C. LES RESSOURCES HUMAINES SONT SOUS TENSION

1. Un effort en termes d'effectifs inégalement réparti sur la durée de la programmation

S'agissant des effectifs, la programmation s'inscrit dans le prolongement de la hausse décidée - mais non financée - lors du conseil de défense du 6 avril 2016 pour la fin de la programmation 2014-2019, en conséquence des attentats survenus en 2015 7 ( * ) .

Pour la première fois depuis des années, la programmation militaire prévoit une progression des effectifs , traduction de la remontée en puissance des armées dont ce projet de loi se veut le porteur.

Il faut rappeler, en effet, que les précédentes programmations avaient prévu des déflations massives dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et de l'adaptation du ministère de la défense au nouveau format des armées, représentant au total plus de 50 000 suppressions nettes de postes sur la période 2008-2019 , un effort considérable et sans comparaison dans les autres ministères.

En prévoyant une augmentation nette de 6 000 équivalents temps plein (ETP) sur la programmation 2019-2025 , le projet de LPM envoie donc un signal positif et très attendu aux armées. Cette augmentation nette, qui portera les effectifs du ministère à 274 936 ETP à la fin de la programmation, bénéficiera aux domaines prioritaires que sont le renseignement (+1 500), la cyberdéfense et l'action dans l'espace numérique (+1 500), le champ de la « sécurité-protection » (+750) et le soutien aux exportations (+400), le maigre solde (1 850) étant destiné à répondre aux nombreux besoins des unités opérationnelles et de leur environnement.

Ces chiffres et le tempo des recrutements sont là encore en dessous des estimations du Sénat qui chiffraient à 2500 par an les besoins en recrutement des armées, et ce, dès 2018.

2. Une manoeuvre RH renouvelée

La manoeuvre RH complexe sera poursuivie sur la programmation 2019-2025, consistant à gérer en permanence d'importants flux (entrées, carrière, sorties) et à fournir aux différents employeurs du ministère les effectifs et les compétences dont ils ont besoin.

Premier volet de cette manoeuvre, le recrutement, qui constitue un levier stratégique compte tenu de « l'impératif de jeunesse » des armées et de la nécessité d'assurer un constant renouvellement de leurs effectifs (10 % chaque année dans la Marine par exemple). Le défi est à la fois quantitatif -d'autant que le vivier dans lequel puisent aussi les autres forces de sécurité est limité - et aussi de plus en plus qualitatif , eu égard à la problématique des compétences rares ou critiques. Certains métiers (atomiciens, spécialistes cyber, mécaniciens aéronautiques...) connaissent, en effet, d'importantes difficultés de recrutement, dues notamment à la concurrence du secteur privé. Il importe donc de préserver l'attractivité des métiers de la défense , non seulement en termes de rémunérations, mais aussi de déroulement de carrière et conditions du personnel. Lors de son audition par la commission, le Secrétaire général de l'administration a indiqué que les besoins du ministère des armées pour les personnels civils et militaires correspondaient à 66 recrutements par jour . Mais il faudra aussi tenir compte de l'impact que pourraient avoir les départs massifs à la retraite attendus dans les prochaines années.

Par ailleurs, s'agissant des personnels civils, il peut être nécessaire, pour répondre aux besoins, d'envisager des modalités de recrutement innovantes, comme le propose l'article 16 du projet de loi . Celui-ci prévoit, à titre expérimental, la mise en place d'une procédure dérogatoire de recrutement (audition par un comité de sélection) pour le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrication et des secrétaires administratifs dans six régions connaissant des difficultés à pourvoir les postes, et un assouplissement des conditions de recours à des contractuels pour des postes connaissant, dans ces mêmes régions, une vacance d'emploi depuis plus de six mois, dans quelques spécialités bien identifiées (renseignement, génie civil, systèmes d'information et communications...).

La fidélisation constitue un enjeu assez proche puisqu'elle consiste à dissuader les personnels de quitter prématurément l'institution, alors que celle-ci a besoin d'eux. Ce peut être le cas du fait de la concurrence du secteur privé (atomiciens, mécaniciens aéronautiques...), dans lequel les compétences techniques et le savoir-être des militaires sont prisés, ou lorsque les conditions d'activité deviennent trop pénibles (fusiliers marins, fusiliers de l'air). La problématique de la fidélisation concerne aussi le personnel civil, parfois tenté lui aussi de préférer le secteur privé ou d'autres ministères. Pour y répondre, la nouvelle programmation prévoit, par exemple, une revalorisation en faveur des corps des ingénieurs de l'armement, des ingénieurs des études et fabrication et des praticiens des armées.

La cohérence des parcours et une gestion dynamique des carrières conditionnent également l'attractivité de la fonction militaire. Cela passe notamment par une gestion prévisionnelle des ressources humaines et une certaine fluidité de l'avancement. Des mesures telles que celle prévue à l'article 8 du projet de loi, qui porte de 56 à 59 ans la limite des officiers généraux du corps des officiers de l'air, peuvent aussi y contribuer. La formation -initiale ou continue - est également un axe déterminant, pour dynamiser les carrières et assurer l'évolution des compétences et leur adaptation continue aux besoins.

Le maintien d'un flux régulier de départs conditionne à la fois le recrutement de nouveaux personnels et les perspectives de carrière des plus anciens. Le maintien des aides au départ est donc indispensable à cette manoeuvre . Si l'on peut comprendre qu'il soit nécessaire d'attendre le résultat d'un rapport d'inspection pour calibrer au mieux le dispositif, votre commission souligne la nécessité de prendre rapidement l'ordonnance prévue à cet effet par l'article 15 du projet de loi , afin de permettre aux personnels intéressés d'avoir une visibilité sur l'avenir de ces aides -dont le régime actuel échoit fin 2019 - et de prendre les décisions qui les concernent dans les meilleures conditions.

La commission se réjouit que l'obsession du « dépyramidage » soit moins prégnante que dans la précédente programmation, compte tenu de la nécessité de recruter des personnels de haute technicité (catégorie A ou équivalents) pour les besoins du renseignement, de la cyberdéfense, de l'intelligence artificielle ou du maniement de nouveaux systèmes d'armes perfectionnés.

Enfin, il convient de souligner l'importance du dispositif de reconversion, indispensable à l'accompagnement des militaires dans leur transition vers l'emploi civil après une carrière courte dans les armées, mais aussi à la transformation de nombreux emplois au sein du ministère. Il est aussi déterminant pour limiter la dépense liée à l'indemnisation du chômage des militaires , qui pèse sur la masse salariale. Articulé autour de l'agence Défense-Mobilité, celui du ministère des armées est tout à fait performant (10 500 reclassements en 2016, dont 80 % dans le secteur privé et 20 % dans la fonction publique) et une source d'inspiration pour les autres ministères.

De nouveaux outils - notamment numériques - seront mis en place et la reconnaissance des qualifications et des acquis professionnels sera développée. Au plan législatif, le projet de loi tend à autoriser, dans son article 15 , le gouvernement à procéder par ordonnance à une rénovation des procédures de reclassement dans la fonction publique dans le sens d'une simplification des dispositions prévues aux articles L. 4139-2 (détachement-intégration) et L. 4139-3 (emplois réservés) du code de la défense.


* 7 Cette décision avait été précédée d'une première inflexion de la trajectoire des effectifs (tendant à la « réduction des déflations ») par la loi d'actualisation de la programmation militaire du 28 juillet 2015.

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