B. LE RETOUR DE L'ÉTAT DANS LE FINANCEMENT DE L'ANAH : UN SOUTIEN BIENVENU POUR COMPENSER LA FIN DES ENGAGEMENTS DU PIA, LA NÉCESSITÉ DE FIXER DES OBJECTIFS RÉALISTES

1. Une enveloppe budgétaire bienvenue de 110 millions d'euros en 2018 et d'1,2 milliard d'euros sur le quinquennat, pour prendre le relais du PIA qui s'achève

Pour la première fois depuis 2013 (ou 2012 si l'on tient compte du fait que les crédits inscrits en 2013 n'ont finalement jamais été versés à l'Anah), le programme 135 de la mission « Cohésion des territoires » prévoit une nouvelle enveloppe de 110 millions d'euros (AE=CP) pour 2018, destinée à lutter contre les « passoires thermiques » des ménages les plus précaires en finançant le programme « Habiter mieux ».

Ces crédits sont d'ailleurs compris dans les 1,2 milliard d'euros que le Gouvernement entend consacrer à ce programme au cours du quinquennat et qui figurent parmi les 57 milliards d'euros du « Grand plan d'investissement » (GPI) lancé le 25 septembre 2018.

Présentation synthétique des investissements du Grand plan d'investissement par axe d'intervention

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du rapport au Premier ministre sur le grand plan d'investissement 2018-2022, septembre 2017

Les montants annoncés en faveur de ce programme géré par l'Anah sont donc conséquents et l'on ne peut que se réjouir du retour de l'État, par des crédits budgétaires, dans le financement de cette politique publique essentielle pour accompagner les ménages modestes et favoriser la transition énergétique.

Ils garantissent, en effet, une ressource stable - les crédits du GPI ne devant, en principe, pas faire l'objet de mise en réserve ni de régulation en cours d'année - et assurée sur cinq ans , selon les engagements pris par le Gouvernement.

Cette évolution rejoint les préconisations de votre rapporteur spécial qui, au cours de l'examen des derniers projets de loi de finances, appelait de ses voeux l'attribution de ressources permettant de sécuriser le budget de l'agence, lequel repose essentiellement sur les cessions de quotas carbone dont le cours ne cesse de varier.

En outre, les dotations accordées chaque année devraient même progresser puisqu'avec 1,2 milliard d'euros pour la période 2018-2022 et 110 millions d'euros inscrits pour 2018, près d'1,1 milliard d'euros restent disponibles pour les quatre années à venir.

En revanche, ces crédits budgétaires ne constituent pas des moyens nouveaux pour l'Anah , même si l'enveloppe est conséquente . En effet, ils prennent surtout le relais du Fonds d'aide à la rénovation thermique (Fart) , issu du premier programme d'investissements d'avenir (PIA 1). Initialement doté de 500 millions d'euros en 2010, il a finalement atteint, par le biais de redéploiement de crédits de programmes, 687 millions d'euros. Il permet de financer l'aide de solidarité écologique (ASE) qui complète les subventions spécifiques de l'Anah dans le cadre du programme « Habiter mieux ». Les engagements pour la période 2010-2016 ont atteint 552 millions d'euros.

Conformément à la convention conclue lors de la création de ce fonds, les engagements sur le programme s'achèvent à la fin de l'année 2017 . Les crédits non employés seront ainsi rendus au budget général de l'État . L'Anah espère que ces crédits, qui devraient représenter autour de 30 millions d'euros d'après les dernières estimations, lui reviendront.

2. Un budget de l'Anah davantage sécurisé mais toujours soumis à l'aléa du cours des cessions de quotas carbone

À ce stade et contrairement aux autres années, votre rapporteur spécial n'a pas eu connaissance des hypothèses de travail de l'Anah pour le budget 2018 , en termes de ressources et de dépenses, faute de validation par les ministères de tutelle de l'agence. Il a donc travaillé à partir des éléments figurant dans les réponses à son questionnaire budgétaire et des informations recueillies lors de l'audition de Blanche Guillemot, directrice générale de l'Anah.

Les ressources devraient, en tout état de cause, rester les mêmes :

- principalement le produit de la mise aux enchères des quotas carbone ;

- le produit de la taxe sur les logements vacants, affecté à l'agence pour un montant maximal de 21 millions d'euros ;

- la contribution des fournisseurs d'énergie ;

- la contribution de la caisse nationale de la solidarité pour l'autonomie. Un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'article 18 du projet de loi de financement de la sécurité sociale permet de prolonger la participation de la CNSA au financement de l'adaptation des logements à la perte d'autonomie, à hauteur de 20 millions d'euros en 2018 (contre 40 millions d'euros par an pour la période 2015-2017).

Comparaison du budget de l'Anah sur la période 2016-2018
par nature du financement

(en millions d'euros)

Nb : pour 2018, le budget présenté ne tient pas compte des 110 millions d'euros affectés au titre du programme « Habiter mieux » car les précédents budgets ne tenaient pas compte des crédits du PIA dont ils prennent principalement le relais. Toutefois, ils constitueront bien une ressource stable de l'Anah en 2018 et intégrée à son budget.

Source : commission des finances d'après les chiffres fournis par l'Anah lors de l'audition de sa directrice générale et du questionnaire budgétaire

Il ne devrait en revanche n'y avoir aucune contribution d'Action logement comme par le passé, sauf si la prochaine convention pluriannuelle conclue entre elle et l'État le prévoyait. Toutefois, cette hypothèse est assez peu probable, Action logement étant a priori davantage enclin à soutenir des politiques publiques rejoignant plus directement ses activités. Or l'Anah intervient assez peu sur le secteur locatif.

La contribution de 50 millions d'euros dont a bénéficié l'agence en 2017 par le fonds de financement pour la transition énergétique reste exceptionnelle et ne devrait pas se reproduire en 2018. En effet, ce fonds n'a pas vocation à perdurer.

S'agissant du produit des cessions de quotas carbone, l'aléa de la ressource assurée à l'Anah reste prégnant .

Pour 2018, les hypothèses de l'agence reposent actuellement sur un cours s'établissant avec un prix moyen de 6,2 euros la tonne , en tenant compte d'un accord conclu à Bruxelles au début de l'année 2017 et qui devrait permettre de soutenir le marché du carbone, pour produire surtout ses effets à compter de 2019.

Ces prévisions s'avèrent toutefois incertaines : en 2017, alors que l'estimation s'élevait à 6 euros la tonne dans le budget de l'agence, le cours moyen constaté ne s'est finalement élevé qu'à 4,99 euros la tonne de janvier à juillet. D'un autre côté, la projection pour la période d'août à décembre 2017 est évaluée à 5,3 euros la tonne mais la réalisation pourrait être finalement meilleure compte tenu des cours constatés depuis le mois de septembre. Effectivement, le prix à la tonne s'élève actuellement autour de 7 euros.

Chaque année, la principale ressource de l'Anah reste donc très variable et, en tout état de cause, d'un montant éloigné du plafond d'affectation de cette taxe à l'agence , fixé à 540 millions d'euros.

Évolution du produit des cessions de quotas carbone -
Prévision et réalisé sur la période 2014-2018

(en millions d'euros)

Nb : Pour 2017, il s'agit d'une prévision d'exécution à fin d'année et pour 2018 d'une hypothèse de travail

Source : commission des finances d'après les chiffres de l'Anah et du questionnaire budgétaire

Quoiqu'il en soit, la situation financière de l'Anah est meilleure qu'au cours des années précédentes puisque son fonds de roulement lui permet actuellement de couvrir deux mois d'activité , contre trois semaines auparavant.

3. Des objectifs trop élevés voire irréalistes ?

L'Anah voit ses objectifs maintenus à des niveaux élevés pour 2018, en particulier 75 000 logements rénovés dans le cadre du programme « Habiter mieux », dont 10 000 issus de copropriétés fragiles.

La fixation d'objectifs ambitieux pour les rénovations thermiques est positive mais elle doit également rester réaliste . En effet, en 2016, le nombre de logements à rénover avait été fixé à 50 000 en début d'année, pour être ensuite porté à 70 000 avec des moyens supplémentaires accordés (redéploiement de crédits en faveur du Fart dans le cadre du PIA notamment). Or finalement se sont 40 726 logements qui ont pu être rénovés, soit seulement 58 % de l'objectif révisé en cours d'année.

En 2017, le précédent gouvernement a même porté cet objectif à 100 000 logements, dont 30 000 dans des copropriétés fragiles. Or, d'après les éléments recueillis par votre rapporteur spécial, le résultat devrait plutôt atteindre 60 000 logements cette année, ce qui constituerait déjà une nette augmentation par rapport à 2016 mais loin d'atteindre l'objectif initialement fixé. Celui-ci était d'ailleurs probablement irréaliste . Il est même possible que les résultats obtenus en fin d'année soient encore moins élevés car il s'agit de projections, probablement optimistes, de l'Anah.

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