C. L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT
Le secteur éducatif est une composante importante de la relation. Avec près de 7 000 étudiants, les étudiants vietnamiens constituent la deuxième communauté étudiante asiatique en France, qui est leur troisième pays d'accueil . La France et le Vietnam ont développé conjointement de nombreuses coopérations universitaires et scientifiques, dont l'Université des sciences et des technologies de Hanoï (USTH), créée en 2009 par un accord intergouvernemental, et le Centre franco-vietnamien de gestion (CFVG), qui ambitionne de devenir une grande école de commerce en Asie du Sud-Est. Sur le plan culturel, une « année France-Vietnam » a été organisée en 2013-2014 à l'occasion du quarantième anniversaire de l'établissement de relations diplomatiques.
L'engagement de la France reste fort en termes d'aide au développement : la France est historiquement le deuxième donateur bilatéral du Vietnam après le Japon, avec 1,7 milliard d'euros d'engagements cumulés depuis 1993. La coopération financière est également dense ; le Vietnam est ainsi le troisième récipiendaire de nos financements , avec plus de 350 millions d'euros de projets financés depuis 2006 par la Réserve pays émergents (RPE), devenue depuis 2015 le « Prêt du Trésor concessionnel ». Par ailleurs, l'Union européenne a annoncé un montant indicatif de 400 millions d'euros pour la période 2014-2020, en priorité dans les domaines de la gouvernance, de l'énergie et de la lutte contre le changement climatique.
D. LA COOPÉRATION DANS LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ
Il est difficile de qualifier la « criminalité organisée » au Vietnam, du fait de la conjonction de plusieurs facteurs locaux :
- en premier lieu, l'importance du secteur économique informel dans le pays. Ce facteur implique que des pans entiers d'activités se déroulent hors du cadre réglementaire et/ou légal de référence. Dans cette vaste « zone grise », avec de nombreuses porosités, il est donc parfois difficile de distinguer ce qui peut relever, ou non, de la criminalité organisée ;
- en second lieu, la diffusion massive des phénomènes de corruption , qui touchent toutes les couches de la société, qu'il s'agisse des actes les plus simples du quotidien ou de systèmes complexes de grande ampleur. Dans un pays par ailleurs étroitement contrôlé par l'État et le Parti, où les frontières entre activités privées, publiques, parapubliques sont souvent brouillées, la qualification de « criminalité organisée » est donc chose particulièrement malaisée - c'est le cas, par exemple, du blanchiment d'argent.
Dans ce contexte, il est toutefois possible de mettre en lumière les secteurs sur lesquels la France a engagé des actions de coopération de sécurité intérieure , et pour lesquels il est possible de disposer d'éléments objectifs facilitant l'identification d'une dimension relevant clairement de la criminalité organisée 2 ( * ) .
1. La contrefaçon de médicaments et produits de consommation présentant un risque pour la santé
De 2012 à 2015, le « Projet Mékong », financé par le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) 3 ( * ) , a soutenu la capacité des services vietnamiens chargés de la prévention et de la lutte dans ce domaine. Les saisies ont été importantes (plus de 22 tonnes sur 3 ans).
2. L'immigration irrégulière
La coopération franco-vietnamienne en matière de lutte contre les filières d'immigration irrégulière s'est renforcée au cours de ces dernières années. Ces filières sont organisées par des groupes criminels installés au Vietnam et en Europe. Les pays de destination finale sont pour l'essentiel l'Allemagne et le Royaume-Uni, mais la France, pays de transit, doit faire face à une pression migratoire irrégulière relativement soutenue.
En effet, depuis plusieurs années, les services français de la police aux frontières enregistrent une hausse du nombre d'irréguliers se présentant à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle , dépourvus de tout document de voyage et d'identité, et identifiés après enquête comme étant des ressortissants vietnamiens.
Depuis, un processus visant à améliorer nos échanges a été engagé avec la visite d'une délégation vietnamienne à Paris fin octobre 2014. En mars 2016, une opération « Calais » a été organisée en France : vingt-trois personnes en situation irrégulière ont été identifiées dans le cadre de cette opération et reconduites, avec l'appui d'agents du département de l'immigration vietnamien.
3. Le trafic de stupéfiants
En dépit d'une législation extrêmement sévère 4 ( * ) , le trafic de drogue se développe de façon préoccupante au Vietnam. Le pays est sous l'influence des grands centres de production et de transformation de drogue du « Triangle d'or » (Laos, Birmanie, Thaïlande), et constitue une zone de transit des produits stupéfiants, en provenance de Chine et de Malaisie, et à destination de l'Europe et des États-Unis.
Les saisies de produits stupéfiants effectuées par les services de police vietnamiens démontrent que l'héroïne, l'opium et le cannabis restent prégnants sur le marché de la drogue vietnamien. Toutefois, le dynamisme du marché des drogues de synthèse traduit une nouvelle tendance inquiétante. Connus sous les noms de « sel de bain », « meth », « K2/Spice » ou « Yaba », ces produits stupéfiants sont vendus en poudre, sous forme de cristaux translucides ou de pilules. Utilisés souvent comme drogues dites « récréatives » dans le milieu de la nuit, elles tendent aujourd'hui à pénétrer tous les milieux, ciblant principalement les jeunes.
Ces nouvelles drogues de synthèse, en provenance de Chine et du Laos pour l'essentiel, sont parfois transformées au Vietnam par des « chimistes » formés en Europe de l'Est. Plusieurs laboratoires clandestins ont été détruits ces dernières années. 90 % des produits stupéfiants saisis au Vietnam transitent depuis les pays voisins par la voie routière.
Selon les chiffres du ministère vietnamien de la sécurité publique -qu'il convient de prendre avec précaution -, les services de police vietnamiens auraient saisi, en 2016, 608 kg d'héroïne, 15 kg de cocaïne, 92 kg d'opium, 146 kg de cannabis, 1,6 kg de marijuana, 4 kg de kétamine, 840 kg de drogue synthétique et 427 655 comprimés/pilules/cachets.
4. Le trafic d'êtres humains
Le Vietnam est essentiellement un « pays source ». Au plan régional et international, de nombreuses femmes vietnamiennes sont envoyées en Chine, au Laos, au Cambodge, en Thaïlande, en Malaisie ou vers des pays européens à des fins de mariage forcé, d'exploitation sexuelle ou d'esclavage moderne. Au plan national, le trafic des femmes est également organisé par des groupes criminels depuis les zones rurales et pauvres vers les centres urbains industrialisés du pays.
5. Les abus sexuels et le tourisme sexuel au préjudice des mineurs
Le tourisme sexuel se développe dans le pays. Le renforcement des capacités techniques et opérationnelles de la police thaïlandaise en matière de lutte contre le tourisme sexuel entraîne un déplacement du phénomène vers le Cambodge, mais aussi vers le Vietnam. Cette criminalité est moins visible au nord du pays (Hanoï) qu'au sud (Hô-Chi-Minh-Ville). Un nombre croissant d'organisations non gouvernementales et d'associations spécialisées en ce domaine s'implantent au Vietnam et engagent des actions de plaidoyer auprès des autorités pour tenter de lever le tabou sur cette forme de criminalité, en particulier dans le milieu familial.
* 2 Éléments transmis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères en réponse au questionnaire écrit de votre rapporteure.
* 3 Le Fonds de solidarité prioritaire est l'instrument du Quai d'Orsay de financement de ses interventions bilatérales au titre de l'aide publique au développement sous forme d'aide-projets.
* 4 Cette infraction est en effet passible de la peine capitale ( cf. infra ).