B. LES ANCIENS D'ALGÉRIE 62-64 NE BÉNÉFICIENT PAS DE CETTE RECONNAISSANCE
1. La carte du combattant a été étendue aux conflits sans que cela pose question
a) Une reconnaissance attribuée sans débat aux soldats ayant participé aux conflits dans lesquels la France a été engagée
La volonté de la Nation d'exprimer sa reconnaissance de manière symbolique mais également financière aux anciens combattants s'est manifestée avec la loi de finances pour 1927 4 ( * ) , qui a créé la carte du combattant.
Étaient initialement concernés les militaires ayant participé au premier conflit mondial, mais également à la guerre de 1870 ainsi qu'aux conflits coloniaux comme la guerre du Rif 5 ( * ) (1925-1926).
Le bénéfice de la carte du combattant a ensuite été étendu aux militaires ayant servi dans les conflits auxquels la France a participé. Un décret du 29 janvier 1948 6 ( * ) a ainsi prévu l'attribution de cette carte aux militaires ayant servi au cours de la seconde guerre mondiale, mais aussi aux résistants. Pour les guerres de Corée et d'Indochine, l'extension de la carte du combattant a été prévue dès la loi du 18 juillet 1952 7 ( * ) , soit avant même la fin de ces conflits.
b) L'extension de la qualité de combattant aux vétérans des Opex
Si ces conflits correspondent à la définition classique de la guerre et en ont l'appellation, la qualité de combattant a également été reconnue aux militaires ayant participé à des opérations extérieures (Opex) par la loi du 4 janvier 1993.
Les opérations concernées et les périodes prises en compte sont précisés par un arrêté pris le 12 janvier 1994 8 ( * ) et régulièrement mis à jour. On peut noter que la dernière modification de cet arrêté, intervenue le 1 er avril 2015 9 ( * ) a fixé par avance les limites temporelles d'opérations non encore terminées. C'est par exemple le cas pour l'Afghanistan, la date fixée étant le 2 octobre 2015, ou encore l'opération Atalante au large de la Corne de l'Afrique, pour laquelle la borne retenue est le 7 décembre 2015.
2. Le rapport complexe de la Nation à la guerre d'Algérie a rendu difficile l'expression de la reconnaissance envers ceux qui y ont participé
a) Une réticence à reconnaître la nature des évènements d'Algérie
Si l'attribution de la carte du combattant aux militaires ayant servi lors des conflits mondiaux, des guerres de Corée et d'Indochine ou en Opex a été décidée relativement rapidement et sans faire débat, les choses ont été plus difficiles pour la guerre d'Algérie. L'ambiguïté qui entourait les opérations désignées comme des opérations de « maintien de l'ordre » en Afrique du Nord a en effet longtemps fait obstacle à ce que les personnes qui y ont participé se voient accorder la qualité de combattant.
Une loi de 1955 10 ( * ) a permis d'étendre une partie des avantages conférés aux anciens combattants, notamment en matière de pensions d'invalidité, aux militaires « participant au maintien de l'ordre », sans que leur soit reconnue la qualité de combattant et donc sans que la carte du combattant puisse leur être attribuée.
Un titre spécifique, le titre de reconnaissance de la Nation (TRN) a ensuite été créé par la loi de finances pour 1968 11 ( * ) . Ce titre ouvre droit à certains des avantages conférés par la carte du combattant mais pas à la retraite du combattant ni à la demi-part fiscale.
b) Une extension tardive et incomplète
Il a fallu attendre 1974 pour que les soldats ayant « participé aux opérations en Afrique du Nord » se voient reconnaître la qualité de combattant 12 ( * ) . Toutefois, seules les opérations qui se sont déroulées avant l'indépendance de l'Algérie, soit jusqu'au 2 juillet 1962, étaient concernées. Or, si l'accès de l'Algérie à l'indépendance marque la fin de la guerre d'Algérie, telle qu'elle a fini par être reconnue en 1999 13 ( * ) , elle n'a pas marqué la fin de la présence militaire française. En effet, conformément aux accords d'Évian du 18 mars 1962, le départ des militaires français s'est fait de manière progressive jusqu'au 1 er juillet 1964 14 ( * ) . Un décret du 25 avril 2001 15 ( * ) a supprimé cette borne pour l'attribution du TRN.
Une avancée supplémentaire a été faite avec la loi de finances pour 2014 16 ( * ) dont l'article 109 permet de prendre en compte la présence postérieure au 1 er juillet 1962 pour la reconnaissance de la qualité de combattant au titre de quatre mois de service. Ainsi, les soldats arrivés en Algérie avant l'indépendance et qui y sont restés au moins quatre mois peuvent prétendre à la qualité de combattant. Les soldats arrivés après cette date peuvent se voir décerner le TRN mais ne peuvent pas, en l'état actuel du droit, se voir reconnaître cette qualité et sont donc exclus du bénéfice de la carte du combattant quelle que soit la durée de leur présence sur place.
* 4 Loi du 19 décembre 1926 portant fixation du budget général de l'exercice 1927.
* 5 Ces conflits, dont aucun vétéran ne subsiste, ne sont plus mentionnés dans le CPMIVG depuis sa recodification opérée en 2015.
* 6 Décret n° 48-180 du 29 janvier 1948.
* 7 Loi n° 52-833 du 18 juillet 1952 faisant bénéficier les combattants d'Indochine et de Corée de toutes les ýdispositions relatives aux combattants.
* 8 Arrêté du 12 janvier 1994 fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
* 9 Arrêté du 1er avril 2015 modifiant l'arrêté du 12 janvier 1994 fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
* 10 Loi n°55-1074 du 6 août 1955 relative aux avantages accordés aux militaires participant au maintien de l'ordre dans certaines circonstances.
* 11 Loi n° 67-1114 du 21 décembre 1967 portant loi de finances pour 1968, art. 77.
* 12 Loi n° 70-1044 du 9 décembre 1974 donnant vocation à la qualité de combattant aux personnes ayant participé aux opérations en Afrique du Nord entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.
* 13 Loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution, à l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », de l'expression « à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc ».
* 14 L'accord de cessez-le-feu du 18 mars 1962 prévoyait un rapatriement de la totalité des effectifs militaires français dans un délai de 36 mois à compter de l'autodétermination. Dans les faits, ce retrait a été accéléré.
* 15 Décret n° 2001-362 du 25 avril 2001 modifiant l'article D. 266-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
* 16 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 109.