CHAPITRE VIII - MESURES DE SIMPLIFICATION

Article 31 - Application du SOFA OTAN pour les activités internationales se déroulant en France

L'article 31 tend à étendre les règles de l'accord sur le statut des forces de l'organisation du traité de l'Atlantique Nord (SOFA OTAN), qui s'appliquent à la circulation des forces armées et des personnels civils des ministères chargés de la défense des forces alliées, aux activités de coopération bilatérales ou multilatérales dans le domaine de la défense ou de la sécurité civile, conduite sur le territoire national, à bord d'aéronefs ou sur des navires français, avec les forces armées de membres de l'Alliance atlantique ou du Partenariat pour la paix.

I - Le droit en vigueur

Le SOFA OTAN a été signé le 19 juin 1951. Il s'agit d'une convention régissant la circulation des forces armées et des personnels civils des ministères de la défense des membres de l'Alliance atlantique, la fiscalité, le régime douanier et les questions de juridictions pénales qui les régissent.

Or, actuellement, les règles de ce statut des forces de l'OTAN ne s'appliquent pas lors des activités de coopération dans le domaine de la défense et dans celui de la sécurité civile et de la gestion des crises conduite sur le territoire national, à bord des aéronefs ou des navires d'Etat, dès lors que ces activités sont bilatérales et non multilatérales. De ce fait, les exercices opérationnels comme des insertions d'officiers dans les états-majors se font dans le cadre de simples « arrangements techniques » qui ne permettent pas de régler les questions de privilèges fiscaux ponctuels, des privilèges de juridiction et des immunités.

II - Les dispositions du projet de loi

L'article 31 du projet de loi remédie à cette lacune en prévoyant, dans les cas précités, l'application des règles de fond du statut des forces de l'OTAN.

La mention des aéronefs d'Etat vise, en conformité avec l'article 3 de la convention de Chicago du 7 décembre 1944, les aéronefs militaires, les avions et hélicoptères de la sécurité civile et des douanes. La mention des navires d'Etat vise quant à elle, en application de la convention de Montego Bay du 10 décembre 1982, les navires de guerre et les patrouilleurs des douanes et des affaires maritimes.

Enfin, il est précisé que les dispositions du SOFA ne pourront s'appliquer que « sous réserve des dispositions de l'article 696-4 du code de procédure pénale », ce qui permet d'écarter toute possibilité d'extradition vers un pays qui appliquerait toujours la peine de mort.

III - La position de votre commission

Votre commission a approuvé le dispositif qui constitue une simplification utile pour les activités de coopération de nos armées avec celles des pays alliés.

Votre commission a adopté l'article 31 sans modification.

Article 32 - (art. L. 151-4, L. 154-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre) - Réforme du contentieux des pensions militaires d'invalidité

L'article 32 du présent projet de loi tend à réformer le contentieux des pensions militaires d'invalidité (PMI) en supprimant les tribunaux des pensions, les cours régionales des pensions et, outre-mer, les cours des pensions. Les litiges correspondants seraient transférés aux juridictions administratives : tribunaux administratifs et cours administratives d'appel. L'article 32 opère également une coordination concernant les recours contentieux formés par les militaires.

I - Le droit en vigueur

Les juridictions chargées des pensions, qui sont des juridictions administratives spéciales, siègent actuellement au sein des tribunaux de grande instance. Elles sont présidées par des magistrats de l'ordre judiciaire, assistés de deux assesseurs, un médecin et un pensionné.

Le contentieux des pensions est d'un volume limité : 721 décisions rendues par les tribunaux des pensions en 2016. Le volume était sensiblement plus important jusqu'en 2011 mais la fin d'un contentieux de série et celle du contentieux de la « décristallisation » des pensions ont conduit à une forte diminution des recours.

Jusqu'au 1 er juillet 2011, il existait un tribunal des pensions par département siégeant dans la même ville que le tribunal de grande instance dans le ressort duquel était compris le chef-lieu du département. À partir du 1 er juillet 2011, le nombre de tribunaux des pensions a été réduit à 37, correspondant à la carte des cours d'appel.

Actuellement, le contentieux des pensions militaires d'invalidité présente de nombreux dysfonctionnements . D'abord, les assesseurs pensionnés sont parfois difficiles à trouver. En outre, tant les magistrats, souvent honoraires, que les assesseurs, d'ailleurs faiblement rémunérés et de bénéficiant pas d'une formation spécifique, ne peuvent pas toujours prendre connaissance des dossiers dans de bonnes conditions. De plus, le contentieux des pensions militaires n'est pas concerné par les processus de dématérialisation et de diffusion de la jurisprudence en cours dans les juridictions administratives et judiciaires, d'où un risque de disparité des pratiques procédurales pouvant faire obstacle à l'égalité d'accès à la justice.

Surtout, le délai moyen de traitement constaté, qui s'allonge depuis plusieurs années, est aujourd'hui d'environ deux ans, de sorte que l'État a été condamné à plusieurs reprises par le Conseil d'Etat . La Cour européenne des droits de l'homme a également conclu à une violation par la France de l'article 6§1 de la convention, relatif au droit à un procès équitable, du fait de ce délai de jugement excessif 140 ( * ) .

II - Les modifications proposées par le projet de loi

L'instauration d'un recours administratif préalable

Actuellement, la Commission de réforme des pensions militaires d'invalidité (CRPMI) peut être saisie par le demandeur au cours de l'instruction de la demande de pension. Cette saisine intervient, en cas de désaccord, au stade du constat provisoire. La CRPMI est composée de militaires (officiers ou sous-officiers, médecin militaire) et peut entendre le demandeur. Son avis, consultatif, ne diffère que rarement de la décision de la sous-direction des pensions.

Le présent article tend à supprimer ce dispositif en abrogeant l'article L. 151-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui dispose que : « Le demandeur a la faculté de provoquer l'examen de sa demande par une commission de réforme, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. ».

Il crée au titre I er du livre VII du même code l'article L. 711-2 disposant que : « Les recours contentieux contre les décisions individuelles [...] sont précédés d'un recours administratif préalable exercé dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'État . ».

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, une commission ad hoc , adossée à la commission de recours des militaires, sera ainsi créée. Elle comprendra un médecin, des représentants de l'administration (service des retraites de l'État, sous-direction des pensions) et un représentant des pensionnés et sera dotée d'un pouvoir décisionnel. La procédure serait écrite mais le demandeur pourrait être entendu à sa demande et être accompagné d'une personne de son choix. Une expertise médicale pourra être sollicitée. Cette commission se réunira deux fois par mois.

Par coordination avec la création de ce recours administratif préalable obligatoire en matière de pensions militaires d'invalidité, le présent article tend à l'abrogation du premier alinéa de l'article 23 de la loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, qui pose le principe suivant lequel les recours contentieux exercés par les militaires à l'encontre d'actes relatifs à leur situation personnelle sont précédés d'un recours administratif préalable. En effet, la création de l'article L. 4125-1 du code de la défense, codifiant ces dispositions, par le II de l'article 11 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, ne s'est pas accompagnée de leur abrogation. Le présent projet tend ainsi à renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les cas dans lesquels, eu égard à l'objet du litige, les recours contentieux n'ont pas à être précédés d'un recours administratif préalable obligatoire.

Le transfert du contentieux aux juridictions administratives

L'article 32 tend à remplacer le chapitre unique du titre 1 er du livre VII du CPMIVG par trois nouveaux articles concernant le transfert du contentieux, la création précitée du recours administratif préalable et le bénéfice de l'aide juridictionnelle. L'article L. 711-1 est ainsi rédigé : « Les recours contentieux contre les décisions individuelles [...] sont introduits, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de justice administrative. ». Les titres II à IV du livre VII concernant les dispositions traitant de tribunaux des pensions sont abrogés.

Enfin, le projet de loi dispose que le transfert des procédures en cours aura lieu, au plus tard, le 1 er janvier 2020.

III - La position de l'Assemblée nationale

Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, les députés ont adopté en séance publique un amendement de M. Gouttefarde soumettant au filtre du recours administratif préalable obligatoire non seulement les contestations relatives aux décisions portant sur le droit à la PMI mais également aux droits annexes qui en résultent (prévus aux titre I « prise en charge des soins médicaux et de l'appareillage », titre II « régime des personnes hospitalisées en établissement de santé autorisé en psychiatrie » et au titre III « reconversion et affiliation à la sécurité sociale » du livre II « Droits annexes à la pension »).

IV - La position de votre commission

Lors de leur audition par votre rapporteur, les associations de défense des intérêts des pensionnés ont fait valoir que cette réforme tendait à supprimer la spécificité du droit à réparation prévu par le code des pensions, dont l'article L2 dispose que « Les dispositions du présent code déterminent le droit à réparation des militaires servant en temps de paix comme en temps de guerre et de leurs conjoints survivants, orphelins et ascendants . » En effet, la juridiction administrative statue éventuellement sur des indemnités à verser par l'Etat en raison de mise en jeu de la responsabilité de celui-ci, non sur un droit à réparation qui correspond à la reconnaissance de la Nation exprimée par l'article L. 1 du même code : « La République française, reconnaissante envers les combattants et victimes de guerre qui ont assuré le salut de la patrie, s'incline devant eux et devant leurs familles . »

Elles craignent en outre que la procédure très particulière qui s'applique devant la juridiction administrative, qui ne laisse que peu de place à l'oralité, ne soit défavorable au demandeur.

Reconnaissant le bien-fondé de certaines de ces craintes et soucieuse de préserver le principe intangible de la reconnaissance de la Nation, votre commission a adopté plusieurs amendements, visant à conserver une certaine spécificité du contentieux des pensions militaires d'invalidité malgré son transfert à la juridiction administrative.

Votre commission a ainsi adopté deux amendements tendant à préserver des éléments qui figurent actuellement dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre auxquels sont attachés les intéressés : le caractère largement oral de la procédure et la possibilité de se faire assister par la personne de son choix, la possibilité pour le président de la juridiction d'exercer une mission de conciliation et le fait que l'audience puisse se tenir à huis-clos à la requête du demandeur.

Dans le même esprit, elle a adopté un amendement de Mmes Gisèle Jourda et Isabelle Raimond-Pavero, ayant pour objet de prévoir un rapport annuel remis par le Gouvernement au Parlement sur le suivi du transfert à la juridiction administrative du contentieux des pensions et sur la mise en place du RAPO.

Enfin, votre commission a adopté un amendement de la commission des lois supprimant le renvoi à un décret pour les exceptions au RAPO en ce qui concerne les militaires.

Votre commission a adopté l'article 32 ainsi modifié.

Article 33 - (art. L. 2332-6 du code de la défense) - Allègement des obligations déclaratives pesant sur les entreprises en matière de brevets concernant des matériels de guerre ou des biens à double usage

L'article 33 du présent projet de loi tend à simplifier les obligations des entreprises pour les déclarations de brevets concernant matériels de guerre et des armes et munitions de défense des catégories A et B, des matériels assimilés à des matériels de guerre ou des biens dits à « double usage », c'est-à-dire ceux susceptibles d'avoir une utilisation tant civile que militaire.

I - Le droit en vigueur

En effet dans ce cas, les entreprises souhaitant breveter une invention sont soumises à une double obligation .

Elles doivent d'une part déposer une demande à l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI ) selon les règles prévues aux articles L. 612-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle. La demande doit comprendre une requête en délivrance de brevet, une description de l'invention qui présente l'état de la technologie, le problème à résoudre et le contenu scientifique de l'invention, une ou plusieurs revendications, un résumé du contenu technique de l'invention, le cas échéant, une copie des dépôts antérieurs, et enfin, les informations permettant d'identifier ou de communiquer avec le demandeur.

Afin de prévenir la divulgation de technologies sensibles, elles doivent, d'autre part, en application de l'article L. 2332-6 du code de la défense 141 ( * ) , transmettre au ministre des armées 142 ( * ) , dans un délai de huit jours à compter du dépôt à l'INPI, une « description de la découverte, invention ou application faisant l'objet du brevet ou de l'addition demandée ».

Cette déclaration doit obligatoirement faire apparaître l'indication de la date de dépôt de la demande de brevet auprès de l'INPI et du numéro d'enregistrement de l'invention. A partir de celle-ci, les services de la direction générale de l'armement identifient les inventions qui revêtent un caractère stratégique. Plus d'une centaine d'experts de cette direction sont ainsi sollicités.

Cette double déclaration concerne potentiellement un peu moins de trois mille entreprises qui interviennent dans le domaine des matériels de guerre et des biens à double usage, essentiellement des petites et moyennes entreprises. En pratique, les services du ministère des armées choisissent d'examiner une trentaine de demandes de brevets, sur une moyenne de cinq cents déposées chaque semaine.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Cette double déclaration imposée aux entreprises répond à des exigences différentes : la protection de la propriété intellectuelle, d'une part, et la protection des intérêts de la défense nationale, d'autre part. Pour autant ce dispositif peut être simplifié :

• dans les deux cas, les mêmes informations sont transmises, mais selon des modalités différentes ;

• en outre, l'article L. 612-8 du code de la propriété intellectuelle permet aux agents du ministère des armées d'accéder, à titre confidentiel, à la description fournie lors de la demande de dépôt de brevet auprès de l'INPI grâce au numéro d'enregistrement du dossier ;

• en pratique, les informations déposées à l'INPI sont souvent plus complètes que la description envoyée au ministère des armées.

Aussi le projet de loi propose-t-il de supprimer la référence à la transmission, au ministère des armées, de la description de l'invention dans l'article L.2332-6 du code de la défense.

Ainsi, les services du ministère des armées pourront optimiser leur choix d'examen en raison d'une prise de connaissance des demandes de dépôt de brevets plus rapide en raison de dossiers déposés moins volumineux, le traitement de ces derniers par l'administration se trouvera ainsi simplifié et le travail de vérification des demandes de dépôt de brevet, facilité.

Il en résultera également un allègement de la charge administrative pesant sur les entreprises.

Par cohérence, le projet de loi supprime également les références à « l'addition à un brevet », un concept qui n'existe plus dans le code de la propriété intellectuelle.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV - La position de votre commission

Votre commission est favorable à cette mesure de simplification. Il restera toutefois à en optimiser la mise en oeuvre en améliorant la coordination entre l'INPI et la DGA afin de rendre les dossiers accessibles dans des délais plus rapides (actuellement deux semaines).

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 34 - Habilitation à simplifier, par ordonnances, les dérogations aux procédures d'information et de participation du public dont bénéficie la défense

L'article 34 tend à habiliter le gouvernement à simplifier, par ordonnances, un ensemble hétérogène de règles dérogatoires à diverses procédures d'information et de participation du public dont bénéficie le ministère des armées pour des motifs liés aux impératifs de la défense nationale.

I - Le droit en vigueur

L'étude d'impact justifie la nécessité de légiférer de la façon suivante :

« En l'état actuel du droit, il existe de nombreuses règles procédurales permettant de déroger aux règles d'information et de participation du public ou à d'autres règles de transparence. Fondées pour la plupart sur des dispositions anciennes, modifiées à de multiples reprises, elles constituent aujourd'hui un ensemble hétérogène fondé sur des dispositifs segmentés, qui s'appuient sur des terminologies différentes et des conditions de mise en oeuvre très diverses ».

L'une des difficultés provient du fait que ces dispositions dérogatoires s'appliquent au regard de qualifications parfois distinctes de celles prévues aux articles 413-7 (zones protégées) et 413-9 (secret de la défense nationale) du code pénal. Les notions employées sont disparates : plans et projets « nécessitant le secret pour des raisons de sûreté », ou portant sur des « installations réalisées dans le cadre d'opérations secrètes intéressant la défense nationale », « afin de tenir compte des impératifs de la défense nationale », ou encore « soumis à des règles de protection » ou « couverts » ou « protégés » par le secret de la défense nationale...

Ces dispositions hétérogènes sont les suivantes 143 ( * ) :

- Dans le code de l'urbanisme : article L. 421-5, L. 421-6 et L. 421-8 ;

- Dans le code de l'environnement : article L. 120-1, L. 123-2, L. 217-1, L. 517-1 ;

- Dans le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : article L. 122-4 ;

- Dans le code des relations entre le public et l'administration : article L. 134-33 et L. 134-34 ;

- Dans le code de la défense, qui renvoie à certains des articles susmentionnés.

L'hétérogénéité des dispositifs suscite des difficultés d'interprétation et des confusions, avec des risques :

- d'utilisation abusive de certaines dérogations ou d'omissions de certaines formalités indispensables ;

- de protection insatisfaisante de la confidentialité des plans et projets concernés.

Les services juridiques du ministère ont ainsi été saisis de nombreuses difficultés concrètes, survenues à l'occasion de situations très diverses.

En raison du caractère ponctuel et par nature confidentiel des dérogations accordées, le ministère des armées n'est pas en mesure de fournir une évaluation du nombre de dérogations ou d'aménagements de procédures utilisés ou sollicités chaque année.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Dans un objectif de simplification et de meilleure lisibilité de la loi, il paraît utile :

- d'harmoniser les termes utilisés pour qualifier les situations justifiant la mise en oeuvre d'un dispositif dérogatoire ;

- d'articuler et de coordonner entre eux les différents dispositifs, grâce à la création d'une procédure unique permettant de garantir la confidentialité des plans et projets concernés.

L'étude d'impact précise que « cette nouvelle articulation entre les procédures dérogatoires existantes sera fondée sur une conciliation équilibrée entre, d'une part, « la protection de la confidentialité (...) nécessaire à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation », constitutionnellement protégés au titre du sixième considérant de la Charte de l'environnement de 2004 et, d'autre part, le principe d'information et de participation du public, issu de l'article 7 de cette Charte, dont les modalités pratiques de mise en oeuvre incombent au législateur ».

Par ailleurs, il sera nécessaire de « distinguer clairement les dispositions destinées à instituer une protection pénale renforcée de certains éléments, moyennant une procédure de classification extrêmement lourde, de celles simplement conçues pour permettre des aménagements de procédure, dont la vocation est de soustraire à la connaissance du public des éléments qui, bien qu'étant revêtus d'une sensibilité particulière, ne sont pas nécessairement classifiés » (étude d'impact).

Étant donné la multitude de dispositions concernées, dans une diversité de champs législatifs et réglementaires, et la nécessité d'assurer une coordination entre les différents services qui seront chargés de mettre en oeuvre la réforme, il est proposé de procéder par voie d'habilitation à légiférer par ordonnance, en application de l'article 38 de la Constitution.

La durée proposée pour l'habilitation est de dix-huit mois.

III - La position de l'Assemblée nationale

La commission de la défense de l'Assemblée nationale a introduit trois modifications rédactionnelles au présent article.

L'article 34 ainsi modifié a ensuite été adopté, sans changement, en séance publique.

IV - La position de votre commission

Votre commission approuve la volonté du gouvernement de simplifier, d'harmoniser et de clarifier la législation en vigueur en matière de dérogations aux procédures d'information, de consultation ou de participation du public, dans l'intérêt de la défense nationale.

Au fil des ans, un ensemble hétérogène de règles juridiques éparses s'est constitué, au risque d'interprétations divergentes, et d'une insuffisante sécurité juridique pour toutes les parties concernées par les procédures en question.

La conciliation entre le principe d'information/participation du public et celui de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation nécessite une législation équilibrée, lisible, appliquée de la même façon sur l'ensemble du territoire.

Étant donné la technicité du travail à mener, qui relève essentiellement de la simplification, de la coordination et d'ajustements du droit existant, plutôt que de la mise en oeuvre de dispositions nouvelles, il ne paraît pas inapproprié de procéder par voie d'ordonnances.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 35 - (art. L. 121-2 du code des pensions militaires et des victimes de guerre) - Présomption d'imputabilité au service en cas de blessures ou maladies survenues pendant le service

L'article 35 du présent projet de loi tend à instaurer une présomption d'imputabilité au service des blessures ou des maladies ayant entraîné des séquelles faisant l'objet d'une demande de pension militaire d'invalidité (PMI).

I - Le droit en vigueur

Actuellement, il revient au demandeur d'une pension militaire d'invalidité (PMI) d'établir le lien entre le fait générateur d'une blessure ou d'une maladie et le service accompli. À cette fin, il doit produire le constat de sa blessure et démontrer qu'elle trouve bien sa cause dans le service ou dans un acte accompli à l'occasion de celui-ci. Il doit également démontrer la relation médicale entre le fait constaté et son infirmité. Le fait de réunir l'ensemble des documents nécessaires peut constituer une tache particulièrement complexe, notamment si la demande est faite plusieurs années après le fait générateur de l'infirmité.

Toutefois, l'article L. 121-2 du CPMVG prévoit une exception où la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé :

- s'il s'agit d'une blessure constatée avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ou au cours d'une OPEX, avant sa date de retour ;

- s'il s'agit d'une maladie constatée après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant la fin du service.

II - Les modifications proposées par le projet de loi

Le présent article tend à réécrire totalement l'article L. 121-2 précité et à y ajouter trois articles complémentaires afin de prévoir une présomption d'imputabilité au service des blessures ou maladies ayant entraîné des séquelles justifiant une demande de PMI . Selon l'étude d'impact, le Gouvernement entend ainsi appliquer aux militaires les II et IV de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires issus de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, qui définissent pour les fonctionnaires une présomption d'imputabilité des blessures survenues ou des maladies contractées en service, ou à l'occasion de celui-ci s'agissant du congé pour invalidité temporaire. Par ailleurs, le III de l'article 21 bis précité définit l'accident de trajet et prévoit une imputabilité au service par preuve à la charge du fonctionnaire ou de ses ayants-droit, également repris par le présent article.

Ce faisant, le présent article maintient cependant une distinction entre le service habituel et le service en OPEX.

En service habituel, le 1° du nouvel article L. 121-2 dispose qu'est désormais imputable au service « toute blessure constatée par suite d'un accident, qu'elle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ».

Par ailleurs, le 3° du présent article établit une présomption d'imputabilité au service des maladies professionnelles figurant sur les tableaux mentionnés par les articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale, dès lors que cette maladie a été contractée « dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées dans les conditions mentionnées à ces tableaux ».

En opérations extérieures, comme auparavant, le militaire bénéficiera d'une présomption d'imputabilité au service de ses blessures ou maladies, dans les mêmes limites temporelles qu'indiquées ci-dessus.

Par ailleurs, le présent article tend à insérer au sein du CPMIVG trois articles L. 121-2-1 à L. 121-2-3 relatifs au régime d'imputabilité par preuve, qui subsiste dans certains cas aux côté du nouveau régime de présomption d'imputabilité.

L'article L. 121-2-1 nouveau dispose ainsi que, lorsqu'une ou plusieurs conditions prévues aux tableaux des maladies professionnelles, tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux, ne sont pas remplies, ou dans le cas d'une maladie non prévue dans les tableaux, la preuve est établie par le militaire ou ses ayants-cause.

Enfin, le nouvel article L. 121-2-2 définit l'accident de trajet et son mode d'imputabilité par preuve.

III - La position de l'Assemblée nationale

Les députés ont pleinement approuvé ce dispositif, n'adoptant qu'un amendement rédactionnel en séance publique.

IV - La position de votre commission

Votre commission se félicite de l'introduction de ce dispositif qui constituait une demande de longue date et qui permettra une simplification considérable des démarches à mener par les militaires victimes de blessures ou de maladies liées au service.

Votre commission a adopté l'article 35 sans modification.


* 140 CEDH, 8 juillet 2003, Mocie c. France ; CEDH, 28 février 2007, Desserprit c. France.

* 141 Dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2015-1534 du 26 novembre 2015 prise en application de l'article 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 et portant diverses dispositions concernant la défense, les anciens combattants et l'action de l'Etat en mer, dont la ratification est proposée à l'article 36 du présent projet de loi.

* 142 Sous-direction de la propriété intellectuelle et des affaires générales de la direction générale de l'armement.

* 143 Elles sont exposées dans le détail dans l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, ainsi que dans le rapport n° 765 (tome 1) du 14 mars 2018, de M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur, au nom de la commission de la défense de l'Assemblée nationale.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page