0,2 point), pour atteindre 96,8 % du PIB : c'est pour moi un élément majeur et très inquiétant. Chaque année, nous nous approchons inexorablement des 100 % du PIB. Tous les autres pays ont réduit leur endettement, mais pas la France, d'où un écart croissant avec les autres pays de la zone euro, et notamment l'Allemagne. Cette divergence est malheureusement amenée à se poursuivre, dans la mesure où le déficit public de la France (2,6 % du PIB) reste supérieur à celui du reste de la zone euro (0,4 % du PIB). À part en Espagne, cela fait longtemps que l'on ne parle plus du seuil de 3 % du PIB. Certains pays sont même en excédent primaire.
Alors que les taux d'intérêt restent pour le moment à des niveaux historiquement bas, ce qui est anesthésiant, la divergence des trajectoires d'endettement s'est déjà traduite pour la France par un surcroît de charge d'intérêt de 0,7 point de PIB par rapport à l'Allemagne. Si la France avait suivi la trajectoire de l'Allemagne, elle payerait chaque année à ses créanciers 14 milliards d'euros de moins qu'aujourd'hui : c'est deux fois le budget de la justice !
Venons-en maintenant à l'analyse par sous-secteur, en commençant par la sphère locale, que Matignon accuse de tous les maux.
En 2017, les administrations locales dégagent pour la deuxième année consécutive un excédent, de 0,8 milliard d'euros. Ce dernier s'est toutefois réduit de 2,2 milliards d'euros par rapport à 2016. Cette diminution ne traduit aucunement un relâchement de l'effort de maîtrise de la dépense des collectivités territoriales mais des recettes moins dynamiques, sous l'effet notamment de la baisse de la dotation globale de fonctionnement de 2,4 milliards d'euros. Ainsi, les recettes des administrations publiques locales progressent nettement moins rapidement, à 1,6 %, que celles des autres catégories d'administrations publiques, qui ont augmenté de 4 %. À l'inverse, les dépenses des administrations publiques locales ont évolué au même rythme que celle de l'ensemble des administrations publiques, soit 1,5 %.
La quasi-totalité de la croissance de la dépense locale s'explique par la reprise de l'investissement et la hausse des rémunérations, sous l'effet du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR) et de la revalorisation du point d'indice. La reprise de l'investissement de 6 % en valeur doit à cet égard être analysée comme un rattrapage, après d'importantes chutes ces dernières années.
Venons-en maintenant à la sphère sociale. Les administrations de sécurité sociale retrouvent en 2017 un solde positif de 5 milliards d'euros, en amélioration de 7,2 milliards d'euros par rapport à 2016. Comme pour l'État, cette amélioration tient avant tout au dynamisme des recettes. Certaines réformes structurelles ont par ailleurs permis de contenir la hausse des dépenses comme les mesures de redressement prévues par l'accord interprofessionnel de 2015 et les reports d'âge des précédentes réformes des retraites. Il est néanmoins urgent de procéder à des réformes de structures pour infléchir durablement la trajectoire des dépenses sociales. Nous y reviendrons la semaine prochaine à l'occasion du débat d'orientation sur les finances publiques.
Venons-en maintenant à l'État. Premier constat : le déficit de l'État a connu une amélioration en 2017, en comptabilité budgétaire et en comptabilité nationale - permettant à la France de sortir de la procédure pour déficit excessif. C'est une bonne nouvelle. Mais, l'analyse des chiffres oblige à formuler un deuxième constat nettement moins encourageant : cette amélioration apparente des comptes repose entièrement sur le dynamisme des recettes et sur une diminution des sommes versées par l'État à l'Union européenne et aux collectivités territoriales. Ainsi, le solde d'exécution des lois de finances ressort à -67,7 milliards d'euros en 2017 contre -69,1 milliards d'euros en 2016, soit une amélioration de 1,4 milliard d'euros. Mais la totalité de la réduction du déficit par rapport à l'exécution 2016 relève de facteurs exogènes à la gestion budgétaire du Gouvernement. Les recettes de l'État augmentent de 9 milliards d'euros, ce qui résulte de l'évolution spontanée des impôts, notamment la TVA et l'impôt sur les sociétés. La diminution des prélèvements sur recettes contribue également à améliorer le solde budgétaire de 5,3 milliards d'euros, dont 2,3 milliards au titre du prélèvement au bénéfice de l'Union européenne et 3 milliards pour le prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales.
Enfin, la création du compte de commerce « Soutien financier au commerce extérieur » à compter du 1 er janvier 2017, dans le cadre du transfert des opérations de garanties publiques de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) vers l'État, s'est accompagnée du reversement par la Coface du solde du compte de gestion des procédures d'aide au commerce extérieur pour un montant total de 3,9 milliards d'euros. Il s'agit d'un mouvement purement comptable qui ne traduit pas des mesures d'économies.
Aucun de ces éléments ne relève donc de mesures d'économies en dépenses. Au contraire, les crédits des ministères augmentent de 9 milliards d'euros, hors recapitalisation du secteur énergétique. C'est donc essentiellement le dynamisme des recettes de l'État qui a permis la réduction du déficit. Cette hausse provient des recettes fiscales, qui représentent la majeure part des recettes de l'État et qui ont augmenté de 11,5 milliards d'euros par rapport à l'exercice précédent. La croissance des recettes fiscales est avant tout liée à leur évolution spontanée, qui représente 14,2 milliards d'euros. En revanche, certaines mesures nouvelles ont contribué à faire baisser les recettes, avec notamment la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et diverses mesures de transfert et de périmètre.
Avant tout, la croissance du PIB a été importante ainsi que l'élasticité des recettes fiscales qui a atteint 1,8. En outre, il y a eu une erreur de comptabilisation de droits de mutation, qui minore les recettes fiscales de 1,5 milliard d'euros en 2017 dont le Gouvernement nous a informés le 15 mai 2018. Les départements bénéficieront par conséquent en 2018 de droits d'enregistrement supplémentaires qui ne leur ont pas été versés en 2017. Le tableau de ventilation des estimations de ces sommes par département sera publié en annexe à mon rapport.
Du côté des dépenses, au contraire, le dérapage est généralisé : la quasi-totalité des missions du budget général ont vu leurs crédits augmenter en 2017. Seules quatre missions connaissent une baisse de crédits par rapport à l'exercice précédent. À périmètre courant, les dépenses de personnel du budget général augmentent de 3,7 % tandis que les contributions au CAS « Pensions » progressent de 3,6 %. Du fait de l'élection, les vannes ont été ouvertes, sans compter l'effet base de 1,3 milliard d'euros, lié aux décisions prises lors des exercices précédents. Des mesures catégorielles ont été décidées, ainsi qu'une revalorisation générale du point d'indice.
Trois politiques publiques connaissent une hausse particulièrement marquée, supérieure à un milliard d'euros : « Enseignement scolaire », « Solidarité » et « Agriculture ». La hausse des crédits de ces missions porte sur des dépenses de personnel, notamment pour l'Éducation nationale, et des crédits d'intervention, en particulier des dépenses de guichet comme la prime d'activité ou l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
Au total, le constat est sans appel : les dépenses ne sont pas maîtrisées et l'amélioration du déficit de l'État repose entièrement sur le dynamisme des recettes et des mesures ponctuelles.
L'examen du projet de loi de règlement des comptes et d'approbation du budget n'est pas seulement l'occasion de faire le point sur la situation des finances publiques, en particulier de celle de l'État, mais doit aussi et surtout permettre au Parlement de vérifier que la loi de finances initiale a été respectée par l'exécutif et, le cas échéant, déterminer l'ampleur et le motif d'éventuels écarts entre les plafonds de dépenses votés et la réalité de l'exécution budgétaire.
Le déficit budgétaire de l'État s'établit à 67,7 milliards d'euros en 2017, soit une diminution de 1,6 milliard d'euros. Si cet écart peut paraître relativement modéré, il recouvre en réalité des variations de grande ampleur, en recettes comme en dépenses. Les dépenses de l'État ont largement dérapé : 4,2 milliards d'euros de dépassements en crédits de paiement. Cette hausse résulte de sous budgétisations manifestes, identifiées par notre commission des finances dès l'automne 2016 et confirmées par la Cour des comptes à l'été 2017. Ainsi, la recapitalisation d'Areva a nécessité l'ouverture de 1,5 milliard d'euros dans le décret d'avance de juillet, des apurements communautaires ont été refusés pour 721 millions d'euros, des dispositifs sociaux et de gestion de crise sanitaire ont été mis en place par le ministère de l'agriculture pour 250 millions d'euros. Nous avons aussi assisté à des dérapages sur les dépenses de guichet : prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés pour 840 millions d'euros. Les surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieurs des armées françaises ont dépassé 1,1 milliard d'euros.
Le Gouvernement issu des élections de juin 2017 a été obligé de procéder à une véritable « rebudgétisation » et il a préféré un décret d'avance à un projet de loi de finances rectificative. Des redéploiements importants ont été effectués à hauteur de 7,9 milliards d'euros, contre une moyenne annuelle de 4,6 milliards d'euros. Les décrets d'avance pris en 2017 ont ainsi été d'une ampleur inédite.
En revanche, les mesures d'économies sont restées limitées : le Gouvernement a choisi de ne pas remettre en cause la forte progression des crédits prévue en loi de finances initiale pour 2017. Un décret d'annulation a été pris en juillet mais d'un montant assez faible.
Le Gouvernement indique également avoir procédé à des mesures de ralentissement de la dépense, pour un montant total de 1,2 milliard d'euros. Il avait pourtant refusé de transmettre au Parlement une évolution tendancielle des dépenses de l'État lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques. La loi de règlement 2017 est donc l'occasion d'un discret revirement de jurisprudence du Gouvernement sur ce point, sans quoi il ne pourrait pas afficher plusieurs milliards d'économies mais seulement 300 millions d'euros.
Pour conclure, le budget exécuté en 2017 a différé très significativement de la loi de finances initiale pour 2017, confirmant l'analyse de la commission des finances à l'automne 2016 selon laquelle le texte présentait des éléments d'insincérité et des biais de construction très importants. Le Gouvernement issu des élections de juin 2017 n'a pas voulu remettre en cause l'essentiel des choix budgétaires du précédent Gouvernement et il a profité de la bonne conjoncture pour faire passer le déficit public sous la barre des 3 % du PIB. Les reports de crédits ont été fortement réduits. La dette de l'État envers Pôle emploi a enfin été remboursée. Les charges à payer ont également diminué de 646 millions d'euros.
Si les restes à payer ont continué de croître, la hausse est cependant concentrée sur un petit nombre de missions, au premier rang desquelles la mission « Défense », en raison du lancement de deux grands programmes d'armement dans le milieu naval et terrestre. Au total, les reports de charges apparaissent donc contenus par rapport aux exercices précédents.
La loi de règlement est une photographie, certes sincère, mais d'un exercice budgétaire bancal, résultat de l'action de deux gouvernements successifs. Les craintes d'insincérité formulées à l'encontre du projet de loi de finances initiale et les critiques sur l'absence de maîtrise des dépenses se sont notamment concrétisées au cours de l'année 2017.
Le nouveau Gouvernement a certes pris des mesures à l'été mais il a surtout bénéficié d'un contexte économique favorable, lui permettant d'enregistrer de très bonnes nouvelles en recettes et ainsi d'obtenir des résultats plus satisfaisants que par le passé, sans réaliser de véritables réformes de structure.
Avec la révision constitutionnelle, certains disent que le Parlement devrait passer moins de temps à examiner la loi de finances et plus de temps sur l'évaluation et le contrôle. Un contrôle approfondi permettrait d'examiner plus d'éléments qu'une simple loi de règlement qui est un exercice particulier, puisqu'il n'est pas vraiment possible de l'amender. Nous en discuterons en séance. Je constate la photographie, ce qui ne signifie pas que nous approuvions la politique menée, notamment en matière d'économies attendues. Le plan « Action publique 2022 » est encore une fois reporté. Notre collègue Christine Lavarde a récemment posé une question d'actualité au Gouvernement qui montre sa déception d'avoir participé à un exercice qui ne débouche pas. Les arbitrages, s'ils ont eu lieu, n'ont pas été rendus publics. Alors que l'économie mondiale ralentit, les mesures d'économies ne pourront être une nouvelle fois repoussées. Je ne suis pas certain que 2019 connaisse la même embellie que 2017. Les chiffres décevants de la croissance en ce début d'année démontrent que nous avons peut-être déjà mangé notre pain blanc.
J'approuverai donc cette loi de règlement, même s'il s'agit d'un exercice un peu frustrant dans la mesure où nous ne pouvons pas totalement jouer notre rôle de parlementaires.
M. Vincent Delahaye . - Je suis toujours gêné par les soldes en comptabilité nationale et en comptabilité budgétaire : vous présentez une répartition entre sécurité sociale, administrations locales et administrations centrales en comptabilité nationale, c'est-à-dire en comptabilité d'engagement, tandis qu'ensuite, le solde pour l'État de 67,7 milliards est en comptabilité budgétaire, c'est-à-dire en comptabilité de caisse. J'aurais d'ores et déjà aimé disposer du rapprochement entre ces deux comptabilités qui figurera sans doute dans le rapport à venir.
L'exercice est compliqué, cette année encore, puisque cette loi de règlement est à cheval sur deux gouvernements. Je regrette que le projet de loi constitutionnelle n'avance pas sur les sujets de procédure et de calendrier budgétaires. L'État devrait clore ses comptes plus tôt pour nous permettre de mieux les examiner. Il faudrait gagner deux mois d'ici la fin du quinquennat afin de pouvoir mener un vrai travail de contrôle et d'évaluation. La mission dont les crédits diminuent le plus est la mission « Action extérieure de l'État » dont je suis le rapporteur spécial.
Je ne partage pas les objectifs de maîtrise de la dépense publique du Gouvernement : il faut les réduire si l'on veut sortir des déficits publics sans fin. J'utiliserai mon droit de parole pour dire, en séance, quelles sont mes interrogations et mes attentes.
M. Yvon Collin , président . - Profitez-en : vous devriez encore avoir droit à la parole...
M. Vincent Delahaye . - Cette loi de règlement démontre que la première moitié de l'année a été marquée par des dépenses à caractère électoraliste. Ensuite, le nouveau Gouvernement a fait des efforts de sincérité, si ce n'est d'économies. Mon groupe s'abstiendra sur ce projet de loi.
M. Philippe Dallier . - Merci au photographe Albéric de Montgolfier, qui nous a donné une belle image de cette loi de règlement. Nos craintes de l'automne 2016 étaient fondées : je ne m'en réjouis pas. L'amélioration du solde ne tient qu'à l'embellie des recettes. L'examen de cette loi de règlement devrait mettre un terme aux disputes entre l'ancienne et la nouvelle majorité, qui s'attribuaient les mérites respectifs de la baisse du déficit.
Ce résultat démontre une nouvelle fois qu'une hirondelle ne fait pas le printemps. En fin d'année, tout le monde a cru que la situation s'améliorait durablement ; les promesses se sont multipliées mais, aujourd'hui, le Gouvernement a de grandes difficultés à boucler le projet de loi de finances pour 2019. La politique du logement et les contrats aidés vont une fois de plus contribuer aux futures économies avec la baisse des aides personnelles au logement à hauteur de 1,3 milliard d'euros et la prise en compte des revenus contemporains des allocataires, solution que la Cour des comptes avait déconseillée à cause de sa complexité et du risque de déstabilisation des allocataires. Le Gouvernement ne dit rien du financement des promesses électorales qu'il a faites : suppression complète de la taxe d'habitation, instauration d'un « service militaire », défiscalisation des heures supplémentaires... Enfin, on ne sait toujours pas comment le Gouvernement entend respecter la trajectoire qu'il s'est fixée alors même qu'il va encore la modifier puisque la suppression de la taxe d'habitation ne sera pas compensée par des économies, comme l'avait récemment assuré M. Gérald Darmanin. Le déficit va encore se creuser. Nous sommes dans un brouillard assez incroyable. Conséquence : la dette continue de progresser, la France décroche de l'Allemagne. Espérons que les taux d'intérêt ne vont pas augmenter, sinon je ne sais pas comment nous finirons ce quinquennat.
Je voterai néanmoins cette photographie, une fois les commentaires politiques énoncés.
M. Michel Canévet . - Je comprends les inquiétudes de notre rapporteur général, mais la situation n'est pas si mauvaise que cela : l'audit réalisé en cours d'année a révélé des sous-budgétisations évidentes, mais l'exercice budgétaire s'est finalement révélé meilleur qu'attendu. Il a fallu rembourser la taxe sur les dividendes, heureusement compensée par la surtaxe de l'impôt sur les sociétés. Certes, les dépenses de l'État n'ont pas baissé, mais n'oublions pas les sous-budgétisations initiales.
La balance commerciale s'est dégradée, passant de 53 milliards d'euros en 2016 à 60 milliards d'euros en 2017. Comment expliquer cette détérioration ?
M. Pascal Savoldelli . - Nous nous abstiendrons sur ce projet de loi de règlement, qui est dans le droit fil du projet de loi de finances et des traités européens. Vous estimez qu'il faut réduire les dépenses publiques, mais vous ne parlez jamais du niveau des recettes. N'oublions pas non plus que les décisions prises une année ont des conséquences l'année suivante sur les politiques menées par les collectivités. Un tiers des jeunes qui entrent sur le marché du travail restent en emploi temporaire pendant dix ans ! Nous ne pouvons nous glorifier du quotidien de nos concitoyens.
L'État consacre 3 % de son PIB à l'investissement public : c'est peu. En outre, les grands groupes ont réduit leurs investissements de 15 % tandis que les dividendes ont augmenté de 22,5 %. N'est-ce pas préoccupant ? Notre pays est fragilisé au niveau européen et mondial. En séance, nous interviendrons sur les éléments qui ressortent de l'endogène et de l'exogène. Les exonérations et dégrèvements fiscaux se montent en France à 112,5 milliards d'euros, sans même parler de la suppression de la taxe d'habitation : ne devrait-on pas s'interroger sur le bien-fondé de telles mesures ?
M. Vincent Capo-Canellas . - Du côté des dépenses, quelles sont les responsabilités respectives de l'ancien et du nouveau gouvernement ? L'année 2017 aurait pu très mal se terminer si l'embellie de la conjoncture n'avait pas été au rendez-vous.
Le plus dur est sans doute devant nous : les dépenses devront être réduites, mais dès que l'on propose une mesure d'économie, ses effets négatifs sont pointés du doigt. Le mur de la dette est là et les taux d'intérêt peuvent augmenter. Je ne parle même pas de la situation internationale, pour le moins compliquée.
L'effort de sincérité sur les dépenses a-t-il eu un effet sur leur montant ?
M. Jean-Claude Requier . - Le déficit budgétaire est considérable, même s'il est inférieur à celui de 2016. J'avais proposé que l'on affiche sur la façade de Bercy le montant du déficit, comme une sorte de Téléthon à rebours.
La réduction des dépenses sera difficile, car si nous sommes d'accord sur le diagnostic, personne ne souhaite être touché par des mesures d'économies.
Mon groupe n'a pas encore arrêté sa position sur ce projet de loi de règlement.
M. Bernard Lalande . - La France alimente sa croissance grâce à la dette. À la fin des « Trente Glorieuses », sa dette s'élevait à 12 % du PIB. En 2000, nous en étions à 60 % du PIB et en 2010 à 80 % du PIB. Aujourd'hui, nous avons atteint 97 % du PIB. La charge de la dette se monte à 41 milliards d'euros, soit plus que le budget de la défense. Les commentaires sont souvent conjoncturels, mais les causes structurelles.
La production industrielle dans notre pays est moitié moindre de ce qu'elle devrait être. L'économiste Claude Sicard a démontré la corrélation entre la production industrielle et le PIB : la France a un revenu lié à l'industrie de 4 500 dollars par habitant tandis qu'il se monte à 7 500 dollars en Allemagne et à 8 100 dollars en Suède. En diminuant la dépense publique, on risque de réduire les investissements et le pouvoir d'achat, d'où des recettes moindres. Nous devons donc régler le problème de la production industrielle dont nous avons favorisé l'externalisation. Notre industrie repose sur une centaine de groupes, alors que nous avons une multitude de PME. Une véritable politique industrielle, reste donc à inventer, qui ne s'adresse plus seulement aux grands groupes.
Nous nous abstiendrons sur ce projet de loi, car si nous avons commencé l'exécution de la loi de finances, nous ne l'avons pas terminée.
M. Marc Laménie . - Les dépenses ne sont pas maîtrisées. Quelle sera l'évolution de la charge de la dette ?
Mme Fabienne Keller . - Malgré une année de transition, les projets en matière de transport ont été gelés. Une nouvelle fois, la ligne consacrée au fret ferroviaire a été touchée par des coupes sombres : 61 millions d'euros alors que 226 millions d'euros étaient initialement prévus. Ne nous étonnons pas que le fret peine à convaincre.
Les dépenses des ministères ont continué à progresser : quelles sont les responsabilités respectives des présidences de François Hollande et Emmanuel Macron ? Alors que l'État impose aux grandes collectivités territoriales de ne pas augmenter leurs budgets de plus de 1,2 %, ses dépenses progressent deux fois plus vite. Je m'inquiète pour 2019 des annonces faites en faveur de l'armée et de l'éducation nationale.
M. Jérôme Bascher . - Puisque les dépenses augmentent en année électorale, revenons au septennat !
La croissance des dépenses publiques s'est élevée à 1,5 % en 2017, contre 0,8 % les années précédentes. Si l'on s'était borné à 0,8 % de dépenses supplémentaires, plus de 0,2 point de PIB aurait été économisé et la dépense structurelle aurait donc réellement diminué. Ces alternances sont un vrai problème puisque tous les cinq ans, les dépenses s'envolent.
Le montant du décret d'avance de l'année dernière était considérable, même s'il avait pour vocation de remettre les crédits « en base », c'est-à-dire de « sincériser » le budget. Le mois de juillet 2017 a été consacré à des lois secondaires alors qu'il aurait fallu discuter des orientations budgétaires, une fois le rapport de la Cour des comptes rendu.
Nous devrions disposer des chiffres budgétaires plus tôt, d'autant que la France les transmet à Bruxelles début avril. Il n'y a donc pas de raisons que nous n'en disposions pas plus rapidement.
Le programme de stabilité, le débat d'orientation budgétaire et le projet de loi de finances présentent des chiffres à chaque fois différents. Pourrions-nous simplifier ces débats ?
M. Darmanin nous a dit hier soir qu'il quittait l'hémicycle pour boucler le budget 2019. Comment présenter les perspectives financières et budgétaires pour les années à venir quand on n'a pas arrêté la première année de l'exercice ?
Enfin, les contrats de plan État-région (CPER) sont mal exécutés : les régions ne seront-elles pas les « dindons de la farce », alors que l'État cherche à faire des économies ?
M. Didier Rambaud . - Je relève beaucoup de contradictions dans les propos. Vincent Delahaye réclame une diminution des dépenses publiques ; Philippe Dallier s'interroge sur la suppression de la taxe d'habitation ; la semaine dernière, M. Migaud a estimé que l'État ne réduisait pas assez son train de vie. Mais quelles dépenses publiques veut-on baisser ? Le Comité olympique, ce matin encore, nous demandait 400 millions d'euros supplémentaires.
M. Vincent Delahaye . - C'est non.
M. Didier Rambaud . - Et puis, il y a le problème des anciens combattants, des retraites agricoles, du fret dont a parlé Fabienne Keller... Alors, dans quelles dépenses publiques doit-on tailler ?
M. Philippe Dominati . - Vous parlez de croissance inattendue et de recettes inespérées, mais comment se situons-nous au sein de l'Europe ? La croissance de dix-neuf pays européens a dépassé 3 %. Avons-nous sous-performé par rapport à nos voisins ?
La dynamique des recettes, c'est une autre façon de parler du montant des prélèvements obligatoires, toujours plus important en France qu'en Europe : c'est un frein à notre économie.
Dans la mission « Sécurité » dont j'ai la charge, le titre 2, c'est-à-dire les frais de personnel, a augmenté en dix ans de 30 %, alors que le fonctionnement et l'investissement ont diminué de 5 %. Une commission d'enquête constituée au Sénat vient de rendre ses conclusions sur l'état des forces de sécurité. J'ai le sentiment que chaque création de poste se fait au détriment de l'investissement, d'où le délabrement progressif de l'appareil de l'État.
Le dérapage des trois missions que vous avez citées ne semble pas lié à la conjoncture : pouvez-vous nous en expliquer les raisons ?
Mme Christine Lavarde . - L'Assemblée nationale a lancé à grand renfort de communication le « printemps de l'évaluation », comme si le Parlement n'avait jamais rien fait. En outre, nous disposons déjà de multiples études, dont celles de la Cour des comptes. Il manque surtout aux parlementaires le temps de s'approprier ces documents. Partagez-vous ce constat ou bien notre commission va-t-elle créer un nouvel organe pour questionner la dépense publique ?
M. Emmanuel Capus . - La loi de règlement traite d'une année de transition : étant de nature optimiste, je juge le verre à moitié plein, surtout que nous sommes sortis de la procédure pour déficit excessif. Nous devrons néanmoins faire des efforts structurels : qu'en est-il d'« Action publique 2022 » ? Les réformes tardent à être annoncées.
M. Philippe Dallier . - Et quand c'est flou...
M. Emmanuel Capus . - Didier Rambaud a raison : quelles dépenses publiques sommes-nous prêts à sacrifier ? La suppression des 300 000 emplois aidés va dans le bon sens, mais certains de mes collègues ne le pensent pas. Beaucoup d'entre nous estiment que nous sommes à l'os.
M. Jean-Marc Gabouty . - L'appareil administratif français est très loin d'être à l'os. J'affirme ainsi qu'il y a trop de personnels à l'hôpital, pas dans le personnel soignant qui souffre de sous-effectifs. En revanche, le personnel administratif hospitalier est en sureffectif.
Dans toutes les grandes collectivités territoriales, il y a également trop de personnels. On a ainsi créé des technostructures totalement inutiles pour gérer les transports scolaires dans les régions.
Et parallèlement, certains services de l'État continuent à faire de la mécanique, de l'imprimerie dans des conditions de productivité d'un autre temps.
La France disposait de trois agences au début des années 2000 ; aujourd'hui, nous en sommes à 64 ! En a-t-on vraiment besoin ?
Il existe des sources d'économies ! On peut supprimer aussi les conseils économiques sociaux et environnementaux, ils ne servent à rien, ceux qui y siègent le disent une fois leur mandat achevé. Je l'ai dit moi-même devant mon CESE, je suis ressorti vivant ! La France avait cru pouvoir vivre sur le tourisme et le secteur tertiaire, elle a laissé la production industrielle décliner depuis quinze ans...
M. Vincent Capo-Canellas . - Concernant l'expertise et l'évaluation par le Parlement, je vous indique que le Bureau du Sénat, la semaine dernière, a adopté la proposition que nous faisions, avec le président Gérard Larcher : 1 million d'euros de crédits seront consacrés à ce poste l'an prochain, si le budget de l'exercice est adopté. Nous pourrons ainsi solliciter d'autres instances que celles de l'État, France Stratégie ou la Cour des comptes vis-à-vis de laquelle notre droit de tirage est limité, et nous adresser à des structures extérieures, indépendantes. L'usage de ces crédits est à étudier avec les présidents de commission.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Sur la différence entre comptabilité budgétaire et comptabilité nationale, je vous renvoie effectivement à mon rapport, qui l'explique bien...
Je partage les propos de Vincent Delahaye. Il est certain qu'examiner la loi de règlement seulement en juillet n'est pas raisonnable, nous travaillons en flux tendu. Il faudrait que l'État clôture ses comptes beaucoup plus tôt, afin que nous puissions faire un vrai travail d'évaluation. Le printemps de l'évaluation a été une opération de communication assez artificielle : lors de son audition, le ministre n'a pas dit où des économies réelles pouvaient être réalisées.
Philippe Dallier a anticipé sur le débat d'orientation des finances publiques : venez la semaine prochaine pour en savoir plus ! Le ministre fait encore des arbitrages budgétaires alors que le document a déjà été présenté, c'est effectivement un peu curieux...
Michel Canévet a posé des questions sur le commerce extérieur. Parmi les facteurs à citer, il y a le rebond de la demande internationale, les résultats du tourisme, meilleurs en 2017 qu'en 2016, au lendemain des attentats ; il y a aussi l'agriculture.
Je partage les propos de Pascal Savoldelli sur les remboursements et dégrèvements.
Concernant la part de la hausse des crédits ministériels expliquée par les sous-budgétisations de la loi de finances initiale évoquée par Vincent Capo-Canellas, vous trouverez des développements dans le rapport. Jean-Claude Requier, je ne suis pas certain que Bercy ait envie d'afficher sur sa façade les chiffres des déficits, mais nous pouvons le proposer...
Christine Lavarde, sur « Action publique 2022 » et sur l'évaluation, le calendrier a été modifié, et la réunion à Matignon ce matin ne m'a pas rassuré. Le Gouvernement avait pareillement affirmé que la réforme de la taxe d'habitation serait financée par des économies, maintenant il n'en est plus question. Ce sera encore un financement par le déficit...
Le Gouvernement a envisagé une hausse des taux d'intérêt jusqu'à 3,8 % en 2022, qui porterait la charge de la dette de 34 milliards d'euros aujourd'hui à 49 milliards d'euros.
Je partage aussi les propos de Fabienne Keller sur les transports et les efforts demandés aux collectivités locales.
Il est certain que les CPER ne comportent plus guère d'investissements, et que la hausse concerne les dépenses de fonctionnement, la masse salariale, les dépenses de guichet, mais nullement les infrastructures de transport.
Sur quels postes faire porter les économies ? Il est temps d'entrer dans le dur ! Et de nous pencher sur les missions partagées entre l'État et les collectivités locales, comme dans le secteur du tourisme - avec un ministère, des directions régionales, des offices de tourisme, les collectivités territoriales... L'État, de même, a-t-il encore besoin de gérer un réseau routier national ? Et l'on pourrait multiplier les exemples. La prestation de compensation du handicap et l'allocation aux adultes handicapés s'adressent au même public, et impliquent des gestions en doublon.
Finalement, la France est-elle mieux administrée qu'il y a dix ans ? On en doute. La loi n° 2004-809 du 3 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a maintenu des services centraux, avec des agents en surnombre, des corps de contrôle, des agences publiques... Tout récemment encore, nous avons évité de justesse la création d'une commission chargée de la publication des sanctions administratives dans le projet de loi de lutte contre la fraude fiscale : il aurait fallu désigner un président, former un secrétariat, choisir des bureaux ; tout cela a un coût.
Sur l'évaluation, les députés ont envisagé un organisme indépendant, dans lequel ils semblent vouloir associer le Sénat, sans nous avoir demandé notre avis du reste. Mais attention, tout organisme interne ou externe nouveau ne servira à rien si nous dépendons du ministère pour obtenir les données lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018. Nous avons vu évoluer d'heure en heure les chiffres relatifs au réhaussement à 10 % du taux de TVA applicable au logement social. Les montants variaient considérablement... Quant aux études d'impact, quelle valeur ont-elles ? Aucune... Le Parlement doit pouvoir faire par lui-même de vraies études qui éclairent ses votes.
Avant fin juillet, il faudra que nous discutions de la révision constitutionnelle, pour les aspects qui intéressent directement notre commission. La réduction du délai d'examen du projet de budget a de quoi inquiéter, nous ne pourrions plus avoir que quelques jours...
M. Jérôme Bascher . - C'est trop !
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'article 40 doit-il être supprimé ? Doit-il être invoqué par le seul Gouvernement ? Ne faut-il pas revoir certains points de la LOLF et le périmètre des missions ? Nous ne sommes pas forcément tous d'accord sur cette réforme constitutionnelle, mais nous le sommes sur ce qui ne fonctionne pas, comme les collectifs budgétaires où nous travaillons sans avoir le texte en temps utile pour l'examiner.
Allez-vous voter, pour certains d'entre vous, le projet de loi de règlement ce matin ? Je vais le faire, par crainte que vous vous absteniez tous, nous aurons le débat en séance publique.
Mme Fabienne Keller . - Le groupe d'études énergie du Sénat a reçu ce matin le président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour une présentation des perspectives en matière énergétique. La contribution au service public de l'énergie (CSPE), pour le financement des énergies renouvelables, est un sujet majeur, sur lequel la Cour des comptes a fait un très beau travail. Il serait intéressant pour nos collègues d'entendre cette présentation, surtout quand le poids de l'énergie dans les budgets des ménages augmente continuellement.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - C'est un vrai sujet, il faudra en parler avec notre collègue Jean-François Husson.
Mme Fabienne Keller . - Nous pourrons aussi aborder le coût des réseaux, les difficultés financières d'EDF, etc.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi de règlement et d'approbation des comptes de l'année 2017.