B. UN TEXTE « FOURRE-TOUT »ET PARFOIS CONTRE PRODUCTIF
Au-delà des grands principes qui méritent toujours d'être rappelés, votre commission spéciale a été déroutée par l'extrême diversité des sujets traités par le projet de loi qui vont de l'amélioration des procédures de rescrit fiscal et douanier à l'exercice de l'entrepreneur de spectacles vivants...
Interpellé à ce sujet lors de son audition par votre commission spéciale 8 ( * ) , le ministre de l'Action et des Comptes publics a déclaré : « ce n'est pas un texte fourre-tout [...] C'est un texte de projets et de principes, avec des exemples ».
Votre commission spéciale a bien admis que le projet de loi n'était effectivement pas à proprement parler un texte de simplification. Elle a d'ailleurs appliqué avec une certaine rigueur le principe d'irrecevabilité de l'article 45 de la Constitution qui écarte les cavaliers n'ayant pas de lien même indirect avec le texte déposé en première lecture. Mais elle aurait préféré examiner un texte plus resserré et des dispositions plus directement opérationnelles.
En effet les articles proposant des dispositions procédurales nouvelles sont souvent des reprises, par la loi, de mécanismes existants qui fonctionnent déjà à la satisfaction de tous, usagers et administration. Le risque de cette transposition est de rigidifier des dispositifs dont les principales qualités sont la souplesse et l'agilité.
Cet effet pervers est d'autant plus regrettable que le projet de loi vise à développer l'adaptabilité de l'administration. L'exemple le plus emblématique de ces mesures contre productives est celui du médiateur de la mutualité sociale agricole, créé sans texte il y a plus de quinze ans, et dont le projet de loi risquait de paralyser le fonctionnement en voulant définir un régime commun avec les médiateurs des caisses d'allocations familiales et d'assurance vieillesse.
S'agissant des « exemples », votre commission spéciale regrette qu'ils prennent trop souvent la forme de demandes d'habilitations à légiférer par ordonnances . Au nombre de douze pour un projet de loi de 70 articles, les demandes d'habilitation touchent des secteurs très larges et parfois mal définis. Considérant que ces habilitations ont pour conséquence de dessaisir le Parlement de sa compétence et qu'elles sont demandées alors même que l'administration n'a encore reçu aucune orientation du Gouvernement ni engagé la moindre consultation, votre commission en a supprimé certaines et réduit, par principe, leur durée à un maximum de douze mois.
Elle approuve, en revanche, le recours aux expérimentations (très nombreuses - dix-sept au total), même si certaines devaient pouvoir être conduites sans recourir à la loi, et souhaite que les résultats de leurs évaluations soient effectivement transmises au Parlement dans des conditions qui lui permettent de se prononcer sur leur généralisation.
Enfin, votre commission spéciale très soucieuse de garantir une information privilégiée du Parlement 9 ( * ) , a considéré que l'accumulation de rapports (une cinquantaine dans le texte transmis par l'Assemblée nationale) parfois demandés à des autorités mises en concurrence sur un même sujet, ne garantissait en aucune façon l'application de la loi et que le nombre en cette matière était souvent à l'opposé de la qualité. Elle a donc, très largement, allégé sur ce point le projet de loi.
En définitive, votre commission spéciale a procédé à un examen constructif mais exigeant des dispositions qui lui étaient soumises. Elle attend du Gouvernement qu'il apporte en séance publique des précisions sur les mesures qui seront prises, notamment en matière de formation, pour soutenir les administrations dans la mise en place des nouvelles procédures et des expérimentations. Il conviendra également de veiller à ce que l'objectif de dématérialisation ne pénalise pas les relations humaines et d'adapter les moyens des administrations en direction des territoires qui sont déjà les moins dotés en services publics. À cet égard, votre commission spéciale souhaite qu'une attention particulière soit portée aux observations que formuleront les élus locaux.
Exposé général
* 8 Audition du 14 février 2018.
* 9 Cet accès privilégié est à la base de la fonction de contrôle.