F. LE RENSEIGNEMENT RESTE UNE PRIORITÉ

La fonction « connaissance et anticipation », une des cinq fonctions stratégiques, repose en grande partie sur les capacités de collecte, d'analyse et d'exploitation du renseignement du ministère des armées 21 ( * ) .

Elle est présentée dans la LPM 2019-2025 comme une priorité faisant l'objet d'un effort particulier . L'« Ambition 2030 » repose en effet sur un rééquilibrage visant à « porter l'effort sur la fonction connaissance et anticipation et à rendre à la fonction prévention toute son importance ».

Votre commission approuve cette analyse et cette orientation.

1. Un effort échelonné dans le temps

Un effort conséquent lui est consenti avec une augmentation des effectifs de 1 500 sur la période 2019-2025 (soit le quart de l'augmentation prévue pour l'ensemble des effectifs du ministère des armées). S'y ajoutent la mise en service, l'acquisition ou la commande de nombreux équipements (capteurs et plateformes techniques d'analyse et d'exploitation). Cet effort devra naturellement être poursuivi au-delà de 2025.

a) Les ressources humaines

D'après les informations communiquées au rapporteur, ces créations d'effectifs devraient s'opérer selon le cadencement suivant.

CADENCEMENT DES CRÉATIONS DE POSTES PRÉVUES DANS LE RENSEIGNEMENT

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total

199

152

104

146

421

239

239

1 500

Source : ministère des Armées - réponses au questionnaire du rapporteur.

Le cadencement des créations de postes prévoit 601 postes d'ici 2022 (150/an en moyenne), 421 au cours de l'exercice 2023 et 478 sur les exercices 2024 et 2025. L'effort est donc porté principalement (60%) sur les trois dernières années . Pour autant, ce cadencement en deux phases est peut-être nécessaire pour permettre aux services, qui ont bénéficié depuis 2015, de nombreuses créations de postes, et aux armées, d'intégrer cette croissance de leurs effectifs dans de bonnes conditions. Le décalage entre emplois créés et emplois pourvus a eu tendance à s'accroître dans certains services au cours des dernières années.

Ces postes seront répartis entre les besoins propres des armées (près de 40%), de la DRM et de la DRSD (environ 15% chacune) et ceux de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) pour le tiers restant. L'un des enjeux en matière de ressources humaines est de donner aux services la capacité de traiter la masse exponentielle des données recueillies. L'effort devra donc être porté principalement sur l'analyse et l'exploitation, avec l'arrivée de compétences et d'expertises nouvelles 22 ( * ) .

Le succès de cette montée en puissance et de cette transformation reste conditionné à la mise en oeuvre d'une politique plus dynamique qui permettra d'offrir les conditions de rémunérations adaptées au marché de l'emploi pour recruter, et surtout fidéliser, certains spécialistes mais aussi de favoriser les mobilités interarmées et interservices. Le volet « ressources humaines » de la LPM devrait permettre, à cet égard, des assouplissements bienvenus.

b) Un renforcement capacitaire en début de LPM

L'arrivée d'une partie des équipements (capteurs et plateformes) commandés lors des LPM précédentes est concentrée sur la première période (d'ici 2021). Les autres équipements seront livrés ou commandés en fin de période (2025). Au total, quelque 4,6 milliards d'euros seront investis en faveur des équipements dans le domaine du renseignement.

(1) La première période verra la mise en service de plusieurs capteurs importants.

Dans le domaine des systèmes spatiaux, MUSIS renforcera les moyens d'observation optique et radar et CERES, la capacité d'écoute et de renseignement électromagnétique.

Résultat d'une initiative européenne le système MUSIS 23 ( * ) , sera mis en oeuvre à partir de fin 2018 (lancement du premier satellite). Deux satellites supplémentaires devraient être livrés en 2020 et 2021.

Le système CERES 24 ( * ) qui repose sur une constellation de trois satellites, contribuera, avec les moyens terrestres, maritimes et aéroportés de recherche et d'interception des émissions électromagnétiques, à la détection, à la caractérisation et au suivi des menaces, ainsi qu'à la connaissance des théâtres dans la profondeur. Il sera livré en 2020.

Les moyens aéroportés . Au cours de cette période devraient être livrés :

- fin 2019 et en 2020, 2 avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR), commandés en 2016 ;

- en 2019, les deux derniers systèmes de drones MALE 25 ( * ) REAPER 26 ( * ) et qui pourront à l'horizon 2020-2021 être dotés d'une charge ROEM 27 ( * ) .

Les forces terrestres seront dotées des 3 premiers systèmes de drone tactique (SDT) Patroller 28 ( * ) en 2019 et 2020, et des drones tactiques légers avec des capacités de renseignement multi-capteurs et une option d'armement, seront acquis en 2019 pour les forces spéciales.

(2) A partir de 2025, d'autres équipements importants seront livrés ou commandés

Dans le domaine des moyens satellitaires , le successeur de MUSIS sera commandé au cours de la LPM afin être livré avant 2030. Le programme « CERES successeur » devra assurer, à l'horizon 2028-2030, la pérennité de la capacité spatiale d'écoute électromagnétique.

Au sein des moyens aéroportés :

- une charge utile de guerre électronique (CUGE) sera acquise pour une entrée en service en 2025 et 2 autres devraient être livrées au cours de la prochaine LPM, pour atteindre l'Ambition 2030.

LE PROGRAMME CUGE

Il s'agit de remplacer les 2 C160 Gabriel dont le retrait du service devait intervenir en 2023 et dont la prolongation est à l'étude. L'entrée en service de cet équipement doit faire l'objet d'un point de vigilance particulier , car toute indisponibilité des équipements actuels vieillissants ou tout retard dans le programme risquent de créer un trou capacitaire, d'autant qu'il n'est prévu l'acquisition que d'un seul appareil en 2025 pour remplacer les deux C160 Gabriel. Ces équipements seront portés par de nouveaux appareils de type Falcon, ce qui accroîtra le rayon d'action (>à 10 000km) des avions actuels.

- 6 ALSR devraient être commandés au cours de la prochaine LPM pour atteindre l'Ambition 2030 de 8 appareils en service, soit un quadruplement de la flotte.

- les études menées en coopération avec l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne en vue du lancement d'un drone MALE européen en 2019 et la livraison d'un premier système en 2025 seront poursuivies 29 ( * ) .

S'agissant du renseignement naval , l'effort se traduira :

- par la commande au cours de la LPM d'un bâtiment léger de surveillance et de recueil de renseignement (BLSR) 30 ( * ) ;

- par la commande au cours de la prochaine LPM de 15 systèmes de drones aériens de la Marine Nationale (SDAM) 31 ( * ) dont un démonstrateur sera mis en service en 2021. On peut s'étonner de l'écart entre cette mise en service et la commande . Le besoin opérationnel et les évolutions technologiques risquent d'accélérer le processus d'obsolescence de cet équipement.

Dans le domaine terrestre, un complément d'acquisition de 3 systèmes supplémentaires de drones tactiques ainsi que l'intégration et le soutien de 4 charges utiles de guerre électroniques seraient réalisés au cours de la prochaine LPM pour atteindre l'Ambition 2030 de 5 systèmes en service à l'horizon 2026-2027.

(3) Le traitement et l'exploitation de l'information : un enjeu majeur

Un effort crucial sera engagé pour mettre en oeuvre, en utilisant les « technologies des données massives » et de l'intelligence artificielle, des processus plus performants de traitements et d'analyse .

Pour faire face à l'afflux des données issues des différents capteurs, mais aussi pour assurer la sécurité de ces flux, la modernisation des systèmes d'information de la fonction interarmées du renseignement est nécessaire. La mise en service d'un système optimisé du renseignement interarmées ( SORIA ) est prévue d'ici à 2025 . Elle s'inscrit dans les efforts de convergence et de rationalisation des systèmes d'informations opérationnels et de communication (SIOC) des armées qui seront poursuivis avec la mise en service opérationnel progressive du système d'information des armées (SIA 32 ( * ) ). Cet enjeu a été perçu par la DGA qui travaille notamment à la conception d'un programme ARTEMIS - pour Architecture de Traitement et d'Exploitation Massive de l'Information Multi-source - qui devrait constituer un outil particulièrement précieux pour la conduite de la fonction « connaissance et anticipation ».

Ces développements, notamment dans le domaine du renseignement, sont stratégiques et méritent une attention vigilante .

Les efforts seront également amplifiés dans le cadre de la modernisation des capacités interministérielles mutualisées entre les services, développées par la DGSE, et par celle de ses capacités propres . Un doublement du budget d'investissement au cours de la LPM est l'objectif à atteindre.

Le développement de technologies innovantes suppose des processus de RD et d'acquisition plus modernes, au plus près des besoins des utilisateurs et mieux à même de profiter des avancées en cours dans le secteur civil. Une meilleure articulation entre les domaines de la recherche universitaire, des entreprises innovantes et des armées devrait être recherchée .

(4) L'arrivée des personnels et des équipements impliquent enfin des infrastructures nouvelles.

Un programme immobilier important est en cours à la DGSE. Des projets de réaménagements et de modernisation pour la DRSD et de regroupement sur la base de Creil pour la DRM ont été décidés.

2. Une dimension partenariale à approfondir

Il est, enfin, attendu dans le cadre du rééquilibrage des fonctions stratégiques au profit de la « connaissance et anticipation », un approfondissement de la coopération avec les partenaires alliés, notamment européens . Si le renseignement demeure un attribut fort de souveraineté, qui se recueille et s'analyse dans un cadre souverain et se partage le plus souvent en bilatéral, il est clair qu'il s'inscrit au sein des capacités discriminantes à forte valeur ajoutée, dont la capitalisation peut jouer un rôle moteur, voire fédérateur dans des coalitions. L'accélération de l'arrivée de matériels nouveaux et le renforcement de la préparation de l'avenir constituent des atouts majeurs et permettent de susciter un effet d'entraînement au profit de nos partenaires. La poursuite à une échelle européenne de certains programmes, notamment en matière de renseignement d'origine image avec Hélios puis MUSIS ou le programme de drone MALE constituent des exemples de ces opportunités.


* 21 Qu'il s'agisse de celles des services spécialisés qui lui sont directement rattachés, comme la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ou la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), ou de celles de l'état-major des armées qui dispose d'un service spécialisé, la direction du renseignement militaire (DRM), et des moyens des différentes armées ce qui constituent la fonction interarmées du renseignement.

* 22 Experts en mégadonnées, analystes de données, géomaticiens, spécialistes des télécommunications

* 23 Avec une composante spatiale optique (CSO), deux composantes radar (italienne et allemande) et une composante optique champ large, il offrira des capacités de suivi de situation et de veille stratégique, d'aide à la prévention et à l'anticipation des crises et d'assistance à la planification et à la conduite des opérations. Il remplacera l'actuel système Hélios opéré par la France. Par rapport à Hélios II, la composante optique se caractérisera par une meilleure résolution, une plus grande agilité de la plate-forme permettant l'identification de cibles plus petites, et par une augmentation importante du nombre d'images accessibles quotidiennement.

* 24 Il comprend des fonctions d'interception, de caractérisation et de localisation des signaux électromagnétiques par des moyens satellitaires, leur programmation ainsi que les moyens sols de contrôle des satellites.

* 25 Moyenne Altitude Longue Distance qui viendra compléter à l'horizon 2029 les capacités offertes par l'actuel bâtiment d'essais et de mesures (BEM) Dupuy-de-Lôme et permettra une plus grande permanence opérationnelle et, le cas échéant, des déploiements simultanés sur des théâtres différents.

* 26 Lesquels seront dotés de la capacité à délivrer des armements. Ils s'ajoutent aux deux systèmes de 3 drones déjà acquis au cours de la LPM 2014-2019.

* 27 Renseignement d'origine électromagnétique

* 28 2 systèmes de 5 drones et un système d'entraînement de 4 drones.

* 29 L'objectif à atteindre dans l'Ambition 2030 est une dotation de 8 systèmes de drones MALE (soit au total 24 vecteurs).

* 30 Moyenne Altitude Longue Distance qui viendra compléter à l'horizon 2029 les capacités offertes par l'actuel bâtiment d'essais et de mesures (BEM) Dupuy-de-Lôme et permettra une plus grande permanence opérationnelle et, le cas échéant, des déploiements simultanés sur des théâtres différents.

* 31 Dont 10 livrables d'ici 2030

* 32 Outil indispensable au commandement et à la conduite des opérations interopérables avec nos principaux alliés et en national, le SIA évoluera pour prendre en compte les potentialités offertes par l'intelligence artificielle et les technologies d'exploitation et d'analyse des données massives afin de garantir la fluidité des échanges et de permettre de conserver la maîtrise de la supériorité informationnelle dans un contexte d'accroissement des risques cyber et des volumes de données à traiter.

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