EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er - Approbation des orientations de la politique de protection des mineurs contre les violences sexuelles présentées dans le rapport annexé à la proposition de loi

L'article 1 er de la proposition de loi tend à approuver les orientations de la politique de protection des mineurs contre les violences sexuelles, figurant dans un rapport annexé.

Ce rapport annexé présente la stratégie globale de protection des mineurs contre les violences sexuelles, les moyens à mobiliser et les pratiques administratives à réformer, selon les préconisations du rapport du groupe de travail.

Il mentionne en particulier les réformes qui ne relèvent pas de l'intervention du législateur , par exemple le renforcement de la politique de sensibilisation aux violences sexuelles, la création d'outils formalisés et de protocoles pour aider les professionnels à détecter et à signaler les situations de maltraitance, l'affirmation du droit à voir sa plainte enregistrée à tout moment, la généralisation des psychologues et des assistantes sociales dans les unités de police ou de gendarmerie, le renforcement significatif des moyens des juridictions, ou encore la création d'une offre institutionnelle de parcours de résilience pour les victimes d'infractions sexuelles.

Votre commission a adopté l'article 1 er sans modification .

Article 2 (art. 7 et 8 du code de procédure pénale) - Allongement du délai de prescription de l'action publique des infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs

L'article 2 de la proposition de loi vise à allonger le délai de prescription de l'action publique de certaines infractions sexuelles, lorsqu'elles sont commises à l'encontre des mineurs. Il traduit ainsi la proposition n° 16 du rapport d'information précité.

1. Un régime dérogatoire de prescription de l'action publique

Les infractions sexuelles bénéficient de délais de prescription de l'action publique spécifiques.

Les délits sexuels commis à l'encontre des mineurs se prescrivent par dix ou vingt ans, selon la gravité des atteintes.

Les crimes sexuels se prescrivent par vingt ans, soit, depuis la réforme de la prescription pénale de février 2017 4 ( * ) , le même délai que les crimes de droit commun.

De plus, afin de prendre en compte la particulière vulnérabilité des mineurs victimes de violences sexuelles, le législateur a instauré un régime de prescription spécifique lorsque ces faits sont commis à l'encontre d'un mineur.

Au regard des difficultés, voire de l'impossibilité rencontrée par la victime de dénoncer les faits commis sur sa personne, le délai de prescription de l'action publique de certaines infractions, essentiellement à caractère sexuel, commises à l'encontre des mineurs ne commence à courir qu'à compter de la majorité des victimes . Pour des crimes qui se prescrivent par dix ou vingt ans, les victimes peuvent ainsi engager l'action publique jusqu'à leur 28 ou 38 ans.

Délais actuels de prescription des qualifications pénales délictuelles

Qualification pénale

Délai de prescription

Agressions sexuelles (articles 222-27, 222-28, 222-29 et 222-30 du code pénal)

Dix ans

Traite des êtres humains à l'égard d'un mineur (article 225-4-1 du code pénal)

Proxénétisme à l'égard d'un mineur (article 225-7 du code pénal)

Recours à la prostitution d'un mineur (articles 225-12-1 et 225-12-2 du code pénal)

Corruption de mineur (article 227-22 du code pénal)

Proposition sexuelle à un mineur de 15 ans en utilisant un moyen de communication électronique (article 227-22-1 du code pénal)

Captation, enregistrement, transmission, offre, mise à disposition, diffusion, importation ou exportation, acquisition ou détention d'images à caractère pornographique de mineur et consultation d'un service de communication mettant à disposition de telles images (article 227-23 du code pénal)

Fabrication, diffusion ou commerce d'un message à caractère violent ou pornographique susceptible d'être vu par un mineur (article 227-24 du code pénal)

Incitation d'un mineur à se soumettre à une mutilation sexuelle (article 227-24-1 du code pénal)

Atteintes sexuelles (articles 227-25 et 227-27 du code pénal)

Violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours commises à l'encontre d'un mineur (article 222-12 du code pénal)

Vingt ans

Agressions sexuelles imposées à un mineur de 15 ans (article 222-29-1 du code pénal)

Atteintes sexuelles aggravées sur mineur de 15 ans, notamment en raison de la qualité de leur auteur (article 227-26 du code pénal)

Source : commission des lois du Sénat

2. L'allongement des délais de prescription de l'action publique prévu par l'article 2 de la proposition de loi

L'article 2 de la proposition de loi tend à allonger à trente ans le délai de prescription de l'action publique applicable aux crimes sexuels commis à l'encontre des mineurs. Ce délai de prescription serait identique à celui prévu pour les crimes de guerre, d'eugénisme, de clonage reproductif, de disparition forcée, de trafic de stupéfiants, de nature terroriste, ou encore ceux relatifs à la prolifération d'armes de destruction massive.

L'article 2 tend également à allonger le délai de prescription de l'action publique applicable aux délits sexuels commis à l'encontre des mineurs.

À l'instar des délits de « violence aggravée sur mineur 5 ( * ) », d'agression sexuelle imposée à un mineur de 15 ans 6 ( * ) , « d'atteinte sexuelle aggravée sur mineur de 15 ans 7 ( * ) », tous les délits d'agressions sexuelles, aggravées ou non, se prescriraient désormais par vingt ans, à compter de la majorité des victimes.

Tableau comparatif des principaux délais de prescription

Infraction

Délai de prescription actuel

Délai de prescription
(selon la proposition de loi adoptée par votre commission)

Crimes

20 ans

20 ans

Crimes commis sur les mineurs

20 ans

30 ans

Crimes de guerre, d'eugénisme, de clonage reproductif, de disparition forcée, de trafic de stupéfiants, de nature terroriste, relatifs à la prolifération d'armes de destruction massive

30 ans

30 ans

Délits

6 ans

6 ans

Délits commis sur les mineurs

10 ans

(20 ans pour certains délits tels les agressions sexuelles aggravées)

10 ans

(20 ans pour certains délits tels les agressions sexuelles)

Délits de guerre, de trafic de stupéfiants, de nature terroriste, relatifs à la prolifération d'armes de destruction massive

20 ans

20 ans

Contraventions

1 an

1 an

Source : commission des lois du Sénat

3. La position de votre commission

Si l'allongement du délai de prescription de l'action publique pour les infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs a été salué, notamment par le Conseil français des associations pour les droits de l'enfant (COFRADE), cette mesure a également suscité d'importantes réserves parmi les personnes consultées par votre rapporteur.

Selon l'association française des magistrats instructeurs, les difficultés probatoires, déjà grandes, seront accrues : les traces ADN, les données informatiques ou téléphoniques seront indisponibles et les souvenirs seront imprécis. Cette association rappelle qu'« avec ce nouvel allongement des délais de prescription, l'inévitable déperdition des preuves et altération des témoignages avec le temps, conjuguée au principe fondamental du procès pénal selon lequel le doute doit profiter à l'accusé, ne pourront, en l'absence d'aveu, que conduire à multiplier ces mises hors de cause et, partant, à exacerber la douleur et le ressentiment des plaignants » et met en garde contre le risque de générer de nouvelles souffrances en souhaitant répondre aux attentes des victimes.

Votre rapporteur ne doute pas des difficultés, voire des risques, que comporte l'allongement des délais de prescription de l'action publique 8 ( * ) .

Elle estime nécessaire de ne pas se satisfaire de cette mesure législative pour mieux lutter contre « l'impunité » des auteurs d'infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs ; au contraire, cette mesure symbolique doit être accompagnée d'une politique active permettant aux victimes et à leurs proches de signaler ces faits à la justice le plus tôt possible , conformément aux objectifs mentionnés dans le rapport annexé.

Surtout, votre rapporteur insiste sur la nécessité de disjoindre la prise en charge des victimes du procès pénal qui ne doit pas être une condition nécessaire de la reconstruction des victimes 9 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 2 sans modification .

Article 3 (art. 222-23 du code pénal) - Répression du viol lorsqu'il est commis à l'encontre d'un mineur

L'article 3 de la proposition de loi vise à faciliter la répression des viols commis à l'encontre des mineurs en instaurant une présomption simple de contrainte fondée sur l'incapacité de discernement du mineur ou sur l'existence d'une différence d'âge significative entre le mineur et l'auteur. Il traduit ainsi la proposition n° 13 du rapport d'information précité.

Cette modification n'aurait ni pour objet ni pour effet de changer l'interdit pénal très clairement posé par le délit d'atteinte sexuelle sur mineur (article 227-25 du code pénal) : toute relation sexuelle avec un enfant de moins de 15 ans est interdite au risque de poursuites pénales .

Les éléments constitutifs des agressions sexuelles (y compris le viol)

Trois éléments sont nécessaires pour constituer ces infractions pénales :

- un élément légal : en l'espèce, les faits sont réprimés par les articles 222-22 et 222-23 du code pénal ;

- un élément matériel : un contact physique à caractère sexuel ou, pour le viol, un acte de pénétration sexuelle ;

- un élément intentionnel : la conscience de l'auteur de l'infraction d'exercer une coercition (une contrainte, une violence, une menace ou une surprise) sur la victime. Cet élément intentionnel est indispensable pour ne pas pénaliser les relations sexuelles consenties.

En revanche, l'article 3 de la proposition de loi tend à faciliter la qualification criminelle de viol en permettant de mobiliser plus facilement l'élément de contrainte morale, élément constitutif de l'infraction de viol 10 ( * ) . Contrairement au délit d'atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans, le crime de viol est puni d'une peine de 15 ans de réclusion criminelle, de 20 ans lorsqu'il est commis sur un mineur de 15 ans ou une personne particulièrement vulnérable à raison de son âge et jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité en cas de circonstances aggravantes 11 ( * ) .

Conformément aux principes du droit pénal, cette présomption de contrainte reposerait sur le comportement de l'auteur, c'est-à-dire son intention de commettre un acte de pénétration sexuelle à l'encontre d'un mineur incapable de discernement ou avec lequel il existe une grande différence d'âge. La charge de la preuve serait inversée et reposerait désormais sur l'adulte mis en cause puisque la contrainte morale et donc la qualification criminelle de viol seraient présumées. Pour respecter les principes posés par la Constitution de 1958 et la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il s'agirait d'une présomption simple, ce qui signifie que l'accusé pourrait apporter la preuve contraire. L'écueil d'une criminalisation excessive serait ainsi évité car cette présomption pourrait être renversée dès lors que le discernement du mineur et son consentement à la relation sexuelle seraient établis (que ce mineur soit âgé de 16 ans comme de 14 ans 12 ( * ) ). Ainsi, les relations sexuelles consenties entre mineurs et jeunes majeurs ne relèveraient pas nécessairement de la cour d'assises. Une telle présomption ne discriminerait pas non plus les mineurs en fonction de leur âge : tous bénéficieraient de la même protection, dès lors que les critères de la présomption seraient réunis.

La notion de « discernement » fait déjà l'objet d'une abondante jurisprudence tant en matière civile (pour déterminer la capacité d'entendre l'enfant en justice 13 ( * ) ) qu'en matière pénale (seul un mineur capable de discernement peut faire l'objet de poursuites pénales 14 ( * ) ).

Selon la direction générale de la gendarmerie nationale, le renversement de la charge de la preuve opéré par l'article 3 aurait pour effet que les juridictions de jugement devront alors établir sans conteste le consentement libre et éclairé du mineur pour écarter la qualification de viol en cas de relation sexuelle entre un adulte et un mineur.

Votre rapporteur a souligné la nécessité d'accompagner cette modification législative d'un renforcement significatif des moyens des cabinets d'instruction et des cours d'assises : les crimes de « viol sur mineurs » doivent être réprimés de manière à la fois prompte et effective. Il est inutile de faciliter la criminalisation de ces comportements si les magistrats ne sont pas assez nombreux 15 ( * ) ou suffisamment formés 16 ( * ) pour assurer une justice de qualité.

Votre commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 4 (paragraphe 3 du chapitre II du titre II du livre II et art. 222-31-1 du code pénal) - Extension de la surqualification pénale d'inceste

L'article 4 de la proposition de loi vise à étendre la surqualification pénale de l'inceste aux viols et autres agressions sexuelles commis à l'encontre de majeurs. Il traduit ainsi la proposition n° 14 du rapport d'information précité.

1. La surqualification pénale d'inceste

Depuis la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant, il existe une surqualification pénale d'inceste, obligatoirement retenue par les juridictions lorsque les conditions sont réunies, applicable aux infractions d'agression sexuelle et « d'atteinte sexuelle sur mineurs ».

En application de l'article 222-31-1 du code pénal, les viols et les autres agressions sexuelles « sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis sur la personne d'un mineur » par un ascendant, un frère, une soeur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce de la victime ou le conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité de l'une de ces personnes, s'il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait.

Entre le 16 mars 2016 et le 31 décembre 2016, 393 infractions sexuelles (dont 86 viols) ont été qualifiées d'incestueuses.

2. L'extension du champ d'application de la surqualification pénale d'inceste prévue par l'article 4 de la proposition de loi

Conformément à la recommandation n° 14 du rapport d'information précité, l'article 4 de la proposition de loi tend à modifier l'article 222-31-1 du code pénal afin d'étendre la surqualification pénale d'inceste aux agressions sexuelles commises à l'encontre des majeurs .

Cette surqualification pénale s'appliquerait aux faits commis par l'ascendant, le frère, la soeur, l'oncle, la tante, le neveu ou la nièce de la victime ainsi qu'au conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité de ces personnes, s'il a sur la victime une autorité de droit ou de fait.

En effet, l'inceste ne disparaît pas à la majorité de la victime, a fortiori si l'auteur de l'infraction autonome (qu'il s'agisse d'un viol ou d'une autre agression sexuelle) continue d'exercer une autorité de fait ou de droit sur la victime, susceptible de caractériser une contrainte morale.

Votre commission a approuvé sans réserve cette extension. À l'initiative de son rapporteur, elle a adopté un amendement COM-4 visant à modifier, par cohérence, l'intitulé du paragraphe 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 5 (art. 227-25 du code pénal) - Aggravation des peines encourues pour le délit d'atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans

L'article 5 de la proposition de loi tend à aggraver les peines encourues pour le délit d'atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans et à clarifier la rédaction de ce délit. Il traduit ainsi la proposition n° 15 du rapport d'information précité.

1. L'aggravation des peines encourues pour le délit d'atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans

Le code pénal réprime tout acte de nature sexuelle commis par un majeur à l'encontre d'un mineur de 15 ans au motif qu'un mineur de moins de 15 ans est incapable d'y consentir librement.

Actuellement, le délit « d'atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans » est puni d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Ces peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende pour un certain nombre de circonstances aggravantes, notamment lorsque les faits ont été commis par une personne ayant une autorité de droit ou de fait sur la victime (article 227-26 du code pénal).

Par rapport aux autres infractions comparables dans les pays de l'Union européenne, les peines encourues en France peuvent apparaître moins élevées, même si la France distingue les « viols sur mineurs de 15 ans » des « atteintes sexuelles sur mineurs de 15 ans ».

Les peines encourues en Europe en cas d'atteinte sexuelle sur mineur

En application de la section 176 du code pénal allemand, tout majeur ayant une « activité sexuelle » avec un mineur de 14 ans encourt une peine de six mois à dix ans d'emprisonnement. En cas de pénétration, la peine minimale est fixée à deux ans d'emprisonnement.

En application de l'article 183 du code pénal espagnol, tout majeur qui agit contre « l'intégrité sexuelle » d'un mineur de 16 ans encourt une peine de deux à six ans d'emprisonnement (« abus sexuel sur mineur »). En cas de violence ou d'intimidation, la peine est portée à dix ans d'emprisonnement (« agression sexuelle sur mineur »). En cas de pénétration, la peine est fixée entre huit à douze ans d'emprisonnement (voire douze à quinze ans d'emprisonnement en cas de violence ou d'intimidation).

En application de la section 244 du code pénal néerlandais, tout majeur qui commet un acte de pénétration à l'encontre d'un mineur de 15 ans encourt une peine pouvant être fixée à douze ans d'emprisonnement.

L'article 5 de la proposition de loi vise à modifier l'article 227-25 du code pénal pour porter les peines encourues de cinq à sept ans d'emprisonnement et de 75 000 à 100 000 € d'amende. En application de l'article 227-26 du code pénal, la peine maximale pour « atteinte sexuelle aggravée sur mineur de 15 ans » resterait de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende afin de conserver une qualification délictuelle.

2. La clarification de la rédaction du délit d'atteinte sexuelle sur mineur

La définition de l'atteinte sexuelle, qui n'exige qu'un contact physique de nature sexuelle, permet de réprimer très largement tous les comportements. Elle intervient de manière subsidiaire aux infractions d'agressions sexuelles (ou de viol en cas de pénétration).

Cette infraction s'applique même en cas de consentement du mineur à un acte sexuel avec un majeur. Pour autant, il serait erroné de considérer qu'elle ne concerne que la répression des relations sexuelles, apparemment « consenties », entre un mineur et un majeur.

Afin de clarifier la portée de l'article 227-25 du code pénal, l'article 5 vise à préciser que cette infraction réprime tout acte sexuel entre un mineur de 15 ans et un majeur « hors le cas de viol ou de toute autre agression sexuelle ».

Votre commission a approuvé ces modifications qui correspondent à l'évolution de la société quant à la réprobation de ces comportements et permettent de renforcer la répression des infractions sexuelles lorsqu'ils sont commis sur un mineur de 15 ans.

Votre commission a adopté l'article 5 sans modification.

Article 6 (art. 434-3 du code pénal) - Prescription de l'action publique du délit de non-dénonciation des mauvais traitements subis par un mineur

L'article 6 de la proposition de loi vise à allonger le délai de prescription du délit de non-dénonciation des mauvais traitements subis par un mineur. Il traduit ainsi la proposition n° 7 du rapport d'information précité.

À l'exception des personnes soumises à un secret professionnel, toute personne ayant connaissance de sévices infligés à un mineur, qu'il s'agisse de mauvais traitements susceptibles d'une qualification pénale ou non, a l'obligation d'en informer immédiatement les autorités judiciaires ou administratives. Cette abstention fautive constitue un délit puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende par l'article 434-3 du code pénal 17 ( * ) .

Outil efficace incitant au signalement des violences, sexuelles ou non, infligées aux mineurs, cette infraction est cependant apparue insuffisamment dissuasive en raison de son régime de prescription. Selon l'interprétation de la jurisprudence actuelle, le délai de prescription de six ans 18 ( * ) court à partir du jour où l'auteur du délit a eu connaissance de l'infraction à dénoncer.

Pour renforcer l'effectivité de cette incrimination, votre rapporteur a proposé, dans le rapport d'information précité, « d'affirmer le caractère continu de l'infraction de non-dénonciation des agressions et des atteintes sexuelles commises à l'encontre des mineurs afin de reporter le point de départ du délai de prescription ». L'article 6 de la proposition de loi traduit cette recommandation en reportant le point de départ du délai de prescription de ce délit au jour où la situation illicite constituant le délit de non-dénonciation prend fin.

Les personnes consultées par votre rapporteur ont, pour la plupart, salué cette disposition qui permettrait de faciliter les signalements, en particulier dans les environnements familiaux. Néanmoins, selon l'association française des magistrats instructeurs (AFMI), ce changement de régime de la prescription par l'affirmation du caractère continu de l'infraction pourrait également conduire les auteurs à s'abstenir de dénoncer tardivement les faits, par crainte d'être poursuivis : alors que le régime précédent incitait les auteurs de l'infraction à révéler rapidement les faits connus pour être exonérés de toute responsabilité pénale, l'affirmation du caractère continu de l'infraction pourrait les conduire à s'abstenir de révélation tardive.

Votre rapporteur considère toutefois que la dénonciation des faits à la justice, même tardive, reste une circonstance atténuante de responsabilité concernant les faits de non-dénonciation immédiate des mauvais traitements subis par un mineur. Surtout, par son caractère dissuasif, ce régime devrait permettre, à l'avenir, d'encourager toute personne ayant connaissance de tels faits à les signaler le plus rapidement possible

Votre commission a adopté un amendement COM-5 de son rapporteur visant à clarifier la rédaction de l'article 6.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 7 (nouveau) (art. 711-1 du code pénal et art. 804 du code de procédure pénale) - Application outre-mer

L'article 7 de la proposition de loi, qui résulte de l'adoption par votre commission d'un amendement COM-6 de son rapporteur, vise à permettre l'application dans les outre-mer de la réforme proposée.

Sur le plan formel, il met à jour le « compteur » de l'article 711-1 du code pénal et celui de l'article 804 du code de procédure pénale.

Votre commission a adopté l'article 7 ainsi rédigé .

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.


* 4 Loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale.

* 5 Infraction définie à l'article 222-12 du code pénal.

* 6 Infraction définie à l'article 222-29-1 du code pénal.

* 7 Infraction définie à l'article 227-26 du code pénal.

* 8 Sur ce point, votre rapporteur renvoie aux développements du rapport d'information précité, pages 88-91.

* 9 Sur ce point, votre rapporteur renvoie aux développements du rapport d'information précité, pages 102-112.

* 10 Sur ce point, votre rapporteur renvoie aux développements du rapport d'information précité, pages 77-86.

* 11 Lorsque le viol est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d'actes de barbarie.

* 12 Dans ce dernier cas, la relation sexuelle sera néanmoins toujours pénalement qualifiée « d'atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans » et susceptible d'être réprimée d'une peine d'emprisonnement de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende (ou sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende en application de l'article 5 de la proposition de loi).

* 13 En application de l'article 338-1 du code civil, « le mineur capable de discernement est informé par le ou les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale, le tuteur ou, le cas échéant, par la personne ou le service à qui il a été confié de son droit à être entendu et à être assisté d'un avocat dans toutes les procédures le concernant. »

* 14 En application de l'article 122-8 du code pénal, « les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation dont ils peuvent faire l'objet. »

* 15 Sur ce point, votre rapporteur renvoie aux développements du rapport d'information « Cinq ans pour sauver la justice ! » de M. Philippe Bas (pages 57-60).

Rapport d'information n° 495 (2016-2017) de M. Philippe Bas, président-rapporteur, Mme Esther Benbassa, MM. Jacques Bigot, François-Noël Buffet, Mme Cécile Cukierman, MM. Jacques Mézard et François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois, par la mission d'information sur le redressement de la justice, déposé le 4 avril 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-495-notice.html

* 16 Sur ce point, votre rapporteur renvoie aux développements du rapport d'information précité, page 101.

* 17 Le délit concerne également toute personne vulnérable, c'est-à-dire, « qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse ».

* 18 Soit le délai de prescription de droit commun pour les délits, en application de l'article 8 du code de procédure pénale.

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